Débat militant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°17
25 juillet 2002

Sommaire :

" La fin d'une ère "…

Les enjeux de la rentrée : quelle nouvelle force ?

" La fin d'une ère "…

Il nous faut revenir sur un évènement passé presque inaperçu mais d'une grande signification.
Le 26 juin dernier, en Russie, les députés de la Douma ont voté la loi autorisant la privatisation des terres agricoles. Ce vote, commente Le Monde, marque la " fin d'une ère ", " tournant définitivement la page du collectivisme instauré par la révolution de 1917 ".
Disparaît ainsi le dernier vestige de cette révolution qui avait bouleversé la face du monde.
Avec la restauration de la propriété privée du sol et, parallèlement, l'intégration de la Russie en tant que membre permanent au G8 dont elle assurera la présidence en 2006, comme son admission au sein de l'OMC, s'achève une contre-révolution qui avait commencé dès les années 1920. La dernière phase en avait débuté il y a une quinzaine d'années, à travers la crise politique ouverte par la succession de Brejnev.

L'achèvement de la dernière phase de la contre-révolution en Russie
Les transformations opérées par Gorbatchev, les évolutions entraînées ensuite par la surenchère nationaliste et réactionnaire entre Gorbatchev et Eltsine, s'inscrivaient dans le contexte des débuts de la mondialisation capitaliste, de cette offensive engagée par les trusts et leurs Etats à la suite de la récession du début des années 1980, pour éliminer les obstacles à leur pénétration dans les sphères de l'économie mondiale qui leur échappaient.
Avec la victoire de Eltsine, puis l'éclatement de l'URSS, en 1991, il était évident à l'époque que ces événements pouvaient conduire à la restauration du capitalisme et de la propriété privée dans l'ancienne Union soviétique. Mais on ne pouvait hypothéquer alors le fait qu'une possible résistance des travailleurs soviétiques puisse non seulement stopper cette évolution, mais même déboucher sur une crise révolutionnaire. Tel était du moins le raisonnement militant qui avait poussé Trotsky à ne pas remettre en cause le caractère " ouvrier " de l'Union soviétique alors même que les masses ouvrières et paysannes avaient perdu depuis longtemps le pouvoir politique et que la contre-révolution bureaucratique avait ramené le vieux fatras des privilèges bourgeois.
Sans pour autant réussir à restaurer la propriété privée ni même tenter de le faire.
Même 50 ans plus tard, alors que la bureaucratie soviétique était devenue un des éléments déterminants du maintien de l'ordre impérialiste à l'échelle mondiale et qu'une fraction d'entre elle, militant ouvertement pour la restauration capitaliste en URSS, était parvenue au pouvoir, cet achèvement de la contre-révolution n'était pas encore accompli. Tout en étant orientée de façon prioritaire en fonction des besoins de la bureaucratie, l'économie soviétique ne reposait encore ni sur la propriété privée ni sur le marché et sa concurrence.
Même si la probabilité que la classe ouvrière soviétique trouve les ressources de s'opposer victorieusement à l'évolution en cours était très faible, il n'y avait pas de raison, pour autant d'abdiquer de cette possibilité.
Il y eut des résistances importantes à la dégradation des conditions de vie entraînée par la désétatisation de l'économie. En 1993, sous la forme d'une mobilisation contre le coup de force de Eltsine contre le Parlement, puis à travers de nombreuses grèves de salariés, en particulier en 1995, avant que Eltsine ne réussisse à se faire élire Président de la Fédération de Russie en 1996.
Mais ces mobilisations ne furent ni assez étendues ni assez profondes pour pouvoir déboucher sur un mouvement convergent et conscient de ses intérêts propres. Il y manquait surtout une perspective politique. L'objectif du seul maintien de l'ordre existant, qui se confondait pour beaucoup avec la dictature de la bureaucratie et la pénurie, ne pouvait en constituer une capable de mobiliser les énergies.
Le pouvoir de Eltsine conforté par sa réélection en 1996, le mouvement de privatisation, qui avait marqué le pas jusqu'alors, s'est accéléré. La privatisation des terres agricoles, entérinée par les députés le mois dernier, malgré la résistance d'une majorité des paysans russes, en est la conclusion.
S'achève ainsi une décennie de transition au terme de laquelle la Russie est pleinement intégrée à l'économie de marché mondial.

De l'euphorie des spéculations boursière au krach
Les transformations survenues dans l'ex-URSS s'inséraient dans un mouvement parallèle et concomitant à l'échelle mondiale, qui en est à la fois cause et conséquence. Est clos aujourd'hui ce que certains appellent le siècle court, ouvert par la Révolution russe.
Durant ces dix années, les multinationales et les groupes financiers ont accru considérablement leurs moyens de pénétrer et de parasiter l'économie mondiale. Ils ont repris pied solidement dans les territoires des Etats nés de la révolution anti-coloniale à qui l'existence de l'URSS avait permis d'échapper à leur emprise. Dans les pays du Tiers monde déjà soumis à leur influence, ils se sont accaparé les entreprises publiques privatisées par le biais des plans d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale. Dans les pays impérialistes, ils ont mis la main sur les monopoles d'Etat et la plupart des services publics.
La libéralisation du mouvement des capitaux, initiée dès l'année 1990, a démultiplié leurs capacités d'intervention. Des flux de capitaux énormes se déplacent depuis lors sur tous les points de la planète à la recherche de la moindre source de profit extrait du travail humain. Après les pays d'Asie ruinés par la crise de 1997, ce furent tour à tour la Russie et l'Amérique latine. Une " frénésie de spéculation ", comme le disait récemment Greenspan, le patron de la Banque centrale américaine, s'est emparée des marchés financiers. L'anticipation des profits battait son plein alors même que la chaudière qui les alimentait s'asphyxiait lentement, étouffée par les restrictions imposées aux populations, les plans de restructurations, les licenciements en masse, la précarisation du travail. Surchauffe, boom de la spéculation et de l'endettement, puis mévente, accumulation des stocks, avant une reprise dont les profits se révèlent insuffisants pour satisfaire l'avidité des spéculations financières à travers lesquelles se déroule une concurrence acharnée.
Aujourd'hui, c'est le krach, dont personne n'est capable encore d'imaginer les conséquences, mais dont à coup sûr, les populations paieront le prix fort.

De l'avenir radieux du capitalisme à la montée en puissance du militarisme et de l'Etat policier
La désintégration de l'URSS et la chute des dictatures staliniennes devaient ouvrir, à entendre la propagande anticommuniste, un avenir radieux aux peuples. Dix ans après, c'est à un redéploiement militaire sans précédent de l'impérialisme auquel on assiste.
L'impérialisme américain répond à la déstabilisation causée par la disparition de la bureaucratie soviétique, son alliée et complice en même temps que son bouc émissaire, par une nouvelle croisade, " anti-terroriste ". L'appui qu'il vient d'apporter au terrorisme de l'Etat israélien contre la population palestinienne constitue un nouveau palier dans l'escalade guerrière qu'il a engagée aux lendemains du 11 septembre. Les pleurs hypocrites des dirigeants impérialistes sur les victimes du dernier massacre opéré par les autorités israéliennes ne risquent pas de stopper la fuite en avant de Sharon. Celui-ci dit regretter les " victimes civiles ", mais qualifie l'opération de " plus grand succès de l'armée israélienne ". Eux font mine de condamner tout en réaffirmant " le droit d'Israel à se défendre ".
Parallèlement à leur démonstration de force sur la scène internationale, les Etats impérialistes renforcent leur arsenal de répression. Sous couvert tant de la lutte " anti-terroriste " que de la lutte contre l'insécurité. C'est ainsi qu'ils font face à la montée des tensions sociales et aux prévisibles explosions populaires.

La transition vers le libéralisme impérialiste s'est accompagnée de la disparition des vieux partis du mouvement ouvrier en tant que forces pouvant représenter un tant soit peu une possibilité de résistance et de contestation et une perspective de transformation sociale.
Une page du mouvement ouvrier est tournée, une nouvelle phase de son histoire commence, dans laquelle le combat pour l'urgence sociale et démocratique se confond avec le combat pour la paix et la transformation révolutionnaire de la société.
Galia Tépère


Les enjeux de la rentrée : quelle nouvelle force ?

Les données politiques et sociales de la rentrée s'organisent autour de la nouvelle offensive du patronat et du gouvernement contre les salariés et toute la population. Cette offensive prend appui sur la politique et les idées défendues par les gouvernements Jospin pendant cinq ans puis durant la campagne de la Présidentielle. Elle sera d'autant plus déterminée que le triomphe du libéralisme impérialiste aboutit à un krach mondial.
Les partis de la gauche plurielle sont pris aux pièges de leur politique et des idées dont ils se sont faits les défenseurs, le social libéralisme dont la droite se pose en continuateur plus conséquent. Ou se désavouer ou persister et signer dans la voie du social-libéralisme, les dirigeants du PS ont choisi comme Vaillant accusant Sarkosy de " faire du copier-coller " de sa propre politique !
Le PS ne gauchit guère son ton ou bien timidement, dans le cadre de sa politique social-libérale. En son sein, les opposants sont eux-mêmes paralysés par leurs capitulations antérieures, incapables de rompre ni de formuler une autre politique que celle de Stauss-Kahn et Fabius couverts par Hollande.
L'effondrement électoral du PC se traduit par sa désorganisation croissante.
Les grandes organisations syndicales loin de se situer dans une perspective de lutte d'ensemble préparent leurs militants à pratiquer vis à vis de la droite la même politique que vis à vis de la gauche, la collaboration contre les intérêts des salariés. Sud se heurte à ses compromis, à son absence de perspective générale qui l'empêche aujourd'hui de jouer le rôle d'aiguillon et de fédérateur dont le mouvement ouvrier aurait besoin.
Ainsi, la crise ouverte par le séisme politique des élections dans le contexte d'offensive libérale déstabilise l'ensemble des militants du mouvement ouvrier. Les références d'avant, les raisonnements et les réflexes passés ne correspondent plus à la situation. Reconstruire, c'est à dire acquérir les réflexes et raisonnements intégrant les nouveaux rapports sociaux et politiques, a comme condition sine qua non de comprendre les enchaînements qui ont conduit à cette situation. Notre tâche est d'organiser, d'impulser le débat pour faire les bilans, donner les explications et tracer les perspectives.
Les révolutionnaires ont un rôle déterminant à jouer dans ce processus qui débute pour aider chacun à reconstruire ses repères, à aller jusqu'au bout des ruptures en formulant un nouveau projet démocratique et révolutionnaire.

Conditions objectives et volontarisme
Ce ne sont pas les seuls résultats électoraux qui indiquent les possibilités nouvelles d'organisation des travailleurs. Ou plus précisément, ces résultats sont, à un moment donné, l'expression de transformations profondes en même temps, qu'en les révélant au plus grand nombre, ils les approfondissent.
Les évolutions des consciences deviennent des faits objectifs qui conduisent à de nouvelles évolutions.
La situation de crise actuelle débouche sur une accélération de ces évolutions. C'est cette accélération qui pose la question d'un nouveau parti. Les révolutionnaires ne sont pas les seuls à la poser. Notre rôle est de rendre pleinement conscientes d'elles-mêmes ces évolutions pour qu'elles puissent se concrétiser dans une nouvelle réalité objective, l'ébauche d'un parti ouvrier et populaire.
Notre volontarisme militant, c'est la volonté d'agir sur le plan politique pour aider aux évolutions dont les causes et l'énergie viennent de phénomènes extérieurs à eux-mêmes. Cela suppose un plein engagement dans les luttes sociales et politiques, un débat permanent, la recherche du dialogue avec tous les protagonistes de ces luttes.
Le volontarisme moral trouve ses armes dans les jugements, les accusations et l'auto-proclamation, et se manifeste dans l'activisme ou…la passivité. Notre volontarisme révolutionnaire, matérialiste, trouve les siennes dans l'intelligence des évolutions subjectives et objectives. Il puise donc son énergie dans le dialogue, la discussion, l'écoute et l'attention aux autres, dans le débat et la démocratie, indispensables pour comprendre et répondre.

Débattre et construire : forum permanent pour une nouvelle force
Notre apport essentiel aux évolutions en cours est d'être le ferment de ce débat, de l'organiser, de l'impulser sans préjugé ni crainte des remises en cause. Nous ne sommes pas des professeurs rouges mais des militants qui cherchent à comprendre pour agir et changer les choses.
Le sens et la portée des forums de la rentrée seront de prendre acte de ce débat, de le formaliser, de l'élargir, pour essayer d'en faire une étape importante dans l'affirmation de la perspective de faire émerger cette nouvelle force politique.
Ils sont d'une grande importance de ce point de vue et surtout parce qu'ils indiquent une nouvelle façon de concevoir notre travail politique.
Nous sommes devant une étape du développement de l'extrême-gauche qui implique un changement qualitatif. Nos propres raisonnements ont à se dégager du passé.
Notre travail n'est plus celui de minoritaires, prisonniers de leur propre situation. Nous sommes la fraction organisée, la plus consciente d'un mouvement social en pleine mutation. Nous devons nous penser comme tel.
Il nous faut réfléchir au contenu et à la fonction même de la démocratie. La démocratie interne suppose des rapports démocratiques avec les travailleurs eux-mêmes. Toute notre activité, à tous les niveaux, doit être constamment soumise à la recherche de ces rapports démocratiques, et donc combattre en permanence les routines des appareils, en particulier syndicaux.
La principale question aujourd'hui est celle des rapports du mouvement social avec la politique. Nous devons apporter des réponses aux questions qu'il se pose, formuler ces réponses ensemble à travers la discussion.
Et tout particulièrement, nous avons à discuter des moyens de militer avec les groupes ou avec les militants isolés du PC ou anciennement au PC mais qui ne sont pas prêts à intégrer la Ligue, encore à leurs yeux trop marquée par son passé de groupe gauchiste. C'est à travers un dialogue militant, dans l'action, que nous nous convaincrons réciproquement de ce que chacun a à apporter à l'autre. Ces évolutions réciproques seraient des pas décisifs vers une force nouvelle.

Parti des révolutionnaires ou parti des travailleurs, un faux débat
Il est de mode d'opposer dans la compréhension des tâches des révolutionnaires, parti de masse et parti de révolutionnaires et ainsi d'élaborer un plan dans lequel les révolutionnaires eux-mêmes se mettent en minorité pour ne pas gêner les autres…Un tel raisonnement est complètement artificiel, il résulte d'une manie gauchiste, ne se penser que minoritaire.
Comme si notre adaptation à la niche écologique dans laquelle notre espèce a survécu nous avait privés d'un caractère dit de "masse" pour sélectionner un caractère dit "minoritaire " !
Aurions nous oublié que tant la social-démocratie que le Parti communiste ne se sont formés et développés qu'en tant que partis révolutionnaires. C'est en tant que partis de classe qu'ils ont conquis leur crédit, le réformisme, c'est leur longue dégénérescence.
Le débat réforme et révolution n'est pas académique, il ne se résume pas à la question du pouvoir mais a des implications quotidiennes même en période non révolutionnaire.
Construire une force nouvelle représentant les intérêts sociaux et politiques de la classe des salariés suppose une rupture radicale avec les préjugés bourgeois dont se nourrit le réformisme, une totale indépendance de classe donnant une pleine liberté d'action et d'alliance, une capacité à solliciter, encourager, multiplier les initiatives, c'est à dire à faire vivre la démocratie.
Il s'agit de penser notre propre construction comme l'auto-organisation de la fraction la plus consciente du mouvement ouvrier, processus dont nous sommes nous-mêmes sujet et objet, partie intégrante.
Le marxisme n'est pas un dogme extérieur à ce processus, il est ce processus conscient de lui-même, se pensant lui-même. Sujet mais aussi objet dans la mesure où il pense ses propres déterminations, les processus objectifs qui le conditionnent, le rendent possible et nécessaire.
La force nouvelle se construit autour d'un projet de transformation sociale, c'est à dire révolutionnaire.

Priorité à l'activité au sein de notre classe
Notre projet révolutionnaire s'inscrit dans les réalités sociales comme dans les évolutions historiques. Il se concrétise dans une réalité sociale et humaine, la classe des salariés, située au cœur du rapport d'exploitation. C'est dans le conflit entre la minorité qui détient les moyens de production et concentre le pouvoir financier et la classe des salariés que s'exprime le conflit entre la socialisation croissante des moyens de production et l'appropriation privée des richesses produites. C'est cette contradiction qui se résoudra à travers le processus de transformation révolutionnaire de la société.
Notre activité s'y concentre tout naturellement.
C'est là que s'organisent les résistances, que se prépare l'offensive. C'est dans les entreprises, les bureaux ou les services que se concentre la classe capable de faire vivre une démocratie directe, politique et sociale, c'est-à-dire d'exercer son contrôle d'abord sur ses propres luttes puis…sur la marche de l'économie.
C'est là aussi que nous rencontrons les militants du PC, comme ceux qui ont préféré se consacrer au travail syndical au sein de la CGT. Les uns comme les autres sont désorientés au moment où le PC s'effondre et où la direction de la CGT s'engage dans une politique de concertation avec le gouvernement de droite. C'est sur le terrain des entreprises ou des quartiers que nous pouvons construire avec eux des liens militants, engager la discussion sur la renaissance des luttes et du mouvement ouvrier, mener le débat, apprendre et gagner leur confiance.
Cela suppose de surmonter la méfiance accumulée durant des années de conflits au cours desquels ces militants nous voyaient comme des adversaires de leur parti, incapables par ailleurs de faire mieux qu'eux. Ils nous jugeaient irresponsables, incapables de surmonter nos divergences pour unir nos forces et peser dans les luttes. Aujourd'hui, nous agissons comme un facteur d'unité.

Nos responsabilités vis à vis des camarades de Lutte ouvrière
C'est en essayant de dégager le travail des révolutionnaires de cette attitude gauchiste que Lutte Ouvrière a gagné, dans les années 70 et 80, son crédit et son influence et démontré à contre-courant la possibilité de faire pénétrer les idées révolutionnaires au sein de la classe ouvrière. Elle a, de ce point de vue, accompli un travail important dont Arlette Laguiller fut la porte-parole, le symbole.
Aujourd'hui, notre activité au sein de la classe ouvrière prend une autre dimension, le gauchisme appartient de fait au passé. La façon dont les camarades de LO posaient les problèmes ne correspond plus à la période. Et ils sont pris à contre-pied.
Ils n'ont pas su encore trouver la force de leur propre transformation par crainte de perdre leurs acquis, et par manque de confiance dans leurs idées, leurs capacités d'influencer et aussi par manque de compréhension des transformations historiques qui se sont accomplies.
Mais il n'y a nulle raison de penser que LO est au bout de ses possibilités. Ce serait une façon d'abdiquer de nos propres capacités à influencer, en fin de compte de notre propre capacité à formuler et à mettre en œuvre une politique pour l'ensemble de l'extrême-gauche.
Ce serait aussi avoir des illusions sur soi-même en prétendant être seul capable de répondre aux besoins du moment. Il y aurait là une façon de reprendre à notre compte le fatalisme dont sont aujourd'hui imprégnés les raisonnements de la direction de LO au lieu de nous attacher à intégrer dans notre propre politique la réalité de l'ensemble de l'extrême-gauche.
Le raisonnement vaut pour tous ceux qui se revendiquent du projet révolutionnaire, en particulier pour le Parti des travailleurs.

Prendre l'initiative
La démocratie ne connaît pas d'exclusive, le débat ne connaît pas de limite. Il y a le débat organisé, formel peut-on dire, et il y a aussi le débat informel, inorganisé, les échanges entre militants qui se retrouvent confrontés aux mêmes problèmes, engagés dans les mêmes combats. Ce débat quotidien, chacun peut le mener, y gagner de l'influence, transmettre des idées, donner la force aux autres d'engager à leur tour le débat sans craindre les routines, les résistances, les passivités voire les hostilités de ceux qui peuvent se sentir contestés.
Notre organisation a su prendre l'initiative d'organiser des forums et y convier chacun. Et chacun a à s'emparer du débat, y prendre sa part, y apporter son expérience, ses idées et ses initiatives.
Une nouvelle période du mouvement ouvrier a commencé. La rupture qui s'est opérée n'efface pas la continuité du combat émancipateur, ni ses acquis, cette continuité et ses acquis conditionnent les possibilités de dépassement des périodes précédentes, celle qui a forgé la social-démocratie, comme celle qui a forgé le Parti communiste.
C'est à travers le débat, la confrontation avec les militants issus de ces partis, en rupture avec eux que pourra se formuler un nouveau projet politique, socialiste et communiste, un projet démocratique et révolutionnaire.
Il y a là un vaste travail dont le plus difficile sera de coordonner ces discussions, de les structurer, de les lier à l'action, aux luttes des travailleurs, de créer un cadre permanent de discussion et de confrontation en vue de la l'action et de la lutte de classe, c'est à dire, en fait, un parti.
Il faudra du temps et de la ténacité. L'appel à une force nouvelle met en œuvre une politique de construction, il prend un contenu concret, vivant, dynamique, le contenu qu'aurait dû prendre au lendemain de 95 l'appel d'Arlette Laguiller à un nouveau parti des travailleurs.
Yvan Lemaitre