Débat militant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°7
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27
février 2002
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Sommaire : | ||||||||||
A propos de la mobilisation dans les hôpitaux, les 35 heures dans la Fonction publique |
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Précarité : une politique du patronat et de l'Etat pour faire baisser le coût du travail | ||||||||||
Défendre les services publics par le contrôle des salariés et de la population | ||||||||||
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Financer
les mesures d'urgence, c'est répartir autrement la richesse,
casser la spirale mortifère du parasitisme de la finance
Embauches massives
dans les services publics, diminution réelle du temps de travail pour
avoir le temps de vivre, embauche de tous les travailleurs actuellement au chômage,
et à défaut, un salaire minimum garanti à tous, augmentation
des salaires et des retraites : telles sont les mesures indispensables pour
assurer une vie digne à chacun.
Elles découlent des besoins de la population. Il y a urgence à
mettre fin au chômage et à la précarité. C'est une
plaie qui ronge la société, engendre une insupportable insécurité
sociale, celle précisément que les hommes politiques des partis
gouvernementaux de gauche et de droite ont comme objectif de masquer par leur
matraquage sans précédent sur l'insécurité. Ils
sont d'autant plus vindicatifs à l'égard des jeunes délinquants
qu'ils garantissent " l'impunité zéro " accessoirement
à eux-mêmes mais surtout à leur politique et à ceux
qu'elle sert, les gros actionnaires des groupes financiers et industriels, les
responsables de la catastrophe sociale actuelle.
Il y a urgence également à augmenter considérablement toutes
les dépenses utiles à la population pour assurer les besoins dans
le domaine de la santé, de l'éducation, des transports publics,
du logement.
De telles mesures seraient, selon les partis, au pouvoir insupportables pour
l'économie.
Pourtant, de l'aveu de tous, ce n'est pas l'argent qui manque. Un trust comme
TotalFinaElf a annoncé récemment 7,6 milliards d'euros de profits
pour l'année 2001, les 500 plus grandes fortunes de France totalisaient
en 1999, selon le magazine Challenges, 799 milliards de francs. 1 % de la population
française possède 20 % du patrimoine national.
L'Etat, ses représentants, crient au scandale dès qu'il s'agit
de revaloriser les salaires des employés de la Fonction publique au-delà
d'un malheureux 1%, mais ils ont bourse déliée dès qu'il
s'agit de subventionner, par un biais ou un autre, le patronat. Plus de 100
milliards de francs sont ainsi octroyés aux " entreprises ",
en accompagnement des 35 heures, sans que cela suscite la moindre réprobation
parmi les hommes politiques. Plus lourd encore est le tribut des richesses publiques
que l'Etat verse aux financiers au titre de sa dette : 230 milliards de francs
par an.
Il s'agit donc, bien sûr et avant tout, de prendre l'argent où
il est en taxant fortement les profits et les grandes fortunes. L'impôt
sur les sociétés sera ramené à 50 % au minimum,
l'impôt sur les grandes fortunes sera multiplié par dix. Les ressources
de l'Etat seront utilisées pour des dépenses utiles à la
population, l'augmentation des budgets des services publics et de leurs effectifs.
Que la population se réapproprie ces richesses, le fruit de son travail,
n'est que justice mais c'est surtout l'utilisation qu'elle fera de cet argent
qui est essentielle. Le réinjecter dans les circuits de l'économie,
dans la production, les infrastructures, les biens et les services, les emplois
et les salaires, c'est en effet inverser la dynamique à l'uvre
depuis plus de 20 ans, l'enrichissement d'une minorité par l'appauvrissement
du plus grand nombre. C'est cette logique qui ruine l'économie.
Dans cette période, les profits n'ont cessé de croître,
les grosses fortunes de prospérer. Celles de Mme Bettencourt, héritière
de L'Oréal, comme celle de François Pinault, actionnaire majoritaire
de Pinault-Printemps-Redoute, ont été multipliées par 5.
La part de la valeur ajoutée revenant aux salaires est passée
de 70 à 60 %.
La politique de tous les gouvernements a été subordonnée
à un seul objectif : assurer aux marchés financiers un tribut
toujours plus lourd des richesses produites par le travail humain. Elle ne s'embarrasse
guère de logique comptable, tant qu'il s'agit de mobiliser les richesses
en faveur des privilégiés et de la Bourse. C'est cette logique
qui entraîne l'économie dans la récession : la spéculation
financière se nourrit des profits tirés de la production, elle
en réclame toujours plus, engendrant licenciements, précarité,
chômage qui diminuent d'autant les capacités de consommation de
la population. D'où une réduction des investissements, puis de
la production, et de nouvelles attaques contre les salariés pour continuer,
sur cette base rétrécie, à dégager des profits dans
le seul but d'alimenter des marchés financiers où des centaines
de milliards peuvent partir en fumée, en l'espace de quelques heures,
lorsque la spéculation se retourne.
Créer des emplois et augmenter les salaires, c'est casser cette spirale
folle et redonner de l'oxygène à une économie asphyxiée
par le parasitisme de la finance.
De nouveaux emplois créés, l'augmentation des salaires et des
retraites, c'est autant de ressources nouvelles pour les budgets de la protection
sociale, c'est de plus grandes capacités de consommation appelant donc
une augmentation de la production, des investissements et de la main d'uvre.
Mais oui, cette politique de relance, c'est du keynésianisme, pourrions
nous dire pour faire plaisir à ceux qui ont besoin de référence.
Mais ça n'a pas grand sens. La politique de Keynes correspondait, dans
une toute autre situation, un tout autre rapport de forces, aux intérêts
de la bourgeoisie. Aujourd'hui, celle-ci ne peut ni ne veut mettre en uvre
une telle politique, qui semblerait pourtant de bon sens. Elle ne le peut ni
ne le veut parce qu'elle est prisonnière de son propre système
d'accumulation financière, but et fin de toute l'activité économique.
Elle ne le fit par le passé que sous les effets de la crise de 1929 d'abord,
puis de la deuxième guerre mondiale.
Hier comme aujourd'hui, les hommes politiques de la bourgeoisie ne raisonnent
pas du point de vue des intérêts de la collectivité, mais
du point de vue des intérêts de l'infime minorité qui dirige
l'économie pour ses seuls intérêts privés. Ils n'agissent
que sous les effets de la contrainte des événements eux-mêmes.
Pour eux, tout va bien et tout ira encore mieux lorsque les gouvernements auront
imposé à la population les nouvelles mesures anti-ouvrières
que réclame la finance. Seules comptent les positions des grosses sociétés
par rapport à leurs concurrents, leurs parts de marché, le coût
du travail, leurs bénéfices.
Les mesures d'urgence que nous défendons dans la campagne électorale
correspondent, elles, aux intérêts de la majorité de la
population. Leur mise en uvre suppose que la population elle-même
intervienne massivement pour contrôler l'économie et faire en sorte
que production et distribution des biens et des services servent les besoins
humains et non les intérêts étroits d'une minorité
parasitaire.
Prendre les mesures d'urgence nécessaires, imposer une autre répartition
budgétaire, n'a que faire des équilibres budgétaires de
la bourgeoisie et de son Etat. Il s'agit d'inverser le cours des choses, de
créer une autre dynamique sociale, économique, par l'intervention
politique directe des classes populaires.
Galia Trépère
A propos de la mobilisation dans les hôpitaux, les 35 heures dans la Fonction publique
A l'heure où Jospin fait le " bilan " de Chirac qui d'après lui " fait le contraire de ce qu'il avait promis ", où Hue déclare : " Jospin est sous influence sociale-libérale ma responsabilité est plus grande que jamais dans cette campagne ", les hospitaliers se battent contre l'application, par la Gauche plurielle, de la loi sur les 35 heures dans la Fonction publique et contre la dégradation brutale des conditions de travail et des soins donnés aux malades qu'elle entraîne. Mardi 12 mars, une nouvelle journée intersyndicale de grève et de manifestations est prévue.
Une
attaque brutale contre les salariés et les usagers
Depuis le 1er janvier 2002, les 35 heures s'appliquent officiellement dans les
hôpitaux. Deux mois plus tard, elles se traduisent par une aggravation
des conditions de travail avec la remise en question des acquis, de jours de
congés, de pauses et du temps de repas, etc. Les jours de récupération
de RTT n'étant pas remplacés ou très peu, le manque de
personnel s'est brutalement aggravé, entraînant une dégradation
des soins. Le gouvernement, qui a envisagé que nombre d'hospitaliers
ne pourraient pas prendre leurs jours de RTT, a prévu la création
d'un " Compte épargne temps " dans lequel pourront être
" versés " en fin d'année les jours RTT mais aussi les
congés annuels qui n'auront pu être pris. De nombreux directeurs
d'hôpitaux ont par ailleurs annoncé qu'ils seront amenés
à fermer des services ponctuellement par manque de personnel, ce qui
va accélérer un processus déjà engagé depuis
des années.
Ces dernières semaines, de nombreux hôpitaux ont été
en grève ponctuellement ou de façon reconductible. Ces mouvements
de résistance n'ont pas réussi à se fédérer,
à trouver le moyen d'une expression commune dépassant le cadre
fixé par le gouvernement qui impose des négociations établissement
par établissement. Les syndicats ont joué le jeu que le gouvernement
attendait d'eux : les militants se sont trouvés pris au piège
de " négociations " où n'étaient à "
négocier " que la moins mauvaise manière d'appliquer localement
l'accord national qui est un outil supplémentaire dans les mains du gouvernement
pour " réorganiser " les hôpitaux en fermant des lits,
en supprimant des activités et en revenant sur nombre de droits acquis
par les luttes. Les fédérations syndicales non-signataires (CGT,
FO, SUD, CFTC) ont certes appelé à des mouvements mais, à
part SUD, elles l'ont fait de façon éclatée, sans volonté
d'unifier les luttes, de les renforcer. Les journées d'action nationales
ont été des succès car chacun sent que c'est un mouvement
d'ensemble qui est nécessaire, mais elles apparaissent sans lendemain
et la minorité qui essaie d'agir pour tenter de dépasser cela
n'y est pour le moment pas parvenue.
Mais si le mouvement n'a jusqu'à aujourd'hui pas réussi à
se fédérer, des minorités militantes se sont constituées,
avec la participation des nouvelles générations ayant bien peu
d'illusion sur leur avenir. Et les nouveaux liens noués durant les grèves,
les assemblées générales ou les manifestations, vont compter
dans les semaines et les mois qui viennent.
La revendication de tous, c'est l'embauche. De toute la Fonction publique, il
n'y a que dans les hôpitaux que le gouvernement a " accordé
" des embauches pour le passage aux 35 heures. Dans un premier temps, Fabius
s'était prononcé pour 10 à 15 000 emplois, ce qui apparaissait
à tous comme une provocation. Finalement, en septembre 2001, Guigou annonçait
la création de 40 000 emplois sur trois ans, en ajoutant finalement 5
000 de plus, le présentant comme un effort du gouvernement " considérable
" et " sans précédent ".
Mais ce chiffre de 45 000 promesses d'emplois sur 3 ans (que Jospin n'a lâché
que par peur d'une explosion de colère dans les hôpitaux, se souvenant
des grèves des années précédentes) ne correspondent
qu'à la moitié du minimum immédiatement indispensable pour
fonctionner. Ce sont au moins 80 000 emplois (soit 10 % des effectifs actuels)
qui sont nécessaires pour compenser le passage aux 35 heures (10 % de
temps de travail en moins). Et cela, sans compter les 10 à 15 000 postes
d'infirmières qui ne sont pas pourvus dans les hôpitaux.
Un accord national a été signé par 4 syndicats minoritaires,
dont la CFDT, qui représentent moins de 30 % du personnel à eux
4. Mais si le gouvernement a promis 45 000 emplois sur 3 ans, il n'y en aura
que 12 000 en 2001, ce qui se traduit, pour un CHU comme celui de Bordeaux par
exemple, par 116 emplois pour un effectif de 10 000 agents. Soit 1,5 % des effectifs
pour 10 % de temps de travail en moins... Quant aux petits établissements,
certains n'auront même pas un emploi à plein temps !
qui fait
suite à 20 ans de restrictions des dépenses de santé
Cela fait 20 ans que les hôpitaux sont attaqués. Les gouvernements
successifs ont tous contribué à diminuer la part des richesses
consacrée à la santé publique, supprimant des dizaines
de milliers de lits d'hôpitaux dans tout le pays.
Depuis quelques années, cette politique s'est accélérée.
Les budgets hospitaliers sont chaque année revus à la baisse et
le gouvernement a mis sur pied des Agences régionales d'hospitalisation
dont la tâche est d'organiser dans chaque région le rationnement
des soins : les fermetures d'hôpitaux de proximité, de maternités,
les restructurations dans les grands hôpitaux qui se traduisent par la
fermeture de services entiers. De nombreux hôpitaux sont aujourd'hui engorgés,
créant des listes d'attente pour les malades, les services d'urgences
ne peuvent plus faire face. Quant aux maisons de retraite, elles sont en sous-effectif
chronique et la situation des personnes âgées s'y dégrade
alors que dans le même temps les prix de journée sont en hausse.
La recherche permanente d'économies, de " réduction des coûts
", a conduit dans tous les établissements à des restrictions
dans les services techniques, administratifs, de ménage avec, parfois,
la privatisation de ces services.
Les conditions de travail n'ont cessé de se dégrader : la précarité
s'est généralisée (jusqu'à 20 % du personnel est
en CDD, CDI, CES, etc.), les départs en retraite sont de moins en moins
remplacés et le manque de personnel est tel qu'il met en jeu la sécurité
des malades. Ces dernières années, les pressions se sont faites
de plus en plus fortes : modification des roulements, remise en question des
acquis locaux, multiplication du nombre de week-ends travaillés, heures
supplémentaires, flexibilité
Et tout au long de l'année dernière, les directions ont été
conviées par le gouvernement à faire un " état des
lieux " afin d'envisager les réorganisations possibles pour obtenir
des " gains de productivité " dans la perspective du passage
aux 35 heures.
Dans toute la
Fonction publique : restructurations et dégradation du service rendu
à la population
Depuis le 1er janvier 2002, c'est dans toute la Fonction publique que sont censées
s'appliquer les 35 heures. Et dans les différents secteurs de la Fonction
publique, depuis plusieurs mois, des mouvements de protestation ont lieu, même
si c'est à tour de rôle et de façon dispersée, et
cela, malgré l'inertie des directions des confédérations
syndicales qui n'ont à aucun moment cherché à renforcer
et unifier les luttes.
Même si c'est le mouvement des hôpitaux qui fait l'actualité,
les grèves et les conflits se sont multipliés parmi les salariés
de l'Education nationale, les employés de la Fonction publique territoriale
dans de nombreuses communes ou Communautés urbaines, les salariés
des musées dépendant du ministère de la Culture ou ceux
des Monnaies et médailles qui dépendent du ministère de
l'Economie et bien d'autres, pour contester l'application de la loi et obtenir
des embauches.
Dès le début des discussions sur les 35 heures dans la Fonction
publique, la méfiance était grande. Chacun avait non seulement
en tête l'expérience de proches qui venaient de subir les 35 heures
dans le privé, mais le rapport Roché, commandé par Jospin
et livré peu de temps avant, était également dans tous
les esprits. Tout le monde savait que le but de ce rapport était de préparer
les attaques à venir : les 35 heures
en attendant de s'en prendre
aux retraites. De plus, dès le début, le gouvernement annonçait
que cette réduction du temps de travail se ferait sans embauche, alors
même que d'ici 15 ans, 900 000 fonctionnaires vont partir à la
retraite sans que leur remplacement n'ait été prévu !
Aussi, espérant éviter une réaction collective, le gouvernement
a tout fait pour imposer un cadre éclaté aux " négociations
". Après avoir tenté sans y croire d'obtenir un accord syndical
pour l'ensemble de la Fonction publique (que seule la CFDT était prête
à signer), Sapin a rompu le simulacre de négociations et a choisi
de se passer de la signature des syndicats, affirmant au passage que pour ce
genre de choses, il n'en avait cure. Le gouvernement a sorti un décret.
En même temps qu'il définissait un cadre général
très en deçà de ce qui existait, ce décret prévoyait
des négociations Fonction publique par Fonction publique, puis localement,
établissement par établissement, ce qui de fait rendait les réactions
des salariés d'autant plus difficiles à coordonner et à
fédérer.
Les 35 heures
dans la Fonction publique, prolongement de la loi Aubry
C'est l'ensemble du monde du travail, public et privé, qui a subi, sous
couvert de réduction du temps de travail, un recul social très
important.
2 ans avant les 35 heures dans la Fonction publique, la loi Aubry pour le privé
a été présentée par la Gauche plurielle comme une
" grande avancée sociale ". La direction de la CFDT a applaudi.
Et cela a été également le cas, pendant des mois, de la
direction de la CGT qui a défendu la loi Aubry au moment de sa mise en
place. On se souvient des exercices de style de Maryse Dumas qui, à la
direction de la CGT, était chargée de chanter les louanges de
cette loi et de la défendre face aux militants.
Ainsi, la CFDT et FO et également plusieurs fédérations
de la CGT ont signé des accords de branches, remettant en question des
années d'acquis et de luttes, faisant le sale boulot au service du gouvernement,
lui-même aux petits soins pour le patronat qui a bénéficié,
à cette occasion, de milliards de subventions supplémentaires.
Nombre de militants, tous syndicats confondus, se sont alors retrouvés
seuls dans leur entreprise en face d'accords à signer. Isolés,
ne sachant que faire, pris au piège de la logique du gouvernement et
des directions des grandes centrales syndicales, sous la pression du patronat,
un certain nombre s'est senti obligé de signer. Et les nombreuses grèves
qui ont éclaté dans les entreprises contre la loi Aubry se sont
faites malgré, voire contre les directions des grandes centrales syndicales.
La loi Aubry a ainsi permis au patronat de niveler par le bas l'ensemble des
conditions de travail des salariés et de remettre en question tous les
accords locaux. Elle a officialisé l'annualisation et la flexibilité
et elle a permis aux patrons non seulement d'accroître l'exploitation
mais de bloquer, voire de diminuer les salaires.
Pour la bourgeoisie, qui mène une attaque systématique contre
la classe ouvrière pour lutter contre la baisse du taux de profit, la
loi Aubry et son prolongement dans la Fonction publique, sont une arme essentielle
pour diminuer la part des richesses qui reviennent au monde du travail, que
ce soit directement ou sous la forme de services publics.
Carole Lucas
Précarité : une politique du patronat et de l'Etat pour faire baisser le coût du travail
On chercherait
en vain, dans la frénésie présidentielle qui excite Chirac
et Jospin, la moindre déclaration précise concernant la situation
des travailleurs, et notamment des plus jeunes, les plus touchés par
la précarité. Pris dans l'euphorie de leur " passion "
ou " désir " pour le pouvoir, la lutte des jeunes salariés
du McDo de Strasbourg-St-Denis n'est pas arrivée jusqu'à eux.
Leur programme est bien obligé d'aborder la question, là encore
avec la même optique.
Du côté du PS, l'accent est mis sur la formation professionnelle
et sur la création d'un nouveau statut, les " contrats sociaux de
travail ", pour les chômeurs de plus de 50 ans. Chirac emboîte
le pas et propose d'élargir les contrats de qualification aux adultes,
ce qui mettrait sur le marché du travail une nouvelle catégorie
de travailleurs sous-payés. Bref, dans la continuité des politiques
qu'ils ont menées depuis des années, la " lutte contre le
chômage " sera le prétexte de nouvelles mesures qui renforceront
la précarité. Alors, quand Jospin se donne pour objectif "
d'avoir 900 000 chômeurs de moins dans la prochaine législature,
ce qui nous avancerait vers le plein-emploi ", il se garde bien de préciser
sa nature, tant il est évident pour ceux qui gouvernent que le plein-emploi,
ce sont les petits boulots, les stages, et d'autres statuts précaires
qui ne manqueront pas d'être inventés pour aller dans le sens de
la baisse du coût du travail.
Le coût du travail est au cur de l'exploitation capitaliste. Ce qui revient aux salariés, c'est autant de moins pour le patron. Alors pour augmenter leur taux de profit, les patrons n'ont de cesse de faire baisser le coût du travail en utilisant la division et la concurrence entre les travailleurs. Avec la crise qui a commencé dans les années 70 et la récession du début des années 80, la bourgeoisie a dû réagir pour rétablir, maintenir et augmenter ses profits et, parallèlement aux licenciements massifs, aux délocalisations, au développement de la sous-traitance et aux restructurations en tous genres, elle a travaillé à l'appauvrissement massif des travailleurs par la multiplication des emplois précaires. C'est le résultat de cette politique que l'on voit régulièrement resurgir à la une de l'actualité, avec la publication des chiffres sur la pauvreté.
La précarité
pour " ajuster les effectifs au marché "
La politique de diviser pour mieux régner est vieille comme la lutte
des classes, mais dans le contexte économique d'une concurrence exacerbée
entre les bourgeoisies du monde pour faire face à une récession
et à une baisse des profits boursiers, cette offensive devient vitale
pour le patronat. Dans les entreprises, les patrons se préparent en permanence
aux " retournements de conjoncture ", comme ils disent. C'est là
que réside pour eux le principal intérêt de cette politique
de la précarité : la possibilité d'avoir des effectifs
pouvant suivre au plus près les variations des marchés.
La situation des travailleurs avant qu'ils soient au chômage le montre
clairement : si 25 % sont au chômage suite à un licenciement, 40
% le sont par la fin d'un contrat précaire, et cette part augmente de
plus en plus, ce qui montre que, pour les patrons, l'intérim, les CDD,
les stages, sont avant tout des bons moyens pour " ajuster les effectifs
à la demande du marché ".
Pas étonnant alors de voir une explosion de la précarité
: sur 21,2 millions de salariés (chiffres Insee mars 2001), un peu plus
de 10 %, 2,2 millions, sont en emplois précaires : 605 000 intérimaires,
929 000 CDD, 260 000 apprentis, 408 000 contrats aidés (CES, CEC, CIE
etc.).
En 1996, le nombre des précaires était de 1,7 million, soit une
augmentation de 33 % en cinq ans. Depuis 1975, la hausse du nombre des contrats
précaires est encore plus frappante : 1 million de contrats d'intérims
signés en 1975 ; 2,8 millions de contrats en 1985 ; et 8,3 millions en
1997.
La précarité
pour baisser le coût du travail
La précarité, c'est aussi l'aggravation méthodique de la
concurrence entre travailleurs pour affaiblir l'ensemble du monde du travail
et l'appauvrir.
L'apprentissage, par exemple, montre comment l'Etat et les gouvernements, sous
couvert de formation professionnelle des jeunes, mettent à la disposition
des patrons des jeunes sous payés (entre 25 % et 78 % du Smic selon l'âge
et l'année de formation), en très grand nombre (167 000 en 1975,
316 000 en 1996, la moitié du nombre de travailleurs en intérim)
qui sont directement en concurrence sur un seul et même marché
du travail avec l'ensemble des travailleurs, pour le plus grand bénéfice
du patronat, puisque ce statut crée une catégorie de salariés
sous-payés faisant pression sur l'ensemble des salariés.
Les temps partiels touchent près de 17 % des salariés aujourd'hui
(5,5 % des hommes, et 31,5 % des femmes). Ils étaient 1,6 million en
1980, 4 millions en l'an 2000, dont 80 % de femmes, au premier rang de cette
catégorie que les économistes appellent les " travailleurs
pauvres " car, avec les contrats précaires, le patronat et les gouvernements
ont imposé peu à peu le fait qu'on peut survivre avec un revenu
de moins de 564 € (3700 F), bien en-dessous du Smic.
Selon les critères de l'Etat, en 1997, 7 % des ménages, soit 4,5
millions de personnes, étaient sous le seuil de pauvreté, fixé
en 2001 à 564 € (3700 F) par mois pour une personne seule ou 1184
€ (7770 F pour un couple avec 2 enfants). Parmi eux, il y a 1,3 million
de travailleurs ayant un emploi, 20 % ayant travaillé toute l'année
à temps partiel, 30 % sont des travailleurs indépendants, 30 %
ont connu l'alternance contrats précaires et chômage, mais 20 %
sont en CDI à temps complet. Et si on relevait d'à peine 10 %
ce seuil de pauvreté fixé arbitrairement, en le fixant à
4200 F, ce serait 2,4 millions de travailleurs avec un emploi qui seraient en
dessous. Soit plus de 10 % de l'ensemble des salariés.
Une politique
du patronat
et des gouvernements
Les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années
ont tous utilisé le prétexte de la " lutte contre le chômage
" pour prendre des mesures favorisant la précarité.
L'Etat l'a développée massivement en son sein, avec tous les contrats
SIVP, TUC, CES, CEC
et aussi avec les petits boulots dans les entreprises
publiques, les vacations, les contractuels à temps partiels, ou les CDII
de la Poste, des contrats à durée indéterminée intermittent
dont certains sont de quelques heures à peine.
Tout a été fait aussi pour aider le patronat à développer
la précarité et l'appauvrissement des travailleurs, avec notamment
l'exonération de cotisations patronales sur les bas salaires, ou comme
cette loi de 1992, votée par la gauche, pour exonérer de 30 %
les cotisations patronales à la Sécu sur les temps partiels.
De même, la politique d'assistance (RMI ou CMU par exemple, l'Insee estime
que les prestations sociales représentent jusqu'à un tiers du
revenu des travailleurs pauvres), que la gauche a le cynisme de présenter
comme une politique " sociale ", permet au patronat de mener plus
avant ces attaques contre le niveau de vie des salariés. C'est la prise
en charge par la collectivité d'une partie toujours plus importante du
renouvellement de la force de travail, pour diminuer la part payée directement
par les patrons.
Le bilan chiffré
de cette politique du patronat et des gouvernements, c'est un appauvrissement
de la classe ouvrière en faveur du patronat, une baisse
du coût du travail montrée par la répartition de la valeur
ajoutée entre les salaires et les profits. Dans la période de
1974 à 1982, la part des salaires était supérieure à
70 %. Elle est retombée aujourd'hui aux environs de 60 %, au niveau de
1950.
Cette situation, comme la multiplication des statuts, les innombrables manières
de déroger au Code du travail, le nombre de travailleurs pauvres, montrent
que la défense des " acquis sociaux " ne pourra se mener que
par une offensive générale du monde du travail pour imposer une
autre répartition des richesses. Face à la précarité,
face à l'offensive idéologique de tous ceux qui voudraient remplacer
la loi par le " libre contrat ", la seule perspective d'avenir pour
les travailleurs est la lutte pour leurs droits et leurs conditions de vie,
qui passe par l'interdiction des licenciements, la répartition du travail
entre tous, le droit à un revenu pour tous, avec ou sans emploi
et, pourquoi pas, le statut de fonctionnaire pour tous.
Franck Coleman
Défendre les services publics par le contrôle des salariés et de la population
Sous couvert de
modernité, depuis vingt ans, les différents gouvernements qui
se sont succédés mènent une politique systématique
visant à démanteler les services publics au prix de leur dégradation
alors que les besoins augmentent. Depuis 97, le gouvernement de la gauche plurielle,
loin de mettre un coup d'arrêt à cette politique, l'a accélérée,
en privatisant plus que les deux gouvernements qui l'ont précédé.
Le lancement de l'euro et la construction de l'Europe des Bourses et de la finance
amplifieront encore cette dégradation si salariés et usagers n'interviennent
pas directement, comme en 95, pour faire prévaloir leurs intérêts.
Cette politique de privatisations et d'attaques contre les services publics
obéit à deux objectifs. D'une part, le gouvernement veut faire
des économies budgétaires pour baisser les impôts en faveur
des classes privilégiées. Depuis l'été 2000, Fabius
a annoncé une diminution de 120 milliards sur 2001-2003, qui profite
surtout aux plus riches, compte tenu du système des tranches d'imposition.
Quant à la prime pour l'emploi, elle conduit surtout à ce que
l'Etat, et donc la collectivité, prenne à sa charge une partie
des salaires les plus bas, payés par le patronat. Les projets futurs
sont du même tonneau, avec entre autre le rapport du député
socialiste Charzat, qui propose une baisse de l'impôt sur les sociétés
(25 % au lieu de 33,33 %), une baisse de l'impôt sur les grandes fortunes
ainsi que l'allégement des prélèvements sur les dividendes
des actionnaires.
D'autre part, par les privatisations, les classes possédantes s'approprient
la part rentable des services publics, sans avoir à se lancer dans des
investissements à long terme, comme pour France Télécom
où les infrastructures sont déjà construites par les deniers
publics.
Gauche et droite,
tous d'accord pour privatiser EDF et GDF
Ainsi, à propos d'EDF, de Sarkozy à Aubry en passant par Juppé,
Fabius ou Strauss-Kahn et maintenant Jospin, la droite comme la gauche s'accordent
sur la perspective de privatiser, pardon, on parle plus hypocritement "
d'ouvrir le capital " d'EDF-GDF.
Le PCF tétanisé reste sans réaction, lui qui avait accepté
les " privatisations de gauche ", notamment celles de France Télécom
et d'Air France. Quant aux directions syndicales, d'adaptations passives en
renoncements avérés, elles reprennent à leur compte le
mythe de la " modernité " et semblent s'engager vers un laisser-faire.
En fait, depuis le 1er février 2000, l'Assemblée nationale a déjà
voté un projet de loi mettant fin progressivement au monopole d'EDF,
en autorisant les plus gros consommateurs industriels à s'approvisionner
ailleurs qu'auprès de l'entreprise publique : soit près de 800
entreprises les plus grosses consommatrices d'électricité, soit
30 % du marché ! Avec l'ouverture à la concurrence pour les grandes
entreprises, ce sont de bonnes affaires en perspective pour les sociétés
comme Tractebel, filiale belge du groupe Suez Lyonnaise des Eaux, qui s'est
spécialisée dans la vente d'électricité aux grosses
entreprises provenant de ses propres centrales ou d'autres producteurs d'électricité
en Europe. L'énergie est indispensable à la marche de toute la
société comme à la vie de chacun. Les exemples de la crise
de l'électricité en Californie ou de la faillite d'Enron aux USA
montrent les dangers d'en faire l'objet des spéculations financières.
Quant à GDF, le gouvernement a déjà tenté, sans
succès, son ouverture du capital. Mais comme EDF, le groupe s'est lancé
dans une politique d'achats de sociétés à l'étranger,
qui ne pourra à terme que signifier un appel à capitaux privés.
Par exemple, GDF était à la recherche de partenaire financier
pour racheter les actifs en Inde d'Enron pour 2,9 milliards de dollars.
Les attaques
dans la santé : malades et personnels en font les frais
Dans une société moderne et démocratique, l'accès
pour tous à la santé devrait être un droit. Face à
la maladie, l'égalité devrait être une réalité.
Il n'en a jamais été ainsi. Les conditions de vie suffisent à
privilégier les classes aisées, l'argent facilite toutes les chances
mais, qui plus est, aujourd'hui ce droit formellement reconnu est battu en brèche,
remis ouvertement en cause.
Le gouvernement Jospin a mis en pratique la politique qui avait fait tomber
Juppé. Il a réduit les dépenses de santé, imposé
aux hôpitaux une politique définie par les critères de rentabilité,
profitant de la mise en route des 35 heures pour imposer aux personnels une
dégradation des conditions de travail. Fermeture de services non rentables,
comme les maternités, suppression de lits, rentabilisation, l'hôpital
est géré comme une entreprise privée..
Cela ne suffit pas. Le secteur privé déjà florissant en
veut encore plus.
Le patronat cherche à rationner les dépenses remboursables, pour
diminuer les cotisations sociales qu'il reverse, et qui ne sont en fait que
du salaire. Parallèlement, il veut pouvoir investir pour faire fructifier
son argent dans les secteurs rentables de la santé.
Ce qui revient à créer un système de santé à
deux vitesses, l'un minimum pour la majorité de la population, l'autre
pour les catégories sociales les plus aisées.
La
poste, l'école, les transports, l'eau
les services publics démantelés
A La Poste, tous les moyens sont bons pour faire accepter, aux postiers comme
aux usagers, qu'être moderne c'est en finir avec le monopole de la poste,
c'est se plier aux critères de rentabilité. Bilan : suppression
de bureaux de poste, de boites aux lettres, diminution du personnel en même
temps que les embauches de précaires explosent (60 000 pour 300 000 postiers
en 1999, 1/3 des salariés précaires aujourd'hui, d'après
les syndicats).
En Suède, la libéralisation de la poste s'est traduite par une
augmentation progressive des tarifs de plus de 70 % pendant que les effectifs
étaient réduits de 25 %. Quant à l'Angleterre, la Poste
britannique Consignia vient d'annoncer une suppression de 20 000 emplois pour
cette année sur 200 000 postiers, en plus des 10 000 déjà
supprimés en 2001.
L'école n'échappe pas aux politiques de restrictions budgétaires.
La logique de rentabilité s'y impose tout autant qu'ailleurs, alors qu'aujourd'hui,
80 % des jeunes ont une scolarité au-delà de 18 ans. Cette évolution,
pourtant encore bien insuffisante, représente un progrès, mais
elle s'accompagne d'effets négatifs parfois dramatiques du fait du manque
de moyens tant matériels qu'humains.
Pour beaucoup de jeunes, l'école n'est qu'une attente, une étape
vers les petits boulots. Mais elle devient aussi un enjeu pour le patronat,
qui souhaite " rapprocher l'école de l'entreprise ". Soumettre
l'éducation à la formation la plus immédiate pour les entreprises,
sans parler du développement de l'apprentissage, voilà les objectifs
du Medef, repris par Allègre et ses successeurs au nom de la " modernisation
" nécessaire.
Depuis 1997, date de la division de la SNCF avec la création de Réseau
ferré de France (RFF) chargé de gérer les infrastructures,
les critères de rentabilité financière ont balayé
les critères de service public. La régionalisation qui est entrée
en application au 1er janvier 2002 renforce cette tendance. La SNCF n'est plus
un service public mais une entreprise commerciale " à l'école
de la concurrence ".
Dans les villes de province, il y a longtemps que cette situation s'est imposée,
les transports publics sont une source juteuse de profits pour Vivendi et autres
Lyonnaise des eaux. Les transports collectifs, sont une nécessité
pour toute la population. Plus sûrs et plus rationnels, la seule mesure
vraiment moderne en la matière serait la gratuité des transports
pour tous, en particulier dans les grandes villes.
Le traitement et la distribution de l'eau, produit de première nécessité
s'il en est, sont donnés en pâture à des groupes privés
comme Vivendi, Bouygues ou la Lyonnaise des eaux. Ces trois groupes contrôlent
80 % de la distribution d'eau, et revendent l'eau en moyenne 15 à 20
% plus cher qu'une régie municipale. Cette manne financière que
leur garantissent l'Etat et les collectivités locales leur permet de
constituer des empires financiers qui se livrent à toutes sortes d'aventures
spéculatives.
La précarité
dans la fonction publique
Le démantèlement des services publics se fait non seulement au
détriment des usagers, les nouveaux clients, mais aussi au détriment
des salariés qui y travaillent. Dégradation des conditions de
travail, remise en cause de tous les avantages acquis, manque de personnels,
les attaques se sont multipliées au nom de la rentabilité et de
la démagogie contre les fonctionnaires.
La précarité est maintenant présente dans la fonction publique
du fait des Contrats aidés en tout genre, mesures qui ont fait l'unanimité
de la gauche gouvernementale. CDD, vacataires, CES, CEC, emploi-jeunes, etc,
le nombre de non titulaires dans l'ensemble de la fonction publique a augmenté
de 30 % en 15 ans, soit près de 1,3 million sur 5,4 millions d'agents
: le 1/4 des salariés de la fonction publique !
La " garantie de l'emploi " chez les fonctionnaires, si dénoncée
par les libéraux de toute tendance qui pensent que la règle pour
les travailleurs " c'est la menace sur l'emploi et le pouvoir d'achat ",
est bien entamée aujourd'hui. De ce point de vue, nous réclamons
la " garantie de l'emploi " pour tous les fonctionnaires, mais aussi
pour l'ensemble des salariés car face aux licenciements actuels, c'est
un droit fondamental. Le monde du travail doit imposer au patronat un rapport
qui ne soit pas ce contrat " libre " avec le salarié, qu'il
peut jeter à la rue quand bon lui semble.
La
lutte pour la défense des services publics, sans idéaliser le
passé
Face à ces attaques, dans les entreprises du secteur public, les syndicats
mettent en avant le mot d'ordre " défense du secteur public "
tout en idéalisant le plus souvent ce qu'étaient les services
publics dans la période précédente, époque où
PS et surtout PC présentaient les nationalisations comme une première
étape vers le socialisme, ou en tout cas un coup porté contre
le capitalisme. Mais ces nationalisations, loin d'affaiblir les capitalistes,
ont été une béquille qui leur a d'abord permis de passer
une passe difficile, puis de conforter leurs profits
Après la 2ème guerre mondiale, dans un pays en ruine où
la bourgeoisie craignait des explosions sociales, seul l'Etat pouvait prendre
en charge un certain nombre de secteurs vitaux dont la bourgeoisie se détournait
: les mines, le gaz, l'électricité, les transports aériens,
des compagnies de navigation, deviennent des entreprises publiques. Pour contrôler
les capitaux indispensables dans cette période de reconstruction, l'Etat
nationalise la banque de France et 4 grandes banques ainsi que des compagnies
d'assurance. Bref, l'Etat lui-même a dû planifier au lieu de laisser
faire le marché et les intérêts privés
preuve
au moins de la supériorité des méthodes de planification
par rapport au libre marché capitaliste qui ne connaît que l'intérêt
à court terme. Mais cette politique s'est faite dans le but de relancer
la machine économique, c'est-à-dire la pompe à profits.
Loin d'échapper à la loi du profit, les capitalistes ont profité
de ce secteur public, par les prix préférentiels pour les grosses
entreprises pour l'électricité et le transport ou par les marchés
publics qui font les beaux jours d'Alcatel ou d'Alsthom.
Mais aujourd'hui, sur la base des attaques contre les salariés où
le patronat a l'initiative, il en veut plus. Le capital veut s'approprier les
parties rentables des services publics car il lui faut trouver de nouveaux secteurs
où s'investir, le plus rapidement possible. De plus, la baisse des impôts
et les allégements de toute sorte (100 milliards F pour 2001 selon la
CGT), reviennent pour le patronat à baisser les salaires.
Les services publics sont une source d'enrichissement pour les entreprise privées.
Face à cette offensive, défendre le service public pose nécessairement
le problème du contrôle des salariés et de la population
sur son fonctionnement. EDF fonctionne-t-elle comme un service public ? C'est
un des premiers producteurs mondiaux d'électricité, qui rachète
des groupes entiers, en Italie, en Argentine même
et sa politique
de rachats de groupe, c'est aux usagers et à ses salariés qu'elle
la fait payer. Idem pour la SNCF qui, par ses filiales mixtes (avec des capitaux
privés) comme Géodis, constitue un des plus gros transporteurs
sur route et qui ne se gène pas non plus pour prendre des actions dans
le chemin de fer britannique démantelé.
Savoir où va l'argent est une nécessité. Quelles sont les
priorités ? Investir pour les rachats d'entreprises dans des buts spéculatifs
ou pour prendre des parts de marché, ou alors pour améliorer les
infrastructures et embaucher massivement ?
Par ailleurs, ce contrôle ne pourrait passer que par la nationalisation
des banques en une banque unique, seul outil pouvant permettre à la population
de contrôler la marche du crédit.
Défendre les services publics, c'est conquérir de nouveaux droits
et de nouvelles garanties pour les protéger.
Les droits acquis dans le passé ne l'ont été que parce
que les salariés et la population ont su les imposer. Aujourd'hui, mettre
un terme au recul social, garantir à chacun sécurité, respect,
bien-être passe par un développement des services publics sous
le contrôle de la population pour les soustraire au parasitisme de la
finance et des banques.
Denis Seillat