Débat militant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°5
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23
janvier 2002
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Sommaire : | ||||||||||
Editorial : La candidature d'Olivier Besancenot, écrire la continuité des Européennes |
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A propos du dossier de Rouge "Marx, le retour" | ||||||||||
Un parti sans voix. La social-démocratisation du PCF et les tâches des révolutionnaires | ||||||||||
Les " états généraux contre le MEDEF " ou la gauche plurielle en campagne | ||||||||||
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La candidature d'Olivier Besancenot, écrire la continuité des Européennes
La
candidature d'Olivier Besancenot a l'avantage de la jeunesse, elle peut d'autant
mieux incarner une perspective, un projet qui puissent répondre aux besoins
et aux possibilités de la période. Mais la réussite de
cette entreprise dépend de notre capacité à inscrire la
campagne électorale dans la continuité des campagnes pour les
élections européennes de 1999 et municipales de 2001.
La nécessité de l'unité et du regroupement des forces militantes
du monde du travail est ressentie avec d'autant plus de force aujourd'hui que
l'offensive du patronat et du gouvernement - de celui-ci comme de celui à
venir, quel qu'il soit - va se durcir pour sauvegarder les profits malgré
la récession.
Il est donc logique que les mesures d'urgence défendues par la liste
LO-LCR en 1999 comme par la plupart des listes de notre organisation aux Municipales
figurent en première place de notre campagne cette année. Pas
de lutte possible contre la misère et le chômage sans le combat
pour l'interdiction des licenciements, l'augmentation générale
des salaires et un salaire minimum garanti pour tous. Ce programme ne pourra
se réaliser que si les travailleurs imposent une autre répartition
des richesses et disputent, de fait, le contrôle de l'économie
aux actionnaires des grands groupes industriels et financiers. C'est pourquoi,
il exige pour être crédible que soit posé le problème
du regroupement des forces de tous ceux qui veulent y uvrer, à
commencer par les révolutionnaires qui s'en déclarent les plus
chauds partisans.
Même si elle ne l'affirmait pas explicitement, c'est cette perspective
qu'incarnait la liste LO-LCR aux Européennes, par le seul fait qu'il
s'agissait d'une liste unitaire. C'est cette même nécessité
que nous avons défendue, seuls cette fois, dans la campagne des Municipales
en inscrivant celle-ci dans la perspective d'une nouvelle force politique opposée
au patronat, à la droite et à la gauche gouvernementale. Lutte
ouvrière, quant à elle, affirmait bien la nécessité
d'un parti révolutionnaire, mais sous la forme d'une perspective lointaine
et du coup, incantatoire.
Mais au moment où l'arrivée des pièces et billets en euro
fait de l'avenir de l'Europe un problème politique incontournable, un
programme de luttes pour des mesures d'urgence et une autre répartition
des richesses ne peut être crédible, également, que s'il
s'inscrit dans la perspective internationaliste que défendait la liste
LO-LCR aux élections de 1999.
La question de l'Europe est celle où se rejoignent en effet directement
la lutte pour un plan d'urgence et une autre répartition des richesses
et le combat contre la mondialisation capitaliste.
Enfant de 20 ans de mondialisation capitaliste, l'euro est l'expression la plus
concentrée des contradictions du système capitaliste. L'évolution
de l'économie et des techniques a imposé la monnaie unique aux
bourgeoisies européennes, mais elles ne s'y sont résolues que
parce qu'elles avaient besoin de cet instrument dans la guerre économique
mondiale. Trop accrochées à leurs privilèges pour se séparer
de leur Etat national, elles n'ont su donner naissance qu'à une monnaie
commune à douze Etats.
Comme le disait en 1999 la profession de foi commune, " L'Europe
qu'ils prétendent construire n'a rien à voir avec les intérêts
des travailleurs, des chômeurs, des jeunes. Elle est conçue pour
accroître les profits des industriels et des groupes financiers. Leur
Europe est celle de l'exploitation, une forteresse des multinationales.
Leur Europe n'est pas démocratique. Le Parlement européen n'est
qu'un paravent pour le pouvoir discrétionnaire de la "commission
européenne" issue de marchandages entre gouvernements et soumise
aux puissances d'argent ".
Cette même profession de foi s'affirmait clairement internationaliste.
Une des raisons de voter pour la liste était ainsi formulée :
" c'est s'opposer clairement à tout repli nationaliste.
Les travailleurs de tous les pays ont les mêmes intérêts
et la seule frontière qui vaille est celle qui sépare les exploiteurs
du monde du travail ".
Tout en nous situant dans cette continuité, il nous faudra prendre en
compte les évolutions qui naissent des besoins mêmes des bourgeoisies
européennes. Elles ne peuvent pas ne pas poser le problème d'une
Europe politique quand chaque crise politique, comme celle survenue en Italie
récemment, montre la fragilité d'une construction européenne
dont le seul ciment est la monnaie.
" L'Europe unie, sans frontières entre les peuples, c'est
l'avenir ", voilà ce que disait en 1999 le préambule
de la profession de foi. " Vivent les Etats-Unis socialistes d'Europe ",
voilà ce que nous devrions y ajouter aujourd'hui, une perspective que
l'évolution des trois dernières années met pleinement d'actualité.
A propos du dossier de Rouge " Marx, le retour "
Rouge nous a fait
nos étrennes pour le début d'année sous forme d'un dossier,
" Marx, le retour " tout en offrant le " champ libre "
à deux jeunes intellectuels brillants ne craignant pas d'affronter l'ironie
de ceux qui considèrent que parler de classes sociales relève
de la langue de bois ringarde. Ils écrivent, l'un âgé d'à
peine trente ans, l'autre tout juste de 28 ans : " Mais la bourgeoisie
n'a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort ; elle
a produit aussi les hommes qui manieront ces armes- les ouvriers modernes, les
prolétaires ". Ces deux intellectuels, Marx et Engels,
écrivent par ailleurs, dans le même ouvrage cité, Le
manifeste communiste : " L'histoire de toute société
jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes ".
La contribution de nos deux jeunes collaborateurs éclaire ce qui apparaît
comme la faiblesse du dossier. Ce dernier nous invite à découvrir
" tous les Marx possibles et méconnus ". Certes,
l'uvre de Marx et de son ami Engels est multiple et foisonnante mais on
aurait aimé retrouvé de façon plus explicite ce que Lénine
appelait " le fil conducteur ", la théorie
de la lutte des classes.
Orthodoxie
sclérosante ou contre révolution
Le dossier nous convie à " dégager, des ruines d'une
orthodoxie forcément sclérosante, tous les Marx possibles et méconnus ".
Dans son article, Daniel Bensaïd précise le propos. " Un
retour à Marx ne suffira pas. Il s'agit plutôt de savoir par quelles
voix ou quels chemins de traverses repasser par Marx. Gramsci, Benjamin , Bloch,
Lukacs fournissent autant de contrepoints critiques pour dégager des
ruines de l'orthodoxie stalinienne non point un Marx authentique, le "vrai
Marx ", mais des Marx possibles et refoulés, qui ont tant à
nous dire sur la mondialisation, sur le fétichisme, sur l'écologie
même ".
Il semble nécessaire de préciser pour éviter les confusions
que cette orthodoxie stalinienne n'a aucun rapport avec le marxisme. C'est à
partir de cette confusion que la propagande bourgeoise prétend que l'utopie
conduit au totalitarisme. Il n'y a aucun lien entre marxisme et stalinisme pas
plus qu'entre bolchevisme et stalinisme. " La bureaucratie stalinienne,
écrivait Trotsky, non seulement n'a rien de commun avec le marxisme,
elle est encore étrangère à quelque programme, doctrine
ou système que ce soit. Son idéologie est imprégnée
d'un subjectivisme absolument policier, sa pratique, d'un empirisme de pure
violence. Par le fond même de ses intérêts, la caste des
usurpateurs est hostile à la théorie : ni à elle-même,
ni à autrui, elle ne peut rendre compte de son rôle social. Staline
révise Marx et Lénine, non par la plume des théoriciens,
mais avec les bottes de la Guèpéou ". (Bolchevisme
et Stalinisme). Trotsky nous rappelle avec vigueur que nous ne pouvons un
instant confondre l'idéologie de la réaction stalinienne avec
le marxisme.
Une autre chose est de ne pas ignorer le travail de militants ouvriers ou intellectuels
qui, tout en subissant le carcan stalinien sans pouvoir imaginer qu'il soit
possible de s'en dégager, ont apporté leur contribution au marxisme
et qui, aujourd'hui, le carcan brisé, peuvent prendre toute leur place
dans le développement du mouvement ouvrier révolutionnaire. C'est
là l'expression de la contradiction du stalinisme, phénomène
de dégénérescence du premier et unique Etat ouvrier.
Notre retour à Marx, avec eux, ouvriers et intellectuels venant du stalinisme,
passe par les mille chemins de traverses, routes escarpées et abruptes
de la lutte des opprimés, par un retour critique sur le passé.
"
Marxisme académique " ou tourner le dos à la lutte de classe
Dans le même article, Daniel Bensaïd écrit " après
l'époque stalinienne des excommunications sectaires, le danger inverse
apparaît aujourd'hui d'une coexistence polie et éclectique entre
marxismes académiques sans enjeux ". N'y a-t-il pas une
continuité entre les deux ? Il semble d'abord que l'adjectif sectaire
ne rende pas compte de ce que fut une politique de répression et de police
au sein du mouvement ouvrier. Et, par ailleurs, ce " marxisme académique "
apparaît comme un mode de survie sous d'autres formes de cette idéologie
dite orthodoxe. Cette idéologie orthodoxe ayant perdu l'appareil auquel
elle s'était adaptée, s'adapte tout naturellement à la
société bourgeoise comme elle avait su si bien le faire quand,
orthodoxe cependant, elle était déjà en bonne entente avec
le réformisme. Ce marxisme académique pourrait-il être réellement
" sans enjeux " ? L'enjeu ne serait-il pas de
continuer de mener le combat idéologique contre le marxisme révolutionnaire,
contre le marxisme militant ? L'enjeu ne serait-il pas de mettre les progrès
du matérialisme au service de l'idéologie réformiste ?
Surmonter ce " danger ", c'est justement prendre
la mesure de cet enjeu
Unité
ou éclectisme
Daniel Bensaid pose la question, " de savoir ce qui, par delà
les différences d'orientations et les fragmentations disciplinaires,
peut encore permettre de parler du marxisme comme d'un courant de pensée
clairement identifiable ". N'est-ce pas la réponse à
cette question qui peut protéger du " marxisme académique " ?
Lénine donne un élément de réponse dans un article
intitulé " Karl Marx ". Il parle de : " La
logique et l'unité remarquables des idées de Marx (qualités
reconnues même par ses adversaires), dont l'ensemble constitue le matérialisme
et le socialisme scientifique contemporains en tant que théorie et programme
du mouvement ouvrier de tous les pays civilisés ". Le marxisme
se définit aujourd'hui encore de la même façon bien qu'une
nouvelle page de cette théorie et de ce programme soit à écrire.
C'est ce qui fonde son unité, c'est l'affirmation pratique de cette unité
qui nous protège du danger de l'éclectisme conséquence
de l'académisme. Cette unité loin d'être restrictive permet
d'intégrer à la richesse du mouvement ouvrier " les
différences, les foisonnements, les fragmentations ". Il
appartient à la fraction organisée du marxisme de permettre à
ceux qui souhaitent éviter ce piège de trouver leur place dans
notre combat, d'apporter leur connaissance, leur culture au mouvement pour le
renforcer et le nourrir.
C'est cette unité clairement revendiquée qui pourra nous donner
la force d'attirer au travail commun tous les partisans du marxisme ou des marxismes,
de les associer dans la lutte contre l'idéologie bourgeoise pour uvrer
à l'émancipation sociale.
La
théorie de la lutte de classe émancipatrice
" Le matérialisme et le socialisme scientifique contemporains
en tant que théorie et programme du mouvement ouvrier " écrit
Lénine indiquant le contenu concret et pratique du marxisme. La force
même du marxisme est, en retour, liée au contenu pratique et concret
du mouvement ouvrier. Il a fallu attendre la fin du XIX° siècle pour
que le marxisme devienne la conception philosophique, le programme du mouvement
ouvrier. " Aux environs de 1890, écrit Lénine,
cette victoire, dans ses grandes lignes, est un fait accompli "
(marxisme et révisionnisme, 1908). Cette maturité préparait
les grands mouvements révolutionnaires du premier quart du XX° ème
siècle. La longue vague de réaction qui suivit la crise de 29
et la victoire du fascisme comme du stalinisme ont eu comme conséquence
un profond recul du marxisme. Il n'a pu continuer de progresser que par le travail
d'une toute petite minorité révolutionnaire, le courant trotskyste
ou, secondairement, en marge de l'idéologie officielle du stalinisme
et obligés de composer avec elle, sous forme de travaux académiques.
Pourtant malgré ce recul, un immense travail a été accompli,
indispensable pour comprendre la nouvelle période dans laquelle nous
sommes entrés.
Cette nouvelle période part d'un niveau infiniment supérieur à
celui de la fin du XIX° siècle tant du point de vue du développement
scientifique, technologique, culturel que social avec l'existence d'un prolétariat
mondial. Elle appelle une renaissance marxiste.
Nos
repères de classe
Nicolas Béniès écrit dans un article du dossier intitulé
" Retour vers le futur " : " L'élaboration théorique
n'est pas un "plus ". C'est une nécessité vitale. Le
marxisme n'a pas de textes sacrés ou toutes les réponses seraient
consignées. Le retour à Marx se trouve posé dans la mesure
même où notre monde a changé et a retrouvé, mutatis
mutandis, une structure qui ressemble par beaucoup d'aspects à celle
du XIX° siècle. C'est encore plus vrai pour le mouvement ouvrier,
obligé de trouver de nouveaux repères ".
Retrouver de nouveaux repères n'est-ce pas retrouver ses propres repères
de classe en toute lucidité, sans illusion, repères qui ont été
bousculé par le réformisme social-démocrate et stalinien
?
Comme le rappelle Michel Husson, au cur du système capitaliste,
il y a le rapport capital-travail, rapport d'exploitation qui fait de la force
de travail une marchandise. L'analyse de la marchandise est le point de départ
du Capital, critique la plus audacieuse de la " marchandisation
du monde " dont, dit Marx, le but final " est de
découvrir la loi économique du mouvement de la société
moderne ".
Le mouvement ouvrier pourra retrouver ses repères en revenant à
deux découvertes fondamentales. " Ces deux grandes découvertes
: la conception matérialiste de l'histoire et la révélation
du mystère de la production capitaliste au moyen de la plus-value, écrit
Engels dans l'Anti-Dühring, nous les devons à Marx. C'est grâce
à elles que le socialisme est devenu une science, qu'il s'agit maintenant
d'élaborer dans tous ses détails ".
Pour
une renaissance marxiste
Nous avons à redécouvrir la théorie de la lutte de classe
dans toute sa vigueur révolutionnaire avant que, vidée de tout
contenu d'émancipation, elle ne serve de masque de l'imposture et de
la dictature. Renaissance au sens de retour aux textes, pour montrer leur vitalité,
leur capacité à nous donner les clés du monde impérialiste
et de sa transformation. " Cette lutte, écrit Engels dans sa
préface au Manifeste de 1883, a actuellement atteint une étape
où la classe exploitée et opprimée (le prolétariat)
ne peut plus se libérer de la classe qui l'exploite et l'opprime (la
bourgeoisie), sans libérer en même temps et à tout jamais
la société entière de l'exploitation, de l'oppression et
des luttes de classes ". " Cette idée maîtresse
" qui, selon lui, " appartient uniquement et exclusivement à
Marx " a la même importance " pour la science historique
que
la théorie de Darwin pour la biologie ".
La théorie de l'évolution des sociétés humaines
intègre les nouvelles connaissances tout comme la théorie de l'évolution
des espèces depuis Darwin le fait dans son domaine.
C'est pourquoi le retour ne saurait être un saut pour remonter le temps,
au risque d'oublier l'uvre de tous ceux qui ont permis que les idées
de Marx et d'Engels deviennent réellement les armes de " l'émancipation
des travailleurs par eux-mêmes ". Et au premier rang d'entre
eux, Lénine et Trotsky.
Eviter de tomber dans le piège d'un marxisme académique pluriel
signifie assurer la continuité et la filiation de nos combats qui ont
défini des camps dont il serait préjudiciable d'effacer les délimitations,
c'est à dire les enseignements.
Dégager les ruines du stalinisme, c'est faire renaître les idées
du bolchevisme et du trotskisme, ce qui suppose aussi de se dégager des
caricatures dogmatiques qu'en a fait le gauchisme. Ce qui signifie dans la pratique
construire au sein même de la classe ouvrière une organisation
marxiste révolutionnaire.
"
L'autre berge " ou l'aventure humaine
C'est dans la compréhension de ces luttes concrètes, de cette
histoire, en s'y insérant pleinement que l'on peut répondre à
la " triple question " que pose, dans son article, Alain Bihr. "
Comment et pourquoi le capitalisme est-il parvenu à "survivre
"
. ? ", " Qu'est-ce que le capitalisme a produit
de neuf, d'inédit, d'inattendu depuis Marx
? ", "
Enfin, la perspective d'un dépassement révolutionnaire du capitalisme
.
Conserve-t-elle un sens ? ".
Le contenu même de ces questions, leur réponse en même temps,
c'est " l'histoire des luttes de classes ", histoire qui s'écrit
chaque jour sans que nous puissions connaître par avance avec certitude
ses chemins et ses détours, ses accidents. Le déterminisme historique
n'est pas une conception mécanique, finaliste, mais un instrument théorique
pour comprendre les tendances afin de rendre les acteurs de cette histoire,
les hommes, conscients. Ce degré de conscience sociale, collective, est
un des moteurs essentiels des transformations révolutionnaires.
" Il s'agit de penser le communisme, écrit Catherine Samary,
non pas comme horizon lointain et sans conflits, mais bel et bien comme objet
de luttes actuelles : contre la marchandisation de la planète imposée
par le capital, contre le statut fait aux être humains, hommes et femmes,
individus et peuples, citoyens et travailleurs aux droits de plus en plus restreints
; pour la satisfaction des besoins essentiels déterminés de façon
démocratique. Il faut établir des ponts entre luttes dans et contre
le capitalisme (pour des réformes) et "besoin de révolution
", d'un autre pouvoir pour étendre les acquis et remettre en cause
la domination du capital (revendications "transitoires "). Mais un
pont implique de connaître l'autre berge
"
On souscrit, " l'autre berge ", c'est l'avenir à construire
par l'initiative des masses, leur " irruption sur le terrain où
se règle leur propre sort " selon l'expression de Trotsky. Le
programme du socialisme ou du communisme c'est le programme de la libération
des forces créatrices de l'humanité des entraves de la propriété
privée.
L'évolution
de la technique, de la science, de la société au secours du marxisme
Les réponses à la "triple question " d'Alain Bihr, c'est
l'histoire qui les donne. Et, paradoxalement dans cette longue période
de recul du mouvement ouvrier qui a suivi l'essor de 1917, malgré les
guerres et la barbarie engendrée par la perpétuation du capitalisme,
ont mûri les conditions d'une nouvelle révolution. Le prolétariat
a exercé son droit à diriger la société, certes
dans un court instant, mais il l'a fait, l'humanité est libérée
de l'abjection de la domination coloniale, la classe des salariés est
une classe à strictement parler mondiale. Les progrès techniques
ont permis une socialisation croissante de la production et des échanges
qui révèle le caractère réactionnaire de la propriété
privée comme des frontières nationales. Les progrès de
la science, de la connaissance et plus généralement de la culture
donnent aux idées de l'évolutionnisme matérialiste, le
matérialisme dialectique, une force telle qu'elle pénètre
de larges secteurs de la science officielle. Les conceptions de Marx et de Darwin
ont conquis la planète toute entière en dépit du combat
incessant de toutes les formes d'idéalisme bourgeois.
Le retour à Marx est un retour au XIX° pour penser notre siècle
et les progrès accomplis qui donnent un éclat tout nouveau à
la philosophie du matérialisme dialectique pour en faire autant d'armes
dans le combat contre l'idéologie bourgeoise
Le marxisme n'est pas une idéologie, avec ses orthodoxes et ses iconoclastes,
elle est une méthode, une science qui ont une histoire. En 1910, dans
De certaines particularités du développement historique du
marxisme, Lénine écrivait : " Notre doctrine, disait
Engels de lui-même et de son célèbre ami, n'est pas un dogme,
mais un guide pour l'action. Cette formule classique souligne avec force et
de façon saisissante un aspect du marxisme que l'on perd de vue à
tout instant. Dès lors nous faisons du marxisme une momie difforme et
mutilée, nous évacuons son âme vivante, nous sapons ses
bases théoriques fondamentales qui sont la dialectique, la théorie
de l'histoire en tant que mouvement plein de contradictions et auquel rien n'échappe
; nous affaiblissons son lien avec les problèmes pratiques et précis
de l'époque, susceptibles de se modifier à chaque nouveau tournant
". Analysant les étapes du développement de la théorie
marxiste, il écrit "c'est précisément parce qu'il
n'est pas un dogme mort, une doctrine achevée, toute prête, immuable,
mais un guide vivant pour l'action, que le marxisme ne pouvait manquer de refléter
le changement singulièrement brusque intervenu dans les conditions de
la vie sociale ".
Notre retour, c'est faire vivre le marxisme, penser son histoire pour aujourd'hui
contribuer, chacun dans sa propre activité, à l'enrichir pleinement
du "changement brusque intervenu dans les conditions d la vie sociale
".
Du
rôle et de la place des intellectuels
Au sortir de la longue période de réaction qu'a été
le stalinisme, pour dégager de "ses ruines " les progrès,
les conquêtes réalisées malgré et contre lui et qu'il
s'agit de capitaliser afin de pouvoir avancer sur des bases solides, un vaste
travail de réappropriation par le mouvement ouvrier de sa propre théorie
est en route. Ce travail a besoin de toutes les énergies, de toutes les
volontés et compétences. Il ne peut s'accomplir que dans le cadre
d'un combat philosophique, politique, d'un travail d'éducation en relation
directe avec le mouvement révolutionnaire, sa fraction ouvrière,
jeune en particulier
" Pour être vraiment un interprète conscient [du processus
révolutionnaire], le parti doit savoir établir des rapports d'organisation
assurant un certain niveau de conscience et élevant systématiquement
ce niveau " écrivait Lénine au début du siècle
dernier. Il ne peut en effet y avoir de mémoire, donc de conscience,
sans organisation. L'organisation est l'expression concrète, physique
de la mémoire et de la conscience mais aussi la condition de son dialogue
avec l'environnement, la société humaine, c'est à dire
la condition de tout travail et progrès intellectuels, et en retour de
l'organisation elle-même. La réappropriation du marxisme se conjugue
avec la construction d'un nouveau parti.
Yvan Lemaitre
Un parti sans voix. La social-démocratisation du PCF et les tâches des révolutionnaires
Robert Hue respire.
La campagne des Présidentielles ne pouvait s'engager sous de meilleurs
auspices pour celui qui se présente désormais comme le " candidat
anti-Medef ". En censurant les dispositions de l'article 107 de la
loi de modernisation sociale, le Conseil constitutionnel procure - enfin ! -
à Robert Hue l'occasion de faire entendre sa différence. L'Humanité
ne manque d'ailleurs pas de souligner que la décision des neufs sages
tombe " à la veille d'une initiative politique du Medef, lui
offrant ainsi ce qu'il réclame depuis des mois sur un plateau d'argent ".
Robert Hue peut roder son slogan " La France, c'est vous ",
slogan qui renvoie explicitement à celui avancé par l'organisation
patronale : " En avant l'Entreprise, en avant la France ! ".
Asphyxié dans les sondages, le président du PCF retrouve ainsi
quelques couleurs. Robert Hue peut brocarder à qui mieux mieux le baron
Seillière et son projet de refondation sociale, sans que les accents
lutte de classe du patron du PCF troublent les partenaires socialistes de la
gauche plurielle. La bataille contre le Medef et la droite a, en effet, l'avantage
d'éviter l'épineuse question du bilan de la gauche gouvernementale
depuis 1997. La marge de manuvre du PCF est effectivement étroite :
il doit se démarquer du PS afin de limiter la progression de l'extrême-gauche
tout en ménageant l'allié socialiste dont dépend la réélection
des députés communistes. La " protestation constructive "
et la " distanciation positive " auxquelles s'adonne
le PCF est un exercice délicat. Et le grand écart n'est pas tenable
très longtemps, c'est ce que confirme la crise électorale et militante
dans laquelle s'enfonce le Parti communiste, c'est ce qu'attestent les bons
scores accumulés par la LCR et LO.
Parti au gouvernement,
parti de gouvernement
Les " colères " de Robert Hue ne peuvent masquer l'essentiel :
de 1997 à 2002, le PCF, au gouvernement et à l'Assemblée,
a soutenu l'entreprise de régression sociale de Jospin. Hue reconnaît
lui-même la pleine responsabilité de son parti dans la politique
anti-ouvrière conduite ces cinq dernières années quand
il rappelle que, sans les députés communistes, aucune majorité
de gauche n'était possible. Et il affirme encore la disponibilité
du PCF pour rééditer l'expérience en cas de victoire en
2002 !
L'empressement de Robert Hue à revendiquer des ministres communistes
rend parfaitement compte de la mutation du PCF, et en premier lieu de l'évolution
de son rapport au pouvoir. Jusqu'en 1997, l'expérience gouvernementale
du Parti communiste se résume à quelques postes ministériels
dans l'immédiat après-guerre (1944-1947) et après la victoire
de François Mitterrand (1981-1984). En outre, le soutien des communistes
à des gouvernements auxquels ils n'appartiennent pas est exceptionnel
et n'excède jamais quelques mois. Les députés du PCF appuient
les gouvernements de Front populaire en 1936-1938 et votent l'investiture de
Pierre Mendès France en 1954 puis celle de Guy Mollet en 1956. Significativement,
Maurice Thorez et Waldeck Rochet prennent soin de ramener le soutien du PCF
à des objectifs ponctuels, en l'occurrence, en 1954 et 1956, la paix
en Indochine ou en Algérie. Et il n'est pas indifférent de noter
que jusque dans les années 90 le PCF cherche, au moins formellement,
à inscrire sa politique dans une stratégie de conquête du
pouvoir.
L'attitude adoptée par la formation de Robert Hue tranche. Ce qui hier
apparaissait comme l'exception s'impose aujourd'hui comme la règle. Plus
fondamentalement encore, l'expérience de la gauche plurielle témoigne
de la réduction des ambitions communistes à l'exercice du pouvoir,
à la gestion loyale du capitalisme. Les faits sont là. Jamais
sous la Ve République, un chef de gouvernement n'aura eu la longévité
de Lionel Jospin, aucun autre Premier ministre n'aura bénéficié
d'une majorité aussi disciplinée. Les communistes ont tout laissé
passé, s'abstenant à chaque fois qu'un vote négatif risquait
de faire tomber Jospin. L'application du plan Juppé qui avait mobilisé
des millions de travailleurs en 1995 n'a nullement été entravée
par les parlementaires du PCF élus en 1997. Les ministres communistes
n'ont eu aucun état d'âme quand le gouvernement auquel ils appartiennent
fut impliqué dans des interventions impérialistes comme au Kosovo
ou en Afghanistan.
Evidemment, le réformisme du PCF ne date pas d'hier, et les communistes
n'ont pas besoin d'être au gouvernement pour entraver les luttes ouvrières :
1936 ou 1968 le rappellent suffisamment. Mais un basculement est intervenu dans
les années 90. Désormais, le discours s'accorde avec les actes.
Le parti de Hue n'est plus celui de Thorez. La chute du stalinisme a précipité
la transformation du parti stalinien en parti social-démocrate. L'un
et l'autre sont certes réformistes, mais le réformisme de l'un
n'équivaut pas au réformisme de l'autre. Pour accomplir sa mutation,
le PCF ne doit pas seulement gérer docilement le système au profit
de la bourgeoisie, il doit rompre avec des secteurs entiers de la classe ouvrière
qui lui étaient traditionnellement acquis, soit avec une partie importante
de sa base sociale et électorale, au premier rang desquels les militants
cégétistes. Et les choses sont d'autant moins faciles que le PCF
cherche à concurrencer le PS sur le terrain occupé par la social-démocratie
depuis des décennies. Ceci explique les hésitations et les atermoiements
qui traversent l'appareil communiste et souligne qu'il ne suffit pas de contester
l'orientation de Robert Hue pour retrouver le chemin de la lutte de classe
Des
opposants en mal de projet alternatif
Malgré ses dénégations, le PCF a toujours été
divisé, soumis à des luttes d'autant plus sourdes qu'elles ne
pouvaient s'exprimer publiquement. Rénovateurs, reconstructeurs, refondateurs
: les années 80 ont vu se multiplier les dissidences, les contestataires
n'hésitant plus à s'organiser publiquement. Or, à de très
rares exceptions, ces oppositionnels sont venus grossir les rangs du PS, Charles
Fiterman et ses amis de la Convention pour une alternative progressiste (CAP)
étant les derniers en date à rejoindre les socialistes en 1998.
Depuis la fin des années 90 émergent, en revanche, des courants
critiques, dénonçant la social-démocratisation du PCF et
appelant à renouer avec la tradition bolchevique. À la différence
des Juquin et Fiterman, les militants qui s'organisent contre la mutation ne
sont généralement pas des notables, politiques ou syndicaux, inquiets
pour l'avenir de leur mandat. Le gros des troupes de l'opposition de gauche
a en commun d'être issu de la base, même si certains ont pu par
le passé avoir des responsabilités dans les fédérations,
parfois au Comité central.
Nous ne visons évidemment pas ici les gesticulations des membres du groupe
parlementaire du PCF qui à l'instar de Maxime Gremetz se présentent
comme des " orthodoxes " tout en assurant aux socialistes
une majorité pour faire passer leurs mesures anti-ouvrières. Les
petites phrases de Gremetz mettent en évidence les différences
qui s'expriment à la tête du PCF sur les moyens d'aboutir à
la création d'un " parti de type nouveau " ;
elles confirment le désarroi de nombreux permanents et d'élus
dont les intérêts sont entamés par les reculs de leur parti ;
elles ne marquent nullement une divergence sur l'objectif. Les véritables
contradicteurs de la mutation, ce sont les centaines d'anonymes des Rouges vifs
(Halbeher), de la Gauche communiste (Karman), de Communistes (Perlican) ou de
la Coordination des militants communistes (Gastaud), ce sont les milliers d'abstentionnistes
des congrès nationaux, ce sont les millions d'électeurs communistes
qui désertent les bureaux de vote ou reportent leur suffrage sur les
candidats d'extrême-gauche.
Malgré leur volonté de rupture, les diverses oppositions se révèlent
incapables de procéder à un réexamen critique de l'ensemble
de l'histoire du PCF et, selon leur degré d'implication dans cette histoire,
évoquent 1994 et l'arrivée de Hue au secrétariat général,
1976 et l'abandon de la dictature du prolétariat ou 1956 et la dénonciation
du stalinisme pour dater l'origine de la liquidation de leur parti
Chacune
à sa manière est en quête d'un mythique " vrai "
Parti communiste. Toutes nient, contre l'évidence, la continuité
politique entre Maurice Thorez, Waldeck Rochet, Georges Marchais et Robert Hue,
continuité assurée, au-delà du renouvellement des hommes,
grâce au système de cooptation qui a toujours prévalu au
sein de la direction.
Le Collectif national unitaire des communistes (CNUC) qui sous la présidence
de Georges Hage (député du Nord) vise à fédérer
les différents courants n'empêche pas la cacophonie ; la tentative
de regroupement en cours indique au contraire l'absence d'un projet alternatif
commun : Hage souscrit à la candidature de Hue à la présidentielle
quand la Coordination des militants communistes dénonce l'impasse d'" une
" tendance révolutionnaire" dans un parti réformiste " !
Le retrait des ministres communistes du gouvernement Jospin fait entre eux l'unanimité,
mais, répétons-le, le PCF défend une politique réformiste
dans et hors du gouvernement ; c'est avec le réformisme stalinien
qui a miné la classe ouvrière qu'il faut rompre. Le rejet de l'euro
et la défense de la souveraineté nationale apparaissent comme
l'autre point qui rassemble ; pourtant, les travailleurs n'ont pas de patrie ;
et, qu'elle s'exprime en franc ou en euro, l'exploitation capitaliste doit être
tout aussi fermement combattue. Le ralliement de Rémy Auchedé
- une des figures emblématiques des contestataires - à
la candidature de Jean-Pierre Chevènement illustre les dérives
que rende possible l'absence de clarté politique.
La responsabilité
des révolutionnaires : crédibiliser un pôle anticapitaliste
Des responsabilités nouvelles n'incombent-elles pas aux révolutionnaires
au moment où le PCF achève sa mutation ? La désillusion
des milliers de militants et d'électeurs communistes doit-elle fatalement
déboucher sur la résignation de pans entiers de la classe ouvrière ?
Le mouvement ouvrier serait-il désormais orphelin de toute perspective
d'émancipation ? Ces questions devraient susciter le débat,
notamment dans l'extrême-gauche où, pour d'évidentes raisons,
le PCF et le stalinisme ont depuis toujours été au centre des
réflexions. Pendant longtemps, les discussions sur l'attitude qu'il convenait
d'adopter vis-à-vis du PCF ont révélé que de nombreux
trotskystes s'illusionnaient sur le stalinisme en lui conférant une capacité
à retrouver le chemin de la révolution ; d'aucuns attendant
- au moins ! - l'émergence de fractions renouant avec
les idées d'Octobre. Aujourd'hui, les organisations trotskystes semblent
aphones. Etonnamment, la confrontation des idées sur le PCF s'est réduite
à presque rien. Rares sont les courants qui se donnent les moyens de
comprendre ce qu'est aujourd'hui le Parti communiste. Au mieux, on ressasse
des orientations arrêtées il y a des années et qui correspondaient
à une période où le PCF était un parti de masse
encadrant majoritairement le prolétariat. La guerre en Afghanistan a
récemment souligné cette difficulté à penser une
intervention contre l'agression impérialiste hors d'un cadre de front
unique avec le PCF, comme si la recherche à tout prix de l'unité
avec le parti de Hue allait de soi.
Que sortira-t-il de la crise du Parti communiste ? Cette question maintes
fois reprise dans la presse et les discours de l'extrême-gauche est symptomatique :
on interroge l'avenir sur un mode passif, sans imaginer que les révolutionnaires
puissent être les acteurs principaux du renouveau du mouvement ouvrier.
Cette manière d'aborder la construction d'un futur parti des travailleurs
nous paralyse quand elle ne nous conduit pas à nous adapter tout simplement
aux secteurs contestataires du PCF. La social-démocratisation du PCF
comme du reste la social-libéralisation du PS susciteront peut-être
des ruptures dans les vieux appareils et la structuration de groupes militants
disponibles pour construire avec nous un parti ouvrier de masse, mais il faut
quand même constater que l'essentiel des forces vives a massivement déserté
les rangs du PCF et du PS. Les énergies libérées par le
recul des appareils réformismes sont en attente d'une perspective crédible.
La responsabilité des révolutionnaires est précisément
d'affirmer un pôle autour duquel puissent se rassembler les milliers de
travailleurs et de jeunes que l'effondrement de l'URSS et du bloc de l'Est ne
désespère pas. Les luttes ouvrières et antimondialisation,
l'émergence électorale de l'extrême-gauche, la progression
d'Attac témoignent de manière différente de la disponibilité
d'une frange de la classe ouvrière pour l'action collective, pour l'engagement
militant.
S'il est utile de suivre l'évolution des courants qui composent le PCF,
de rechercher la discussion, nous ne pouvons subordonner notre activité
à l'existence ou non de secteurs organisés évoluant vers
nous. La nécessité d'un nouveau parti des travailleurs se pose
indépendamment de la présence ou non de courants susceptibles
de le porter immédiatement avec nous. Le besoin d'une force défendant
jusqu'au bout les intérêts de la classe ouvrière découle
de l'effacement des partis qui jusque-là encadraient le mouvement ouvrier.
Il n'est pas indifférent que tel ou tel secteur du PCF ou de toute autre
formation affirme également le besoin d'une force nouvelle, d'une large
convergence des anti-capitalistes. Ce sont autant de points d'appui. Débattre
éternellement avec eux risque en revanche de nous focaliser sur les désaccords
du passé, nous éloigner des tâches actuelles. En traçant
une perspective, en défendant un programme d'action, en préparant
les combats à venir, les révolutionnaires amèneront les
uns et les autres à se définir.
Les échéances électorales vont démontrer qu'ensemble,
les candidats de LO, de la LCR et du PT sont devant Robert Hue, que le PCF doit
sa survie parlementaire aux prébendes socialistes. Nous n'avons aucun
complexe à avoir. Et rapportées aux enjeux, dans cinq mois rien
ne pourra justifier nos divisions.
Serge Godard
Les " états généraux contre le MEDEF " ou la gauche plurielle en campagne
Organisés
à Paris le 15 janvier sur l'initiative de Gérard Filoche, les
" états généraux contre le MEDEF "
ont rassemblé au mieux 150 personnes, issues pour une part non négligeable
du réseau étudiant de la Gauche socialiste. L'accueil réservé,
par une salle qui lui était acquise, à Gérard Filoche allant
quatre à quatre à la tribune renforce encore le côté
" meeting de campagne " de la réunion.
" La réponse à l'offensive du MEDEF s'organise au
sein de la gauche plurielle et du mouvement syndical (1) ". À
elle seule, la présentation des états généraux contre
le MEDEF faite par la Gauche socialiste résume toute l'entreprise. L'offensive
du baron Seillière offre à la gauche plurielle l'occasion de reprendre
la main, en évitant d'évoquer son propre bilan aux affaires.
Aucun ténor du PS, du PCF ou des Verts n'est bien sûr dans la salle
le 15 janvier, seule Michèle Demessine ex-ministre communiste du gouvernement
Jospin a fait le déplacement, mais on assiste à un défilé
de représentants des partis gouvernementaux lors de la discussion plénière :
six sur quatorze intervenants ! Yves Dimicoli, Paul Boccara et Nicolas
Marchand pour le PCF, Gérard Filoche et Harlem Désir pour le PS,
Francine Bavay pour les Verts dissertent sur les menaces que fait peser la refondation
sociale mais sans jamais s'inquiéter que la gauche plurielle entérine
la politique du MEDEF en favorisant l'épargne salariale ou que le gouvernement
Jospin encourage Seillière en donnant son agrément au Pare.
Un des rares attraits de la réunion tient dans les quatre ateliers qui
précédaient la séance plénière (protection
sociale, santé et conditions de travail, retraites et salaires, emploi,
licenciements, chômage et formation professionnelle ; loi et négociations
collectives). L'atelier " retraites et salaires "
a ainsi permis de préciser l'architecture de la refondation sociale.
Les présentations de Liem Hoang-Ngoc et Michel Husson ont montré
que le projet patronal vise ni plus ni moins à inverser le modèle
à la base des relations sociales qui prévaut jusqu'ici et qui
veut que les lois et accords nationaux s'imposent dans chaque entreprise. La
refondation sociale promeut une " casse des statuts ",
une individualisation de l'ensemble des relations sociales ; elle projette
une société où plus rien n'est acquis (salaires, allocations,
retraites, santé, etc.) mais où les revenus des salariés
dépendent étroitement des profits qu'ils auront concouru à
assurer. Cette " société du risque ",
ce règne de " l'insécurité sociale généralisée "
s'accommode évidemment mal des diverses ponctions sur les profits que
suppose le financement de la protection sociale. La part socialisée des
profits doit être ramenée à zéro. Partant, le travailleur
sans emploi, malade ou en formation dont les entrepreneurs ne tirent aucune
source d'enrichissement se trouve nié. Extrême dans ses objectifs,
la refondation sociale n'est pas en l'état " un projet vendable "
note Michel Husson, mais il s'insinue dans les propositions de la droite et
de la gauche comme l'atteste le débat sur l'épargne salariale.
Contrairement à ce qu'écrivent Caroline Monnot et Patrick Roger
dans Le Monde le 17 janvier, la LCR ne s'est nullement " ralliée "
à l'appel lancé par Gérard Filoche, et pour des raisons
dont le quotidien du soir s'est d'ailleurs fait l'écho dans son édition
du 29 novembre dernier. " Il n'y a pas un mot sur la politique
du gouvernement " notait alors Alain Krivine, justifiant ainsi
le refus de la Ligue de s'associer à l'initiative. Et l'intervention
prononcée par François Sabado au nom de la LCR le 15 prenait à
contre-pied les orateurs de la gauche institutionnelle. Il a insisté
sur " l'arrogance " d'un gouvernement qui privatise
plus que la droite, donne son agrément au Pare, prépare l'alignement
des retraites du public sur celles du privé
Et François
Sabado a rappelé la déclaration de Jospin en décembre confessant
que les chefs d'entreprise n'avaient " pas trop à se plaindre
de ce gouvernement de gauche ".
Dans sa conclusion, Yves Salesse n'a pas levé le voile sur les intentions
des organisateurs. Le président de la Fondation Copernic a souligné
le besoin d'" un approfondissement du travail commun ",
a encouragé les bonnes volontés " à rejoindre
les groupes de travail ", la seule perspective avancée
se limitant à de " nouveaux états généraux ".
Que retenir alors de ces états généraux ? Le mouvement
syndical n'a pas jugé utile d'appuyer la démarche et rares étaient
les représentants syndicaux à s'exprimer. Ces états généraux
ne représentent donc pas une nouvelle étape dans la mobilisation
nécessaire contre le Medef, mobilisation dont on sentait le jour même
le potentiel dans les rues de Lyon où plus de 10 000 travailleurs
défilaient à quelques encablures du Congrès de l'organisation
patronale. En revanche, la réunion parisienne s'apparente à une
entreprise de diversion orchestrée par des directions socialistes et
communistes sentant tout le profit à retirer d'une réapparition
du vieux clivage gauche-droite que la politique de régression sociale
des Jospin et consorts a anéanti.
Malgré les larges sourires de Gérard Filoche, la manuvre
est éventée.
Serge
Godard
(1) On trouve cette perle sur le site de la Gauche socialiste <http://www.gauche-socialiste.com/journal/1501.htm>