Débat militant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°10
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17
avril 2002
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Sommaire : | ||||||||||
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Vers une recomposition de la droite vers une droite extrême
Paradoxe que cette
élection présidentielle. C'est la première qui se déroule
sous le régime de la réforme du quinquennat, laquelle a été
conçue pour renforcer le pouvoir présidentiel en s'efforçant
de faire coïncider majorité du Président et majorité
à l'Assemblée. Mais il y a toutes les chances qu'elle aboutisse
à la situation inverse.
Plus on s'approche
du jour du 21 avril, plus les intentions de vote des deux présidentiables
au premier tour s'effilochent -moins de 39 % des voix à eux deux, selon
les derniers sondages. Jamais Président de la Vème République
n'aura été élu avec aussi peu de voix au premier tour.
Et jamais, par conséquent, la majorité présidentielle n'aura
été aussi problématique. A droite comme à gauche,
il faut s'attendre à des recompositions. Mais quel que soit le Président
élu, sa majorité sera des plus fragiles, et cette situation pourrait
bien être la source de tiraillements et de différends publics,
les inconvénients, précisément, que la réforme du
quinquennat avait pour objectif de faire disparaître.
Logique de la
présidentielle et rejet de la cohabitation
Cette situation est due tant à la logique de l'élection présidentielle,
qui se gagne au centre qu'au rejet massif, dans l'opinion, de la politique de
cohabitation menée depuis 20 ans. Leur intérêt immédiat
pousse Chirac et Jospin à jouer au centre et à se démarquer
de leur image de " gauche " ou de " droite ". mais ce faisant,
ils renforcent, chacun dans leur camp, le pôle des mécontents,
jusqu'au sein même de leur électorat privilégié.
Bien entendu, le problème se pose de façon différente à
droite et à gauche. Ce n'est pas de son fait que l'extrême-droite
n'a pas pu, jusqu'ici, entrer dans une majorité gouvernementale et il
n'y a pas de fossé infranchissable entre elle et la droite. Les élections
des présidents de Conseil régional à la suite des élections
de 1998 l'ont amplement montré, de même que le nombre important
de transfuges passant de l'une à l'autre, en fonction de leurs appétits
de carriéristes.
L'extrême-gauche,
elle, ne participera pas à un gouvernement de la bourgeoisie, et à
10 %, elle représente un autre danger et annonce bien des difficultés
pour le futur pouvoir, quel qu'il soit. C'est pourquoi, ces derniers jours,
Jospin a gauchi son langage, il a repris l'habit de candidat socialiste, pour
tenter de contrer la poussée électorale du courant révolutionnaire,
en donnant des raisons à l'électorat traditionnel du PS et du
PC de voter pour les représentants de ces partis. Il est peu probable
qu'il réussisse à convaincre
d'autre chose que de son hypocrisie.
Vers la constitution
d'une droite musclée
Mais ce faisant, Jospin libère un espace plus important, au centre, à
son rival. Chirac peut adopter plus facilement la posture d'homme de droite,
mais d'une droite modérée, plutôt un centre droit qui se
défend de toute collusion avec le Medef. Tout en apparaissant un peu
différent de Jospin. Mais la logique de ce positionnement est de renforcer
le mécontentement dans l'électorat traditionnel de droite, pour
le plus grand bénéfice de l'extrême-droite.
Dans tous les cas de figure, quel que soit le président élu, il
faut s'attendre à une recomposition de la majorité gouvernementale
et, par suite, à une recomposition aussi bien à droite qu'à
gauche.
La mécanique de l'alternance s'est enrayée : si à gauche,
Jospin ne parvient plus à créer l'illusion qu'il serait porteur
d'une politique différente de celle de Chirac, celui-ci, de son côté,
se heurte à une partie de son électorat qui lui reproche sa cohabitation
sans accrocs majeurs avec Jospin.
C'est ce créneau-là qu'espère occuper Le Pen, dont la campagne
assimile Chirac à un traître à son propre " camp "
et à son propre parti. Le Pen, que les sondages créditent maintenant
d'environ 13 %, affirme sa certitude d'être celui qui, au second tour,
ferait face à Jospin. Au-delà du bluff, son objectif est d'assurer
la défaite de Chirac, et par conséquent la victoire de Jospin.
Celle-ci pourrait bien, en effet, précipiter la crise à droite
et libérer un bon nombre de ses notables, retenus derrière Chirac
par le seul attrait de la mangeoire. Cette situation, pense Le Pen, lui profiterait,
elle jouerait en faveur de celui qui a combattu ouvertement Chirac à
qui serait attribuée l'entière responsabilité de la défaite,
à cause de sa politique de conciliation, au sein de la cohabitation,
avec Jospin.
Elle le mettrait aussi et surtout en position d'exprimer d'un point de vue réactionnaire
le mécontentement populaire que ne manquerait pas de susciter la politique
sociale-libérale de la gauche.
Le Pen joue cette carte, d'où son souci actuel de respectabilité.
Ses anciennes manières de démagogue raciste l'empêcheraient-elles
de jouer le rôle de fédérateur d'une droite musclée
? Rien n'est moins sûr. En Italie, l'exemple de Fini, ancien leader du
MSI, un petit parti ouvertement fasciste, devenu ministre dans le gouvernement
Berlusconi, et accepté à ce titre par tous les dirigeants prétendument
démocrates de l'Europe, en dit long sur les rapprochements possibles
entre la droite et l'extrême-droite. Sans compter la valse des transfuges
de la droite vers l'extrême-droite -et réciproquement- auxquels
on a pu assister depuis la poussée électorale du Font national
à partir de 1983. En ce domaine, c'est seulement l'attrait de la mangeoire
qui décide du choix d'hommes politiques dont les préjugés
réactionnaires peuvent trouver aussi bien leur place au RPR, à
l'UDF ou à Démocratie libérale qu'au FN ou au MNR de Mégret.
Mégret, de son côté, mise plutôt, lui, sur une victoire
de Chirac. Le MNR est plus riche que le FN en anciens transfuges de la droite
et Mégret espère bien pouvoir marchander les voix que les candidats
de son parti auront obtenus aux législatives, pour offrir à Chirac,
s'il était réélu, une possibilité de recomposition
de sa majorité qui inclurait son mouvement. Rien d'étonnant à
ce qu'il prenne comme modèle Berlusconi, et qu'il soit favorable, à
la différence de Le Pen qui dénonce la " dérive euro-mondialiste
" de Chirac, à l'Europe, comme peuvent l'être Berlusconi ou
Haider en Autriche.
Les éléments
d'une crise politique
Quoi qu'il en soit, il est probable que la crise de la droite débouche
sur la constitution d'une droite musclée ou d'une extrême-droite
qui se donnerait des airs respectables dans le seul but de prendre place au
Parlement, voire de s'intégrer à un gouvernement. Cette hypothèse
est d'autant plus probable que le patronat exigera pour continuer à mener
son offensive, un pouvoir fort, qui ne s'embarrasserait pas du respect de certains
droits démocratiques. Les mesures répressives prises à
la suite des attentats du 11 septembre, en donnent un aperçu.
La pression exercée par un tel pôle ouvertement réactionnaire,
sans même parler de l'utilisation possible de la violence contre les militants
et le mouvement ouvrier ou social, est lourde de dangers.
Face à cette situation, le pire serait de compter sur l'indignation démocratique
des partis de l'actuelle gauche plurielle. La responsabilité de la percée
du Front national, à partir de 1983, incombe entièrement à
la politique que le Parti socialiste et le Parti communiste ont menée
au gouvernement, sous le premier septennat Mitterrand. L'extrême-droite
se développe sur le terreau de la crise, du chômage et de la misère,
mais ce n'est pas une fatalité. Elle a pu percer, dans ces années-là,
parce que des dizaines de milliers de militants du mouvement ouvrier ont été
paralysés dans un premier temps par l'engagement du PC dans un gouvernement
menant l'offensive de la bourgeoisie contre le monde du travail, et par la complicité
des directions syndicales avec la politique gouvernementale. La démoralisation
des militants de gauche qui s'en est suivie a laissé le terrain du mécontentement,
dans les milieux populaires, à l'extrême-droite et à sa
démagogie xénophobe. N'oublions pas non plus que c'est Mitterrand
qui a fait entrer des députés d'extrême-droite au Parlement,
en 1986, en introduisant, pour une élection, la proportionnelle, et que
la gauche elle-même a contribué par ses campagnes contre l'immigration
clandestine, au renforcement des préjugés racistes.
A l'inverse, c'est la remobilisation dans les rangs du monde du travail, à
partir de 1995 qui a entraîné le tassement de l'influence de l'extrême-droite
dans les milieux populaires, et provoqué son éclatement en deux
factions rivales. Des milliers de salariés, de chômeurs, de jeunes,
en s'affranchissant de toute solidarité avec la gauche gouvernementale,
ont retrouvé leur liberté de mouvement et ont fait réapparaître
une perspective de contestation sociale et politique face à l'offensive
du patronat et du gouvernement.
Aujourd'hui, sous les effets de la politique du patronat et de l'Etat, les rapports
entre les classes se tendent. Ces tensions s'expriment sur le plan politique
en créant des éléments de crise. Il n'y a pas en politique
de retour de balancier au sens strict du terme, l'histoire ne revient pas en
arrière et la montée de l'extrême-gauche ne rétablit
pas l'équilibre. Elle est une ébauche de réponse à
la menace de l'extrême-droite.
La lutte pour la défense des droits démocratiques devient, dès
maintenant, la question politique clé directement associée à
la question des droits sociaux, c'est la question du contrôle. Elle ne
pourra se trancher que par l'intervention directe de la classe des salariés.
Galia Trépère
Le fait dominant
de cette campagne est la vitalité de l'extrême-gauche, c'est-à-dire
du mouvement trotskyste dans sa diversité. Il convient de noter avec
grande satisfaction la leçon que les faits viennent donner à tous
ceux qui voulaient s'empresser d'abandonner les références à
notre passé, plus généralement la référence
au communisme. Plus précisément, le fait que ce soit le mouvement
trotskiste qui permette à une fraction des travailleurs de sanctionner
et de désavouer les partis de la gauche plurielle au moment où
s'effondre le stalinisme est la démonstration par les actes de la validité
des raisonnements et analyses qui fondent notre démarche commune. C'est
la vérification de la fécondité des analyses de Trotsky,
de façon plus générale du marxisme, du matérialisme
militant.
Par delà nos faiblesses, nos erreurs, nos difficultés, il y a
là la confirmation, à grande échelle, de notre conviction
que le mouvement ouvrier ne peut renaître des défaites de la social-démocratie
et du stalinisme qu'en renouant avec le marxisme révolutionnaire.
Le mouvement trotskyste est un capital politique et humain indispensable à
cette renaissance. Il en constitue l'élément moteur.
Reste qu'il nous faut faire des bilans afin de tirer de cette vitalité
les éléments nécessaires pour répondre aux besoins
nouveaux du mouvement ouvrier, ce que l'on appelle aujourd'hui le mouvement
social.
Chacune des trois tendances peut se revendiquer d'un bilan, aucune ne peut par
ses seules forces prétendre être la réponse à la
question du jour : comment aider au regroupement les forces d'opposition qui
se situent dans le camp des travailleurs.
Pour dépasser la division, il ne suffit pas de se revendiquer de l'unité,
de ce nécessaire regroupement. Ce serait là un raisonnement moral.
Dépasser la division, ce n'est pas nécessairement unir les anciennes
organisations, mais dépasser les causes politiques des divisions, c'est-à-dire
des échecs passés, pour créer les conditions d'une éventuelle
unification. Ou à défaut unir les forces qui peuvent l'être.
Il ne suffit pas non plus de dénoncer le sectarisme
de l'autre.
Le sectarisme n'est pas un problème moral sans racines politiques. Si
on ne s'attaque pas à ses racines politiques, l'anti-sectarisme devient
une autre forme de sectarisme, autojustification complaisante dans l'accusation
de l'autre. Voire, pour les moins engagés, une justification pour ne
pas choisir ni se battre.
Combattre dans les faits le sectarisme, c'est ouvrir le débat avec l'autre,
un débat sérieux respectueux même des mauvais arguments
au sens où ces derniers recouvrent une réalité politique.
C'est discuter des idées et des politiques de chacun dans ce qu'elles
expriment de réalité politique, militante.
C'est à travers et par cette discussion que nous pourrons formuler une
politique qui offre une perspective aux aspirations de tous ceux qui militent
dans les différentes tendances afin d'aider à les regrouper, malgré
leur direction si besoin. Indépendamment de ce que veulent les directions
du PT ou de LO, la mise en uvre d'une politique unitaire suppose d'avoir
un projet qui englobe la diversité des différentes tendances susceptibles
de se regrouper. Elle suppose aussi une politique ne craignant pas de dire les
faits, la vérité. L'unité est à l'opposé
des fausses diplomaties contraires aux intérêts généraux
du mouvement.
Aucune solidarité ne peut faire taire la vérité, sauf de
faire sienne la raison d'Etat ou de parti au nom de laquelle le stalinisme a
étouffé le mouvement ouvrier.
Sa renaissance ne pourra se faire sans une totale liberté de pensée,
sans une réévaluation critique de notre propre passé.
L'unité ne peut se faire par des accords d'appareils, elle ne peut pas
plus se faire sous la pression d'un rapport de force surtout s'il est simplement
électoral. Elle ne peut se réaliser que par la conjonction d'une
politique visant à dépasser les limites des différents
courants, donc les nôtres, pour tracer une perspective commune et de l'influence
de forces nouvelles, dynamiques venues du mouvement ouvrier lui-même,
de la jeunesse.
L'unité suppose une politique permettant de regrouper toutes les énergies,
de confronter les expériences du point de vue des intérêts
de l'ensemble du mouvement ouvrier. Donc aussi de savoir apprendre de toutes
ces expériences.
Ce qui suppose de ne craindre aucune idée, aucune confrontation, c'est-à-dire
de se situer du point de vue des intérêts révolutionnaires
des exploités, n'avoir rien à perdre.
Unitaire, démocratique, révolutionnaire se conjuguent.
La campagne électorale remet le mouvement trotskyste au devant de la
scène au moment où le stalinisme s'effondre. Mais il s'agit aussi
de solder les comptes du gauchisme, c'est-à-dire des déformations
de nos propres idées du fait de l'isolement, de la marginalisation du
mouvement ouvrier par le stalinisme.
Le mouvement ouvrier s'ouvre à nous, mais il n'y aura aucun automatisme.
Pour y plonger, nous avons à nous défaire des échecs du
passé dont les divisions sont les témoignages, des témoignages
encore à vif, blessures encore sensibles qui ne se guériront que
par le baume de liens dynamiques avec le mouvement ouvrier.
Que gardons-nous, que rejetons-nous pour défendre au mieux les intérêts
des opprimés, nous unir à eux dans un mouvement démocratique
et révolutionnaire ? Telle est la question à laquelle toute l'extrême-gauche
est confrontée.
Nous voudrions retenir de ce passé par delà la fidélité
révolutionnaire qui appartient à la famille trotskyste dans sa
diversité le sens de classe et la volonté de professionnalisme
de LO, l'interventionnisme de la Ligue, son souci d'ouverture et de démocratie,
la nécessité de regrouper au sein d'un même parti les différents
courants issus de l'histoire du mouvement ouvrier dont le PT a fait une caricature.
Cet héritage nous le dépasserons en le plongeant dans la source
de jouvence du mouvement ouvrier et populaire réel. Lui seul, libéré
du carcan stalinien et social-démocrate, peut redonner force et vitalité
à une politique révolutionnaire que le recul a par trop caricaturée.
Cela signifie retrouver la fraîcheur des idées de la révolution,
une nouvelle révolution que la mondialisation fait mûrir.
Préparer l'unification des forces qui entendent y uvrer, c'est
formuler un plan de construction qui associe esprit de classe, ouverture et
démocratie ; professionnalisme et esprit égalitaire ; interventionnisme,
militantisme dans les syndicats et associations et lutte politique ; unité
et respect des différentes traditions, des différentes conceptions.
C'est formuler un plan de construction d'une force démocratique et révolutionnaire.
On reproche à l'extrême-gauche, principalement à Arlette
Laguiller du fait de son score, de ne pas jouer le jeu de la démocratie
parlementaire, en conséquence de quoi, le vote extrême-gauche serait
stérile.
Il est vrai que nous ne jouons pas le jeu de la démocratie parlementaire.
Il est vrai aussi que, dans l'histoire, tous les progrès démocratiques
et sociaux ont toujours été le fruit de la mobilisation, de la
pression populaire à laquelle les classes dominantes comme les gouvernements
n'ont fait que céder pour préserver l'essentiel, leur domination
sur la société.
Le vote pour l'extrême-gauche est utile parce qu'il prépare ces
mobilisations, prémices d'un réel contrôle, moyens aussi
de ce contrôle.
Cela ne veut nullement dire que nous nous dérobons à nos responsabilités,
bien au contraire. Les révolutionnaires sont prêts à assumer
toutes les responsabilités, y compris celle du pouvoir. Mais pour nous,
le pouvoir ne peut être qu'un pouvoir de transformation, un instrument
au service des masses, sous leur contrôle direct.
Nous serions prêts à assumer nos responsabilités au sein
d'un gouvernement des travailleurs et de leurs organisations, un gouvernement
responsable devant une assemblée élue à la proportionnelle,
directement responsable devant cette assemblée, s'appuyant sur la mobilisation
et l'organisation des classes populaires sur les lieux de travail, dans les
quartiers, au niveau des villes et des régions. Et dès aujourd'hui
nous entendons assumer nos responsabilités, aider à l'émergence
d'un parti des luttes, instrument pour la conquête du pouvoir par le monde
du travail, la grande majorité de la population.
Loin de se dérober, l'extrême-gauche se prépare à
faire face à ses responsabilités. Cela passe par un large débat.
La candidature d'Olivier Besancenot est la plus à même d'initier
ce débat, d'uvrer au rassemblement, de donner aux idées
révolutionnaires le visage de la jeunesse, de la démocratie, de
la lutte.
Ces qualités lui ont permis de s'imposer et de gagner une crédibilité
qui ne manquera pas de se manifester au moment du vote.
Il est important que le plus grand nombre de voix se porte sur son nom.
Yvan Lemaitre
Lors de son meeting
du 14 avril au Zénith, Arlette Laguiller a fixé la barre très
haut pour définir le score qui, selon elle, deviendrait significatif
et qui, " peut-être ", mettrait à l'ordre du jour la
construction d'un " nouveau parti communiste ".
" Si j'atteins les scores que me prêtent certains sondages, et
si j'atteins le double d'électeurs qu'en 95, soit de l'ordre de trois
millions, oui, on pourra se dire que quelque chose a changé et que nombreux
sont ceux qui ont pris conscience qu'il manque aux travailleurs un instrument
pour se défendre, et que le parti communiste a fait la preuve qu'il n'est
plus cet instrument. "
Fixer hors de toute analyse globale du mouvement ouvrier un chiffre définissant
le score électoral à partir duquel il serait possible de juger
de l'évolution des consciences relève de la métaphysique
politique. Cela est d'autant plus ridicule que ce chiffre n'a de sens que par
rapport aux discussions d'après les élections de 95. La direction
de LO disait alors pour justifier son absence d'initiatives que seuls 10 %
des voix lui en auraient donné les moyens.
A noter (au passage) que LO ne parle que de ses voix, pas de celles de l'ensemble
de l'extrême-gauche.
Le raisonnement laisse entendre que le PC était encore, il y a peu, cet
instrument. Il ne souligne pas les éléments de rupture avec la
politique réformiste dans les évolutions de conscience.
Le PC n'est plus ce qu'il était, cela se voit, nous dit-on. Il s'agit
mécaniquement de prendre cette place laissée libre par le PC,
stratégie du mimétisme.
En réalité, c'est la radicalisation des travailleurs sous les
effets de l'offensive de la bourgeoisie avec la complicité de la gauche
plurielle qui affaiblit un PC qui, lui, va jusqu'au bout des conséquences
de sa politique réformiste. Le PC n'a plus les moyens de dévoyer
les énergies militantes au moment où une fraction de la classe
ouvrière retrouve les chemins de la lutte.
Construire une nouvelle force du monde du travail, c'est amplifier ce mouvement
de rupture en armant les travailleurs politiquement et organisationnellement,
c'est-à-dire en unifiant les forces dispersées.
Et cela que le score soit de 2 ou de 3 millions de voix pour l'ensemble de l'extrême-gauche.
Ce n'est pas le score électoral qui met à l'ordre du jour et rend
concrètement possible la construction par les travailleurs eux-mêmes
d'un parti, mais le changement de période dans lequel nous sommes. Le
score électoral n'est qu'une manifestation déformée, qu'il
faudra analyser en son temps, de ces évolutions objectives et subjectives.
Inverser le raisonnement relève de ce que nos prédécesseurs
appelaient le " crétinisme parlementaire ", prendre
la projection parlementaire, électorale, des problèmes pour les
problèmes eux-mêmes.
" On saura alors s'il est peut-être possible de construire un
nouveau parti communiste
" poursuit Arlette Laguiller.
Non, c'est dès maintenant, dans le cours même de la campagne, qu'il
faut dire ce que l'on veut faire. Le raisonnement de LO est prisonnier d'une
compréhension mécanique des choses, parce qu'elle est prisonnière
d'une méthode de construction par en haut.
C'est pourquoi au lieu d'appeler ceux qui viennent à ses meetings à
prendre eux-mêmes en main la construction de leur propre organisation,
LO prend les couleurs d'un nouveau parti communiste qui ressemblerait à
l'ancien quand
C'est cette logique de la construction par en haut qui explique la personnalisation
outrancière de la campagne d'Arlette Laguiller. Tout est ramené
à elle.
Parlant du parti, elle dit " je ne peux pas le créer, contrairement
à ce que disent certains, d'un simple appel à la télévision
". Arlette Laguiller discute avec elle-même ! Qui pourrait sérieusement
penser ça ?
Puis elle ajoute " Un tel parti, cela veut dire, je le répète,
plusieurs milliers de personne qui y adhérent. Plus mon score sera élevé,
plus il y aura de chance que, parmi ceux qui auront voté pour ma candidature
il s'en trouve 30, 40, 50 000 qui adhérent à une telle idée
et à un tel parti.
Ce n'est pas une prévision, c'est un espoir. "
A défaut de politique reste l'espoir
d'un miracle !
La direction de LO sème l'espoir, parce qu'elle sait bien que LO elle-même
ne peut se construire que par les efforts des militants eux-mêmes, de
leur travail. Elle leur donne l'espoir pour militer au lieu de formuler une
politique qui les arme.
La direction de LO ne discute pas des initiatives qu'elle pourrait prendre,
initiatives politiques, à partir d'une analyse des forces concrètes,
des alliés potentiels au sein du mouvement révolutionnaire ou
social mais agite le mythe du " grand parti des travailleurs ",
formule incantatoire.
La réalité concrète finira bien par s'imposer d'autant
que le débat est public, il se mène dans la confrontation des
idées et des politiques, des paroles et des actes.
YL