Débat militant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°20
7 novembre 2002

Sommaire :

Le PS sans voix ou " la fin du réformisme honteux "

Notes de lecture : La face cachée de la mondialisation

Le PS sans voix ou " la fin du réformisme honteux "

Le contraste est saisissant ! Il s'agit de vilipender le bilan gouvernemental de Jospin, de moquer le ventre mou du PS : Mélenchon, Emmanuelli, Dray et consort donnent des coudes pour s'assurer la vedette, n'hésitant pas à mobiliser leurs réseaux pour faire masse autour d'eux. Il s'agit simplement de se démarquer de la politique gouvernementale des CRS, les Chirac, Raffarin et Sarkozy, nos pourfendeurs du social-libéralisme renâclent, quand ils ne se défilent pas.
Le cas de Julien Dray est typique de ce double langage. Les contorsions du chargé des questions de sécurité au PS cachent mal une gêne devant le projet de loi ultra-sécuritaire du ministre de l'Intérieur. Dray, en effet, est l'inspirateur de la formule matraquée par le PS : " Mieux prévenir, mieux punir ". Or Jospin pendant la campagne présidentielle a précisément reproché à Chirac de puiser ses idées sécuritaires - comme les autres - dans le programme… socialiste. On comprend alors l'embarras aujourd'hui sur les bancs PS au Palais-Bourbon, comme du reste sur ceux de leurs partenaires naturels, communistes et Verts.
Dray est moins virulent dans l'hémicycle que rue de Solferino. Et ce n'est pas un cas isolé. Sarkozy a fait étalage devant les députés de ses soutiens, de ses nombreux encouragements venus des rangs communistes et socialistes. La grosse colère de Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, épinglé lui aussi par Sarkozy - Ayrault rageant d'autant plus qu'il se trouvait incapable de démentir cette indiscrétion compromettante -, témoigne de la profondeur des renoncements. Et la sécurité n'est pas l'unique dossier où le PS peine à se distinguer de la droite ; mieux, les partisans de Chirac annoncent des projets de loi sur des sujets traditionnellement défendus par " la gauche ", éclairant d'une lumière crue ce réformisme sans réforme qui prétendait " Changer la vie ".
Jour après jour, depuis le 21 avril, l'évidence s'impose d'elle-même. Les socialistes sont certes dans l'opposition, mais leur politique est au pouvoir. Le PS n'est nullement sonné par la défaite. Il est simplement aphone. Aphone ? Seulement face à la droite en réalité… Le tintamarre qui agite les formations de la gauche plurielle tranche singulièrement en effet. La gauche gouvernementale compense son absence de politique alternative en affichant sa désunion. Être le plus bruyant possible d'un côté pour faire oublier ses silences assourdissants d'un autre. CQFD !
Les projecteurs se concentraient jusque-là sur le PS. Les sorties de Dominique Voynet comme le retrait de Robert Hue ont rappelé ces derniers jours qu'écologistes et communistes ne sont pas en reste. Cette situation peut sembler paradoxale ; elle a pourtant une logique, aussi implacable qu'éculée : le pouvoir appelle le pouvoir. Au PS, chez les Verts comme au PCF, la perte des postes ministériels valorise mécaniquement la conquête de places dans l'appareil, et d'autant que celle-ci facilitera demain l'entrée dans une équipe gouvernementale à la faveur de l'alternance. En quelque sorte, il suffit d'attendre, de se mettre en situation de tenir. Ils le répètent tous assez : pour la première fois depuis l'avènement de la Ve République, la gauche institutionnelle a cinq ans devant elle. Les grandes manœuvres sont pourtant déjà engagées, et d'abord au PS sans qui aucune majorité de " gauche " n'est possible.
La chose était tellement attendue qu'elle passerait presque inaperçue : les socialistes n'ont pas gauchi leurs discours. Significativement, aucun courant du PS ne s'attaque réellement au bilan de Jospin, au-delà du droit d'inventaire invoqué pour mieux le repousser. Au sein du PS, seuls les emmanuellistes peuvent se prévaloir de n'avoir eu aucune responsabilité ministérielle pendant les cinq années du gouvernement de la gauche plurielle mais ils concentrent leur critique sur la politique économique de Fabius, n'hésitant pas en outre à s'allier à un ancien ministre de Jospin débarqué à l'Éducation nationale en même temps que Fabius aux finances. François Hollande a beau jeu d'interpeller Henri Emmanuelli et ses amis : " qui peut prétendre que notre bilan aurait été inspiré, influencé, déterminé par le social libéralisme, alors que beaucoup le présentaient il y a peu et à juste raison comme le plus à gauche d'Europe ? ", demandait-il devant le Conseil National PS mi-octobre.
Cette réunion a été l'occasion pour le premier secrétaire d'une contre-offensive contre les trublions de Nouveau Monde et le trio Vincent Peillon, Julien Dray et Arnaud Montebourg. " Quant à la rupture un moment évoquée, tonnait Hollande sous l'œil bienveillant des Fabius et Strauss-Kahn, c'est une rhétorique qui peut servir dans l'opposition - et nous l'avons parfois utilisée - mais elle ne résiste guère à l'épreuve du pouvoir et l'on sait bien maintenant que la première rupture à laquelle on procède est souvent celle avec ses propres engagements. Or, la leçon que nous avons reçue de Lionel Jospin, et je ne l'oublierai jamais, est celle du respect de la parole donnée. Elle ne doit pas être perdue dans la défaite car elle est la condition de la prochaine victoire. " Cette profession de foi social-libérale n'a suscité qu'une réponse embarrassée d'un Mélenchon pressé de se justifier sur sa conception de la " rupture ".
Le représentant de Nouveau Monde développe : " que faisons nous face à la mondialisation libérale ? Car il ne suffit pas de dire qu'il y a un problème. Il faut dire que nous sommes pris à revers, radicalement à revers, car la social-démocratie s'est construite toujours dans le cadre national. C'est là qu'elle pouvait faire des compromis. Quand son partenaire/adversaire n'est plus dans un cadre national, comment faire des compromis ? Et par conséquent, dès lors que le capital s'est transnationalisé, il faut faire une rupture avec la déréglementation et introduire de la réglementation, introduire du cadre légal, du cadre civique, du cadre citoyen ; c'est cela que cela veut dire les ruptures. Que croyez-vous que ce soit d'autre ? ". Réforme ou révolution ? Réforme ? La stratégie de Mélenchon ne vise pas la rupture avec le capitalisme évidemment, mais elle apparaît même en retrait avec la démagogie d'un François Mitterrand. L'ambition se limite à prétendre vouloir tempérer le capitalisme, du moins tant qu'on est dans l'opposition.
La scène en devient même surréaliste. Pour assurer son effet, Jean-Luc Mélenchon avait enfilé un costume… Mao. Devant ses pairs du Conseil national, il finasse : " […] je reconnais que c'est un peu de la prétention, à l'imitation des pères fondateurs du socialisme, je me pique de vouloir rénover le matérialisme historique et, mettant en cause la vision du déterminisme telle qu'elle est chez Marx, j'essaie de la mettre à la sauce de ce qu'on a appris depuis. " Rien que ça ! Tragédie ou farce ? Il n'est pas interdit de pleurer de rire…
Hollande est lui autrement plus sérieux. Son plaidoyer pour un " réformisme de gauche " sanctionne son ralliement et celui de l'écrasante majorité du PS aux positions de l'aile social-libérale qui réclame bruyamment un réformisme pleinement assumé, c'est-à-dire une rupture non seulement dans les actes mais également dans la doctrine avec les derniers vestiges de la pensée socialiste des socialistes. Les réformistes deviennent de simples réformateurs…libéraux. Ils tracent les contours non d'une deuxième gauche - moderne bien sûr -, mais bel et bien d'une deuxième droite. Hollande résume d'ailleurs bien le projet du " réformisme de gauche c'est-à-dire être à gauche autant qu'il est souhaitable, être réformiste autant qu'il est possible ".
La bras droit de DSK, Jean-Christophe Cambadélis préconise " la fin du réformisme honteux ". Le congrès de Dijon devrait coucher sur le papier une évolution entérinée dans la pratique ces cinq dernières années par Jospin et ses alliés communistes et Verts. D'aucuns imaginent encore que tout va se jouer dans le PS dans les prochains mois, comme si le bilan de la gauche plurielle ne suffisait pas. Les faits sont têtus, pourtant. Réformistes, refondateurs, radicaux : tous reprennent la même rengaine, seul l'air change. La " gauche " du PS s'enferme dans un combat perdu avant qu'elle n'engage la bataille. La politique conduite depuis vingt ans par les gouvernements socialistes successifs est son horizon indépassable. D'une certaine façon, cette absence d'une critique de " gauche " se revendiquant simplement de la tradition réformiste, du mouvement ouvrier, souligne le décrochage intervenu avec les classes populaires.
Cambadélis explique l'échec de Robert Hue à la tête du PCF par l'absence d'espace entre la gauche socialiste et l'extrême gauche. L'évolution du PS permet à ces gens-là de rêver prendre la place du PC pour négocier leur avenir. En bons arrivistes, ils croient qu'il suffit de rêver…
Que les uns et les autres se discréditent et montrent leur vrai visage d'opposants impuissants hargneux pour la lutte des postes, voilà qui éclaire le monde du travail et l'aide à s'émanciper des illusions réformistes pour qu'il prenne lui-même ses affaires en main. Une rupture radicale avec des décennies de domination des appareils.
Serge Godard


Notes de lecture : La face cachée de la mondialisation

de James Petra et Henry Veltmeyer, éd. Parangon

Ce livre combat le mythe de la mondialisation, ce " voile idéologique ", selon les propos mêmes des auteurs, " tentative de dissimuler " la réalité d'un " processus de rénovation visant à créer les conditions optimales pour que jouent librement la cupidité, l'intérêt de classe et le profit. ". Il est " une modeste contribution à la notion d'impérialisme ", met en œuvre et illustre " un terme qui possède une valeur descriptive et un pouvoir explicatif bien plus grands " que celui de mondialisation qui joue un rôle purement idéologique.

Une nouvelle phase de l'expansion impérialiste
Il s'agit en fait de décrire " une nouvelle phase du long processus de l'expansion impérialiste ". Les auteurs ont à cœur de se situer du point de vue de l'évolution du capitalisme comprise et décrite comme l'évolution des rapports de force entre les classes.
On regrette que, ce faisant, ils oublient d'indiquer le rôle joué par la vague révolutionnaire du lendemain de la première guerre mondiale puis de celle qui a suivi la deuxième dans la mise en œuvre de " réformes destinées à sauver le capitalisme de ses contradictions internes et des crises auxquelles il était soumis. " Ils démontrent cependant clairement que ce qu'il est convenu d'appeler la mondialisation est la conséquence d'une évolution de la société conditionnée par le conflit qui est au cœur du capitalisme pour l'appropriation des richesses créées, le profit.
Les auteurs recensent huit points autour desquels s'est développée la stratégie impérialiste au début des années 70 d'abord, puis des années 80 afin de s'affranchir des contraintes et limites héritées de la période précédente :

1) l'utilisation des manipulations monétaires et des taux d'intérêts par les USA dans la lutte contre la détérioration de leur balance commerciale pour faire supporter et financer leur déficit par les autres pays. Cela aboutit à l'abandon de toute référence à l'or pour déterminer la valeur des monnaies et à la formation d'un marché mondial des monnaies lieu de toutes les spéculations. Les monnaies ayant rompu la dernière amarre qui les rattachait à une valeur réelle, fruit du travail, la dette se gonfle, le crédit finance la dette, la bulle financière s'enfle. L'ensemble de l'économie devient une économie d'endettement globalisé reposant sur un océan de créances douteuses.
2) " La délocalisation des activités industrielles nécessitant beaucoup de main d'œuvre, par les multinationales en quête d'une main d'œuvre meilleur marché. "
3) Internationalisation du capital productif, du crédit et du capital spéculatif à travers une déréglementation telle qu'au milieu des années 90, les capitaux circulant sur les marchés financiers représentaient vingt fois plus que ceux correspondant à la circulation de biens et de services. " Moins de 5 % des capitaux en circulation ont une fonction productive. "
4) Nouvelle division internationale du travail organisée en fonction des besoins des multinationales.
5) Nouvelles méthodes de flexibilité dans l'organisation du travail, c'est-à-dire intensification du travail visant à baisser sa part dans le partage avec le capital.
6) Offensive directe contre les salaires, les avantages sociaux, associée à une offensive politique vis à vis des syndicats.
7) Le FMI et la Banque mondiale instruments de dérégulation et de libéralisation.
8) Adaptation de l'Etat aux intérêts des multinationales tant au niveau des relations internationales, financières que pour ouvrir sans cesse de nouvelles sphères d'activités aux capitaux privés par les vagues de privatisation.

En décrivant les axes autour desquels se déploie l'offensive impérialiste, ils montrent que l'ensemble concourt à une répartition des richesses en faveur du capital, c'est-à-dire à une accentuation des inégalités, ce qu'ils appellent " la mondialisation de la pauvreté ".
Parallèlement, " le processus de développement capitaliste a séparé un grand nombre de producteurs indépendants de leurs moyens de production, les transformant en prolétaires et créant une force de travail qui, au niveau mondial, était estimée à un total de 1,9 milliard d'ouvriers et d'employés en 1980, 2,3 milliards en 1990 et près de 3 milliards en 1995. " Un tiers de cette force de travail mondialisée constitue " une armée de réserve " de chômeurs. En tout, 50 % connaît la précarité sous toutes ses formes.
Voilà qui ruine les mythes sur " la fin du travail " et donne toute sa vigueur à l'idée d'une renaissance du mouvement ouvrier.
Deux chapitres sont consacrés aux effets de la mondialisation sur l'Amérique latine. " A mesure que la crise devient systématique, notent les auteurs, l'écart s'élargit entre les conditions objectives et la réponse subjective révolutionnaire. "
Au sujet des privatisations, les auteurs observent que le secteur public n'est apparu au lendemain de la deuxième guerre mondiale que pour des raisons " pragmatiques " afin que l'Etat aide au développement du secteur privé en le soutenant. " La crise (du secteur public) portait en elle deux solutions implicites : réformer le secteur public pour mieux répondre au besoin de l'ensemble de la population, ou le démanteler et confier ses ressources au secteur privé minoritaire ."
Abordant la mystification de la " démocratie comme bien en soi ", " le fait est, écrivent les auteurs, qu'il n'existe pas de démocratie capitaliste indépendante des intérêts et des conflits de classe ". De même, ils dénoncent le mythe du développement et de la coopération, comme partie prenante de ce " nouveau colonialisme " au service duquel se sont mises les ONG.

Rupture et continuité
" Le stade actuel du capitalisme représente-t-il une ère nouvelle ou bien n'est-il, fondamentalement, que la continuation du passé.. ?[…] La réponse est oui en termes quantitatifs, mais non en termes de structure et d'éléments d'analyse. " On souscrit au raisonnement en réponse aux idéologues de la mondialisation, à leur mystification. Ceci dit, il est important d'établir le lien entre ces deux aspects, la rupture, c'est-à-dire ce qu'il y a de nouveau, et la continuité, ce qui appartient à la logique du développement capitaliste. Analyser ce lien c'est refuser, comme le font les auteurs, " cette représentation de l'histoire comme un processus linéaire d'événements déterminés. " C'est aussi reprendre l'idée que " ces processus économiques ne peuvent être séparés des rapports de classe et des configurations politiques dont ils sont parties intégrantes ".
La discussion est d'importance pour ceux qui ne considèrent pas la lutte contre la mondialisation impérialiste comme un combat moral hors du temps et des luttes sociales réelles. Dire qu'il y a " perpétuation du passé " mais aussi " augmentation et expansion des rapports capitalistes " ne peut suffire à définir la nouvelle période. Il faut aussi indiquer ce que cette expansion a modifié, en quoi elle entraîne instabilité et crise, crée les conditions d'une nouvelle période de révolutions.
Pour saisir le contenu de cette nouvelle période dont nous vivons les premiers conflits, il est indispensable d'adopter le point de vue des auteurs, c'est-à-dire l'analyse du rapport de force entre les classes, en considérant l'ensemble des bouleversements sociaux et économiques que l'on appelle mondialisation comme les effets de la lutte de classe dans le cadre du capitalisme. Mais il s'agit aussi, en conséquence, d'intégrer l'ensemble des événements, des temps forts qui ont conditionné ces rapports de forces, c'est-à-dire les moments de bouleversements révolutionnaires, la vague de 1917 et de la révolution russe, puis la vague des révolutions coloniales.
C'est à la mesure de ces bouleversements révolutionnaires que s'éclaire pleinement l'analyse de la mondialisation par les auteurs. Cette dernière est indissociable de celle de " l'effondrement du communisme, la défaite de la gauche révolutionnaire et le déclin subséquent des mouvements ouvriers et sociaux qui ont fourni un terrain idéal pour imposer des politiques mondialistes ". Le contenu essentiel de cette mondialisation, ce sont " des défaites sévères infligées à la classe ouvrière " par les classes dominantes cherchant une issue qui leur soit favorable à la crise liée à la chute du taux de profit, suraccumulation de capital d'un côté accompagnée d'une diminution des profits de l'autre.
On souscrit si ce n'est qu'après avoir escamoté les vagues révolutionnaires, les auteurs englobent dans l'effondrement du communisme divers événements qui n'ont pas le même contenu ni le même sens, voire qui sont opposés comme communisme et stalinisme. Cela n'est pas sans conséquences car la discussion vise à restituer les évolutions " dans une perspective historique " pour donner un contenu social à ce " socialisme postmondialiste construit selon des principes démocratiques et internationalistes" dont parlent les auteurs. " Il y a une alternative à trouver au sein même de la lutte menée pour renverser les classes mondialistes dominantes " au cœur de la lutte et du système lui-même, dans la classe ouvrière mondiale. Cette alternative, si on prolonge le raisonnement des auteurs soucieux de s'inscrire dans des évolutions historiques concrètes, se définit dans la continuité historique de sa lutte émancipatrice, dans la courbe du développement révolutionnaire, à l'issue de cette période de transition " entre deux cycles de révolutions politiques " selon la formule d'Ignacio Ramonet ( Monde diplomatique, novembre).
On regrette que les auteurs n'aient pas été jusqu'au bout de leur raisonnement.
Ce livre est utile pour tous ceux qui recherchent une dénonciation de la mondialisation impérialiste associée à un projet de transformation révolutionnaire. Il donne de précieux éléments nécessaires à cette analyse critique mais souffre d'une limite qui l'empêche d'atteindre pleinement son objectif.
Les auteurs se situent dans la tradition marxiste, mais là encore on regrette qu'ils omettent de se définir tant sur le plan théorique que sur le plan politique par rapport à Lénine. Ils opposent le concept d'impérialisme à celui de mondialisation pour faire la critique de cette dernière sans suffisamment préciser le contenu qu'ils donnent au concept d'impérialisme aujourd'hui par rapport à la façon dont Lénine posait le problème.
Et, quand ils dessinent les grandes lignes d'un projet de transformation révolutionnaire, ils ne précisent pas comment ils situent les transformations à venir dans la perspective historique des révolutions antérieures dont la révolution russe.
Cette façon de mettre la révolution russe hors de l'histoire limite l'analyse qu'ils font de la période antérieure où le capitalisme en crise n'a trouvé les moyens de survivre, sous la pression des masses, qu'en se mettant sous la protection de l'intervention étatique. Elle les empêche aussi de prolonger, parallèlement à la courbe du développement capitalise, la courbe du développement révolutionnaire pour définir le rôle de la classe des salariés dans les transformations à venir.
En retour, cette limite met en lumière l'acquis du trotskisme qui donne les outils permettant une compréhension globale du passé, de l'effondrement de l'URSS et de la restauration de la propriété, comme du redéploiement impérialiste que l'on appelle la mondialisation. Reste à définir l'impérialisme aujourd'hui dans la perspective révolutionnaire, c'est-à-dire à dégager des évolutions accomplies à la fois ce qui donne au programme de transformation révolutionnaire toute sa pertinence et surtout renforce les possibilités concrètes de sa réalisation. Ce livre y contribue largement.
Yvan Lemaitre