Débat militant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°29
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21
mai 2003
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Sommaire : | ||||||||||
Les sociaux-libéraux ne battent pas en retraite : le congrès socialiste plébiscite le " réformisme de gauche " | ||||||||||
A propos du premier numéro des Cahiers de critique communiste |
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1995-2003 : l'émergence d'une nouvelle conscience politique
Le 13 mai dernier,
les grèves et manifestations contre la réforme des retraites ont
dépassé en ampleur le point le plus haut atteint par le mouvement
de novembre-décembre 1995. La contestation de la politique du gouvernement
s'est trouvée d'un coup projetée sur le devant de la scène.
C'est un retournement complet de la situation.
Il y a encore un mois, Raffarin pouvait espérer faire passer ses projets
sans affrontement avec le monde du travail, grâce à la complaisance
des directions syndicales et l'absence d'opposition parlementaire. Depuis la
victoire du " non " au référendum à l'EDF, la
mobilisation croissante des salariés a fait la vérité sur
les mensonges d'une propagande gouvernementale d'autant plus efficace qu'elle
s'appuyait sur la politique du gouvernement Jospin et ne se heurtait à
aucune opposition. Elle a obligé tous les syndicats et les partis politiques
de gauche à prendre position par rapport au mouvement lui-même.
Le pacte républicain, cet état de grâce dont Chirac avait
bénéficié grâce à l'appel au vote des partis
de gauche en sa faveur le 5 mai, est définitivement rompu. En s'affranchissant
de ce marché de dupes issu de la cohabitation, les travailleurs se libèrent
également du consensus que les directions syndicales avaient accepté
de la part du gouvernement. Ils sont en train de découvrir les moyens
qu'ils ont d'agir par eux-mêmes, collectivement, d'exercer leur pression
sur tous les acteurs de la vie politique et sociale.
Alors que la grève dans l'Education nationale continue à s'approfondir
et à s'organiser, qu'elle touche d'autres secteurs de la Fonction publique
comme celui des hôpitaux, et à la veille de la grande manifestation
du 25 mai, personne ne peut dire encore jusqu'où le mouvement est capable
d'aller, s'il pourra entraîner de façon significative d'autres
secteurs dans la lutte, malgré les obstacles, en particulier le verrou
de l'appareil de la CGT. Mais d'ores et déjà, quelle que soit
son issue, c'est un premier succès, un pas en avant dont les effets bousculent
l'ensemble des rapports de force.
Une profonde
maturation des consciences
En 1995, salariés et militants syndicalistes avaient su utiliser les
journées d'action lancées par les directions de la CGT et de FO
et leur surenchère réciproque pour entraîner toute la Fonction
publique dans la grève. En imposant un contrôle démocratique
des responsables syndicaux dans et par leurs assemblées générales,
les travailleurs de la Fonction publique avaient réalisé jusqu'à
un certain point leur unité, brisé les corporatismes et bien des
clivages. Il est même arrivé, dans certaines villes petites ou
moyennes, que les grévistes de tous les secteurs se réunissent
dans une assemblée unique.
En 2003, c'est bien malgré elles que les directions syndicales ont été
contraintes, par la pression des salariés, d'appeler à une série
de journées d'action. Aujourd'hui, le mouvement est surtout développé
dans l'Education nationale, et il s'organise, constitue ses équipes et
ses réseaux militants, avec toutes les difficultés inhérentes
à un mouvement réel. Mais son existence même, du fait qu'elle
s'est imposée aux appareils syndicaux, est l'expression d'une grande
maturité politique.
S'il n'a pu jusqu'à présent s'étendre à d'autres
secteurs de façon significative, c'est avant tout à cause de l'inertie,
ou plutôt même du verrouillage des appareils bureaucratiques. On
l'a vu à la SNCF et à la RATP : la reconduction de la grève
au lendemain de la journée du 13 mai y a été violemment
contrecarrée par l'appareil de la CGT. Mais la pression des salariés
est telle que les journées d'action du 19 mai dans la Fonction publique,
puis celle du 25, initialement programmées par les directions syndicales
pour lanterner les travailleurs et servir de contre-feu à la volonté
d'une lutte générale, ont permis au mouvement d'occuper le devant
de la scène politique. La manifestation nationale du 25 mai donne à
la contestation une nouvelle occasion de s'enraciner dans la population, de
regrouper ses forces. En programmant la grève pour une date encore éloignée,
le 2 juin, les fédérations de cheminots avaient à n'en
pas douter le souci d'éviter une coordination enseignants-cheminots.
En fait, leur initiative pourrait permettre au mouvement de rebondir et de s'étendre
en entraînant les hôpitaux et une partie du privé.
Le rôle politique des enseignants
C'est actuellement le secteur enseignant qui joue un rôle moteur dans
le mouvement. Non par sa capacité, comme avaient pu le faire les cheminots
en 1995, à paralyser une partie importante des infrastructures du pays,
mais par son rôle politique. Particulièrement remarquable à
cet égard est la multiplicité des initiatives locales qu'il a
prises ces derniers jours. Réunions d'information des parents d'élèves,
diffusions de tracts sur les marchés, réunions publiques sur la
question des retraites et de leur financement, visites à d'autres salariés
en luttes, propositions de réunions ou d'actions interprofessionnelles
Le mouvement a trouvé d'innombrables militants, syndiqués ou non,
organisés politiquement ou non, qui déploient une énergie
considérable pour expliquer en quoi la décentralisation prépare
le démantèlement du service public et la réforme sur les
retraites, celui de la protection sociale, pour convaincre et gagner l'opinion.
Ce qu'il a d'ores et déjà réussi à faire de façon
visible, à l'échelle nationale.
Moins visible, mais néanmoins tout aussi importante, sinon plus, est
son action en profondeur, à l'échelle locale. A travers ces initiatives,
les réunions, les discussions, ce sont autant de barrières qui
tombent, de liens qui se tissent, de réseaux qui se constituent, et pour
tous ceux qui y sont impliqués, la découverte de nouvelles relations
humaines, comme l'apprentissage, parfois difficile, du débat démocratique,
le besoin pressant de réponses claires pour contrecarrer la propagande
gouvernementale, et nombre d'interrogations sur toutes les questions sociales.
Se réalise dans le mouvement la jonction entre deux générations
: celle qui a rompu avec la politique des partis de la gauche plurielle et les
appareils syndicaux, et une jeune génération, libre du poids du
passé et des désillusions, confiante dans l'avenir qu'elle sait
devoir se construire. Une génération qui se politise à
grande allure parce qu'elle découvre à quel point la question
sociale est une affaire éminemment politique, mais aussi à quel
point les intérêts d'appareil sont présents dans le paysage
politique.
La recherche
d'un débouché politique
Ce mouvement vient en conclusion d'une première phase de maturation des
esprits et c'est tout à fait logiquement que les militants révolutionnaires
et les syndicalistes radicaux en sont au premier rang, " l'extrême
gauche politique et syndicale ", comme le disait récemment un journaliste
sur France 2.
En 1995, la radicalisation d'une fraction de la population qu'avait traduite
le score d'Arlette Laguiller (plus de 5% des voix à la présidentielle),
s'était exprimée peu après dans les grèves et manifestations
de l'hiver. Aujourd'hui, ce sont aussi les 10 % des candidats de l'extrême
gauche à la présidentielle qui trouvent leur expression sur le
terrain des luttes sociales, comme auparavant dans la mobilisation de la jeunesse
contre Le Pen dans l'entre deux tours, puis dans la lutte contre la guerre.
Dans l'intervalle, les 5 années de gouvernement Jospin pendant lesquelles
les partis de la gauche plurielle ont mis en uvre l'offensive libérale,
interdisent à ces partis de prétendre incarner une alternative
de contestation. Si tous les grévistes se sont réjouis de ce que
le PS a condamné les plans gouvernementaux, tout en remarquant que tous
les courants du PS sont pour le passage à 40 annuités de cotisations,
c'est parce que c'est l'expression du rapport de forces qu'ils ont pu imposer.
Personne n'est dupe : ce revirement n'est qu'une nouvelle preuve d'un opportunisme
dont il y a tout lieu de se méfier
Pour nombre de jeunes salariés entrés dans la lutte, comme pour
les plus anciens, se pose le problème d'un débouché politique,
non pas sous la forme d'un gouvernement d'alternative, mais sous la forme d'une
force qui pose les problèmes dans leur globalité et qui soit capable
de peser sur la scène politique. Les illusions électoralistes,
dans la démocratie parlementaire, n'ont pas disparu, elles ne peuvent
le faire spontanément. Mais il est naturel de chercher une solution qui
permette aux salariés et à tous ceux qui luttent d'exercer leur
pression de façon durable, dans les luttes sociales comme dans les luttes
politiques, dont les élections sont un moment. Le dynamisme du mouvement
repose sur la compréhension nouvelle que l'organisation, la mobilisation
dans la rue sont déterminantes pour la défense des intérêts
du monde du travail.
La mue nécessaire
de l'extrême gauche est en train de s'opérer
Ce parti est en gestation, il est le fait de tous ces militants du mouvement,
dans quelque secteur qu'il soit installé ou qu'il cherche à démarrer.
Les révolutionnaires peuvent l'aider à prendre conscience de lui-même,
à se cristalliser, à s'organiser.
Fondamentalement, dans le mouvement, les militants révolutionnaires ont
la même orientation politique, par-delà les clivages. Les militants
de la Ligue, de LO mais aussi ceux du PT, se retrouvent, pour la première
fois largement, sur le même terrain de luttes et tout le monde peut vérifier
à quel point leurs divergences sont en fait des divergences de tactiques.
Elles posent des questions légitimes qui se posent au mouvement lui-même.
Comment concilier auto-organisation démocratique et unité syndicale
? Comment animer les structures de mobilisation et la nécessaire organisation
démocratique du mouvement ?
Autant de questions qui méritent
un vrai débat au sein même du mouvement, au sein même de
ce qui devrait être ce parti d'extrême gauche. Est-il nécessaire
de dire qu'au sein même de ce parti, s'il existait, différentes
orientations pourraient se confronter, se discuter et ce seraient les militants,
les travailleurs qui trancheraient dans un débat public, ouvert et démocratique
et dans l'action elle-même.
A l'opposé, aujourd'hui, chacun tend à faire de questions tactiques
des justifications des divisions. La caricature en est le PT qui accuse LO et
nous-mêmes de diviser l'unité syndicale alors qu'il ne fait que
théoriser les choix tactiques que lui dictent ses positions syndicales.
Face à l'ampleur du mouvement et à sa signification politique,
sa portée, les divisions apparaissent absurdes au regard de l'intérêt
général du mouvement. Le mouvement agit comme un miroir et révèle
à chacun ce que l'isolement et l'absence de confrontation démocratique
ne permettaient pas de voir.
Une mue générale de l'extrême gauche est en train de s'opérer
à travers la lutte pour faire prévaloir les intérêts
généraux du mouvement.
L'unité s'impose à tous, par-delà les organisations, dans
la réalité quotidienne, comme c'est le cas dans le mouvement,
à travers le large débat public qu'il permet. Non sans difficultés,
tiraillements, crises, mais c'est d'ores et déjà un mouvement
irréversible.
Il a devant lui une nouvelle étape. Nul doute que ce que le gouvernement
n'a pu imposer par la mascarade du dialogue social auquel la CGT était
tout aussi disponible que la CFDT si les travailleurs et leurs propres militants
n'avaient mis les pieds dans le plat, il va chercher à l'imposer par
la force.
L'épreuve de force se prépare et exige l'unité.
Galia Trèpére
Les
sociaux-libéraux ne battent pas en retraite :
Le congrès socialiste plébiscite le " réformisme de
gauche "
" Personne
n'est dupe " a déclaré Bernard Thibault qui s'est pourtant
prêté au jeu d'une entrée triomphale au congrès du
PS à Dijon. Pour gagner sa place, il a traversé la salle du Parc
des Expositions aux côtés de François Hollande devant des
militants socialistes lui réservant cinq minutes de standing ovation.
À peine assis, Bernard Thibault s'est employé à lever l'ambiguïté.
Le secrétaire général de la CGT a accepté le statut
d'invité d'honneur du XVIIe Congrès du PS. Il ne veut pas, en
revanche, donner l'impression d'avoir été bluffé par l'accueil
des congressistes scandant " Retrait du projet Fillon " à son
passage. Et d'autant moins que, lors du précédent congrès,
à Grenoble, il y a trois ans, sa présence était passée
totalement inaperçue. En novembre 2000, le gouvernement Jospin était,
certes, encore aux affaires
Bernard Thibault prétend ne pas être " dupe ". Mais qui
peut l'être ? Certainement pas les centaines de milliers de manifestants
qui avaient déjà sanctionné en avril 2002 la politique
conduite par le PS, le PCF et les Verts depuis juin 1997.
La gauche plurielle a bénéficié de cinq années pour
abroger la réforme Balladur et le plan Juppé, sans le faire. Pire,
Jospin a ouvert le chantier de la réforme, négociant, main dans
la main avec Chirac, en 2002, le " compromis de Barcelone " invitant
les états membres " d'ici à 2010 à augmenter progressivement
d'environ cinq ans l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne,
l'activité professionnelle ". " Il y aura des sacrifices à
opérer ", expliquait alors Laurent Fabius, ministre des Finances,
à l'adresse des salariés du public et du privé. "
Chaque année, notre espérance de vie augmente de trois mois, donc
les actifs doivent financer chaque année des retraités qui vivront
trois mois de plus. Comment voulez-vous qu'il n'y ait pas un ajustement ? ",
faisait valoir le locataire de Bercy.
À l'applaudimètre, tous les observateurs en conviennent : Thibault
et Fabius ont fait jeu égal à Dijon. Sans complexe, Fabius a dénoncé
devant les militants le " projet scandaleux " du gouvernement sur
les retraites. " On n'est pas ministre des Finances toute sa vie ",
a lâché cyniquement ce chantre du social-libéralisme. "
Nous soutenons les organisations syndicales, celles qui jusqu'au bout ont été
fidèles au mandat unitaire qu'elles avaient pris ensemble ! ", a-t-il
lancé sous une pluie d'applaudissements. L'ancien Premier ministre lorgne
l'Élysée depuis la retraite de Jospin. Il adapte son discours,
pas plus.
" C'est sympa, la salle applaudit tout et son contraire ", s'amuse
Ségolène Royal. " C'est un bon public ! ", renchérit
Daniel Vaillant. " C'est le grand paradoxe de ce congrès, note plus
sérieusement Christophe Cambadélis. C'est au moment où
nous prenons le tournant réformiste que la CGT est acclamée. "
Dit autrement : au moment où la majorité du parti se rallie au
social-libéralisme. Bras droit de Dominique Strauss-Kahn, Cambadélis
préconise, inlassablement, depuis des mois, " la fin du réformisme
honteux ". Hollande et les courants qui l'ont rallié à Dijon
défendent entièrement ce projet, résumé d'une formule
par le Premier secrétaire : " être à gauche autant
qu'il est souhaitable, être réformiste autant qu'il est possible
".
Le congrès a, sans surprise, entériné cette politique.
Et c'est le sens de l'absence de la traditionnelle synthèse qui veut
que la majorité s'élargisse en intégrant des éléments
de l'orientation des courants minoritaires. Rasséréné par
les 61 % réalisés sur sa motion, Hollande a jugé plus utile
de faire cavalier seul que d'édulcorer les thèses social-libérales
de la majorité. D'aucuns parlent d'un recentrage " réformiste
" sans s'attarder sur le sens nouveau que recouvre ce terme dans le discours
socialiste après vingt années de politique anti-sociale. Les mêmes
souvent sont obnubilés par les scores des motions minoritaires du Nouveau
Parti socialiste (NPS) et de Nouveau Monde (NM) - respectivement 16,88 % et
16,33 % - comme si celles-ci incarnaient une rupture avec l'orientation des
Hollande, DSK et Fabius.
La résolution sur les retraites adoptée à une quasi unanimité
- une voix contre et une abstention - au terme des trois jours de congrès
souligne, qu'au-delà des effets de tribune, c'est bel et bien l'esprit
et la lettre du social-libéralisme qui dominent. " Nous exigeons,
est-il dit, le retrait du projet Raffarin-Fillon qui entraînerait une
baisse inacceptable du montant des retraites, la fin de la retraite à
60 ans, la mise en péril de la retraite par répartition et le
recours inéluctable à la capitalisation. " La réforme
Balladur, le plan Juppé ne sont évidemment pas mentionnés.
De la même façon, et dans la lignée des mesures régressives
défendues par le PS jusqu'ici, on laisse ainsi entendre qu'une baisse
" acceptable " du montant des retraites comme le recours " libre
" à la capitalisation serait possible. Et la résolution n'évoque
pas la question des 37,5 annuités pour tous, ni celle d'une retraite
à taux plein à 60 ans.
On cherche vainement le " tournant à gauche " évoqué
ici et là. On note en revanche l'acceptation - au mieux implicite - de
la politique conduite par Jospin pendant cinq ans. À l'issue du congrès,
le prédécesseur de Fabius à Bercy, Dominique Strauss-Kahn,
a affirmé sans détour qu'un allongement de la durée de
cotisation " peut être une solution " dès lors que l'
" on tient compte de la pénibilité " du travail. Un
signe !
Le congrès socialiste aurait été en phase avec le mouvement
social ? Il souligne plutôt le décalage entre les préoccupations
des socialistes et celles des milliers de grévistes. La résolution
adoptée en témoigne. La solidarité affichée à
l'égard de Bernard Thibault, présentée comme la surprise
de Dijon par tous les médias, révèle à elle seule
ce fossé qui s'est creusé avec le mouvement social. Qui peut oublier
que trois anciens ministres du gouvernement Jospin, Elisabeth Guigou, Ségolène
Royal et Daniel Vaillant, ont été chassés en novembre dernier
de la manifestation parisienne pour la défense du service public ? Il
convient aussi de ne pas se méprendre sur le sens profond du rapprochement
avec le PS d'une CGT évoluant, elle-même, vers la droite. "
La CGT est devenue un syndicat de négociation et donc un partenaire possible
pour le PS ", analysait logiquement Marisol Touraine, chargée des
affaires sociales au Parti socialiste.
" Je suis celui, répétait François Hollande
depuis des mois, qui a vocation à tourner la page, mais aussi à
écrire la suivante. " Toute sa stratégie s'organisait
autour de cet objectif : continuer sans Jospin. Le " réformisme
de gauche " avancé par les " hollandais " - les anciens
jospinistes - visait précisément à assimiler les réformistes
aux réformateurs
libéraux. La différence avec DSK
et Fabius se limite donc à la précision " de gauche "
aux conceptions " réformistes " développées notamment
par Cambadélis, une broutille si l'on garde en tête l'essentiel
: la référence en la matière est l'expérience du
gouvernement Jospin.
La percée social-libérale n'est nullement surprenante dès
lors que le PS revendique l'exercice du pouvoir. " Nous sommes un grand
parti de réforme, un parti de gouvernement ", claironnait Hollande
dans sa conclusion aux travaux de Dijon, moquant les révolutionnaires
: " c'est toujours la gauche, à notre initiative, qui fait avancer
le progrès et les réformes sociales. Elle est honorable. Car c'est
la confrontation à la responsabilité, à la réalité,
à l'épreuve du pouvoir, quand d'autres choisissent - par posture
ou par dogme, ou en attendant je ne sais quel soir ou quelle nuit qu'ils, finalement,
n'attendent plus depuis longtemps - de se calfeutrer dans la facilité
de l'exhortation ou de la mauvaise conscience. " À l'heure de la
mondialisation les marges de manuvre du réformisme s'épuisent
entièrement, obligeant les prétendants au pouvoir dans le cadre
bourgeois à s'adapter. Le ralliement au réformisme sans réforme
puis du réformisme sans réforme à l'acceptation passive
du social-libéralisme s'explique par le rétrécissement
d'abord, la disparition ensuite, des bases matérielles d'une politique
refusant d'en finir avec le capitalisme. Ce " réalisme " n'est
d'ailleurs pas propre au parti réformiste ; il s'étend au champ
syndical, à l'instar d'une CGT passée maîtresse dans le
discours gestionnaire.
Hollande a incontestablement réussi son double pari. NPS et NM sont confinés
dans un rôle d'opposant, sans perspective sinon celle d'intégrer
la majorité - ce que traduit le vote sur la résolution sur les
retraites. Plus royaliste que le roi, l'inénarrable Mélenchon,
ministre sous Jospin, s'est évertué à la tribune du congrès
à rappeler ses solidarités partisanes. " Je m'amuse de vous
avoir entendus ici ou là me dire que je vous proposais de vous mettre
à la remorque de l'extrême gauche. Pauvres petits ! À la
remorque, moi ? Allons ! Est-ce que c'est mon orientation politique qui a permis
l'émergence de l'extrême gauche ? " Oui, en réalité
Mélenchon s'affranchit un peu rapidement de ses responsabilités,
comme ministre, comme sénateur et comme dirigeant socialiste.
Le Premier secrétaire a surtout réussi à se démarquer
de Jospin tout en reprenant sa politique : Jospin, " c'est une belle référence.
En tout cas, je vous le dis, chers camarades, c'est la mienne ". En bref
: Jospin n'est plus qu'une " référence ", renvoyant
à un passé qu'il s'agit
de faire oublier ! Nécessité
fait loi
Et l'attitude des anciens jospinistes entourant Hollande s'inscrit
dans une longue lignée. Lionel Jospin n'a-t-il pas relancé le
Parti socialiste après les deux septennats de François Mitterrand
en réclamant un droit d'inventaire pour mieux s'affranchir du bilan de
la politique menée et s'exonérer de sa propre responsabilité.
Les DSK, Fabius, Aubry et autres Mélenchon, ministres de Jospin, critiquent
son bilan depuis le désastre du 21 avril seulement ; ils entendent rééditer
l'exploit qui a conduit un des leurs à Matignon en 1997, moins de cinq
ans après la déroute du PS en 1993. D'une certaine façon,
la nouvelle page est déjà écrite. Une victoire socialiste
aboutirait au résultat qu'a connu Jospin.
Miser sur le simple jeu de l'alternance serait pourtant hasardeux. Premièrement,
l'alternance présuppose que le projet du PS se distingue de la droite
! Deuxièmement, et plus fondamentalement, c'est ignorer les leçons
du 21 avril. L'extrême droite peut se présenter comme la force
en compétition avec l'UMP. L'extrême gauche peut offrir une perspective
de lutte et y compris à tous ceux qui ont perdu leurs illusions dans
les formations réformistes, le PS et le PCF, gagnées au social-libéralisme.
La énième mouture d'union de la gauche, que défende l'ensemble
des courants de la gauche plurielle, et en leur sein toutes les sensibilités
organisées, n'offre aucune autre solution que celles qui ont échoué.
Les " forums de la gauche dans tous les départements de France "
ouverts à " tous ceux qui le voudront, les citoyens, les réseaux
et les partis " que le PS préconise en sont la preuve la plus flagrante.
Ils reprennent une " méthode " éculée. Ils marqueront
un peu plus l'incapacité de la gauche unie à apporter des réponses
aux problèmes concrets auxquels le mouvement ouvrier se heurte. Et d'ici
là, les mobilisations contre les projets de la droite auront largement
déblayé le terrain.
Le virage à gauche, ce n'est pas au congrès socialiste qu'il s'est
manifesté la semaine dernière même si le PS a fait semblant
de comprendre. C'est dans les rues. Contre la politique du PS et de ses alliés
communiste et Verts. Personne n'est dupe.
Serge Godard
A propos du premier numéro des Cahiers de critique communiste
Ce premier numéro
a pour thème " Mondialisation et impérialisme " autant
dire qu'il vient à point nommé alimenter la discussion sur le
contenu de la nouvelle période qui s'ouvre, sa place dans l'histoire
du capitalisme, les perspectives nouvelles qui s'en dégagent, les possibilités
et la nécessité du développement du mouvement ouvrier,
de sa renaissance.
En quoi les transformations opérées peuvent-elles être le
point de départ d'un renouveau du mouvement ouvrier, en quoi créent-elles
les conditions objectives d'un nouveau développement révolutionnaire
et d'un nouvel internationalisme ? Certes, ce n'est pas à strictement
parler le thème de ce numéro mais, pour les militants du mouvement
ouvrier, les analyses du capitalisme aujourd'hui doivent éclairer l'avenir
et les perspectives. Et on ne peut que regretter que ce lien ne soit pas assez
souligné, le cadre général se limite trop à une
dénonciation qui ne dépasse pas l'anticapitalisme.
Dommage, d'autant que l'ensemble des contributions apporte des éléments
dont on aimerait pouvoir dégager une cohérence.
Il me semble que cette faiblesse des Cahiers résulte de ce que
l'idée qui saisit la mondialisation comme la transformation du capitalisme
obéissant à une dégradation du rapport de force entre les
classes n'est pas assez prise en compte. Jean-Marie Harribey écrit dans
sa contribution " Mondialisation et écologie : de l'impasse
à l'ouverture " : "Les politiques néolibérales
ont été engagées pour tenter de sortir de la crise de rentabilité
qui avait éclaté à la fin des années 60. Désigné
par le vocable de mondialisation, ce processus de financiarisation donnant un
nouvel élan à la concentration du capital a été
facilité par un rapport de force favorable aux classes bourgeoises qui
ont réussi à imposer partout aux salariés une précarisation
de leurs conditions de travail. "
Cette caractéristique essentielle de la mondialisation mérite
d'être soulignée. Cette dernière n'est pas l'application
d'un modèle libéral, mais bien la logique d'une offensive des
classes dominantes contre les limites que les peuples et les travailleurs avaient
mises à l'exploitation.
Mesurer les transformations accomplies, leurs incidences sur la lutte des classes,
leurs implications sur le programme que nous pouvons avancer dans ces luttes
de classes nécessite d'intégrer dans nos raisonnements cette donnée
essentielle pour caractériser et décrire la mondialisation comme
la résultante d'une offensive de la bourgeoise contre les peuples et
les travailleurs.
Ce qui veut dire situer la mondialisation financière dans " la
courbe du développement capitaliste " : quelles différences,
quelles caractéristiques nouvelles par rapport aux analyses des marxistes
dont celle de Lénine, quelle continuité ?
Cette discussion n'est pas neutre. Elle est au cur du débat dans
le mouvement altermondialiste, puisque les réponses qu'on y apporte définissent
une conception ou réformiste, aujourd'hui le plus souvent désigné
par l'anticapitalisme, ou révolutionnaire même si la délimitation
entre les deux n'est pas toujours aussi nette.
Au moment où les vieux partis réformistes sociaux-démocrates
ou staliniens s'enferment dans le social-libéralisme, la renaissance
du mouvement ouvrier connaîtra bien des pièges ou des erreurs qui
pourraient l'embourber dans les ornières du passé. La façon
d'éviter ces pièges ou ces erreurs ne se trouve dans aucun livre
de politique révolutionnaire mais bien dans un travail méthodique
d'analyse du capitalisme en continuité avec sa critique marxiste révolutionnaire
pour, en corollaire, formuler un programme et une politique pour le mouvement
ouvrier. Il s'agit de formuler et de mettre en oeuvre une politique de classe
pour peser dans le rapport de force et à terme préparer la classe
salariée à sa tâche historique : renverser le capitalisme.
Nous ne voyons pas d'autres " alternatives au règne global
de la marchandise ".
Il me semble que cette perspective globale devrait, dans sa complexité,
sous-tendre nos démonstrations pour donner une compréhension globale,
historique de nos tâches, des arguments de critiques du capitalisme comme
des échecs des tentatives de le réformer, de réguler l'économie
de marché.
Il y a un vaste travail de reformulation des conceptions marxistes, de leur
popularisation.
A la base de l'analyse de la marchandise, il y a une notion qui est née
avec la marchandise elle-même puisqu'elle date de l'antiquité,
plus précisément d'Aristote, c'est la différenciation entre
valeur d'usage et valeur d'échange. Marx l'a développée
avec la théorie de la valeur qui définit la valeur d'échange
d'une marchandise comme le temps de travail socialement nécessaire à
sa production.
La théorie de la valeur de Marx est le fil à plomb de toute analyse
de l'économie de marché parce que, par delà les mystifications,
les illusions de la monnaie et du crédit, des spéculations, elle
renvoie à la réalité concrète de la production et
des rapports de classes qui s'y organisent, les rapports d'exploitation.
Mettre en exergue
les contradictions
L'ensemble de nos analyses se situe du point de vue des exploités, des
opprimés. C'est ce point de vue qui fonde notre objectivité, c'est-à-dire
considérer les questions sociales et politiques en fonction des intérêts
de l'humanité toute entière.
Nous voulons mettre en uvre une politique qui serve les intérêts
de la grande majorité de la population. La question est : comment ? Elle
se précise dans deux autres questions : quelles leçons nous tirons
de la faillite social-libérale des partis ex-réformistes ? En
quoi la mondialisation financière et impérialiste vide de tout
contenu le réformisme ?
La première question n'est pas l'objet de ce premier numéro des
Cahiers, la deuxième en est, de fait, pour nous, le contenu.
De ce point de vue, les choses mériteraient plus de clarté.
Ainsi Michel Husson écrit : " L'une des tâches prioritaires
du mouvement ouvrier est d'intégrer cette dimension internationale nouvelle.
Il n'est pas hors de sa portée d'engager une lutte résolue pour
contrer l'offensive d'un Etat bourgeois donné et lui imposer d'autres
" critères ", et en particulier une nouvelle " régulation
" du marché du travail garantissant les intérêts des
travailleurs. Mais cette lutte sera d'autant plus puissante qu'elle pourra être
étendue à un cadre plus large que l'Etat-nation, au moins européen,
voire mondiale. "
Certes, il n'y a aucune fatalité, nous sommes bien d'accord, tout se
joue au niveau des rapports de forces entre les classes. Et ce rapport de force
ne peut pas se construire qu'à l'échelle nationale. S'il s'agit
de dire que les salariés peuvent modifier ce rapport de force en leur
faveur, oui, si cela veut dire que, par exemple, les luttes en Autriche ou en
Allemagne sur les retraites renforcent notre propre combat ici, bien évidemment.
Mais s'il s'agit de dire qu'il serait possible d'inverser le rapport de force
en faveur des salariés à long terme sans transformation politique
de fond remettant en cause cet " Etat bourgeois ", il y a là
plus qu'une ambiguïté.
" Il est de plus en plus clair, écrit Michel Husson
un peu plus loin, que ce sont les exigences irrationnelles du système
capitaliste qui font obstacle aux aspirations de l'humanité ; c'est dans
cette contradiction, de plus en plus flagrante, que réside la possibilité
de fonder un anticapitalisme contemporain. C'est pour cette raison aussi que
tout anti-impérialisme conséquent doit aujourd'hui être
un anticapitalisme mettant en uvre une double rupture articulée
: avec le marché mondial, évidemment, mais aussi, à l'intérieur,
avec la loi du profit et des inégalités. "
Pour les marxistes, l'anticapitalisme ne saurait constituer un programme. Nous
savons que l'on ne peut rompre avec la loi du profit qu'en rompant avec la domination
politique et sociale de la bourgeoisie, c'est pourquoi notre programme est celui
du socialisme et du communisme, d'une transformation révolutionnaire
de la société. L'anti-impérialisme ne saurait se réduire
à une rupture avec le marché mondial, rupture au demeurant impossible.
La mondialisation dans ce qu'elle a de phénomène objectif lié
au développement des nouvelles technologies, des échanges, entraînant
une nouvelle division internationale du travail rend impossible cette rupture
avec le marché mondial qui, si elle devenait une réalité,
serait réactionnaire.
Notre internationalisme, ce n'est pas la rupture avec le marché mondial,
mais la prise de conscience que le développement de la production et
des échanges créent les conditions objectives d'une lutte commune
par delà les frontières. Notre internationalisme est d'uvrer
à l'émergence d'une conscience de classe internationale en rupture
avec toutes les politiques laissant croire qu'il pourrait y avoir satisfaction
des besoins des populations sans s'en prendre directement à la propriété
bourgeoise, c'est-à-dire à la finance, sans expropriation. Toute
révolution aura aujourd'hui pour cadre le marché mondial.
Michel Husson poursuit " On connaît les principaux éléments
d'un programme de développement : il faut donner la priorité à
la satisfaction des besoins du plus grand nombre, dénoncer la dette,
organiser la réforme agraire, réorienter les ressources vers le
marché intérieur et contrôler le commerce extérieur,
répartir les revenus de manière plus égalitaire, mettre
en uvre une réforme fiscale. Sur chacun de ces points, on voit
qu'un tel programme s'oppose aux intérêts des bourgeoisies locales. "
Qui peut mettre en uvre ces mesures ? Sont-elles applicables sans un programmes
visant à exproprier les expropriateurs ? Comment contrôler le système
financier et les banques ? Est-ce l'Etat bourgeois qui pourrait le faire ? Un
autre Etat ?
Nos réponses à ces questions n'ont pas à craindre d'aller
au-delà de l'anticapitalisme pour formuler une perspective révolutionnaire,
c'est-à-dire dont l'issue dépend de la capacité des opprimés
à s'ériger en classe dominante.
Surmonter l'éclectisme
en traçant une perspective démocratique et révolutionnaire
Dans leur contribution, Gérard Duménil et Dominique Lévy
écrivent : " Le cours du néolibéralisme suscite
nécessairement des résistances de la part de ceux qui en ont le
plus souffert. Les luttes et manifestations électorales d'humeurs antinéolibérales
dans la périphérie rejoignent les mouvements luttant pour une
autre mondialisation ou luttant contre la guerre. Ces luttes créent un
nouvel espoir mais auront beaucoup de mal à surmonter leur éclectisme. "
Pourquoi ? N'ont-elles pas un commun dénominateur ? Pourquoi ne pourraient-elles
pas s'unir à travers une nouvelle conscience de classe, une nouvelle
solidarité ? Notre tâche collective n'est-elle pas de formuler
les réponses politiques par la critique de l'impérialisme libéral
permettant d'unifier la conscience des plus larges masses dans une volonté
de contestation sociale radicale ? Nous ne sommes pas condamnés à
décrire la force de nuisance de l'adversaire sans imaginer par quelle
faille, à travers quelle contradiction les masses pourraient s'engouffrer.
Le mouvement antiguerre, comme les luttes pour le retrait du projet Fillon indiquent
à travers quelles expériences, à travers quelles luttes
se forge cette nouvelle conscience démocratique et révolutionnaire.
Claude Serfati nous indique avec beaucoup de clarté une des contradictions
du capitalisme qui apparaît à nu et qu'il résume ainsi :
" Plus le capital financier réussit à conforter et
à étendre sa logique, et plus le besoin de la force armée
grandit. " Là est la faiblesse du libéralisme impérialiste
qui a besoin d'un renforcement de l'Etat et du militarisme.
Le capitalisme de la rente financière a atteint un tel degré de
parasitisme au détriment des peuples et des travailleurs qu'il exige
un renforcement de l'Etat alors que son internationalisation même conteste
les Etats nationaux.
De cette contradiction résultent mille facteurs de crise en particulier
en Europe. Plus la concurrence internationale pousse à l'unification
politique de l'Europe, plus les intérêts de chaque Etat sous les
effets de cette même concurrence s'y opposent. Le dénouement de
cette contradiction appartient aux classes populaires et à elles seules.
Dans sa contribution intitulée " L'impérialisme français,
maillon faible ou supplétif ? " Gustave Massiah décrit,
en en faisant l'historique, les faiblesses et contradictions de l'impérialisme
français qui n'a plus les moyens de ses prétentions comme viennent
de le démontrer les contorsions de Chirac sur la scène diplomatique
pour négocier la place de la France dans le dépeçage de
l'Irak. Il apparaît qu'entre la soumission aux intérêts de
l'impérialisme dominant et l'intégration dans un nouvel impérialisme
européen, la seule voie que l'impérialisme français a devant
lui est celle de la crise.
Le mouvement ouvrier, loin de redouter cette crise, devrait l'anticiper, s'y
préparer pour apporter ses propres réponses.
Une autre Europe de la démocratie et de la paix ne pourra naître
que de bouleversements révolutionnaires qui sont en gestation au cur
même du maillon le plus faible.
Des mutations
qui préparent une nouvelle révolution
Les contradictions de l'impérialisme libéral que nous décrivent
les différentes contributions sont la conséquence du développement
des contradictions du capitalisme à un niveau jamais atteint jusqu'alors.
Le terme de la mondialisation voudrait évacuer le fait que, comme l'écrivent
Duménil et Lévy, " le moteur de cette politique de
domination est la lutte de classe ". Le terme se veut neutre mais il
souligne un des changements fondamentaux qu'entraîne la dernière
phase de développement du capitalisme. L'idée de révolution
mondiale qui apparaissait comme une vue de l'esprit d'une minorité trotskyste
prend un contenu objectif très concret. C'est le développement
même du capitalisme et en particulier le désastre écologique
qu'il provoque qui pose la question d'une " gouvernance mondiale
". Il pose la question mais est bien incapable d'y apporter une réponse
autre que la domination de l'hyperpuissance américaine rejetée
par les peuples.
" La mutation décisive apportée par le capitalisme
est d'avoir aboli les frontières " écrit Jean-Marie
Harribey. Il souligne une des tendances essentielles du développement
capitaliste, saper les bases mêmes de sa domination quoiqu'il anticipe
sur les conséquences de cette tendance. Là encore, le capitalisme
reste enfermé dans ses contradictions. Incapable de les dépasser,
il menace le monde de déchaînements nationalistes qui prendraient
un masque à prétention universelle en se revendiquant d'un messianisme
religieux. Ce nationalisme à prétention mondialiste de l'hyperpuissance
trouve tout naturellement dans le messianisme religieux son idéologie.
Les propos de Bush en sont les premières manifestations.
Michel Husson dénonce " cette manière de présenter
la mondialisation comme un mécanisme inexorable " qui entraînerait
" un sentiment d'impuissance ". Il écrit " L'enjeu
de cette discussion est évident. En effet, si l'on pense que les forces
du marché s'imposent désormais à des Etats à peu
prés impuissants, alors il est vain de s'adresser à eux et, dans
ces conditions, mieux vaut se résigner à l'impossibilité
d'une autre politique ". N'y aurait-il pas d'autre voie que celle des
illusions ou de la résignation ? La lucidité ne signifie pas la
résignation. Du point de vue des intérêts des classes dominantes,
la politique des Etats est inexorable. Une autre politique ne peut être
que le résultat de la pression de la classe salariée, pression
dont les résultats ne peuvent être qu'éphémères
sauf de contester cet Etat et le droit de la bourgeoisie à diriger la
société.
Une des conséquences du parasitisme financier est que les exigences des
classes dominantes limitent de plus en plus les droits tant sociaux que démocratiques
pour les classes opprimées. La mondialisation financière est organiquement
liée, comme le démontre Claude Serfati, à la mondialisation
militaire, elle se conjugue dans une même politique sécuritaire
contre le monde du travail.
La lutte pour les droits sociaux comme la lutte contre la guerre est une même
lutte contre le capitalisme qui débouche sur la lutte pour les droits
démocratiques, le droit de la population à contrôler la
marche de la société.
C'est cette réalité des nouveaux rapports de classe qui façonne
la conscience des travailleurs et des peuples, leurs propres intérêts
sont incompatibles avec ceux des classes dominantes.
Il n'y a plus de place pour les illusions réformistes.
C'est là sans aucun doute la conséquence la plus profonde et la
plus radicale de la mutation capitaliste, la plus porteuse d'espoir.
Le premier numéro des Cahiers de critique communiste le démontre
abondamment sans, malheureusement, pousser les raisonnements jusqu'à
leur conclusion logique : assumer la continuité des idées du socialisme
et du communisme pour formuler un nouveau programme révolutionnaire sans
s'arrêter au milieu du gué, à l'anticapitalisme.
Yvan Lemaitre