Débat militant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°27
11 avril 2003

Sommaire :

La prise de Bagdad, une défaite pour tous les peuples

47ème congrès de la CGT : la direction confédérale, largement contestée, ne sort pas renforcée. Mais une véritable alternative reste à construire

XXXIIème Congrès du PCF, et si les chiffres étaient plus parlants que les mots ?

A travers le mouvement des femmes des quartiers et des banlieues, un renouveau du féminisme


La prise de Bagdad, une défaite pour tous les peuples

" Le monde est témoin de la libération et de l'aide humanitaire que la coalition apporte à ce pays, alors qu'un jour nouveau se lève en Irak ", c'est ainsi que Bush, sans même attendre que Bagdad soit entièrement sous le contrôle de ses troupes, annonçait au monde sa victoire le 9 avril.
En fait de " libération " et " d'aide humanitaire ", les télévisions n'ont pu montrer que des images de blindés et de soldats américains surarmés quadrillant les quartiers du centre, d'hôpitaux submergés par l'afflux des victimes des bombardements qui ont frappé sans relâche la population de la capitale irakienne cette dernière semaine. Les soldats de la coalition, rapporte la presse, tirent sur tout ce qu'ils voient, et la mort de journalistes occidentaux et d'un membre de la Croix Rouge, qu'ils avaient pris pour cibles, laisse imaginer leur comportement à l'égard de la population de Bagdad elle-même. Les morts se comptent sans aucun doute par dizaines de milliers.
Quant à la " liesse populaire " à laquelle la presse veut faire croire, elle s'est réduite à quelques maigres rassemblements autour d'une statue de Saddam Hussein renversée, la tête recouverte du drapeau étoilé des Etats-Unis par un soldat américain. Le bémol ensuite apporté pour les besoins de la propagande, le remplacement du drapeau américain par le drapeau irakien, ne changent rien au fait que traduisait le symbole. Les Etats-Unis occupent une partie du Moyen-Orient, leur armée exerce ou est en passe d'exercer elle-même le pouvoir en Irak, dont l'administration est d'ores et déjà confiée à un ami personnel de Rumsfeld, le général Jay Garner.

Une guerre sans limite
Défaite pour tous les peuples, cette victoire de la coalition anglo-américaine a été immédiatement saluée par la quasi-totalité des dirigeants politiques du monde. Les voix des soit-disant opposants à la guerre que sont Chirac et Schroeder n'ont pas manqué à ce concert écœurant.
Ici, en France, les dirigeants du PS souhaitaient il y a quelques jours une " victoire rapide ". Hier, le PC, dans un communiqué, déclarait que " l'effondrement du régime irakien est un soulagement ". " La guerre doit maintenant se terminer ", ajoutait-il. Alignés sur la position de Chirac, les dirigeants du PS et du PC masquent leur ralliement au camp des vainqueurs en feignant d'épouser les sentiments de tous ceux qui espéraient que la chute du régime irakien allait mettre fin à la guerre. Partisans eux aussi, comme Chirac et Villepin, d'un désarmement de l'Irak sous l'égide de l'ONU, ils accréditent le mensonge des justifications qu'ont avancées Bush et ses alliés pour déclencher la guerre.
Mais les Etats-Unis se sont chargés immédiatement de détromper tous les faux espoirs. Le jour même de l'entrée de leurs troupes dans le centre de Bagdad, ils ont lancé des menaces contre les Etats voisins de l'Irak et à la Corée du nord. La Syrie, en particulier, a été accusée à plusieurs reprises par Rumsfeld de faciliter la fuite de responsables de la dictature irakienne et de vouloir, elle aussi, développer " des armes de destruction massive ".
Forts de leur première victoire dans cette guerre contre l'Irak et des ralliements qu'elle leur a valus, les dirigeants américains vont tenter de poursuivre l'objectif de remodelage du Moyen-Orient que l'ensemble de l'administration Bush semble partager aujourd'hui. Un projet néocolonial qui trouve sa justification dans la lutte " contre le terrorisme " et " pour la démocratie ", comme l'explique dans une tribune publiée par Le Monde le 8 avril l'ancien dirigeant de la CIA, James Wolsey : " Il est clair que jamais la guerre terroriste ne disparaîtra tant que nous ne changerons pas la face du Proche-Orient, ce que nous avons précisément commencé de faire en Irak ". Mais qui peut croire que la chute du dictateur ouvre une ère de stabilité et de démocratie au Moyen-Orient ?

Un basculement du monde
Comme Rumsfeld auparavant, le Premier ministre espagnol, Aznar, a comparé les images de Bagdad à celles de la chute du mur de Berlin en 1989. " C'est un moment historique, le mur de Bagdad est tombé ". Avec la guerre en Irak, s'ouvre une nouvelle période dans l'histoire du monde, un nouveau cycle de bouleversements, de guerres et de révolutions, au terme d'une période de 15 ans de transition marqués par l'intégration de l'ancienne Union soviétique et de ses satellites dans le monde impérialiste.
En conclusion de cette première période de libéralisme impérialiste, commence aujourd'hui une phase néo-colonialiste de la domination des Etats-Unis, ouverte par le déploiement de leurs troupes aux quatre coins du monde à la suite des attentats du 11 septembre 2001.
Au moment de la prise de contrôle du centre de Bagdad, le massacre, en Afghanistan, de 11 villageois tués par une bombe américaine d'une tonne, venait rappeler que la population afghane, dont les media célébraient la " libération " il y a un an, subit encore l'occupation militaire et la guerre. La guerre, une guerre ignorée de la presse, où interviennent directement des militaires américains, a lieu aussi dans d'autres endroits du monde, aux Philippines, en Colombie.
Les attentats du 11 septembre ont servi de prétexte à une gigantesque offensive militaire des Etats-Unis. Ce qui prend les allures d'une fuite en avant s'inscrit, cependant, dans l'évolution du monde ces quinze dernières années. Leur triomphe apparent -l'effondrement du bloc soviétique- a signifié en réalité une fragilisation des Etats-Unis, tant la bureaucratie stalinienne était devenue un élément indispensable au maintien de l'ordre impérialiste.

La fuite en avant d'un système failli, politique impériale et rivalités impérialistes
La crise économique dont le dernier rapport du FMI vient de confirmer qu'elle a débuté bien avant la guerre, a aiguisé cette contradiction. Cette crise, qui a gagné le cœur de l'économie mondiale à partir de l'éclatement de la bulle technologique au milieu de l'année 2000 aux Etats-Unis, vient elle-même en conclusion d'années d'euphorie et de boulimie des sociétés financières qui ont fait main basse sur l'économie mondiale.
Il est possible que la guerre relance un moment la machine économique, tant par les commandes d'Etat aux trusts de l'armement que par les profits attendus de la reconstruction de l'Irak. Mais il est peu probable que soit enrayée la récession provoquée par l'arrêt des investissements et le resserrement du crédit. Aux Etats-Unis, 2,4 millions de travailleurs ont été licenciés au cours des deux dernières années et en Europe, les trusts sont engagés dans le même mouvement de " réduction des coûts " et de licenciements.
Dans tous les pays européens, les contre-réformes sociales sont engagées, de façon presque concomitante. Tous les gouvernements sont à l'offensive contre les services publics et tous les anciens systèmes de protection sociale.
L'offensive contre les peuples menée par les Etats-Unis est aussi une réponse au ralentissement de la production des richesses du fait de la crise. La concurrence internationale est exacerbée, il est d'autant plus vital pour la première puissance impérialiste, non seulement de soustraire les sources de matières premières et marchés à ses rivaux, mais aussi de conforter sa position dominante d'où elle retire l'énorme privilège de pouvoir faire financer son déficit par les autres pays.

Ni ONU ni Bush, non à la paix des vainqueurs
Le ralliement au camp des vainqueurs des opposants d'hier à la guerre révèle la nature de leurs différends avec les Etats-Unis. Le seul souci d'un Chirac a toujours été l'intérêt des trusts français, de ceux, en particulier de TotalFinaElf dont les visées sur les champs pétrolifères de l'Irak seraient irrémédiablement remises en cause par la guerre. En même temps, Chirac attendait de cette posture gaullienne un crédit qu'il pourrait mettre à profit pour prolonger l'effet du 5 mai.
Le voici maintenant en difficulté, contesté au sein même de sa propre majorité, par la fraction la plus libérale et réactionnaire de l'UMP qui lui reproche d'avoir compromis les intérêts mêmes qu'il prétendait défendre par des " déclarations fracassantes ", selon les mots de Goasguen. Cela prépare une crise politique à travers laquelle, probablement, cette partie de la droite qui ne cesse de reprocher au gouvernement sa " lenteur " dans la mise en œuvre des " réformes " va pouvoir exercer plus fortement sa pression.
Mais c'est bien l'ensemble de l'échiquier politique qui, sous l'effet de la guerre, se trouve entraîné dans cette évolution réactionnaire. En témoigne le soutien inattendu que certaines personnalités dites de gauche, comme le cinéaste Romain Goupil, avaient cru bon d'apporter aux Etats-Unis.
La rapidité avec laquelle se sont ralliés aussi les dirigeants du PC aux vainqueurs du jour, sous couvert de célébrer la chute d'une dictature, est aussi révélatrice.
Le point de rencontre des ces opposants à la guerre comme de ses partisans de la première heure, est aujourd'hui l'exigence d'une intervention de l'ONU et de l'Union européenne, au nom de préoccupations humanitaires. Cette intervention ne ferait que légitimer l'écrasement de la population irakienne, comme l'exigence d'un désarmement de l'Irak sous l'égide de l'ONU n'a fait que légitimer la guerre elle-même, quelle que forme qu'ait pu prendre ensuite son déclenchement.
Les événements de ces derniers jours, les prises de positions et les retournements qu'ils provoquent sont autant de leçons pour continuer le combat contre la guerre dans laquelle le monde est entraîné par les Etats-Unis et la logique de la domination impérialiste.
Le retrait des troupes d'occupation, la levée de toutes les sanctions sont les conditions premières sans lesquelles il ne peut y avoir de droit pour les peuples d'Irak à choisir librement leur gouvernement.
Une paix démocratique exige la fin du pillage impérialiste. La seule perspective réaliste pour mettre fin à la guerre permanente qui s'est engagée à partir de l'Afghanistan et de l'Irak, le seul pacifisme conséquent est de préparer la révolution sociale, la réponse des travailleurs et des peuples à la décadence impérialiste.
Galia Trépère


47ème congrès de la CGT : la direction confédérale, largement contestée, ne sort pas renforcée. Mais une véritable alternative reste à construire

Sans surprise, le 47ème congrès de la CGT a vu confirmer l'orientation proposée par la direction emmenée par Bernard Thibault. Ce congrès constitue un nouveau pas en avant vers le syndicalisme d'accompagnement. L'ensemble des résolutions votées y contribue.
Mais l'événement marquant aura été sans conteste l'émergence d'une opposition significative à cette évolution. Une opposition qui s'est manifestée non seulement par ses multiples interventions et amendements, mais surtout lors des votes. Les résolutions les plus importantes et le rapport d'activité n'ont pas obtenu plus de 75 % des voix, la résolution concernant le bouleversement du système des cotisations à peine plus de 50 %.
Comme l'a habilement repris à son compte la secrétaire de l'Union Départementale du Vaucluse chargée de conclure les travaux, ce congrès marquera la rupture avec la " culture de l'unanimité ". Une rupture que la direction en place n'a certainement pas appelé de ses vœux, mais qui s'impose d'autant plus nettement qu'elle correspond aux inquiétudes d'une partie importante des salariés devant les renoncements de la CGT.

Une direction sur ses gardes
Le texte proposé à la discussion montre une direction sûre de la voie qu'elle souhaite voir emprunter au syndicat, mais très méfiante quant à sa capacité à la faire accepter par les militants. Si bien que le texte pêche surtout par les impasses que ses rédacteurs ont dû faire pour espérer obtenir une large adhésion à leurs thèses.
Le rapport d'activité en est une brillante illustration, puisqu'il ne fait aucun état du bilan de la gauche plurielle, si ce n'est un long satisfecit sur les 35 heures, ni aucun bilan social chiffré de la période écoulée, en matière d'évolution du chômage, des salaires, de la pénibilité du travail, et de tout ce qui touche les travailleurs au quotidien. Après un débat faisant apparaître les divergences sur l'appréciation des 35 heures, la riposte nécessaire aux plans de licenciements, l'entrée dans la CES, il a été voté à 74,65 %, contre 12,36 % et 12,99 % d'abstentions.
A partir de ce bilan tronqué, les résolutions ne pouvaient qu'être à l'avenant. La 1ère résolution, chargée d'actualiser la ligne revendicative, avait pour axe principal la défense d'un " nouveau statut du travail salarié " et d'une " sécurité sociale professionnelle ". Par contre, rien, ou quasiment, sur les retraites, et en tout cas aucune discussion prévue sur la bataille contre le projet Raffarin. Ce n'est que sous la pression des multiples amendements pour insister sur la nécessité d'une telle discussion que les organisateurs du congrès ont concédé 2 heures de débat sur les retraites, le 3ème jour.
La seconde résolution visait un réexamen des liens entre la CGT et les autres organisations syndicales, son activité au sein de la CES, et son rapport aux institutions internationales. L'idée de la recherche de l'unité " en permanence " a fait l'objet d'un vif débat, aboutissant au retrait de l'expression. Plusieurs délégués ont fait état de leur crainte d'une recherche de l'unité aux dépens des revendications. De même, l'idée de " réformer " l'OMC a été vivement contestée, Jean-Christophe Le Duigou se justifiant en affirmant " qu'au départ, l'OMC et le FMI avaient été créés avec des intentions démocratiques ". Tout un programme !
C'est à ce moment qu'a été discuté l'appel proposé sur les retraites. Sous la pression des multiples amendements déposés avant le congrès, la direction confédérale a intégré les 37,5 ans, mais à reculons, affirmant en même temps qu'elle n'en faisait pas un casus belli. Compte tenu que le texte initialement proposé aux syndiqués ne disait rien ou quasiment sur les retraites, le fait même qu'il y ait un appel du congrès débouchant sur la journée de mobilisation du 3 avril est apparu aux militants comme une victoire. C'est probablement ce qui explique qu'il ait été voté à plus de 90 %. Il n'empêche que cet appel reste une porte ouverte vers la signature par la CGT d'un accord remettant en cause les 37,5 annuités pour le public.
La 3ème résolution proposait une " charte de la vie syndicale ", censée établir les droits et les devoirs des syndiqués. Le débat a porté sur le rapport entre la CGT, ses syndiqués et les salariés. Contestant l'expression " consultation systématique des salariés " qui pouvait apparaître comme un pas en avant démocratique, de nombreux délégués ont exprimé leur crainte de se voir dépossédés de leur syndicat.
Cette résolution défendait par ailleurs la nécessité de créer de nouvelles structures syndicales, tels les " syndicats de site " pour s'attaquer aux déserts syndicaux, présentée comme un moyen d'atteindre le " million " de syndiqués.
Enfin, la 4ème résolution s'attaquait au système de cotisation en vigueur. C'est la résolution qui a été la plus contestée, pour diverses raisons. Si les attaques contre le fonctionnement des Unions Locales, souvent le seul support de syndicats isolés, ont été dénoncées, le vote massif de fédérations comme les PTT traduisait plus des bagarres de chapelles. Derrière tout cela, transparaissait une certaine défiance vis-à-vis de la direction confédérale. Cette résolution n'a obtenu que 51,48 % des voix, contre 34,35 % et 14,17 % d'abstentions.

Un fonctionnement très peu démocratique
Les organisateurs affichaient leurs intentions, de prime abord, d'assurer un fonctionnement démocratique. Pourtant, le déroulement des débats et des votes a montré une conception pour le moins étonnante de la démocratie. Ainsi, c'est la commission des amendements qui décidait, pour chaque amendement, s'il était retenu ou non. Et ce n'est que sous la pression de la salle, sanctionnée par un Bernard Thibault obligé d'intervenir lui-même en séance plénière pour débloquer les débats, que les premiers amendements maintenus par leurs auteurs ont été finalement votés. En même temps, les représentants de la dite commission, présents devant la tribune, pesaient délibérément de tout leur poids dans les débats pour orienter les votes, monopolisant la parole tandis que les présidents de séance n'hésitaient pas à couper les interventions, souvent pour des raisons politiques.
Par ailleurs, les " fauteurs de troubles " ont été à plusieurs reprises l'objet d'opérations de déstabilisation. Ainsi, une " simple militante " n'a pas hésité à lire une intervention fustigeant les " contestataires professionnels ", qu'on connaît bien mais " qu'on voit rarement dans les usines ", et " qui se comportent souvent comme des dictateurs dans leur syndicat. " Le tout ovationné par une moitié de salle, devant le reste des militants ébahis. Un missile évidemment téléguidé.
La participation au congrès était très filtrée, et les pressions multiples pour empêcher des militants d'extrême gauche d'y accéder. Et les vieilles traditions de pression des délégations au moment des votes sont loin d'avoir disparu. Cela ne donne que plus d'importance à l'opposition qui s'est dégagée.

L'auto-financement en recul
Le rapport financier a fait apparaître une évolution des finances qui ne peut que conforter les inquiétudes des militants. Si, depuis 1998, les cotisations ont d'abord subi une baisse importante avant d'amorcer une légère remontée, les " recettes externes " composées essentiellement de fonds versés par l'Etat sous couvert d'aide aux activités de formation ont augmenté de plus de 30 %, dépassant aujourd'hui le montant des cotisations. Selon le rapporteur, " le taux de couverture des dépenses par les cotisations et les recettes internes à la CGT a reculé de 51 % à 47 % de 1998 à 2000-2001 ".
Par ailleurs, pour appuyer la réforme du système des cotisations, le rapport présentait le faible niveau des reversements aux Fédérations et aux Unions Départementales, ce qui reflète également des difficultés financières de nombreuses structures.

Une direction reconduite, faute de mieux
La nouvelle direction, réduite à 50 membres, a été élue à une quasi unanimité. Seul Jean-Christophe Le Duigou, par ailleurs principal artisan et défenseur de l'appel sur les retraites, a été mal élu, avec seulement 411 000 voix sur les 443 000 disponibles.
Même cette élection a été l'objet d'un quasi scandale, puisque la candidature proposée par le comité de chômeurs n'a pas été retenue, malgré une protestation de toute la salle, debout, sifflant les dirigeants confédéraux.
Et si Bernard Thibault, réélu secrétaire général, sera finalement acclamé, la volonté des délégués de conserver une CGT unie y était probablement pour beaucoup, et plus que jamais, la nouvelle équipe dirigeante aura fort à faire pour convaincre les troupes.

L'émergence d'une opposition
Malgré toutes les manœuvres avant et pendant le congrès, un pôle de contestation est apparu, reflétant pour la première fois dans un congrès les divergences nombreuses et le réel décalage entre la direction confédérale et une partie non négligeable des syndicats de base.
Cette opposition s'est exprimée dans tous les débats. Et en premier lieu lors du rapport d'activité, approuvé par à peine 75 % des délégués, une première qui a suscité de multiples commentaires dans la presse du lendemain.
Les interventions et amendements sur les résolutions ont été nombreux. Si tous n'allaient pas dans le même sens, on peut tout de même affirmer qu'une grande part visaient à tirer le syndicat vers une plus grande fermeté dans les revendications et plus de combativité, d'indépendance de classe. Les militants porteurs de ces amendements dépassaient largement le seul cadre de l'extrême gauche organisée.
Ainsi, à propos de l'épargne salariale, un délégué est intervenu pour demander que la CGT sorte du comité de suivi, en argumentant que le syndicat n'est pas là pour discuter des critères d'exploitation des salariés. Concernant l'interdiction des licenciements, le délégué d'ACT Angers a demandé comment on pouvait envisager de " nouvelles conquêtes sociales " alors qu'on ne parvient pas à interdire les licenciements, regrettant que la CGT ne lance pas une campagne d'ensemble pour les combattre.
Une camarade exigeant un vote de la salle sur un amendement intégrant l'interdiction des licenciements, après un premier refus de la " commission des amendements ", finira par l'obtenir. Le vote est tellement partagé qu'on n'en obtiendra jamais le résultat. Même pas le lendemain dans le compte-rendu du débat.

On peut lister comme suit les principaux sujets de controverse :

· Retraites, les 37,5 annuités
· Nouveau statut du travail salarié / statut de fonctionnaire
· Rapport entre revendications et unité
· Maîtrise des choix du syndicat par les syndiqués
· Refus de l'abandon des structures syndicales de proximité
· Survie financière des Unions Locales.

Malgré les interventions longues et répétées des membres de la " commission des amendements ", Maryse Dumas, Jean-Christophe Le Duigou, Michel Doneddu, les militants opposés à la ligne confédérale ne se sont pas laisser manipuler, ni dans leurs interventions, ni dans leurs votes.
Et bien que la direction se soit manifestement préparée à une forte contestation, elle s'est trouvée à au moins 2 reprises réellement déstabilisée. A tel point que les deux fois, Bernard Thibault lui-même s'est senti obligé de monter à la tribune pour permettre la poursuite des débats. La première fois dans le débat sur les revendications, au cours duquel de nombreux délégués ont demandé à ce qu'y soit intégré le débat sur le retraite, Thibault intervenant alors pour mettre en garde les oppositionnels contre le pourrissement du débat, mais concédant en même temps que tous les amendement maintenus soient votés. La 2nde fois, ce sera pour poser un ultimatum aux congressistes sur la question du financement : " Les camarades, faites attention ! On n'est pas obligé de poursuivre la réforme des cotisations. Mais si on arrête, on recule. " Si à chaque fois ses interventions ont été conclues par des applaudissements, cela n'a pas masqué une réelle fébrilité, Thibault conquérant la salle surtout par défaut d'une réelle alternative à sa politique.
L'apparition d'un pôle d'opposition est réjouissant. D'autant que ce pôle a marqué des points ne serait-ce qu'en imposant la discussion.
Pour autant, nombre de militants sont restés sur leur faim. Face à une direction confédérale cherchant en permanence à verrouiller le débat, l'absence d'un véritable projet alternatif n'a pas permis à l'opposition de sortir du niveau de la dénonciation. Les 25 % de l'opposition au niveau du congrès représentent pourtant, dans la CGT, un courant bien plus important. Ce courant s'est déjà fortement manifesté par le non des salariés d'EDF, il exprime le besoin profond de nombreux syndiqués et salariés de se donner réellement les moyens de défendre leurs droits.
Il exprime le besoin d'un renouveau de la lutte syndicale, de démocratie et d'indépendance de classe, qui est ressenti bien au-delà des frontières du seul syndicat.
Pour y répondre, les militants d'extrême gauche, les contestataires de l'appareil sont confrontés à la nécessité de se regrouper et de formuler une politique alternative à celle de Thibault, non pas pour les seuls militants de la CGT, mais pour l'ensemble du mouvement syndical.
Il s'agit en effet d'offrir une perspective qui rompe avec la collaboration de classe des grandes confédérations syndicales et qui permette de surmonter les divisions, fruits des rivalités d'appareil, pour construire des cadres unitaires et démocratiques de mobilisation.
Arsène Portier


XXXIIème Congrès du PCF
Et si les chiffres étaient plus parlants que les mots ?

Le XXXIIe congrès du PCF réuni du 3 au 6 avril à la Plaine-Saint-Denis a fait apparaître une direction sans ressort laissant se dérouler dans la confusion un débat dont l'enjeu était, de toute évidence, un enjeu d'appareil. Plus de 2 000 amendements à la " base commune " étaient en débat. Et le document adopté, " Communisme : écrire ensemble une page nouvelle ", publié dans L'Humanité le 10 avril témoigne du nombre des modifications apportées au projet initial : les parties en gras qui signalent les changements effectués dominent.
Les modalités d'organisation de la discussion ne pouvaient qu'encourager une prolifération des amendements. Les adhérents du PCF étaient, en effet, invités à ne retenir dans une première phase, fin février, qu'un seul des trois textes alternatifs en présence pour base commune ; dès lors, les minoritaires étaient poussés à multiplier les tentatives pour réintroduire leurs options lors du congrès national. On mesure déjà l'influence de chacun des trois courants en présence dans la mouture finale et surtout la souplesse d'une direction sans politique acceptant de transformer son propre texte. Il faut dire qu'aucun des trois courants ne remettait en cause le fond des orientations du PC.
Ceci dit, cette bataille d'amendements menée avec un zèle de néophyte n'est certainement pas l'essentiel.
L'attention des observateurs s'est plutôt focalisée sur les altercations répétées - opposant les partisans de Marie-George Buffet, les " conservateurs " emmenés par Nicolas Marchand et les " orthodoxes " regroupés derrière Jean-Claude Danglot - qui ont rythmé les quatre journées de congrès. Les portraits des différents protagonistes se sont d'ailleurs répandus dans les médias, même le philosophe Georges Gastaud, un des piliers de l'ex-Coordination communiste, a eu droit aux colonnes des quotidiens nationaux. Les chaînes de télévision ne se sont pas faites prier ; elles se sont toutes fait l'écho de l'épisode de la liste alternative aux 212 noms retenus par la direction en montrant Maxime Gremetz hué par les congressistes alors qu'il cherchait à convaincre que les nouveaux statuts légitimaient la démarche des minoritaires de proposer 31 noms supplémentaires.
Le flot de commentaires entourant le XXXIIe congrès du PCF mentionne, au mieux, ce qui est certainement l'essentiel : l'abstention massive des militants. Les délégués ont approuvé le texte d'orientation rédigé par la direction sortante à 80 % - 130 délégués ne l'ont pas voté - ; ils ont ratifié à 76,16 % le nouveau conseil national - 23,84 % ont voté blanc. Mais les 769 délégués ne représentaient guère plus de 30 % des adhérents du parti. Des 133 767 adhérentes et adhérents enregistrés au 31 décembre 2002, seulement 42 782 ont pris part aux votes sur le choix de la base commune. Les militants communistes ont porté moins d'intérêt aux débats agitant leur parti depuis plusieurs mois que la plupart des observateurs. Leur abstention massive mérite d'être prise en considération ; sa signification politique précisée.
Pour la première fois dans l'histoire du PCF, pourtant, des positions différentes de celle de la direction ont pu s'exprimer. Deux textes alternatifs étaient en compétition pour disputer à la base commune issue du conseil national le rôle de document de référence. Les chiffres sont parlants. " Communisme : écrire ensemble une page nouvelle " soutenu à la fois par les amis de Buffet, Hue et Martelli a rassemblé 22 633 voix, soit 55,02 % des exprimés. " Reconstruire le PCF et réunifier les communistes sur des bases révolutionnaires " présenté par le Conseil départemental du Pas-de-Calais auquel se sont ralliées la Gauche communiste de Jean-Jacques Karman et la Fédération nationale des associations pour la renaissance communiste de Georges Hage a totalisé 9 708 voix, soit 23,60 % des exprimés. " Ensemble, une nouvelle orientation pour un nouvel élan du PCF " défendu par 200 militants dont Nicolas Marchand, Yves Dimicoli et Maxime Gremetz a réuni 8 974 voix, soit 21,38 % des exprimés.
Les diverses minorités organisées au sein du PCF ont rassemblé 45 % des suffrages, mais leur percée est relativisée si on rapporte leur résultat à l'ensemble des adhérents du parti : 18 682 sur 133 767, moins de 15 %. Comme d'ailleurs la majorité. La réelle majorité des communistes ne se reconnaît pas plus dans les " conservateurs " ou " orthodoxes " que dans la direction Buffet-Hue-Martelli. Les opposants sont logés à la même enseigne sur leur terre que l'équipe entourant Buffet : moins du tiers des adhérents de la fédération du Pas-de-Calais se sont déplacés. Les 88,40 % réalisés par le texte soutenu par le patron de la fédération Jean-Claude Danglot prennent un sens fort différent dès lors qu'est rappelé que seulement 1 784 militants sur 7 428 l'ont adopté.

Entendre le silence des militants qui s'exprime : c'est déterminant pour être à même d'y répondre.
Les marxistes révolutionnaires peuvent en effet tirer un important bénéfice de cette situation où ni la mutation relookée de Buffet appuyé par les " refondateurs ", ni le retour aux années Marchais prôné par les " conservateurs ", ni celui au secrétariat de Thorez ne convainquent. Encore faut-il comprendre ce que cette abstention souligne : de nombreux militants communistes ne cherchent déjà plus de solutions au sein de leur parti ; ils n'ont toujours pas trouvé en dehors les raisons de le quitter. En creux, ce qui est en cause, c'est la capacité de l'extrême gauche à offrir un débouché crédible aux dizaines de milliers de travailleurs encore au PCF et aux centaines de milliers qui s'en sont détachés. Beaucoup expriment depuis 1995 dans les urnes leur défiance à l'égard de l'orientation de la direction Hue-Buffet en reportant leurs suffrages sur les candidats trotskystes, sans franchir pour autant le cap d'une adhésion aux organisations révolutionnaires.
Les 10 % de la Présidentielle témoignent de l'enjeu.
Insistons : aujourd'hui encore, l'extrême gauche apparaît trop souvent repliée sur son histoire et les chicanes qui l'ont nourrie aux yeux de militants communistes en attente d'une perspective pour l'ensemble de la classe ouvrière. La division LO, LCR et PT est un obstacle majeur. Elle renforce l'image de courants minoritaires se complaisant dans leur statut chez ceux-là mêmes qui seraient tentés de s'en rapprocher. Gagner la confiance des secteurs militants en rupture avec le PCF commande de dépasser le passé, de se penser comme une direction alternative pour notre classe, ce qui passe immanquablement par l'acceptation d'un cadre ouvert où cohabitent des militants aux parcours différents, parfois même opposés. Ne pas envisager l'unité des révolutionnaires, c'est d'une certaine façon abdiquer de voir des trotskystes et des " communistes " militer ensemble dans un même parti, car qui peut croire sérieusement qu'il serait plus facile de faire avec eux ce qui nous ne serions pas en mesure de faire entre nous ?
Il ne s'agit nullement de masquer les combats passés en particulier contre le stalinisme ou la participation gouvernementale. Mais l'essentiel tient dans un accord sur les tâches de l'heure pour faire reculer patronat et gouvernement. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'un rassemblement sur un programme uniquement défensif. Ce dont il est question, c'est de regrouper les forces qui n'ont renoncé ni au communisme ni à la révolution autour d'un nouveau programme d'urgence sociale et démocratique.
A l'heure où la droite multiplie les offensives contre les acquis du monde du travail sans susciter une riposte appropriée des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier, les révolutionnaires ont une responsabilité particulière. Celle de proposer aux militants communistes et au-delà, des cadres et des échéances pour les mobilisations, tant au plan syndical que sur l'ensemble des terrains sur lesquels nous sommes amenés à combattre au coude à coude (anti-guerre, altermondialisme, etc.).
A diverses occasions, l'unité a prouvé son utilité, et, de fait, quotidiennement, elle se réalise.
Au niveau local d'abord, peut-être à un niveau supérieur ensuite, il est possible de mettre en œuvre une politique de regroupement ouverte à toutes celles et ceux qui le souhaitent, à commencer par ces militants communistes qui n'ont qu'une hâte : ne plus s'abstenir. Ne nous abstenons pas de nous tourner vers eux.
Serge Godard

A travers le mouvement des femmes des quartiers et des banlieues, un renouveau du féminisme

Le 8 mars dernier, la participation massive à la manifestation de tous ceux et toutes celles qui avaient répondu à l'appel des femmes des quartiers, " ni putes, ni soumises ", a donné un nouveau souffle à la journée internationale de lutte des femmes. Initiée le 8 mars 1910 par Clara Zetkin, militante internationaliste, le mouvement ouvrier à l'époque où il était révolutionnaire, en décrétant le 8 mars journée internationale de lutte des femmes, donnait un contenu vivant au combat contre toutes les oppressions dont celles subies tout particulièrement par les femmes travailleuses.
En lançant leur appel national pour initier une marche qui est partie le 1er février de Vitry-sur-Seine, ville où la jeune Sohane avait été brûlée vive dans un local à poubelles, le 4 octobre dernier, avant de passer dans 23 villes, les 4 jeunes marcheuses et les deux garçons qui les ont accompagnées ont fait sortir de l'ombre la situation des femmes des milieux populaires qui subissent de plein fouet la dégradation de la situation sociale dans les cités où la vie est invivable pour tous, mais avant tout pour les femmes.
Si bien que la manifestation parisienne, aboutissement de la marche, a regroupé cette année 30 000 personnes dont pour beaucoup de manifestantes, jeunes mais aussi moins jeunes, issues de l'immigration et venues des banlieues, c'était leur première manifestation. Arborant des tee-shirts sur lesquels était inscrit le slogan " ni putes, ni soumises ", elles ont su trouver la force collective de sortir des ghettos des banlieues pour affirmer leur droit à l'existence et gagner ainsi une large sympathie.
Elles ont ainsi contribué à révéler la duplicité de tous ceux qui rendent hommage aux femmes, un 8 mars vidé de tout contenu subversif, pour tous les jours de l'année, contribuer par leur politique à creuser les inégalités sociales. La présence dans la manifestation parisienne de Hollande, Lang, Huchon, la femme de Jospin, Borloo, ministre de la Ville, pour un jour " ami(e)s des femmes ", comme le fait qu'elles aient été reçues par Raffarin est bien le signe qu'elles ont réussi à forcer le mur du silence. Elles ont contraint le monde politicien à les soutenir - en paroles - tout en gardant le contrôle de leur initiative.

L'émergence d'un mouvement porte-parole des revendications des femmes des milieux populaires

En choisissant un slogan volontairement provocateur, " ni putes, ni soumises ! ", les femmes des quartiers expriment un nouveau féminisme qui prend en compte le recul de la situation des femmes en général mais plus particulièrement celles des milieux populaires.
Oppressées socialement par une société qui nous enferme dans les ghettos où s'accumulent misère et exclusion. Étouffées par le machisme des hommes de nos quartiers qui au nom d'une "tradition" nient nos droits les plus élémentaires… Assez de leçons de morale : notre condition s'est dégradée. Les médias, les politiques n'ont rien fait pour nous ou si peu, assez de misérabilisme, marre qu'on parle à notre place, qu'on nous traite avec mépris, assez de justifications de notre oppression au nom du droit à la différence et du respect de ceux qui nous imposent de baisser la tête, assez de silence, dans les débats publics, sur les violences, la précarité, les discriminations ", disent-elles.
Le bilan est clair : les femmes paient lourdement le recul social des vingt dernières années dû à la fuite en avant d'une mondialisation financière que les partis de gauche comme de droite ont encouragée. Le recul du mouvement ouvrier a entraîné un recul de la situation de toutes les femmes mais ce sont les femmes des milieux populaires qui vivent la dégradation la plus insupportable de leurs conditions de vie. 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes, la moitié des CDD sont occupés par des femmes, trois femmes sur dix travaillent à temps partiel, 50 % travaillent le samedi et 24 % le dimanche. Et chaque mois, six femmes meurent des conséquences des violences subies au foyer.
A l'opposé des discours sur une société plus juste, plus égalitaire, plus humaine, les femmes issues de l'immigration veulent faire éclater la vérité sur leur situation, regrouper leurs forces pour, ensemble, relever la tête.
En marchant " contre le ghetto et pour l'égalité " pour rencontrer d'autres femmes et aussi des hommes qui ont su témoigner de leur solidarité, elles se sont fait les porte-parole des revendications des " femmes d'en bas ". Toutes celles qui luttent au quotidien contre le racisme, l'exclusion, le machisme, qui n'ont jamais droit à la parole, se sont retrouvées dans un combat commun, fortifiées par l'échange de leurs expériences. Elles dénoncent les violences physiques ou en paroles, le poids des traditions et de la religion, les mariages forcés, les viols, le manque de liberté sexuelle, mais aussi le racisme qui fait peser plus lourdement sur elles la précarité de l'emploi. Affirmant que " la lutte contre le racisme, l'exclusion et celle pour notre liberté sont un seul et même combat. Personne ne nous libérera de cette double oppression si ce n'est nous-mêmes ", elles veulent changer la donne.
Pour se faire, elles tendent la main aux hommes. Un des marcheurs l'a dit : " les filles ont souvent répété au cours de la marche que ce n'était pas une guerre des sexes ". Dans leur lutte contre les inégalités, elles veulent regrouper les forces pour les faire converger pour " mieux vivre dans les quartiers " où la mixité est en recul du fait d'un cloisonnement croissant dû à l'exclusion sociale qui a pour conséquence de nouvelles barrières érigées entre hommes et femmes au détriment des deux sexes.

… qui contribue à une politisation encore ambiguë
Ce nouveau féminisme populaire émergent prend à contre-pied le mouvement féministe tel qu'il s'est maintenu depuis les années 70. Il pose certes bien des questions.
Quand l'une des marcheuses déclare, " autant dire que les filles des quartiers ont vécu la parité comme les soldes chez Hermès ", elle exprime le fait que sans égalité sociale, il ne peut y avoir d'égalité juridique. La parité initiée par le gouvernement Jospin - qui a déjà bien des difficultés à se concrétiser par exemple pour les élections - n'a rien changé à la situation des femmes des banlieues.
L'initiative même de la marche qui revient à la Fédération nationale des Maisons des Potes, proche de Sos-racisme, contribue à faire se poser des questions entre les liens entre ce nouveau féminisme et le Parti socialiste. Mais il n'y a rien à voir entre l'hypocrisie affichée par celui-ci vis-à-vis de la situation des femmes et la réalité du combat de femmes qui ont su pour franchir les obstacles, trouver la logistique des Maisons des Potes. Même si le programme reprend à son compte des revendications bien modestes et proches de celles du Parti socialiste - interpeller les candidats aux élections, revendiquer le statut de " citoyennes " alors même que ce statut est vidé de tout sens dans une société de plus en plus inégalitaire -, les femmes elles-mêmes y ont donné un autre contenu. En militant ensemble, elles se sont politisées et ont fait avancer le combat féministe.
Pour aller de l'avant, pour intégrer leur lutte dans une lutte d'ensemble contre toute forme d'oppression et discrimination, les révolutionnaires ont toute leur place dans ce combat pour contribuer à ce qu'il se lie au mouvement social pour redonner au féminisme du XXIème siècle le contenu de contestation sociale qu'il avait à ses origines.
Valérie Héas