Débat militant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°19
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10
octobre 2002
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Sommaire : | ||||||||||
Emmanuelli et Mélenchon refont un nouveau monde sans rien changer | ||||||||||
A propos du livre d'Yves Salesse " Réformes et révolution ", derrière le paradoxe, l'ambiguïté | ||||||||||
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Force et faiblesse du gouvernement Raffarin
Comparant l'attitude
de Raffarin à celle du Maître Patelin de la farce du même
nom, le Journal du dimanche écrivait après la journée
du 3 octobre : "Quelque 40 000 grévistes manifestent-ils
dans Paris pour la défense du service public qu'il prend les devants,
fait recevoir les délégués syndicaux par deux ministres
chargés de rappeler qu'on maintiendrait leur statut et qu'ouverture du
capital ne signifie pas privatisation. La manif est-elle un succès qu'il
s'en réjouit presque : cela lui permettra demain, à Bruxelles
de mieux défendre le service public "à la française"
. Il était virtuellement "derrière les manifestants".
Avec une telle force de conviction, que certains se sont demandés pourquoi
il n'était pas en tête de cortège ".
L'éditorialiste, qui indique au début de son article que l'adjectif
"patelin" ("homme qui s'efforce de dissimuler ses intentions
pour duper les gens") n'a pas valeur d'éloge, souhaite, en conclusion,
que le gouvernement puisse mener à bout la réforme de la décentralisation,
"le texte le plus important depuis des lustres pour l'avenir de la France"
et que soit ainsi dépassée la connotation péjorative du
verbe "raffariner".
On comprend bien ses préoccupations et ses solidarités. Ce ne
sont pas les nôtres, mais l'étrange -en apparence- paradoxe qu'il
souligne a une part de vérité : le gouvernement n'est pas apparu
affaibli à la suite de la manifestation du 3 octobre. Au point de pouvoir
s'en revendiquer.
Comme il n'apparaît pas affaibli, de manière générale,
alors que jamais, sans doute, le mécontentement n'a été
aussi important qu'aujourd'hui. Il ne fait aucun doute, en effet, que les 50 000
salariés qui étaient dans la rue le 3 octobre, comme tous ceux
qui ont fait grève, massivement, à EDF-GDF, et au-delà,
bon nombre de travailleurs, sont opposés à la politique du gouvernement
et en particulier à la privatisation des services publics.
La contradiction n'est qu'apparente. Le gouvernement Raffarin n'est fort que
parce qu'il peut prendre appui sur une opposition qui n'en est pas une, tant
du côté des directions syndicales que de l'ancienne gauche plurielle.
Collaboration
des directions syndicales...
La veille de la manifestation, Denis Cohen, dirigeant de la Fédération
CGT énergie-mines, était interviewé par Le Monde. " Que
d'autres manifestent pour le service public ne nous gêne pas, mais nous
ne sommes ni dans une journée d'action coordonnée, ni dans un
"troisième tour social" ". Un peu plus loin,
à la question : " L'ouverture du capital [au privé]
d'EDF et de GDF, prônée par la droite, est-elle un "casus
belli" pour les salariés ? ", il répond : " Nous
y sommes naturellement opposés, mais la question n'est pas à l'ordre
du jour ". Avant d'affirmer tout de go " Non, bien
sûr " lorsqu'on lui demande si " les Français
souhaitent [...] que le service public ne soit assuré que par des entreprises
publiques à 100 % ".
Le matin du 3 octobre, les ministres Francis Mer et Nicole Fontaine recevaient
les dirigeants syndicaux de la branche énergie. " Le gouvernement
souhaite donner aux industries électriques et gazières les moyens
de poursuivre leurs projets de développement industriel grâce à
une ouverture minoritaire du capital sans remettre en cause le statut particulier
des agents ", faisaient-ils savoir. Les ministres " ont
manifesté leur engagement à ouvrir des négociations visant
à pérenniser les systèmes de retraite. C'est un début
et je ne boude pas mon plaisir ", se réjouissait D. Cohen.
Le lendemain même, Nicole Fontaine approuvait lors d'une réunion
européenne, à Luxembourg, le principe d'une ouverture du marché
de l'énergie, y compris pour les particuliers. Elle a bien sûr
assorti cette déclaration d'un certain nombre de conditions, dont se
sont saisi les dirigeants syndicaux pour indiquer, avec une belle unanimité
: cela " va dans le bon sens ".
Retournement des directions syndicales ? Non, tout au contraire, c'est
parce qu'elles étaient déjà profondément engagées
dans cette même politique, au moment où celle-ci était menée
par le gouvernement Jospin, qu'elles offrent aujourd'hui leur collaboration
à un gouvernement qui veut mener à bout le programme des contre-réformes
souhaitées par le patronat sous le couvert du " dialogue
social ".
... et d'une
gauche de cohabitation ou d'alternance
Cela peut surprendre ceux qui espéraient que, la droite revenue au pouvoir,
les directions syndicales feraient preuve d'un minimum de radicalisme. Il n'en
est rien. Elles font tout pour tenter de prévenir un mouvement d'ensemble
et éviter d'ouvrir la moindre brèche par où pourrait s'introduire
une convergence des luttes de plusieurs secteurs. Pire, elles donnent crédit
au " dialogue social " avancé tant par le
gouvernement que par le Medef et préparent d'autres capitulations.
Il en est de même des partis de l'ancienne gauche plurielle, tout aussi
incapables de ne serait-ce que gauchir leur langage et a fortiori de représenter
le moindre point d'appui pour la contestation à ce gouvernement. Là
non plus, la raison n'est pas mystérieuse. Comment pourraient-ils condamner
une politique qu'eux-mêmes ont mise en route, au moment où arrivent
à leur conclusion nombre de projets réactionnaires dont ils ont
préparé le terrain ?
Déjà, lors du vote des premières mesures sécuritaires
débattues à l'Assemblée lors de la session spéciale
d'été, des députés socialistes avaient hésité
à voter contre -voire à s'abstenir- le projet de Sarkozy.
Depuis, paraît-il, le PS s'est mis " en ordre de bataille ".
L'axe de cette offensive ? " La lutte pour l'emploi "
au nom des " avancées sociales " qu'auraient
été les lois Aubry ou les emplois-jeunes. Inutile de dire que
les angles d'attaque de cette " opposition " sont
plus qu'émoussés, de la contestation des modalités d'allègement
des cotisations sociales des patrons à celle de la suppression de crédits
destinés à créer des emplois précaires dits " d'insertion ".
Voilà qui permet à la médiocrité si sûre d'elle-même
de Raffarin d'apparaître comme une force, alors même que sa politique
est de nature à concentrer contre lui tout le mécontentement social.
... " l'esprit
de mai qui fait que nous avons la République en partage "
François Hollande n'aura pas manqué, en commentant les 100 minutes
de Raffarin sur France 2, d'accuser " l'hypocrisie "
derrière la " bonhomie ", allusion sans plus
de précision au côté populiste du personnage qui le fait
sans cesse se revendiquer de la " France d'en bas ".
Mais Raffarin n'a fait qu'endosser le costume que les dirigeants socialistes
et leurs alliés de l'ancienne gauche plurielle lui ont eux-mêmes
taillé. Ou plus précisément à Chirac, en érigeant
celui-ci en sauveur de la République face à un Le Pen, surgi au
2ème tour de la présidentielle par l'effet de leur propre effondrement.
Un Le Pen, soit dit en passant, dont le gouvernement met en application, en
particulier à travers ses lois répressives, une bonne partie de
son programme réactionnaire.
Raffarin n'a pas manqué, lors de la première séance de
questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale, de faire appel
au consensus et à l'unité au nom de " l'esprit de
mai qui fait que nous avons la République en partage ".
La gauche plurielle s'est sabotée par sa propre capitulation en faisant
élire Chirac, donnant ainsi l'initiative à la droite. La logique
de cette politique, elle-même dans la continuité de la cohabitation,
a été jusqu'au bout.
Elle fait la force de ce gouvernement à qui le vote du 5 mai a conféré,
malgré les maigres 20 % de Chirac au 1er tour de la présidentielle,
une légitimité inespérée.
La faiblesse
du gouvernement Raffarin : son illégitimité sociale
Les traits populistes du gouvernement sont l'expression de sa faiblesse. Conscient
du fait que sa politique ne peut que lui aliéner l'opinion et concentrer
contre lui le mécontentement, il exploite la position de force que lui
a donnée la politique de la gauche en prétendant se situer au-dessus
des clivages parlementaires traditionnels.
D'un côté le " dialogue social " -parallèlement
au nouveau cycle de " refondation sociale " engagé
par le Medef- avec des directions syndicales complaisantes et une opposition
de sa majesté : il s'agit entre autres de mener à bien les " réformes "
sur les retraites, la décentralisation et la " réforme
de l'Etat ".
De l'autre, la loi Sarkozy, opération de criminalisation des couches
les plus pauvres et les plus vulnérables de la population, qui emprunte
largement à l'extrême droite en même temps qu'elle met à
nu et renforce un appareil répressif destiné à lutter contre
la contestation.
L'enjeu et la difficulté des semaines et mois à venir, c'est que
puisse se construire un véritable front de contestation et d'opposition,
sociale et politique. Le décalage entre l'absence d'une opposition organisée
et les aspirations d'un grand nombre de travailleurs à participer à
une contre-offensive générale, s'est exprimé lors de la
manifestation du 3 octobre qui a débordé d'une manière
significative le cadre dans lequel les directions syndicales de la branche énergie
voulaient l'enfermer.
Cela ne signifie pas pour autant que puisse en résulter, automatiquement,
un mouvement d'ensemble mais nous militons dans ce sens.
En ce qui concerne, par exemple, la question des retraites, les directions syndicales
qui se sont précipitées pour donner leur label aux fonds d'épargne
salariale, et qui, telle la CGT, ont retiré de leurs revendications le
retour aux 37,5 annuités pour tous, vont, par leurs manuvres, ajouter
à la désorientation et au découragement. Sans compter l'avalanche
des plans de licenciements et la remontée du chômage.
Un des éléments essentiels pour créer les conditions de
la préparation d'une riposte est la clarification politique que peuvent
apporter les révolutionnaires. Il faut dire clairement aux travailleurs
qu'il est indispensable, pour préparer les luttes, de rompre avec les
illusions parlementaires qui ont conduit au vote du 5 mai, ainsi transformé
en plébiscite en faveur de leurs ennemis. Nous devons aider chacun à
tirer les leçons de l'expérience que nous avons vécu ces
derniers mois au moment où nombreux sont ceux qui comprennent qu'ils
ont été paralysés et conduits sur le terrain de leurs ennemis
par la gauche plurielle.
Aider au regroupement de tous les militants et travailleurs qui ont conscience
de cette situation de façon à ce qu'ils puissent exercer leur
pression sur les directions syndicales, utiliser les occasions que celles-ci
peuvent encore offrir de mobiliser largement, tout en travaillant à construire
une force qui saura déjouer leurs manuvres et prendre elle-même
l'initiative, c'est aider à rompre avec les raisonnements de la capitulation
des réformistes pour renouer avec l'esprit d'indépendance de classe.
Galia Trépère
Emmanuelli et Mélenchon refont un nouveau monde sans rien changer
Jean-Luc Mélenchon
s'en donne à cur joie. " Feu sur les quartiers généraux ",
lance-t-il devant ses troupes. Henri Emmanuelli enflamme, lui, l'assistance
en moquant le " Solférinodactyle ". À
défaut d'autre chose, la réunion constitutive de Nouveau Monde
à Argelès-sur-Mer fin septembre aura au moins permis de mesurer
l'étendue des talents oratoires des ténors de la Gauche socialiste
et de Démocratie-Égalité. Et ils excellent en la matière
du moins si on aime le genre
La machine est certes bien rodée.
Aligner les petites phrases, distiller les paroles assassines, asséner
les bons mots : ils pratiquent depuis des années sur les bans de l'Assemblée
nationale et du Sénat. Cela suffira peut-être à ébranler
la maison socialiste. Il en faut un peu plus pour incarner le renouveau.
D'autant que Mélenchon et Emmanuelli n'ont pas le monopole de la contestation.
L'initiative de Vincent Peillon, Julien Dray et Arnaud Montebourg en témoigne.
Dans quelques jours, les trois jeunes loups officialiseront la création
de leur courant : Avenir socialiste. Mélenchon ironisait sur le
" ventre mou " représenté par la garde
rapprochée de François Hollande ; " les supplétifs,
les troupes annexes, les champions du "ni-ni" ", brocardés
à Argelès, répliquent en reprenant à leur compte
le discours de leur prétendu adversaire : " Tranquillement,
avec le sourire, on nous emmène vers la reconduction d'un consensus mou
que nous ne supportons plus ! ", lâche Dray. " Les
trois petits cochons vont d'une cabane à l'autre à mesure que
le grand méchant loup abat leur pauvre défense ",
soulignait Mélenchon devant des militants hilares. Il ne croyait pas
si bien dire. Hollande est de plus en plus isolé. Et les rangs des prétendants
à sa succession n'ont jamais été aussi garnis.
" Notre mot d'ordre est simple : clarifier ", claironnait
Mélenchon. Or, la confusion règne. Et ceux qui attendaient de
la rencontre d'Argelès des précisions sur la politique et les
intentions du courant ont été servis. Marie-Noëlle Lienemann
réclame sa part d'inventaire ; Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon
revendiquent eux leur part d'héritage, celui " du mitterrandisme,
qui, après 1968, a su unir dans un même projet et souvent dans
un même parti, la gauche radicale qui avait provoqué ce tremblement
de terre des 10 millions de travailleurs en grève et la gauche du gouvernement. "
La filiation revendiquée avec François Mitterrand n'est pas neutre
; elle marque, au contraire, le projet du nouveau courant. On ne peut se dégager
des années Jospin sans rompre avec les années Mitterrand.
La Rose au poing
: Mitterrand et l'union de la gauche plutôt que Jospin et la gauche plurielle
Si c'est un texte critiquant le social-libéralisme du gouvernement Jospin
qui a ouvert les hostilités au sein de la Gauche socialiste et encouragé
le rapprochement avec Démocratie-Égalité, ce n'est nullement
la question de la participation de la gauche plurielle au pouvoir ces cinq dernières
années, encore moins un bilan étendu aux expériences gouvernementales
depuis 1981, qui rassemble les partisans de Nouveau Monde. L' " appel
d'Argelès " épingle " le socialisme
d'accompagnement ", qu'illustrerait la " ratification
du traité d'Amsterdam ", " la baisse de l'impôt
sur le revenu ", " la prime pour l'emploi ",
et " l'ouverture du capital de France Télécom ".
Pas plus. Chacun appréciera ce radicalisme. On cherchera tout aussi vainement
des éclaircissements sur les errements sociaux-libéraux des socialistes
dans les discours prononcés par Mélenchon, Emmanuelli ou Vidalies.
Significativement, le bilan de la gauche plurielle n'apparaît qu'allusivement
dans les interventions des ténors de Nouveau Monde, soulignant
que c'est moins la politique de Jospin que son échec le 21 avril qui,
à leurs yeux, impose de tourner la page. Clarifier ? À peine
levé, le voile est pudiquement rabaissé.
Et pour rassurer son monde, Jean-Luc Mélenchon persiste et signe. " Notre
gouvernement était le plus à gauche d'Europe, du monde même ".
À son retour d'Argelès, le trublion de Nouveau Monde a
renfilé son costume d'ancien ministre de Lionel Jospin et a égrené
dans les colonnes du Parisien la liste des " réformes très
positives " de la gauche plurielle. La réorientation préconisée
par le tandem Emmanuelli-Mélenchon y est justifiée en deux phrases
: " la stratégie de Jospin qui consistait à dire
On s'inscrit dans les normes de la mondialisation pour réaliser des avancées
sociales a montré ses limites. C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui
de rupture, d'alternative au système actuel. " Point à
la ligne.
L'essentiel est ailleurs. À Argelès, c'est la reconquête
du parti d'abord, du pouvoir ensuite, qui était dans tous les esprits,
dans toutes les interventions. Il s'agit seulement d'assurer la relève,
de crédibiliser une alternative face aux écuries de Dominique
Strauss-Kahn et Laurent Fabius qui se disputent déjà la place
de candidat du PS à l'élection présidentielle de 2007.
Incapable de s'affranchir de la gestion du capitalisme à l'origine des
échecs répétés des réformistes, la " gauche
du PS " (re)négociera demain son ralliement au plus offrant,
le " social-libéralisme de conviction " s'accommodant
parfaitement avec le " social-libéralisme de soumission "
comme l'atteste l'expérience de la gauche plurielle et le rappelle opportunément
Henri Emmanuelli !
" Programme commun ! " scandent les militants
de Nouveau Monde. L' " appel d'Argelès " est,
en effet, formel : " plus que jamais, l'unité de la gauche
reste un impératif stratégique ". Déstabilisés
par l'effondrement du PCF et la poussée de l'extrême gauche, Emmanuelli
et consorts renouent avec la politique fédérative qui a permis
en son temps au PS de récupérer sur le plan électoral les
retombées de mai 68 et a valu à Mitterrand son élection
en 1981. " En déplaçant le centre de gravité
du PS vers la gauche, nous éviterons que s'installe une fracture insurmontable
entre une gauche confinée dans la gestion et une autre vouée à
la contestation ", expliquent-ils. " Une telle évolution
condamnerait l'ensemble de la gauche à l'impuissance. "
À commencer par eux
Le
Coup d'État permanent : grandes manuvres et petites combinaisons
rue de Solferino
Qu'est-ce qui différencie désormais les démarches de Nouveau
Monde et d'Avenir socialiste ? L'argumentaire d'Emmanuelli et
de Mélenchon se résumait jusqu'alors en une phrase : ils refusaient
de cibler uniquement les deux anciens ministres de l'Economie et des Finances
contrairement à Julien Dray qui visait, lui, à exonérer
l'équipe entourant François Hollande de sa responsabilité
afin de favoriser un accord avec elle en vue du prochain congrès. " [D]'aucuns
sont prêts à se satisfaire d'un front anti DSK-Fabius à
l'abri duquel se poursuivraient les synthèses invertébrées
des ni-ni ", pestait hier encore Mélenchon contre ses ex-amis
de la GS. C'est cela -uniquement cela- qu'il reprochait à Dray et à
la Gauche socialiste " maintenue ". La rupture entre
les anciens comparses de la GS était d'autant plus violente que toute
leur stratégie dépendait du rapport de force qu'ils établiraient
dans l'appareil.
La division de la GS affaiblissait le projet de Mélenchon comme celui
de Dray, mais incomparablement plus celui du second, resté isolé
avec les maigres troupes de Gérard Filoche. C'est pourquoi Filoche et
son réseau ont cherché, coûte que coûte, à
éviter l'irrémédiable lors de l'université d'été
de la Gauche socialiste à Nantes fin août. " La gauche
socialiste n'a pas éclaté à Nantes ", se
félicitaient-ils. " Nous en étions sûrs [
]
Mais certains en ont été totalement surpris
",
s'amusait encore Filoche dans Démocratie et Socialisme début septembre.
Les " "Thèses" unanimes pour construire un pôle
de gauche à vocation majoritaire dans le Parti socialiste "
voté à Nantes n'auront pourtant rien empêché. Le
lancement d'Avenir socialiste redistribue les rôles. Dray reprend
la main.
N'en déplaise à ceux qui ont vu dans l'implosion de la Gauche
socialiste les prémices d'une refondation de toute la gauche, le différend
qui a opposé jusque-là les Dray, Filoche, Mélenchon et
Emmanuelli était bel et bien tactique, et se résumait à
une lutte des
places. Partant, le moment des retrouvailles n'est peut-être
pas si loin.
Henri Emmanuelli est, en effet, un homme d'affaire averti. " Un
parti, c'est comme une entreprise. Quand on a 33 % des actions, on a une
minorité de blocage. " La formule a l'avantage de la clarté,
et d'abord de préciser les ambitions réelles de l'ancien premier
secrétaire du PS. Même s'il compte faire fructifier son capital,
Emmanuelli sait pertinemment que les 27,06 % réalisés avec
la Gauche socialiste au congrès de Grenoble ne font pas encore une majorité.
Or combler ce handicap d'ici le congrès de Dijon en mai 2003, apparaît
d'ores et déjà hors de portée. Emmanuelli prend donc les
devants. À défaut d'être majoritaire, il entend profiter
de sa rente de situation pour (de)faire la majorité ; et, rue de Solferino,
personne ne peut ignorer les offres de service du patron de Nouveau Monde.
D'autant que celui-ci n'en est pas à sa première tentative. Qui
a oublié de quelle manière le député des Landes
a débarqué Michel Rocard en 1994 ? À l'époque,
Emmanuelli s'était allié aux amis de Laurent Fabius pour arriver
à ses fins : devenir le numéro un du parti. Déjà,
il croyait arrivée " l'occasion de débattre dans
un esprit nouveau ". Et, au congrès de Liévin, toujours
sans sourciller, il défendait un PS " À gauche toute
! ", tout en faisant campagne pour une candidature de Jacques
Delors à la présidentielle de 1995
Martine Aubry ne l'a
pas oublié. Et Benoît Hamon, un de ses proches, s'est précipité
à Argelès pour jouer les messieurs bons offices. Au PS, on est
copains comme cochons. Même Dray et Mélenchon peuvent se rabibocher
!
Un
Socialisme du possible : le PS horizon indépassable des Mélenchon,
Martelli et consorts
Tout est en place ou presque pour rééditer le congrès de
Rennes. Une première manche se joue actuellement au Parti socialiste.
Le congrès de Dijon sera le théâtre de la suivante. De lui
dépendra l'avènement d'un nouveau monde
" Après
tout, le PS est un vrai parti de gauche, non ? ", dixit Mélenchon.
Et il devance de beaucoup ses partenaires naturels, communistes et Verts. C'est
donc logiquement en son sein que se trouve la clé de l'avenir
Un
signe : tous les tenants d'un rééquilibrage à l'intérieur
de la gauche gouvernementale aux détriments des sociaux-libéraux
étaient du voyage à Argelès : les Martelli, les Zarka,
les Salesse, etc.
Dominique Strauss-Kahn agite déjà l'épouvantail de ce "
"pôle de radicalité", longtemps impuissant, [qui] s'organise
jusque dans les rangs du Parti socialiste, espérant rassembler sans et
contre lui." L'ancien ministre prend la menace très au sérieux
: " l'enjeu réel du congrès de mai 2003, serait selon
DSK : revendiquer un réformisme novateur ou accepter un surplomb révolutionnaire
culpabilisateur. " Le PCF lui emboîte le pas et s'inquiète
à son tour des forces centrifuges qui gagnent les partis de la gauche
institutionnelle. Bernard Frederick, dans L'Humanité du 4 octobre, constate
que " si le "pôle de radicalité" a ses défenseurs
dans la direction communiste, il ne fait pas l'unanimité dans le Parti,
pas plus qu'il ne séduit les Verts dans leur ensemble ".
Et il dénonce pèle mêle " le couple fatidique
opportunisme de gauche et opportunisme de droite " qui ferait "
courir à l'ensemble des forces de transformation sociale le risque d'une
régression, dont les résultats électoraux du printemps
ne sont que les signes avant-coureurs. "
Visiblement, ni au PCF ni au PS, on ne lit les documents d'Emmanuelli et de
Mélenchon ! Les partisans du pôle de radicalité menacent
- au plus - les positions des Hollande et des Hue dans les appareils socialistes
et communistes. Ils n'aspirent à rien d'autre. Les contestataires au
PS et au PCF demeurent prisonniers des rapports de force au sein de la gauche,
sans même parler du réformisme. Les refondateurs contestent l'hégémonie
d'un PS social-libéralisé ; Emmanuelli le poids des sociaux-libéraux
au PS : aucun ne remet en cause les alliances et la politique qui ont toujours
prévalu, de l'union de la gauche à la gauche unie.
Argelès préfigure les conciliabules à venir où les
différents courants du PS dessineront les contours de la future majorité,
décidant du sort de François Hollande comme de l'orientation du
parti ; ils fixeront au-delà les bases pour une unification de toute
la gauche gouvernementale. Leurs objectifs s'arrêtent là.
Les militants, une fois de plus, seront appelés à entériner
des choix faits par d'autres, ignorant à peu près tout des rencontres
qui auront secrètement abouti à la " synthèse "
de positions pourtant soi-disant contradictoires. Croire qu'il en ira cette
fois autrement, c'est tenir pour indifférent et le projet et les actes
des principaux protagonistes socialistes, c'est tout bonnement ignorer les évolutions
qui ont accompagné depuis vingt ans la présence quasi sans interruption
du PS et de ses alliés au pouvoir. Le parti de Hollande n'est plus celui
de Mitterrand, Dijon ne sera pas un nouvel Épinay. Trois ans après
mai 68, Mitterrand pouvait encore donner l'illusion d'un renouveau de la social-démocratie,
pouvait crédibiliser avec un parti communiste à 20 % la perspective
d'un gouvernement s'en prenant aux possédants. L'imposture s'est depuis
révélée, des millions de travailleurs qui en ont fait les
frais en en ont tiré les conclusions. Emmanuelli, Mélenchon, Dray
et autres essayent bien aujourd'hui de donner le change, sans grande conviction
ni autre ambition que la lutte pour leur place
Serge Godard
A propos du livre d'Yves Salesse " Réformes et révolution ", derrière le paradoxe, l'ambiguïté
Le sous-titre du
livre est " propositions pour une gauche de gauche ".
Yves Salesse fut membre du cabinet Gayssot et fait partie de ceux qui voudraient
refonder la gauche, à gauche vraiment, c'est-à-dire une gauche
mettant en avant un programme authentique de réformes.
La première phrase du livre résume l'ambiguïté du
propos : " Le capitalisme est un système remarquable. Inventif,
dynamique, souple, sachant utiliser ses crises pour muer. Un système
formidable, au triple sens du mot : capable de susciter l'admiration, étonnant
et effrayant. On pourrait l'admirer en effet, s'il ne déterminait le
sort de la planète et de l'humanité. "
Etonnante entrée en matière, elle révèle le fond
de l'idéologie réformiste qui admire le capitalisme que, pourtant,
sa conscience morale condamne. La transformation sociale n'est envisagée
que comme un processus venu d'en haut sans comprendre qu'elle ne peut venir
que du mouvement réel de la classe des salariés elle-même.
La bonne morale réformiste condamne non seulement le capitalisme et ses
excès mais aussi ceux
des masses.
Tout doit être classé et organisé non en fonction du processus
historique lui-même, de la vie et de la lutte mais en fonction d'un plan
préétabli : " Un projet de transformation sociale
doit se fixer un objectif clairement identifié et répondre à
des questions incontournables... "
" L'objectif est de changer les conditions d'existence, notamment
des plus démunis. " Le propos est louable mais il indique
bien les rapports antinomiques entre réforme et révolution :
La réforme vise à soulager le peuple, la révolution est
l'irruption des masses sur le terrain où se règle leur destin
pour en finir avec le capitalisme.
Au début du deuxième chapitre, Yves Salesse souligne : " Enfermée
dans la gestion ou en résistance, la gauche est impuissante à
débarrasser les peuples des conséquences néfastes du capitalisme "
rajoutons,
ou plutôt précisons, mais pas à gérer les affaires
de la bourgeoisie !
Ni dieu ni César ni tribun, l'émancipation des peuples sera l'uvre
des peuples eux-mêmes, voilà la ligne de démarcation entre
réforme et révolution.
Salesse ne conçoit pas la révolution comme un processus tirant
son énergie du cur même de l'évolution sociale, historique
et des rapports économiques et sociaux qu'elle a façonnés.
Non, il veut réformer le monde, radicalement, à partir d'un plan.
Il se veut un authentique réformiste, c'est-à-dire à ses
yeux, un révolutionnaire !
Il y a une cohérence dans ce raisonnement. C'est la logique de l'évolution
de bien des militants d'après 68 dont la pensée politique, quant
au fond, n'a jamais été au-delà de la critique de la social-démocratie
et du stalinisme. Quand l'un se transforme pour s'adapter au social-libéralisme
et l'autre s'effondre, impuissants à plonger au cur du mouvement
ouvrier pour uvrer à l'émancipation sociale, ils ont un
rêve impossible, celui d'un réformisme radical
L'intérêt du livre d'Yves Salesse est qu'il cherche à donner
à cette évolution politique une cohérence intellectuelle,
politique voire morale quand tant d'autres se contentent du simple pragmatisme.
Mais autant chercher la quadrature du cercle.
Le corollaire de cette attitude politique, disons plus précisément
son origine, est une abdication. La social-démocratie a fini par s'adapter
de tout son être à la société bourgeoise. Ses critiques
n'ont plus besoin de se prendre pour des révolutionnaires, ils n'ont
plus qu'à reprendre à leur compte les idées délaissées
du réformisme quand, à ses origines, il recherchait encore une
légitimité théorique. En cours de route, ils font la théorie
de leur propre abdication, eux qui rêvaient, dans leur jeunesse, d'être
des révolutionnaires. Le stalinisme est la justification toute trouvée
de cette abdication : " la dégénérescence
des tentatives de transformation, la fuite en avant bureaucratique et répressive,
l'affaissement gestionnaire ou la combinaison des deux tiennent pour partie
à l'insuffisante réflexion sur ce qu'il fallait faire[
]Le
stalinisme est passé par là et il a clos le temps des lendemains
qui chantent. " La messe est dite, et pourtant, l'histoire nous
a laissé le temps
de la réflexion.
Mais comme la vie, elle, n'abdique pas, et qu'il faut bien lui répondre,
Yves Salesse se redresse pour avouer l'immensité de la tâche, " Un
nouveau mode de développement de nos sociétés, dans leurs
dimensions économiques et humaines, reste à inventer. "
Puis, finalement, il reprend la vieille idée du socialisme et du communisme,
la nécessité de libérer la société humaine
de l'emprise de la propriété privée, mais de façon
inconséquente, sans la pousser jusqu'à ses ultimes implications.
" La première réforme fondamentale, poursuit
Yves Salesse, est de permettre aux peuples de choisir leur destin. "
Nous sommes dans la même logique réformiste, pour éviter
les drames et les échecs des révolutions, tout doit venir d'en
haut, être contrôlé. La pensée réformiste se
formule même en dogme, première loi : " Les formes
d'auto-organisation issue de l'irruption populaire ne peuvent devenir les organes
stables d'un pouvoir démocratique ". Ce n'est qu'une façon
de reformuler le vieil adage des réformistes, savoir enlever tout pouvoir
central aux formes d'auto-organisation des masses. La philosophie révolutionnaire
est à l'opposé, aider les masses à transformer les formes
d'auto-organisation en organe de pouvoir en y associant, après chaque
victoire, des couches sans cesse plus larges de la population, dans un processus
de révolution permanente.
Salesse répond, oui, mais après, c'est le reflux. Nous répondons,
la révolution, elle, n'a pas abdiqué, pas plus que la vie ne pourrait
le faire. La révolution, c'est la conquête et l'élargissement
des droits démocratiques par et pour les masses jusqu'au dépérissement
de l'Etat lui-même.
Salesse légifère par avance, institutionnalise la révolution
avant qu'elle n'ait lieu pour mieux s'en protéger. Il décrit,
ce faisant, le rapport qui s'est historiquement établi entre réforme
et révolution, la première vise à étouffer la seconde.
Et finalement, Yves Salesse se confie, " La démocratie aussi
est souvent pénible, fait perdre du temps, conduit à des décisions
peu judicieuses du fait des jeux tactiques qu'elle génère. Reste
que ces découpages et ses freins valent mieux que Moloch sans entrave. "
Vision quelque peu technocratique de la démocratie !
Les propos d'Yves Salesse se veulent précis et concrets loin des rêveries
" des lendemains qui chantent " pourtant plus il
aborde les questions concrètes plus il est imprécis. " Retrouver
une certaine maîtrise de notre vie et de notre destin, écrit-il,
passe par l'appropriation sociale d'une partie de l'appareil économique ".
On souscrit au bilan qu'il fait de " la vague de privatisation
et de libération ", mais l'idée qui semble pour
lui l'idée clé, celle de l'appropriation sociale reste pour le
moins confuse. A partir du moment où le contrôle démocratique
des travailleurs et de la population sur les entreprises publiques et privées
n'est pas mis au premier plan, qu'il n'est pas question d'exproprier les groupes
financiers pour concentrer les moyens de crédit dans un seul organisme
placé sous le contrôle des intéressés, en un mot
à partir du moment où l'on ne veut pas s'attaquer à la
propriété bourgeoise, cette appropriation sociale se résume
à une idée technocratique visant à organiser le capitalisme.
C'est une vue de l'esprit, toute l'histoire le prouve.
Quand Yves Salesse aborde la question de la mondialisation, de l'Europe et de
l'Etat l'impasse à laquelle conduit son attitude politique se révèle
pleinement.
" Il me semble erroné, écrit-il, de conserver
la perspective d'unification du monde. [
]Il faut au contraire prendre
appui sur la régionalisation qui existe au sein de l'actuelle mondialisation
et l'aider à se construire. ". Caricaturant cette idée
d'unification du monde, il ne lui vient pas à l'idée que la perspective
de rompre avec les frontières héritées du développement
bourgeois ne veut pas dire censurer toute démocratie locale, bien au
contraire. " L'avenir souhaitable, souligne-t-il, n'est
pas l'unité planétaire par une économie unifiée
selon un modèle de développement unique. C'est l'autonomie d'entités
régionales tournées vers la satisfaction de leurs propres besoins. "
A l'opposé de ce raisonnement, cette démocratie locale, régionale
ne peut se développer pleinement que si elle s'inscrit dans un cadre
ouvert et démocratique, dans une planification démocratique à
l'échelle continentale et mondiale. L'ennui, c'est que cette régionalisation
isolée de la perspective d'une autre mondialisation, voire opposée
à elle, s'inscrit, de fait, dans la politique de construction de l'Europe
libérale. La seule façon de rompre sans ambiguïté
avec cette politique est de conjuguer régionalisation et fédération
d'Etats socialistes.
Quand il aborde la question de l'Etat, Yves Salesse se prend les pieds dans
une contradiction insoluble : l'Etat doit être " changé "
pour devenir l'instrument de cette transformation sociale mais comment le changer
sans cette
transformation au moins politique, radicale, venue d'en bas
?
Peut-être la population devrait-elle faire confiance à quelque
réformateur éclairé qui prendrait sur lui cette tâche
digne d'Hercule ? " Il faut modifier l'appareil d'Etat pour
cette transformation d'ensemble par la redéfinition de ses missions et
par un fonctionnement adapté à celles-ci ", voilà
une transformation bien timide... Il n'est plus question que la population elle-même
démantèle l'appareil de répression de la bourgeoise, s'approprie
et soumette à son contrôle ses fonctions socialement utiles. Non,
finis les affres et les drames des révolutions, il faut réformer
l'Etat par en haut.
Prudent cependant et lucide, il conclut " Il faudra y ajouter la
conscience permanente que la force autonome de l'appareil d'Etat restera toujours
une menace "
Yves Salesse n'oublie pas que les bonnes intentions de réformes ne suffisent
pas à arrêter la réalité des rapports de force. L'histoire
est malheureusement jalonnée de ces crimes des classes dominantes sur
des masses désarmées par la crainte de la révolution semée
par les réformistes, sociaux-démocrates ou staliniens.
Les leçons de la dégénérescence stalinienne, du
drame du fascisme en Allemagne, de l'échec de la révolution espagnole
et du front populaire sont bien là.
Alors, il faut trancher les ambiguïtés pour basculer sans réserve
du côté de la lutte.
Il faut inverser le raisonnement, pour faire ne serait-ce que des réformes,
il faut une révolution !
Dans sa conclusion abordant la question de " rassembler les forces
de la transformation sociale ", Yves Salesse écrit : " L'espoir
de la transformation sociale est très affaibli. C'est pourquoi il serait
erroné de faire de la question du schéma stratégique de
la transformation sociale un discriminant du regroupement de tous ceux qui n'ont
pas renoncé. "
S'exprime là une vision schématique, une compréhension
formaliste de l'idée de révolution. Il s'agit, en fait, d'une
question programmatique, une question de philosophie sociale et de philosophie
de l'action. Certes personne n'est en mesure de poser concrètement aujourd'hui,
compte tenu du rapport de force, les questions de prise du pouvoir. Ceci dit,
premièrement, nous savons ce que nous ne voulons pas, gérer les
affaires de la bourgeoise, deuxièmement, il y a une question d'alliance
politique, troisièmement une question de programme et de philosophie.
La méthode de la révolution, c'est-à-dire appeler, aider
les opprimés à prendre l'initiative pour devenir des acteurs sociaux,
briser les routines pour s'émanciper de la domination idéologique
de l'adversaire, le comprendre pour le combattre sans illusion aucune mais en
toute lucidité, c'est aussi la méthode de construction d'un authentique
parti du monde du travail.
C'est aussi la méthode pour armer les travailleurs à travers les
luttes quotidiennes pour qu'ils en tirent le meilleur enseignement et s'éduquent
à travers elles en vue de luttes plus importantes.
La révolution n'est pas un mythe, celui du grand soir ou des lendemains
qui chantent. Elle est une réalité, celle du processus permanent
de transformation du monde par le travail humain et de la lutte du travail contre
le parasitisme du capital. Ce processus, cette lutte sont au cur de la
vie sociale.
Si le présupposé du livre est discutable, si l'attitude qui le
sous-tend n'est pas la nôtre, il a le mérite de poser une série
de questions auxquelles les révolutionnaires doivent apporter des réponses
nouvelles qui ne se contentent pas de référence à des prétendus
modèles. Il appelle en réponse notre propre travail pour réactualiser
le programme révolutionnaire, depuis les réformes nécessaires,
l'urgence sociale et démocratique, programme pour les luttes débouchant
sur une transformation radicale des rapports sociaux.
Yvan Lemaitre