Débat militant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°4
6 janvier 2002

Sommaire :

Editorial : Nos vœux

Tournant dans la mondialisation impérialiste ou l'actualité concrète des tâches révolutionnaires
Notre campagne, ses objectifs et ses axes politiques
Retour sur le mouvement des gendarmes
Guerre en Afghanistan :
Notes de lectures à propos de Lutte de classe, revue de Lutte ouvrière


Tous nos vœux pour une réelle coopération des peuples et des travailleurs

Depuis le 1er janvier, l'euro est la monnaie commune pour 300 millions d'Européens. Malgré ses limites, elle témoigne d'une réalité qui rejette loin en arrière les frontières réactionnaires et la division des peuples selon une appartenance nationale.
Elle est le symbole de l'évolution vers la nécessaire coopération entre les peuples comme facteur de progrès, à l'opposé de tout repliement nationaliste. Cette évolution existe déjà dans les consciences et personne parmi la population ne regrette vraiment la disparition de la monnaie nationale.
Mais ce n'est pas cette aspiration à la coopération entre les peuples qui a suscité la création de l'euro. Les bourgeoisies européennes l'ont adopté pour en faire un outil au service d'une concurrence exacerbée dans le cadre de la mondialisation.
Rivales entre elles, elles ne peuvent espérer gagner des parts de marché qu'en concluant des accords à l'échelle du continent européen pour tenter de faire un tant soit peu le poids face à la plus puissante économie, celle du continent nord-américain. Elles n'ont pas eu le choix que de se doter d'une monnaie unique pour faciliter les échanges commerciaux entre les douze pays européens qui avaient réussi à imposer à leurs classes ouvrières les sacrifices indispensables pour satisfaire aux critères élaborés par la BCE (banque centrale européenne).
Cette politique de " réduction des déficits publics " dont les gouvernements de gauche comme de droite se sont fait les serviteurs zélés a entraîné la dégradation des services publics utiles à la collectivité, le gel des salaires, le blocage des embauches, pour dégager toujours plus de liquidités financières disponibles pour les trusts et les groupes financiers.
Dès le 1er janvier 99 l'euro a été mis en place pour les marchés financiers pour faciliter les restructurations d'entreprises, les fusions, les investissements financiers. Comme l'ont déclaré les nouveaux PDG du premier groupe mondial de l'acier, Arcelor, fusion du groupe français Usinor, de l'espagnol Aceralia et du luxembourgeois, Arbed, ce qu'ils partagent c'est une même politique pour faire baisser le coût du travail et unis, ils pourront exercer une pression encore plus forte contre les salaires.
Plus qu'une monnaie unique, l'euro est une monnaie commune : les pièces ont deux faces, l'une nationale, l'autre européenne. Pour construire une Europe économique et financière, les grands groupes capitalistes ont besoin de garder la protection de leur Etat national ; une véritable unification politique n'est pas à l'ordre du jour tellement ils craignent de perdre leurs privilèges et leurs prérogatives nationales.
Chirac, dans son allocution du 31 décembre, a salué le " moment historique " de l'arrivée de l'euro pour mieux vanter " une France plus forte " qui doit faire " de grandes réformes de modernisation de la société, de l'économie, de l'Etat ", comme la réforme des retraites dont tout le monde sait qu'il s'agit, sous prétexte de les défendre, de les attaquer.
Il y a une belle unanimité entre politiciens de droite et de gauche pour prétendre que l'Union économique et monétaire est un pas en avant vers la paix et la démocratie et tenter de nous persuader que nous avons les mêmes intérêts que nos patrons. Pour Jospin, nous devons faire preuve de " patriotisme économique ". Et selon les déclarations de Jacques Delors, ancien ministre socialiste, au Journal du dimanche, l'Europe est " le laboratoire exemplaire d'une mondialisation maîtrisée ".
L'adoption de l'euro contribue à poser la question de l'appartenance des salariés et des peuples à une même communauté, celle du monde du travail. Et les salariés des banques et de la Poste qui se sont mis en grève, dès la nouvelle année, sont là pour le rappeler.
Les luttes sont la seule voie pour aller vers une Europe réellement démocratique, débarrassée du parasitisme de l'exploitation capitaliste.
Les ravages de la mondialisation sont ceux-là mêmes contre lesquels sont entrés en lutte aujourd'hui les travailleurs et les pauvres d'Argentine dont le pays a été pillé par une bourgeoisie rapace et soumise à la finance mondiale. La faillite de l'Etat argentin c'est la faillite de la bourgeoisie financière. Et la révolte de la population c'est l'espoir en une transformation sociale pour le monde.
Ce sont les meilleurs vœux que nous pouvons formuler pour l'année à venir.


" Il ne saurait y avoir de dogmatisme là où le critère suprême et unique de la doctrine est dans sa conformité au processus réel du développement économique et social, il ne saurait y avoir de sectarisme quand il s'agit de contribuer à l'organisation du prolétariat, et que par suite, le rôle des " intellectuels " consiste à rendre inutile l'existence de dirigeants particuliers appartenant à l'intelligentsia ".
Lénine, 1894

Tournant dans la mondialisation impérialiste ou l'actualité concrète des tâches révolutionnaires


" Succédant au cycle entamé le 9 novembre 1989, lors de la chute du mur de Berlin, une nouvelle période historique vient indiscutablement de démarrer " écrivait Ignacio Ramonet dans le Monde diplomatique du mois de décembre de l'année dernière.
Il y a là quelque chose de vrai, expression du sentiment qu'une rupture a eu lieu. Il y a, cependant, une volonté d'en rester au sensationnel, au symbolique de l'événement, qui ne permet pas d'en prendre la mesure.
Le 11 septembre, comme le 9 novembre, seront des jalons dans l'histoire comme symboles de transformations en cours mais ils ne sont l'un et l'autre ni cause ni effet essentiel.
Le 9 novembre marque une étape dans le long processus de dégénérescence de la révolution d'Octobre 17 qui a abouti à la restauration de la propriété privée dans l'ex-URSS. Si, par ailleurs, le 11 septembre est un des événements qui indique effectivement l'entrée dans une nouvelle période, reste à discuter le contenu réel de cette " nouvelle période ", du point de vue de la lutte contre le libéralisme impérialiste. Mais pas plus que le 9 novembre n'ouvrait une ère de démocratie, le 11 septembre n'ouvre une ère de lutte entre la démocratie et le terrorisme !
En rester ainsi au niveau de l'événement, du sensationnel, devient la meilleure façon de minimiser les évolutions profondes pour discuter au premier degré des discours officiels. Pour les militants du mouvement ouvrier, il s'agit au contraire de restituer l'événement dans les évolutions profondes en cours non pour chercher à minimiser quoi que ce soit mais, bien au contraire, pour essayer de dégager l'importance de ces évolutions qui se font, elles, le plus souvent à bas bruit.
Mettre l'accent sur l'événement en lui-même masque les vraies causes du drame du World Trade Center et obscurcit tout. L'absence de causes intelligibles s'inscrivant dans une logique sociale et politique ne laisse pas d'autre choix aux esprits désorientés que de s'abandonner sinon à la bonne raison de ceux qui dirigent le monde, du moins à leur capacité de s'amender puisque eux seuls auraient les moyens d'apporter des solutions à la barbarie qui ensanglante le monde. Il faudrait certes faire pression, se mobiliser, mais tout ne peut venir que d'en haut, des gouvernements, des institutions internationales, les bonnes, et non des masses et de leur organisation pour contester le système social et politique.
La folie des attentats, le drame du peuple afghan comme la tragédie du peuple palestinien et du peuple israélien, ont des explications bien rationnelles. Ils sont le résultat de la conjugaison comme des contradictions des mille et uns moyens qu'utilisent les maîtres du monde pour maintenir leur domination, élargir leur puissance, assouvir leur soif de profits. C'est cela qu'il s'agit de démêler, cet article se limite à essayer de donner des points de repère.
La faillite de l'Etat argentin ruiné tout autant par sa propre bourgeoisie que par les usuriers du FMI met en lumière le fond de l'affaire, le pillage des richesses produites par les travailleurs et les peuples. C'est pourquoi la presse est presque comme muette malgré l'ampleur d'un drame qui compte déjà plus de victimes innocentes que les attentats de New York. Elle est muette aussi parce que les masses sont en route pour tenter d'apporter les vraies réponses à la faillite de la bourgeoisie.
Et c'est bien la crise révolutionnaire qui s'est ouverte en Argentine qui indique le contenu de cette " nouvelle période historique ".
Il nous faut tenter d'en prendre la mesure pour définir ses implications du point de vue des tâches immédiates des révolutionnaires.
Les ruptures brutales qui s'opèrent actuellement sont le résultat de longues maturations qui ont façonné les déséquilibres, les points de faiblesse qui cèdent au moment de la distorsion entre le passé et l'avenir.
Ces longues maturations sont avant tout économiques.

L'actualité du déterminisme économique
" Une révolution économique et géopolitique " s'interroge l'Express. La formule est sans conteste exagérée. Il ne s'agit pas d'une révolution mais plus simplement d'un tournant dans l'offensive des classes capitalistes inaugurée il y a vingt ans. Ce tournant s'inscrit dans la continuité de la lutte pour maintenir le taux de profit.
Il est de bon ton aujourd'hui de se plaindre que l'économie domine tout, qu'il faudrait que la politique reprenne ses droits. Il y a là une illusion d'optique réformiste héritée des décennies de l'après-guerre lorsque l'Etat occupa une place croissante, phénomène qui amplifiait l'évolution entamée avec la Première guerre mondiale.
A l'issue de la Deuxième guerre mondiale, l'URSS, les peuples coloniaux, comme les luttes des travailleurs des pays riches qui s'exprimaient de façon dévoyée dans la bureaucratie stalinienne, les mouvements nationalistes bourgeois ou les partis communistes, ont contraint la bourgeoisie à faire des concessions en s'appuyant sur son Etat. De ce point de vue, les politiques de droite et de gauche, indépendamment des préjugés des uns ou des autres, des illusions que chacun veut entretenir sur lui-même en fonction du public auquel il s'adresse, étaient déjà identiques, au service des mêmes intérêts impérialistes. Les illusions étaient multiples, mais la politique déjà unique ! Le bonapartisme gaulliste que Chevénement voudrait aujourd'hui singer en était la démonstration concrète.
Cette intervention étatique croissante a nourri les illusions réformistes de l'après-guerre. Elle était la justification et la légitimation d'une politique visant à amender le capitalisme par la régulation étatique. Elle explique aussi la place que ce réformisme a pu conquérir. Sa politique était celle-là même que souhaitait la bourgeoisie !
Puis sous les effets de la crise des années 70, et surtout le recul des mobilisations des travailleurs et des peuples désarmés par le réformisme social-démocrate ou stalinien et par le nationalisme bourgeois, cette intervention a évolué, changé pour se mettre plus ouvertement, plus cyniquement au service des intérêts privés de la classe dominante.
C'est ce que certains ont appelé " la révolution conservatrice " de Reagan et Thatcher et… Mitterrand.
Pour rétablir le taux de profit les bourgeoisies impérialistes et leurs Etats s'engageaient dans une vaste offensive contre les travailleurs et les peuples.
Idéaliser ce passé où fleurissaient les illusions réformistes pour le plus grand profit de la bourgeoisie est une duperie dangereuse. Au moment où les illusions meurent, il faut les enterrer joyeusement !
La tâche des militants du mouvement ouvrier est de tirer les leçons de ce passé vis à vis des générations qui l'ont vécu, qui ont été trahies comme des jeunes générations que le social-libéralisme rêve à nouveau d'endormir.
Oui, le monde est une marchandise, c'est-à-dire que tous les rapports sociaux sont déterminés par les rapports marchands, s'y intègrent et s'y soumettent sauf d'affirmer clairement leur rupture avec la société et la classe bourgeoise pour s'intégrer à la lutte émancipatrice des classes travailleuses.
Pour reprendre l'expression de Lénine, la politique est de " l'économie concentrée ". Chaque classe ou catégorie sociale défend ses intérêts économiques, matériels, la part des richesses produites qui lui revient.
Au travers de la politique se réfractent les rapports de force entre les classes.
Et, en dernière analyse, ces rapports sont eux-mêmes étroitement dépendants des évolutions technologiques qui conditionnent les rapports entre les classes.

Vingt ans d'offensive politique et sociale contre les travailleurs et les peuples
Ce recul du politique en faveur de l'économique, c'est le rapport de classe, l'exploitation capitaliste qui s'exprime plus crûment. Il ne s'agit pas du recul du politique mais de la politique qui s'avoue pour ce qu'elle est, sans masque.
Les travailleurs ont eux-mêmes à assimiler la leçon, pour faire de la politique et défendre leurs propres intérêts de classe. Faire de la politique, c'est penser globalement la dynamique de l'ensemble des faits qui déterminent les rapports entre les classes afin de peser sur le rapport de force.
L'économie quant à elle n'est pas une science à part mais l'étude et l'analyse de ce qui est au cœur de ces rapports de classes, ou plus précisément du lieu même où ils se forgent, la production et l'échange.
Les questions économiques sont en général obscurcies parce que le côté technique des choses n'est pas éclairé par son contenu social comme si les faits économiques avaient une existence propre indépendante du rapport de classe.
Les crises qui rythment la marche chaotique du capitalisme sont elles-mêmes l'expression des tensions aiguës entre les classes, le résultat des intérêts contradictoires et irréconciliables qui s'organisent dans la production capitaliste fondée sur l'exploitation. Les crises sont l'expression aiguë des luttes entre les classes mais aussi de la concurrence qui oppose les différentes bourgeoisies sur le champ de l'économie mondiale.
Les différentes crises financières qui ont éclaté dans la dernière décennie ne sont pas des accidents techniques mais la conséquence de la lutte pour l'appropriation des richesses entre les différentes bourgeoisies. Entre les mains des bourgeoisies dominantes, surtout celle des USA, la finance est une arme pour se soumettre les Etats et les bourgeoisies, leur imposer leur volonté.
Les crises asiatique et russe en sont l'illustration. Ce que Lénine appelait la politique d'asphyxie financière a été utilisé par les financiers occidentaux pour s'ouvrir des marchés et dicter leur condition.
En Russie, l'Etat effondré a été démantelé, rançonné par les banques occidentales avec l'aide du FMI, du trésor US et de l'oligarchie nationale. Celle-ci aurait détourné, depuis 93, 130 milliards de dollars alors que la dette extérieure de la Russie passait de 60 à 155 milliards de dollars entre 1990 et 1999. Le PIB ne valait plus en 99 que 56 % de ce qu'il était en 89.
Pour se soumettre la Russie, les banques occidentales l'ont ruinée et, aujourd'hui, se réjouissent de son redémarrage économique !
L'important pour elles est que l'économie tourne en faveur de leur profit.
"La criminalité financière " n'est pas l'exception, elle est la règle d'un système criminel dont la logique est destructrice.
La pression des travailleurs et des peuples reculant la logique capitaliste, après vingt ans d'offensive, révèle sa véritable nature.
L'économie de marché ruine la société.

L'Argentine, le maillon faible ou l'exacerbation du parasitisme des classes dominantes
La crise argentine intervient comme le révélateur des contradictions qui ravagent la planète et des solutions qui émergent du chaos de la mondialisation. Elle est le point où se concentrent ces contradictions.
Maillon faible de la chaîne des relations entre les Etats, elle est la première à céder sous les tensions aiguës entre le passé et l'avenir. L'Argentine s'effondre, brisée par la contradiction entre la bourgeoisie nationale spéculant et jouant les biens de la nation sur les marchés financiers et boursiers mondiaux et les besoins de la population, contradiction tendue à l'extrême sous la pression de l'avidité des banquiers occidentaux et de leur usurier, le FMI.
Il est bien difficile de comprendre comment un pays comme l'Argentine a été incapable de sortir de la récession chronique jusqu'à la faillite si on ne se dégage pas des contes de fée d'une économie neutre pour comprendre les rapports de classes. La faillite de l'Argentine est celle d'une bourgeoisie ayant hérité au lendemain de la crise des années trente et de la Deuxième guerre mondiale d'une position financière sans rapport avec sa force économique réelle, position qu'elle a tenté de défendre en vendant ses propres richesses aux usuriers occidentaux qui l'ont ruinée.
Il y a là l'illustration de ce qu'il est convenu d'appeler l'aide du FMI, une politique d'asphyxie financière, le FMI n'intervenant que pour laisser un petit peu d'air au malheureux que l'on veut soumettre à la volonté des financiers jusqu'au moment où est fait le choix de le laisser se débattre seul pour ensuite ramasser ce qu'il reste.
Un autre pays d'une plus grande importance dans l'économie mondiale est soumis à des contradictions de la même nature que celles qui ont ruiné l'Argentine, le Japon. La bourgeoisie japonaise représente le plus important prêteur de capitaux dans le monde alors que son économie est en récession, que son système bancaire est miné par les dettes et les créances douteuses. Les plans de relance se succèdent sans autre effet que de maintenir la puissance financière d'une bourgeoisie dont la puissance économique réelle s'affaiblit.
" Il faut des réformes " ne cesse de répéter le FMI, des réformes, c'est-à-dire remettre en cause les acquis sociaux, déclarer la guerre aux salariés, des réformes pour permettre à la bourgeoisie de défendre ses positions financières mondiales.
La bourgeoise japonaise et son Etat ont encore des réserves pour éviter la faillite, mais ces réserves, ils les tirent d'une exploitation accrue.

Le caractère spécifique de l'actuelle récession
Le retournement de conjoncture actuel a ceci de spécifique qu'il est l'aboutissement des vingt années passées d'offensive libérale, de globalisation, de déréglementation et de mondialisation, c'est-à-dire qu'il atteint l'ensemble des secteurs de l'économie mondiale au décours d'une évolution qui a mis les Etats en position de dépendance et de faiblesse à l'égard de la finance.
" Vers une crise économique planétaire " écrivait Daniel Cohen dans le Monde, nous y sommes. " La mondialisation répand la déprime dans l'industrie " écrivait la Tribune, c'est en route.
Il ne s'agit pas simplement du krach des nouvelles technologies, ou d'une récession américaine qui aurait inévitablement ses répercussions sur l'Europe, mais bien de l'essoufflement à l'échelle mondiale de la machine à faire des profits.
" La fin de la bulle spéculative dans les nouvelles technologies et la contraction des investissements ont fait boule de neige " écrivait la Tribune. La masse sans cesse croissante des capitaux ne trouve où s'investir à un taux jugé raisonnable. Les profits baissent, il faut redonner confiance aux actionnaires, les plans sociaux s'ajoutent au plan sociaux, une logique destructrice se met en route inexorablement.
Les mécanismes ne sont pas nouveaux, ils sont ceux de la crise capitaliste, ce qui est nouveau c'est l'échelle à laquelle ils se déroulent, l'échelle de la planète. La chaudière capitaliste marche en circuit fermé, elle est en surchauffe, le mode de production rentre dans une phase où il atteint ses limites historiques.
Ce fait s'exprime dans l'endettement généralisé, caractéristique essentielle de l'économie mondiale aujourd'hui.

L'endettement généralisé ou les profits à crédit
Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est la généralisation de la dette, c'est-à-dire la soumission de l'ensemble de l'économie à la spéculation.
Les entreprises comme les Etats sont endettés sur les places financières où ils commercialisent leurs dettes comme autant de droit à exiger des dividendes sur les profits à venir.
" L'économie politique du rentier ", selon l'expression de Boukharine, triomphe. L'endettement généralisé signifie que toute l'activité sociale est source de rente pour la classe parasitaire qui possède actions et bons du trésor, qu'elle a pour fonction d'alimenter ces rentes aux exigences infinies !
Il n'y a pas dans ce système de " prêteur en dernier ressort " si ce n'est les classes populaires dont l'aristocratie financière espère les possibilités d'exploitation tout autant infinies que ses propres appétits.
Aujourd'hui, ce que Marx appelait le capital fictif, c'est-à-dire la masse de titres de propriété sur une part du profit global produit, étouffe l'ensemble de l'activité. Il constitue une bulle spéculative globale à la surface de laquelle des bulles éclatent de temps en temps comme la bulle des nouvelles technologies, protubérance financière…
Au regard de ce capital fictif, c'est l'ensemble de l'économie mondiale qui est dans la situation de l'Argentine, menacé de banqueroute.
La caractère parasitaire du capitalisme atteint un degré qui fait du libéralisme impérialiste le stade ultime du capitalisme.
La croissance capitaliste est non seulement condamnable moralement au sens où elle est d'abord et avant tout croissance du rapport d'exploitation, elle est non seulement injuste en aggravant les inégalités, mais elle est socialement et historiquement condamnée, parce qu'elle est destructrice.

Le mythe du retour à Keynes
En cette période de crise, de bouleversement, il suffit que l'Etat américain vole au secours des compagnies aériennes pour éponger les déficits pour qu'aussitôt certains rêvent d'un retour au keynésianisme. Keynes devient pour les réformistes comme Lénine pour des révolutionnaires, un mythe. Le passé continue de dominer les esprits à travers les mythes qui servent à transformer des événements en instruments de domination des consciences : mythe du bolchevisme et de la révolution russe pour les uns, mythe de Keynes pour d'autres… Au lieu de saisir le contenu pratique de la politique des révolutionnaires ou de celle de la bourgeoisie dans le passé pour en tirer leçon afin d'appréhender la situation inédite à laquelle les différentes classes sont confrontées, les esprits ressassent un passé idéalisé.
Keynes faisait la théorie de l'intervention de l'Etat pour relancer l'activité économique dans la période dont nous parlions plus haut, les suites de la crise de 29 puis de la Deuxième guerre mondiale. Cette intervention était entièrement au service de la bourgeoisie.
Le contenu de ce que Alternatives économiques appelle " le nouvel interventionnisme libéral " est adapté et s'adaptera à la nouvelle période dans laquelle nous entrons, il aura pour fonction de soutenir directement le capital financier, de combler les pertes pour subventionner les rentiers dont lui-même dépend.
Ce serait se bercer d'illusion de croire que la mondialisation libérale et impérialiste va entendre raison sous la pression de ses propres méfaits. L'Etat n'interviendra pas pour réguler la marche de l'économie, ou du moins pas fondamentalement, mais pour tenter d'éviter que le capital fictif source de rente ne s'effondre. Il interviendra pour réguler la concurrence au service des monopoles, des multinationales, pour organiser l'anarchie capitaliste au profit des rentiers de la bourse et des marchés financiers.
Il ne peut y avoir " une mondialisation régulée, capable de profiter aussi aux pays pauvres " contrairement aux prétentions du sommet de Doha.
Ce sont des boniments réformistes que de laisser croire qu'il pourrait en être autrement. Le parasitisme étatique est directement proportionnel au parasitisme de la classe qu'il sert. L'Argentine comme la Russie en sont une criante démonstration.
Il n'y a pas de solutions possibles qui viendraient d'en haut, des ententes entre gouvernements. Il n'y a d'issue que révolutionnaire.

La tâche du jour, regrouper les forces révolutionnaires autour d'un plan de défense des droits des travailleurs, des exclus, des jeunes et des femmes
Les bombes alliées à la politique d'asphyxie financière et à l'intégration accrue au marché mondiale de la Chine suffiront-elles à ouvrir de nouveaux marchés permettant un redécollage de l'économie américaine et européenne, c'est peu probable. Ce redécollage exige de retrouver un taux de profit suffisant pour que les grands groupes multinationaux et les États puissent se lancer dans de vastes investissements permettant l'utilisation en grand, dans la production, des nouvelles technologies.
C'est cette perspective qu'imaginent les différents pronostics des organismes officiels qui prévoient une reprise de la croissance. C'est aussi ce que veulent croire les détenteurs de capitaux qui placent à nouveau leur argent sur la nouvelle économie. Cette reprise a pour condition le maintien du blocage des salaires, de la pression du chômage comme du bas prix de l'énergie et des matières premières, c'est-à-dire un pillage accru des pays pauvres.
Mais les gains de productivité sont tels que le marché qu'ils exigent pour devenir rentables devrait être en constant élargissement alors que la lutte pour le maintien du taux de profit ne cesse de le limiter.
Voilà pourquoi s'il y a reprise, ce sera la reprise de la croissance aux USA et en Europe… des profits au détriment des salariés et pour l'essentiel du reste du monde. Cette reprise préparera une nouvelle crise plus sévère, chaque rémission couve un nouvel épisode aigu.
La croissance des profits pour une infime minorité a pour corollaire un appauvrissement de fractions croissantes de la population mondiale. Le parasitisme de la grande bourgeoisie financière s'exprime dans ce pillage des richesses. Le capitalisme est de moins en moins capable de créer des richesses nouvelles malgré les prodigieux progrès technologiques et, en retour, il tend à une concentration des richesses existantes en un nombre de mains toujours plus restreint.
La contradiction fondamentale du capitalisme entre socialisation croissante de la production et appropriation privée atteint son paroxysme. Elle prend la forme du pillage, de l'expropriation brutale et cynique.

Le libéralisme impérialiste est entré dans une crise chronique faite de cycles courts, de mini-reprises, de récessions. Cette crise lente et douloureuse qui n'a rien à voir avec la crise aiguë de 1929 génère violence et concurrence dans un monde de plus en plus éclaté alors que les progrès concourent à l'unifier.
C'est de ce chaos capitaliste, de la contradiction entre socialisation et appropriation privée, que commencent à émerger les forces de contestation, la classe des salariés libérés du joug réformiste et les peuples opprimés ayant conquis l'arène nationale de leur lutte émancipatrice, partie intégrante de la lutte internationale de l'ensemble des travailleurs.
Nous faisons nôtres les tâches que s'assignent les révolutionnaires d'Argentine, unir et regrouper leurs forces autour d'un plan d'urgence face à la catastrophe sociale qui frappe leur pays. L'urgence n'est pas en contradiction avec la perspective générale. Contribuer à ce processus, c'est œuvrer, ici, au regroupement de nos forces autour d'un plan de défense des droits des travailleurs, des exclus, des jeunes et des femmes, mais aussi des droits des peuples.
Le libéralisme impérialiste ne se perpétue qu'en niant les droits sociaux et politiques. Leur donner vie, c'est regrouper les forces des révolutionnaires et au delà, de l'ensemble du mouvement ouvrier, pour se préparer à reprendre l'offensive.
" La nouvelle période historique " est celle de la maturation des forces pour une nouvelle révolution dont la crise argentine indique le caractère impérieux.
Yvan Lemaitre



Notre campagne, ses objectifs et ses axes politiques

Si les grands axes de notre campagne des Présidentielles et des Législatives ont été définis par la conférence nationale de juin, la façon dont ces axes vont être développés, illustrés et argumentés, dépend de l'évolution de la situation politique et sociale. Une campagne électorale est une bataille politique qui se mène en fonction de l'évolution de la situation sociale et politique, des positions des autres partis, des adversaires et du niveau de conscience des travailleurs.
Donc, il nous faut intégrer à notre campagne les évolutions qui ont été révélées et accélérées par les attentats et la guerre, par les effets de la récession qui touche l'économie mondiale, et, aujourd'hui, la faillite de l'Etat argentin, le soulèvement populaire qu'elle provoque.
Ces évolutions convergent pour faire des échéances 2002 l'occasion de faire le bilan de vingt ans d'offensive libérale mise en œuvre par le patronat avec le soutien actif des différents gouvernements et partis de la cohabitation. Tirer les bilans, solder les comptes sont nécessaires pour dégager le terrain politique permettant l'affirmation électorale d'un courant d'opposition défendant les droits des travailleurs, des exclus, des jeunes et des femmes.
Nous voulons permettre que s'affirme dans ces élections un courant d'opposition au patronat, à la droite et à l'extrême droite qui rêvent de le servir comme à la gauche qui se soumet à ses intérêts.
Notre volonté de ne pas apparaître comme des gens qui " critiquent tout et n'ont rien à proposer " nous conduit à souligner, au lieu de l'atténuer, le côté dénonciation, contestation, de notre campagne. Les revendications que nous avançons sont autant d'éléments de critique des choix politiques et sociaux des différents gouvernements de cohabitation qui se sont succédé.
Nos revendications sont le lien entre la critique et la proposition, c'est-à-dire la mobilisation, l'organisation, la lutte des travailleurs.
Gagner en crédibilité, c'est être un parti d'opposition radicale en assumant ce fait incontournable que la droite et la gauche sont soumises à la défense des intérêts de la grande bourgeoisie financière, même si les uns et les autres, en fonction de leur clientèle électorale respective tiennent des discours qui se voudraient différents. Et encore, même sur ce plan-là, leurs discours tendent à se ressembler de plus en plus. C'est de cette convergence des discours de la droite et de la gauche que rêve d'émerger le petit Bonaparte ressuscité, Chevènement, éphémère synthèse de tous les contraires
En fait, notre crédibilité résulte de la cohérence, de la continuité, de la fidélité à notre camp social et à nos idées, de notre capacité à dire la vérité.
C'est pourquoi pour gagner en crédibilité, pour conquérir son espace politique, notre campagne doit rompre toute ambiguïté en intégrant cette évolution des différents partis gouvernementaux de cohabitation dont ont d'ailleurs conscience les salariés et les classes populaires. Et en conséquence, affirmer clairement que la droite et la gauche mènent, au gouvernement, la même politique.
Dire que cela reviendrait à reprendre à notre compte le " tous pourris " n'a pas de sens. Nous ne situons pas le problème sur le plan de la morale, mais des rapports politiques et sociaux. La discussion pour savoir lequel est moralement le moins digne d'estime de Jospin ou de Chirac, est une question que nous ne saurions trancher !
Notre campagne peut-elle se présenter comme la campagne anti Medef ? Non, sinon à risquer de faire du Robert Hue, voire du Hollande.
Le Medef aujourd'hui se positionne en toute indépendance des hommes politiques qui le servent au gouvernement, il renvoie dos à dos la droite et la gauche qu'il juge trop soucieuses de leurs intérêts électoraux. Il se lance dans sa propre campagne politique dans le but de mettre les uns et les autres au pied du mur, de faire savoir à tout le monde les intérêts qu'il entend faire prévaloir et auxquels devront se soumettre Président, Premier ministre, gouvernement, quelle que soit leur couleur politique.
Aux intérêts sociaux uniques correspond la pensée politique unique.
A la différence de Robert Hue ou de François Hollande, nous ne sommes pas seulement les candidats anti-Medef. Nous sommes les candidats d'une force nouvelle, représentants politiques des intérêts des salariés et des classes populaires, une force démocratique et révolutionnaire en rupture avec les partis de la gauche de cohabitation soumise, comme la droite, aux intérêts du patronat et des classes privilégiées.
Ce n'est que ce positionnement politique qui nous donne toute la liberté nécessaire pour aborder l'ensemble des questions qui seront au cœur de la campagne et en particulier la question dite de la sécurité.
C'est cette rupture radicale, cette volonté d'être les porte-parole d'une force nouvelle, qui donne son sens à la rupture de génération que nous avons voulue. C'est parce qu'une nouvelle génération retrouve les chemins de la contestation, affirme son besoin de justice, de solidarité, de démocratie et de paix, qu'il fallait un jeune pour défendre et porter ces aspirations.
Olivier n'est pas un politicien professionnel, mais un jeune travailleur impliqué dans les résistances quotidiennes des salariés, dans leurs luttes, convaincu que c'est par l'action collective politique mais aussi syndicale et associative que la population pourra faire prévaloir ses intérêts.
Il inscrit son action dans la solidarité internationale en partageant la rébellion de ceux qui résistent aux injustices créées par la mondialisation impérialiste. Il est le candidat du refus et de la lutte, de la solidarité et de la justice.
Il est aussi le candidat contre la guerre, défendant les droits des peuples contre la domination des grandes puissances dont la France. Il est le candidat du refus de l'union sacrée qui prend prétexte de la lutte contre le terrorisme pour renforcer la domination des puissances qui dominent le monde, les travailleurs et les peuples.
Il est candidat pour une autre politique, 100% à gauche, qui serve les intérêts du monde du travail au lieu d'être soumise à la volonté du patronat, des actionnaires et des riches.
Si nous ne voulons pas que le " 100% à gauche " sème la confusion et nous fasse perdre toute crédibilité en nous incluant dans la gauche gouvernementale, il faut nous affirmer comme une candidature de rupture.
Rupture avec les grands partis parlementaires, mais aussi avec les institutions dont la fonction est de garantir l'ordre et la propriété bourgeois. Contrairement à ce que nous écrivons dans le " 4 pages ", la question n'est pas d'en finir avec la 5ème République, qui aurait " fait son temps ". Son temps est dépassé depuis longtemps ! La question est de comment en finir avec ces institutions et cet Etat, c'est-à-dire de formuler des revendications démocratiques qui vont dans le sens de permettre aux travailleurs et aux classes populaires d'exercer leur pouvoir.
Nous dénonçons la monarchie présidentielle et la République des affaires, nous nous prononçons pour une république démocratique et sociale, pour une assemblée élue au suffrage universel à la proportionnelle avec le droit de vote pour tous ceux qui vivent et travaillent dans ce pays, pour que la population puisse contrôler et décider dans les quartiers comme sur les lieux de travail.
Nous dénonçons aussi la collusion Chirac-Jospin, rivaux pour les mêmes pouvoirs présidentiels, défenseurs l'un et l'autre du quinquennat, afin de garantir plus de stabilité aux institutions bourgeoises en liquidant la cohabitation.
Là encore, nos revendications sont des actes d'accusation et non des propositions démocratiques formelles dans le cadre de la société bourgeoise. Nous mettons en exergue le fait que rien ne pourra se faire sans l'irruption des populations elles-mêmes.
De la même façon, nous ne pouvons nous contenter d'une position abstraite et générale sur l'Europe sans affirmer clairement notre camp social. Face à l'entente des groupes financiers et industriels à l'échelle européenne, nous entendons œuvrer à l'entente des travailleurs par-delà les frontières.
Une plus grande ouverture des frontières est indiscutablement une évolution que personne ne peut regretter contrairement à ce que disent tous les réactionnaires souverainistes anti-maastrichien, mais cette évolution au lieu d'être un réel progrès se fait contre les travailleurs et les peuples.
Nous sommes favorables à la monnaie unique parce qu'elle accélère la crise des vieux Etats et contribue à créer une conscience européenne comme le terrain de la construction des Etats-Unis socialistes d'Europe.
Ainsi, aujourd'hui, la défense des droits des travailleurs, des chômeurs, des jeunes et des femmes, se pose à l'échelle de tout le continent européen, sinon tous les acquis seront remis en cause pour une égalisation vers le bas.
C'est une égalisation vers le haut qu'il faut imposer. Face à l'Europe des pays riches et des trusts, il s'agit de donner les moyens aux peuples de décider. Non à l'Europe de la Banque centrale et de la Bourse, oui aux Etats-Unis démocratiques et socialistes d'Europe, oui à une Europe de la paix œuvrant à la coopération des peuples.
Nous affirmer comme une force de regroupement, c'est combattre toute forme d'illusion électoraliste et dire qui sont nos alliés prioritaires. Notre programme n'est pas un programme électoral comme celui de tous les faiseurs de boniment, votez pour moi et… je ferai l'inverse de ce que j'ai dit ! Non, notre programme, c'est celui des droits fondamentaux des travailleurs, des exclus, des jeunes et des femmes, des droits de tous ceux qui ne peuvent vivre que de leur travail, c'est-à-dire la majorité de la population. Il n'est pas tout fait, il se veut l'expression des intérêts de la collectivité, il n'a de sens que pour aider la population à formuler elle-même ses propres besoins, ses propres aspirations.
C'est cela pour nous faire de la politique, tous ensemble faire entendre nos exigences, peser sur l'évolution de la société, faire pression sur l'Etat et les gouvernements, agir dans nos organisations pour que le point de vue des anonymes soit pris en compte.
Notre campagne vise à aider tous ceux qui refusent, tous ceux qui résistent et luttent, à se faire entendre.
Nous voulons aider à ce que se regroupent les forces qui rompent avec le social-libéralisme. L'heure est à l'unité de tous ceux qui veulent faire vivre une réelle démocratie, de tous ceux que le ralliement du Parti socialiste ou du Parti communiste au dogme de l'économie de marché n'a pas fait abdiquer des idéaux du socialisme et du communisme, ou de ceux que le même ralliement des Verts n'a pas fait abdiquer du combat écologique. Oui, c'est tous ensemble que nous construirons le nouveau parti qui manque aujourd'hui, en rupture avec la gauche gouvernementale et libérale.
Notre campagne électorale s'inscrit dans l'activité quotidienne, sur les lieux de travail comme dans les quartiers, de tous les acteurs du mouvement social. C'est avec eux comme avec toute la population que nous entendons discuter, débattre, agir pour aider à l'émergence d'une nouvelle force politique qui soit vraiment la leur.
Et dans cette perspective, il serait mal venu de craindre de donner des voix à Arlette en nous affirmant clairement pour l'unité des révolutionnaires comme d'être gêné de la vérité. Nous ne craignons pas de dire que nous sommes présents parce que le sectarisme de Lutte ouvrière a écarté toute possibilité d'entente, mais nous demeurons des militants de cette unité fraternelle entre travailleurs, entre révolutionnaires.
Olivier Besancenot comme nos candidats aux élections législatives sont les candidats de l'unité du monde du travail comme du regroupement des révolutionnaires.
Les objectifs et les axes politiques de notre campagne se combinent. Nous voulons créer la surprise en imposant un " anonyme ", ce qui veut dire, sur le plan électoral, franchir le seuil de crédibilité minimum autour des 2 %.
Nous avons réussi la première étape, bien qu'encore incomplètement, celle des signatures. Nous entamons la deuxième, convaincre de l'utilité de notre présence dans cette campagne, démontrer que nous y apportons la flamme de la jeunesse, l'esprit de classe et de contestation des travailleurs, face au sectarisme et à la division, la démocratie et l'unité indispensables pour préparer l'avenir, mettre en œuvre un projet politique révolutionnaire.
Ensuite viendra la dernière étape, convaincre de l'utilité de voter pour nous afin de bousculer les routines, pour que l'extrême-gauche ait plusieurs visages complémentaires, reflets de sa diversité et de sa richesse, loin des monolithismes, du dogmatisme passéiste, du sectarisme.
Oui, faire campagne, soutenir Olivier Besancenot, c'est une façon de contribuer à la réalisation de la véritable échéance de 2002, jeter les bases d'un parti des travailleurs démocratique et révolutionnaire.
Voter pour Olivier Besancenot, ce sera affirmer qu'au sein du monde du travail de plus en plus nombreux sont ceux qui n'acceptent plus une politique au service de la Bourse et des actionnaires, une politique de chômage, de bas salaires et de privatisation, qui ne veulent pas subir mais entendent se mobiliser pour une société démocratique où l'Etat et l'économie soient mis au service de l'ensemble de la population.
Ce sera une sanction et un désaveu des partis de la gauche et de la droite qui depuis vingt ans ont servi les intérêts du patronat et des actionnaires.
Ce sera un avertissement pour ceux qui, à l'issue des élections, géreront les affaires de la bourgeoisie, un avertissement d'autant plus entendu que seront nombreuses les voix qui se porteront sur l'extrême-gauche et Olivier Besancenot.
Ce sera un encouragement pour tous ceux qui résistent et se battent pour les droits du monde du travail.
Le 5/ 01 /02
Galia, Yvan

Retour sur la mobilisation des gendarmes

Début décembre, encouragés par le mouvement des policiers devant lequel le ministre de l'Intérieur, Vaillant, avait dû lâcher, les gendarmes -qui n'ont ni droit de grève, ni droit syndical, ni celui de manifester puisqu'ils font partie de l'armée-, ont organisé d'imposants cortèges dans de nombreuses villes, sirènes hurlantes, des sit-in en tenue dans des enceintes militaires, une grève du zèle, une manifestation à Paris qui a regroupé 12 000 d'entre eux… Une mobilisation sans précédent pour revendiquer des augmentations, des embauches, l'amélioration de leurs conditions de travail.
Au bout de quatre jours d'un mouvement qui était parti pour s'étendre, le gouvernement a cédé aux gendarmes sur 1829 euro d'augmentation sur un an, 6000 embauches d'ici 2005, 50 000 gilets pare-balles et un ordinateur pour deux.
Ce mouvement sans précédent parmi cette catégorie de militaires pose le problème de son appréciation politique : un mouvement par nature réactionnaire puisque venant d'un corps répressif de l'Etat, ou le reflet d'une crise au sein même de l'appareil d'Etat dont il nous faut débattre de sa signification.
Pour les responsables politiques, de droite comme de gauche, tenants de l'ordre social, à l'exception de ceux du PC, la condamnation a été sans appel.
Dès le 4 décembre, Richard, le ministre des Armées, dénonçait à l'Assemblée nationale : " des initiatives locales incompatibles avec le sens du service dont les gendarmes sont fiers ". La contestation s'élargissant, le 7, Peillon, porte-parole du Parti socialiste, déclarait que des manifestations pour " siffler leur hiérarchie " n'est pas " un bon exemple ". Chirac, lors des vœux aux armées, le 4 janvier, a tenu à rappeler " les principes fondamentaux qui régissent la fonction militaire,… l'observation des lois, la discipline et une disponibilité sans limites " en déclarant qu'il fallait " tirer les leçons de cet épisode à tous égards douloureux ". Le ton malgré tout prudent, par souci de ne pas jeter de l'huile sur le feu, de ceux qui assument directement le pouvoir politique n'était pas de mise chez ceux qui n'y sont pas actuellement ; pour Pasqua, " c'est la chienlit ", pour Seguin, c'est " une crise sans précédent ", pour Chevènement, " il y a une limite à ne pas dépasser ".
Par contre, la mobilisation des gendarmes a bénéficié d'une large sympathie parmi la population. Elle a été perçue par nombre de salariés comme un encouragement à la lutte puisque le gouvernement, au bout de quatre jours, a cédé, sans pour autant qu'il y ait des illusions sur le fait que celui-ci cédait bien plus vite aux gendarmes qu'aux salariés. Ceux qui appartiennent à la " Grande Muette " ont vraisemblablement été encouragés par la popularité de leur mouvement, même si malheureusement l'inexistence de liens avec cette catégorie sociale ne permet pas de l'affirmer. Dire cela, ce n'est pas oublier que, dans les casernes où ils sont sous son emprise, ils obéissent à leur hiérarchie ; mais quand ils se mobilisent pour l'obtention des droits démocratiques qui leur sont déniés, ils ne peuvent qu'être plus perméables à l'opinion démocratique de la société.

Pour les marxistes, la question de l'attitude vis-à-vis de l'armée, une question vitale :
Le rôle de l'armée, comme de la police et de la justice, est d'être la gardienne des intérêts de la bourgeoisie, classe minoritaire qui ne peut imposer sa domination sociale qu'en ayant à son service des hommes prêts à défendre la propriété privée capitaliste, si nécessaire par le recours à la force. " L'armée permanente et la police sont les principaux instruments de la force du pouvoir d'Etat " comme disait Lénine. Cela est vrai pour tous les régimes y compris les régimes parlementaires où le suffrage universel est là pour tenter de créer l'illusion que remplacer un parti par un autre peut changer la vie.
C'est pour cette raison que les révolutionnaires se doivent d'avoir une politique vis-à-vis des corps répressifs de la bourgeoisie, sinon comment la classe ouvrière pourrait-elle " briser la machine étatique et militaire ", selon les termes de Marx ? Pour exercer elle-même directement le pouvoir et construire un nouvel Etat authentiquement démocratique parce qu'il sera l'expression des besoins des opprimés, l'immense majorité de la population aura la tâche de désorganiser l'armée. Celle-ci est loin d'être homogène et la solidarité entre la base et la hiérarchie peut éclater dans des situations d'intenses luttes sociales.
Dans le passé, le mouvement ouvrier a eu, à maintes occasions, à se poser pratiquement ce problème. Cela a été le cas, par exemple, au Chili où le coup d'Etat du général Pinochet, en septembre 1973, avait été précédé, en août, d'une révolte durement réprimée des marins de Valparaiso contre la préparation d'un putsch par leurs officiers. Le gouvernement d'Allende s'était désolidarisé des marins et en conséquence, lors du renversement de son gouvernement, les soldats sont restés solidaires des officiers. Le mouvement ouvrier a payé un prix très cher pour avoir été désarmé politiquement par les partis de gauche, avant d'être écrasé physiquement par l'armée.
Les illusions dans la politique des partis de gauche respectueux de l'Etat peuvent engendrer des illusions sur le rôle de l'armée. A l'inverse, un faux radicalisme condamnant en bloc tout mouvement dans l'armée, par préjugé gauchiste, peut se révéler inadéquat à poser concrètement le problème du rapport de forces entre les salariés et l'armée de Etat bourgeois. Le fait que la bourgeoisie, classe de plus en plus minoritaire à l'époque de la mondialisation, recrute pour son service des hommes -et maintenant des femmes- qui viennent des milieux populaires, n'est sûrement pas une garantie, mais la classe ouvrière peut se trouver des alliés en son sein en ayant une politique vis-à-vis des différents mouvements qui s'y manifestent. Se poser la question d'une politique vis-à-vis de l'armée est pour les révolutionnaires indispensable, sinon il n'y a que la confiance dans la " démocratie " et les institutions pour espérer une transformation sociale.
Pour significatif qu'il soit, le mouvement des gendarmes reste dans le cadre de la société bourgeoise mais il est un révélateur d'une crise au sein de l'appareil d'Etat. Son caractère inédit pose le problème de l'analyser du point de vue du rapport des forces en général pour se positionner.

Fallait-il dénoncer le mouvement des gendarmes comme réactionnaire ?
Toutes les revendications mises en avant étaient l'amélioration des conditions de travail, -dans le cadre, bien sûr de ce qu'est leur travail- comme le notait l'éditorial de l'Humanité du 10/12 : " salaires, effectifs, conditions de travail…, l'inventaire du catalogue revendicatif des hommes en bleu ressemble à s'y méprendre à celui des enseignants, ou des hospitaliers ". Et si le mouvement des " hommes en bleu " s'apparentait à un mouvement de salariés, c'est que les conditions de travail de la base ne sont pas celles de privilégiés. La bourgeoisie n'est pas très généreuse envers ses serviteurs, ce qui est la preuve que la gendarmerie ne vit pas coupée de toute l'évolution de la société puisqu'elle aussi a des salaires qui ne permettent pas de vivre. Ainsi, un gendarme débutant perçoit 1165,78 euro (le SMIC ouvrier est à 1126,40 euro), au bout de dix ans d'ancienneté, 1606,34 euro. A quoi s'ajoute le logement gratuit en caserne mais qui a comme contrepartie des mutations régulières.
Revendiquer plus de moyens pour faire leur travail, est-ce revendiquer plus de moyens pour réprimer ? En partie, mais pas seulement. Aujourd'hui, 95 % des missions des gendarmes sont des missions civiles et 1/3 de leur activité est consacré aux affaires judiciaires, comme celles du sang contaminé ou des faux électeurs de la Mairie de Paris.

"Naturellement de droite ", étaient-ils manipulés par la droite et l'extrême-droite, et par leur hiérarchie ?
Le malaise qui a éclaté au grand jour avait couvé, dans le cadre de la cohabitation, sous des ministres alternativement de droite et de gauche qui ont tous eu la même politique. L'interdiction qui leur est faite de se syndiquer, de manifester, de faire grève, n'a été remise en cause par aucun gouvernement. Et lors du mouvement, Jospin, en bon représentant de la bourgeoisie, prenant position pour le maintien du statut militaire, affirmait qu'il n'était pas question de donner aux gendarmes des droits démocratiques.
Les droits démocratiques, les gendarmes les ont exercé directement en bravant les interdits et en prenant le risque de sanctions. Cette attitude a plus de signification que les étiquettes de droite et de gauche galvaudées par des politiciens représentants du libéralisme économique. Quant à l'influence de l'extrême-droite parmi eux, il est difficile d'en juger. Nous discutons de leur mouvement tel qu'il est apparu publiquement, de sa signification qui était progressiste.
La contestation des gendarmes était avant tout celle de la base. Ils n'ont pas obéi aux ordres de leur hiérarchie en décidant de sortir de la légalité pour faire éclater publiquement leur mécontentement. Comme l'a noté Peillon, nombreux sont les officiers qui ont été sifflés et désavoués quand ils ont essayé de s'opposer aux manifestations. Un partie des officiers semble avoir été partie prenante du mouvement mais il est difficile de dire s'ils ont choisi d'être là pour limiter les dégâts ou s'ils se sont ralliés devant un rapport de force. Si une fraction de la hiérarchie avait le projet d'instrumentaliser le mouvement pour obtenir une rallonge budgétaire devant la baisse du budget militaire due à la professionnalisation de l'armée, elle n'aurait certainement pas eu recours à ces méthodes qui sont plus celles de salariés que de hauts responsables de l'armée et donc de l'Etat.
Si les conséquences de ce mouvement étaient essentiellement positive, il peut y avoir des évolutions dans un sens réactionnaire si le mouvement ouvrier n'est pas en capacité d'apparaître comme une direction politique et si, désarmé par les confédérations syndicales, il ne peut qu'exprimer sa sympathie sans avoir la politique pour se placer résolument en tête de toutes les mobilisations. Faute de perspectives plus larges, le mécontentement des gendarmes, pourrait être dévoyé vers de prétendus " sauveurs " d'extrême-droite dont la démagogie pourrait alors trouver un terrain favorable. Mais aujourd'hui, cela n'est pas le cas.
C'est pour cela qu'il est d'autant plus nécessaire de nous positionner favorablement à ces manifestations de mécontentement dirigées contre la politique d'un gouvernement qui assume la direction des affaires de la bourgeoisie et qui est celui-là même qui attaque le niveau de vie du monde du travail.

Sont-ils partisans de la " tolérance zéro " ?
Parmi les arguments pour refuser toute solidarité à ce mouvement, est avancé le point de vue que les gendarmes sont partie prenante du " tout-répressif " et que s'ils revendiquent des moyens, c'est pour faire plus de répression. L'embauche de 6000 nouveaux gendarmes d'ici 2005 -alors que la France est le pays d'Europe le plus policier- s'inscrirait dans ce sens.
Il ne s'agit pas de revenir sur le rôle de l'armée mais de discuter de ce qui s'est exprimée dans la contestation des gendarmes. Qu'ils soient partisans de la " tolérance zéro ", peut-être, mais cela ne s'est en aucun moment dit ; de même, ils n'ont pris position, ni pour, ni contre la loi sur la présomption d'innocence, à la différence des policiers : " … la plupart des syndicats de police dénoncent cette " loi de voyous ", responsable selon eux de la montée de la délinquance ", (Rouge du 13/12, article " Défendre les libertés " sur le congrès du syndicat de la magistrature).
Si le gouvernement qui défend publiquement une politique sécuritaire, a cédé rapidement, c'est par crainte d'une possible contagion à d'autres catégories de l'armée. Devant la profondeur de la mobilisation, il a préféré satisfaire une partie de leurs revendications pour ne pas approfondir la crise au sein de l'appareil d'Etat. Et rien ne dit qu'il y sera parvenu….
On peut penser que parmi les gendarmes, certains ont pris le goût de l'exercice des libertés démocratiques qui leur sont toujours refusées. Un mouvement de cette ampleur ne peut que laisser des traces dans les consciences, des liens se sont tissés qui ne sont plus ceux de la subordination, mais ceux de la solidarité. Et pour l'avenir, cela pourrait compter !
Valérie Héas

A propos de la guerre impérialiste en Afghanistan :
notes de lecture sur les articles de Lutte Ouvrière dans les Lutte de Classe d'octobre, novembre et décembre 2001

L'axe essentiel de ces articles est de répondre à tous ceux qui parlent d'une " nouvelle guerre ", la " première guerre du XXIè siècle ", ou d'une " croisade contre le terrorisme ", en démontrant qu'il s'agit d'une guerre impérialiste, produit de la politique menée depuis un siècle par les grandes puissances pour imposer leur domination sur les peuples.
De ce point de vue, ces articles sont intéressants et utiles, bien que ce souci d'affirmer une continuité d'analyse s'accompagne d'une volonté répétitive de démontrer qu'il n'y aurait rien de nouveau sous le soleil.

La dénonciation de la domination impérialiste qui mène inévitablement à la guerre
Avec les attentats du 11 septembre, indique LO, " l'impérialisme américain est en quelque sorte rattrapé par sa propre politique ". " Le cliquetis d'armes et les bruits de bottes, pas plus que les pressions diplomatiques, ne répondent aux problèmes politiques posés par les attentats de New York ". En effet, ces attentats sont le produit de la politique impérialiste qui soutient, voire met en place des régimes qui acceptent de faire la police contre leurs peuples, afin que les trusts des grandes puissances puissent piller les richesses et s'approprier au plus bas prix le travail. Avec cette contradiction : " dans les pays sous-développés, les régimes les plus serviles à l'égard de groupes impérialistes, et, par là, les alliés les plus fidèles des Etats-Unis sont précisément ceux qui, faute de soutien dans leur propre population, ont absolument besoin de leur appui ", par contre " les dirigeants des grandes puissances ont maintes fois fait l'expérience de régimes qui, en acquérant une certaine base populaire, prennent leurs distances ". C'est le cas du régime taliban, soutien d'Oussama Ben Laden, après celui de Saddam Hussein.
C'est ainsi, ajoute LO, que le " combat contre l'intégrisme " de Bush, Blair, Chirac et Jospin n'est que le combat contre un des avatars de leur politique. " On ne manie pas les forces réactionnaires sans qu'il y ait de choc en retour ". " Au temps de l'Union soviétique ", les puissances occidentales se sont appuyées sur des forces politiques réactionnaires au nom de " la préoccupation de contenir l'influence soviétique ". Elles ont, dans ce contexte, financé des organisations intégristes pour s'opposer aux régimes issus des révolutions coloniales et ont ainsi favorisé " un cours réactionnaire des choses depuis plus d'un quart de siècle qui a joué un tour à la politique de l'impérialisme américain. Ce cours réactionnaire s'est concrétisé par un recul général des forces qui se revendiquaient -bien plus à tort qu'à raison, mais c'est une autre question- du socialisme ou du communisme, et même des forces qui se voulaient " nationalistes ", " progressistes " ou " tiers-mondiste ". Toutes ces forces s'alimentaient en dernier ressort des mécontentements, des colères, des frustrations des peuples opprimés par l'impérialisme. ". De ce fait " faute que d'autres perspectives soient offertes aux masses déshéritées, l'intégrisme religieux, jusqu'à ses variantes terroristes est devenu le seul vecteur par lequel s'exprime leur désespoir et leur haine ".
Un bref historique de la politique coloniale de l'empire britannique en Inde, montre comment les divisions et les haines semées et attisées par les puissances impérialistes depuis 50 ans dans cette région rendent, dans le cadre actuel " tout règlement politique impossible ". Et ce qui se vérifie aujourd'hui, " après avoir mis le feu à la poudrière afghane, l'impérialisme menace de l'étendre à toute la région ".

Des contradictions soulevées qui restent sans réponse politique
" Les attentats de New York et Washington, les manœuvres diplomatiques et les opérations militaires qui s'en sont suivies ne constituent pas un tournant dans les relations internationales, mais un révélateur ", affirme LO. En effet, argumente-t-elle, " l'existence de groupes ou de mouvements terroristes ne constitue certainement pas une nouveauté ", car les multiples formes de l'oppression impérialiste ont " toujours suscité des réactions et provoqué des résistances ", dont le terrorisme. Enfin les camarades rappellent que qualifier les 50 dernières années de " période de paix ", " sonne comme une sinistre plaisanterie car les guerres locales et les conflits armés qui n'ont pas cessé de se succéder ont fait plus de victimes que la première guerre mondiale. L'impérialisme porte la guerre en lui-même ". Certes, mais les camarades conviendront que la guerre de 1870 n'est pas celle de 14, qui elle-même n'est pas celle de 40… même si le cadre général reste celui du capitalisme, il y a à chaque étape de l'histoire des éléments de nouveauté nécessaires à décrire du point de vue des luttes d'émancipation.
Sinon, comment expliquer que " durant les années de guerre froide, l'opposition des blocs occultait certains des conflits, d'autres paraissaient découler de la coupure du monde en deux. Ce n'est plus le cas depuis l'écroulement de l'Union Soviétique " ? Comment se contenter de dire que " si les attentats de New York et Washington ont eu de quoi marquer l'opinion publique américaine, en raison de leur caractère spectaculaire mais aussi parce que c'est la première fois que l'impérialisme américain est affecté sur son propre sol, ils ne représentent en rien une phase nouvelle des relations internationales " ? Quelles conséquences tirer de ce constat " aucune puissance impérialiste, fut-elle les Etats-Unis, unique super-puissance du monde depuis la dislocation de l'Union Soviétique, ne peut assurer l'ordre mondial avec ses propres forces " ? On ne peut d'ailleurs que regretter que nos camarades de la minorité, dont l'existence en tant que tendance dans Lutte Ouvrière vient de leur volonté de discuter des conséquences à tirer de l'effondrement de l'URSS, n'apportent aujourd'hui aucune réponse à cette question dans ses répercussions sur la situation internationale.
Enfin quelle forme vivante donner à cette conclusion que " la seule alternative est la renaissance du mouvement ouvrier révolutionnaire ouvrant une autre perspective devant l'humanité que l'expression sans cesse renouvelée et élargie de la barbarie. Les perspectives fondamentales dépendent de la capacité de la classe ouvrière à jouer de nouveau sur la scène internationale le rôle qu'elle a joué au moment de la montée internationale du socialisme dans la deuxième moitié du 19ème siècle ou après la révolution russe de 1917" ? Quelles sont les conditions nouvelles qui vont permettre ce renouveau de la conscience de classe ? Comment les révolutionnaires peuvent-ils les exprimer afin de jeter les bases du parti mondial de la révolution du XXIème siècle ?
Les analyses des camarades de LO sont marquées par la volonté de réaffirmer les idées marxistes mais en fait, ce sont surtout les conclusions des analyses de Lénine et de Trotsky qui sont reprises sans intégrer ce qu'il y a de nouveau dans les conditions de la lutte des classes. La renaissance du mouvement ouvrier ne peut résulter du seul volontarisme militant. Il est nécessaire d'analyser ce qu'il y a de nouveau dans la situation internationale sociale et politique. Cela suppose d'intégrer dans son raisonnement et la restauration de la propriété privée dans l'ex-URSS et les transformations opérées par ce qu'il est convenu d'appeler la mondialisation.
Or, pour la direction de LO le temps semble avoir suspendu son vol…

La mondialisation, une nouvelle étape de l'impérialisme
Ainsi le terme " mondialisation " n'est jamais cité. Est-ce parce qu'il est utilisé par des gens qui combattent le marxisme et ses conclusions révolutionnaires ? Les marxistes n'ont jamais inventé aucune terminologie propre : la plus-value ou l'impérialisme sont des notions que Marx et Lénine ont reprises chez des économistes bourgeois qui en faisaient une justification du capitalisme et de son caractère indépassable.
LO date d'il y a 25 ans un " cours réactionnaire des choses " marqué par le recul des idées " progressistes ". Il y a 25 ans, c'était la fin des révolutions coloniales, le soulèvement révolutionnaire des peuples opprimés aboutissait à la mise en place de nouveaux Etats dans le cadre d'un monde divisé en deux : le bloc soviétique et le bloc capitaliste. C'était également la fin de la période de forte croissance de l'économie capitaliste avec le problème pour les trusts d'éviter la baisse du taux de profit, en trouvant de nouveaux marchés, mais surtout en faisant baisser le " coût du travail ". S'ouvre alors une offensive contre le monde du travail, licenciements, délocalisations, remises en cause des droits sociaux au nom de la concurrence de la main d'œuvre surexploitée dans les " pays en voie de développement ". Cette pression du capitalisme a pesé sur les travailleurs, mais aussi sur les Etats, entre autres ceux du bloc soviétique, aboutissant à l'éclatement de l'URSS et à la disparition de son bloc. Cette nouvelle donne a ouvert de nouveaux champs d'investissements aux capitaux, soumis à l'exploitation capitaliste des fractions nouvelles de la population mondiale, mais cela a également provoqué de nouveaux problèmes pour l'impérialisme.
La direction de LO se refuse à intégrer une donnée contradictoire : que la montée d'idées réactionnaires, le recul du mouvement ouvrier et démocratique, le triomphe du libéralisme impérialiste, la fin de l'URSS et du stalinisme puissent à l'opposé entraîner sur la base des transformations économiques de la mondialisation une renaissance du mouvement ouvrier.
La pensée de la direction de LO est figée refusant d'accepter la fin de l'URSS et du stalinisme qui constituaient les éléments déterminants de son cadre de raisonnement.
Là est son drame, tout est continuation du passé, sa reproduction.
Depuis plusieurs mois, l'économie est entrée dans une phase de récession aux rythmes différents mais qui se traduit partout par de nouvelles attaques contre les travailleurs. La violence et la barbarie des rapports de domination éclatent dans la guerre menée par les superpuissances contre un des peuples les plus pauvres de la planète. La concurrence entre les puissances impérialistes crée le besoin de nouveaux cadres en élaboration comme l'Europe, source d'instabilité politique mais aussi dépassement des cadres nationaux. Le rôle des révolutionnaires est de montrer en quoi le développement de ces contradictions peut renforcer la classe ouvrière alors que de nouvelles générations de jeunes et de travailleurs s'ouvrent à la politique complètement émancipés du stalinisme.
Oui, il y a des transformations nouvelles qui imposent aux révolutionnaires des réponses nouvelles.
Isabelle Cazeaux