Côte
d'Ivoire : une seule force d'intervention de paix et de progrès, celles
des travailleurs et des peuples
Le
10ème Sommet de la francophonie s'est ouvert les 26 et 27 novembre à
Ouagadougou, capitale du Burkina Faso sur le thème : " un
espace solidaire pour un développement durable " en présence
d'une trentaine de chefs d'Etat. L'Organisation de la francophonie, mise en
place dans les années 70 par les pays des anciennes colonies françaises,
regroupe les pays les plus pauvres comme le Burkina Faso classé 175è
sur 177è par l'ONU et les plus riches dont la France, le Canada, la Belgique,
la Suisse.
En fait, Le Sommet a pour objectif d'assurer à Chirac une légitimité
dans l'intervention française en Côte d'Ivoire pour la défense
des intérêts économiques de l'ancienne puissance coloniale.
Ce soutien lui est assuré d'avance ; Kofi Annan, le secrétaire
général de l'ONU, a déclaré dès son arrivée
qu'il faut " suivre les accords de Marcoussis et d'Accra ",
ce à quoi, le ministre délégué à la Coopération,
Xavier Darcos, a surenchéri : " notre intérêt,
c'est que ce soient les instances internationales qui fassent pression, notamment
l'Union africaine ".
Laurent Gbagbo, le dictateur ivoirien aujourd'hui déclaré ennemi
public n°1, a fait le choix de ne pas se rendre à Ouagadougou pour
participer à ce Sommet acquis au maintien de la domination française
du fait même des liens tissés au fil des années entre les
ex-puissances colonisatrices et les pays ex-coloniaux.
Ce qui est à l'ordre du jour pour la France c'est la tentative de maintenir
ses intérêts économiques dans son ancien pré-carré
africain alors même que la concurrence des Etats-Unis s'impose, contestant
à l'impérialisme français devenu impérialisme de
seconde zone, son hégémonie dans la région.
Chirac s'est assuré le soutien de l'ONU, mettant ainsi en pratique ses
conseils à Bush lors du conflit irakien, du Parti socialiste toujours
soucieux de l'union nationale derrière l'armée française
et responsable devant la bourgeoisie et
du colonel Kadhafi, dictateur
libyen auquel il avait rendu visite la veille.
" La France connaît bien l'Afrique, elle y a des intérêts
et des amis " lui a-t-il déclaré en renouant avec
ce pays qui a prévu de doubler sa production de pétrole dans les
cinq ans à venir.
Une illustration comme quoi les ennemis d'hier peuvent devenir les amis d'aujourd'hui,
et vice-versa !
Chirac a feint de s'indigner sur la nature du régime ivoirien pour justifier
le renforcement des troupes en Côte d'Ivoire de l'opération baptisée
Licorne, en ayant déclaré, " nous ne voulons pas
laisser se développer une situation pouvant conduire à l'anarchie
ou à un régime de nature fasciste ". Mais, si le
même Gbagbo, l'ami d'hier et dictateur de toujours, dont le parti, le
FPI (le Front populaire ivoirien) est membre de l'Internationale socialiste,
est devenu peu fréquentable, c'est avant tout parce qu'il n'est plus
capable d'assurer l'ordre. Et, qui plus est, par démagogie, il se propose
d'ouvrir le marché ivoirien aux intérêts américains
Une
intervention française pour le contrôle de richesses
contesté
par la mondialisation et les Etats-Unis
Depuis la conquête coloniale, l'armée française n'a jamais
quitté la Côte-d'Ivoire. La décolonisation s'y est faite
" par le haut ", grâce à la docilité,
de 1960 à sa mort en 1993, du dictateur Houphouët-Boigny vis-à-vis
des intérêts français. A tel point que la Constitution de
la Côte d'ivoire indépendante fut rédigée à
Paris dans un bureau de l'Assemblée nationale, sous la tutelle d'un certain
François Mitterrand, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Ainsi, la France s'assurait le contrôle de l'économie et de la
monnaie, le franc CFA, avec des investissements qui permettaient le rapatriement
des bénéfices en métropole sans avoir à acquitter
taxes et impôts. Houphouët-Boigny, à la tête d'un régime
de parti unique, emprisonnait, torturait, assassinait les opposants, réprimait
les manifestations sans que la puissance de tutelle n'y trouve à redire.
A la mort du vieux dictateur, les clans politiques rivaux qui se sont battus
pour le pouvoir en prenant les populations en otage ont bénéficié
tour à tour, ou en même temps, du soutien français. Lorsque
la notion d' " ivoirité " a été introduite
dans la Constitution en 1994 pour écarter un des prétendants au
pouvoir, ce concept raciste et xénophobe n'a pas soulevé de tollé
à Paris.
L'essentiel est la préservation des intérêts des multinationales
françaises. Bouygues pour les chantiers de construction et la distribution
de l'eau ; Bolloré pour les transports, secteur décisif pour
les exportations, avec le contrôle du port d'Abidjan, le plus important
de la région, et de l'unique chemin de fer ; EDF, France-Télécom,
Saur
Quant à la Société générale, la
BNP, le Crédit Lyonnais, etc, ils ont la main-mise sur le secteur bancaire
décisif du fait que l'économie ivoirienne représente 40 %
du PIB de l'Afrique de l'Ouest. 75 % de la richesse produite sur place
est rapatriée en France, par le biais de relations vénales qui
reposent sur l'institutionnalisation de la corruption et appauvrissent toute
la population.
Il est vital pour la classe politique française, de droite comme de gauche,
de garantir la pérennité de profits exorbitants à ses multinationales.
Laurent Gbagbo, qui s'est auto-proclamé président vis-à-vis
de son rival, le général Gueï, en octobre 2000 dans des élections
largement contestées, a décidé de lancer des appels d'offres
internationaux qui ont déjà évincé moult sociétés
françaises au profit de groupes américains ou canadiens. Et cette
politique qui est un des moyens pour lui de se maintenir au pouvoir vis-à-vis
de ses nombreux concurrents, pourrait faire des dégâts supplémentaires
du fait que la plupart des contrats des sociétés françaises
arrivent à terme en 2004.
Jusqu'à la Chine qui a obtenu en 2003 le marché de la construction
d'un troisième pont à Abidjan au détriment de Bouygues.
A l'heure de la mondialisation qui ouvre tous les marchés et sape les
bases des vieilles relations de domination, il est impossible pour la France
de maintenir ses relations néo-coloniales avec la Côte d'Ivoire,
alors même qu'elle les a déjà perdues par rapport à
d'autres pays africains.
Alors, ce n'est sûrement pas pour des raisons humanitaires, comme la presse
et tous les responsables politiques le proclament, que l'impérialisme
français intervient.
L'armée n'est pas là pour sauver les ressortissants, pas plus
que pour séparer les belligérants en présence dans un pays
coupé en deux
de par la responsabilité de l'opération
Licorne.
Solidarité
avec la population ivoirienne !
En 2002, Chirac, dans la continuité de la politique de De Gaulle et de
Mitterrand, a envoyé une force armée de 3000 soldats de l'opération
Licorne pour prendre pied dans une ligne de cessez-le-feu entre le nord et le
sud. Ce déploiement militaire dans un " couloir économique "
qui consacre une véritable partition du pays permet d'assurer l'acheminement
du cacao, -dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial-, vers
les ports pour que les affaires continuent, malgré la guerre civile.
Son rôle soi-disant pacificateur ne fait que jeter de l'huile sur le feu.
Les partisans de Gbagbo au sud, enrôlés dans des milices, les " patriotes ",
défilent avec écrit sur leurs tee-shirts, " Xénophobe,
et alors ? " et portant des pancartes " les Français
dehors, les Américains dedans " ; ils font régner
la terreur dans la capitale, Abidjan. Ils proclament au nom du principe de " l'ivoirité "
une politique de purification ethnique insupportable. Leur démagogie
anti-impérialiste s'appuie certes sur des sentiments légitimes
de la population, la haine de l'oppression coloniale, mais ce n'est que pour
mieux la dévoyer.
Au nord et à l'ouest, les milices de chefs de guerre, les Forces nouvelles,
soutenues par le Burkina Faso et le Libéria, font régner leur
loi dans la ville de Bouaké.
C'est dans la pure tradition colonialiste que le ministre français des
Affaires étrangères, de Villepin, convoque à Paris, à
Marcoussis, en janvier 2003, les parties en présence pour négocier
un accord qui ne lèse pas les intérêts français.
Il fait décider et reconnaître par les instances internationales
un " accord " comme quoi Laurent Gbagbo restera président
et que Seydou Diarra, lié aux forces du nord, deviendra Premier ministre.
Gbagbo rentré en Côte d'Ivoire, déclare : " oui
à l'esprit des accords de Marcoussis, mais non à la lettre des
dits accords ".
La situation continue à s'envenimer sur place entre les cliques se disputant
le pouvoir. Le peuple ivoirien, composée de 80 populations cohabitant
de par le rapport de forces imposé par le partage impérialiste,
et dont 33 % de la population active est d'origine étrangère,
accepte de plus en plus difficilement cette ingérence post-coloniale.
D'autant que depuis les années 80, le cours des matières premières
fixé par quelques pays riches s'est effondré, ruinant les petits
producteurs de cacao et de café. Fin 1993, la dévaluation du franc
CFA de 50 % a réduit de moitié les salaires. Alors que le
pays produit 40 % de la production mondiale de cacao, occupe la troisième
place mondiale pour la production de café, la détresse de la population
est croissante.
En maintenant avec brutalité la présence de l'armée, l'impérialisme
français affirme son droit à piller les richesses pour le plus
grand bénéfice des trusts, au mépris non seulement de la
population ivoirienne mais aussi de la vie des soldats comme des ressortissants
français.
Et ce sont ces " accords " de Marcoussis que le Sommet de
la francophonie tente à nouveau d'imposer.
La Côte d'Ivoire est victime du pillage impérialiste qui est responsable
de la situation de la population et de l'état de guerre civile actuel.
Une force d'interposition africaine serait-elle en mesure de résoudre
un tant soi peu la situation ? On ne peut que s'interroger sur la confiance
qu'il serait possible d'accorder à une force d'interposition placée
sous la responsabilité de l'ONU qui a été jusqu'ici impuissante
à protéger le peuple, en Afrique comme ailleurs. L'intervention
de pays se réclamant de la " francophonie " peut-elle
être une garantie que les droits démocratiques et sociaux seraient
pris en compte ? Comment ces régimes corrompus et leurs armées,
manipulées par leurs commanditaires, pourraient-ils protéger les
populations des massacres ?
L'Europe a des responsabilités écrasantes vis-à-vis de
l'Afrique qu'elle a plongée dans une catastrophe sociale. Au lieu d'être
porteuse de paix, de démocratie, cette Europe née directement
de l'Europe coloniale engendre une situation inextricable pour les populations.
Ce dont il est question aujourd'hui, c'est de l'intervention directe des peuples
et des travailleurs, en Afrique, mais aussi ici, pour sortir le monde des conflits
sans issue qu'entretiennent les survivances de la domination coloniale comme
les ravages du néo-colonialisme financier.
La seule force d'intervention qui peut aider les populations, apporter la démocratie
en en finissant avec le pillage impérialiste, c'est la force d'intervention
des travailleurs et des peuples.
Valérie
Héas
Le
Proche-Orient après la victoire de Georges W. Bush
Les Palestiniens dos au mur
Les
funérailles de Yasser Arafat à Ramallah n'étaient pas encore
achevées que Georges W. Bush indiquait qu'il y avait désormais
" de grandes chances d'établir un État palestinien ".
Lors d'une conférence de presse commune avec Tony Blair, le 12 novembre,
Bush, fraîchement réélu à la Maison Blanche, a informé
que sa nouvelle administration aiderait les dirigeants palestiniens à
créer les structures d'un État " démocratique,
indépendant et viable ".
Bush le va-t-en-guerre se donne jusqu'en janvier 2009 - date à laquelle
s'achèvera son second mandat - pour y parvenir, et instaurer une
paix durable au Proche-Orient : " [
] j'ai l'intention
d'employer les quatre prochaines années à dépenser le capital
des États-Unis sur un tel État. ", a-t-il précisé.
L'objectif n'est pas nouveau, comme les moyens invoqués pour débloquer
les relations israélo-palestiniennes.
Le communiqué américano-britannique que la Maison Blanche a diffusé
à l'issue de la visite du Premier ministre britannique reprend " la
vision globale [
] énoncée par le président Bush dans
sa déclaration du 24 juin 2002 et figurant dans la Feuille de route ",
et qui était restée jusque-là lettre morte, malgré
l'appui de l'Union européenne, de la Russie et de l'ONU à la démarche
étatsunienne. Pour mémoire, à l'époque, Bush évoquait
la création d'un État palestinien en
2005.
Le processus de paix entamé à Madrid en octobre 1991 et concrétisé
par la déclaration de principes d'Oslo en septembre 1993 traçait
lui aussi la perspective d'un État palestinien ; et il fixait également,
comme préalable à toute avancée dans le règlement
du conflit israélo-palestinien, l'arrêt des violences
côté
palestinien.
Le secrétaire d'État américain démissionnaire, Colin
Powell, a d'ailleurs martelé cette obligation lors de sa tournée
d'adieux au Proche-Orient : " Ce que nous voulons, c'est que
la nouvelle direction palestinienne fasse la chasse aux terroristes, se prononce
contre le terrorisme et utilise ses forces de sécurité pour poursuivre
ceux qui se livrent à des actes de terrorisme ".
Une
décennie de recul de l'Autorité palestinienne
La politique défendue par Washington ne peut qu'enfoncer un peu plus
la région dans le chaos, à commencer par les territoires occupés
où la disparition de Yasser Arafat ravive les tensions entre les différentes
factions, et ce, sans qu'émerge de courant lutte de classe à même
de contester l'emprise des islamistes sur les masses pauvres.
La mort du raïs, avec lequel George W. Bush avait refusé de négocier
lors de son premier mandat, représenterait une " nouvelle opportunité " :
c'est l'argument repris en boucle depuis l'annonce du décès du
président de l'Autorité palestinienne le 11 novembre dernier - d'aucuns
évoquent même une " nouvelle ère ".
La communauté internationale accuse, en effet, Yasser Arafat d'avoir
saboté le sommet de camp David en juillet 2000 et torpillé les
négociations israélo-palestiniennes que Bush cherchait à
relancer au printemps 2003.
C'est prêter au président de l'Autorité palestinienne un
rôle qui n'est pas le sien.
Oui, le vieux leader de l'Organisation de libération de la Palestine
(OLP) symbolise la lutte du peuple palestinien pour la reconnaissance de ses
droits et la résistance à l'occupation israélienne de la
Cisjordanie et de Gaza depuis 1967. Mais le refus de Yasser Arafat de transiger
en 2000 devant les prétentions du travailliste Ehoud Barak ne peut masquer
le rôle d' " Abou Ammar " dans le soi-disant processus
de paix amorcé après la première guerre du Golfe.
Jusqu'au sommet de camp David, Arafat a lâché, les unes après
les autres, les concessions que les dirigeants israéliens et occidentaux
cherchaient à lui arracher ; à maintes reprises, il a même
préféré négocier avec les impérialistes,
et sauvegarder les intérêts de la bourgeoisie palestinienne, plutôt
qu'entraîner les masses des pays arabes de la région et déstabiliser
les régimes en place, comme en Jordanie en 1970 ou au Liban en 1975.
En réalité, " Abou Ammar " est revenu sur
la revendication essentielle de son peuple, en acceptant à Oslo un embryon
d'État morcelé en plusieurs territoires isolés. La création
de l'Autorité palestinienne n'impliquait nullement la création
d'un État, ni même simplement l'arrêt de la politique d'annexion
conduite par les gouvernements israéliens, de droite comme de gauche
d'ailleurs.
Arafat a su s'accommoder des desiderata des grandes puissances mondiales ou
régionales, on le voit ; et y compris si cela allait à l'encontre
des intérêts des masses pauvres qui voyaient en lui - et continuent
à voir en lui - le défenseur de leur cause.
Mais à camp David, le Premier ministre israélien entendait conserver
10 % de la Cisjordanie sans que ne soit jamais reconnue la souveraineté
palestinienne sur les quartiers arabes de Jérusalem et le mont du Temple ;
de surcroît, le travailliste comptait limiter le retour des réfugiés
à quelques milliers de Palestiniens au mieux - et encore sous le
contrôle israélien : en 2000, le raïs pouvait d'autant
moins accepter les conditions de Barak qu'aucune garantie n'était donnée
sur la création d'un État palestinien.
Il y a dix ans, l'accord d'Oslo avait valu le prix Nobel de la paix à
Itzhak Rabin, Shimon Pérès et Yasser Arafat ; sur le terrain,
les masses palestiniennes désarmées en payent toujours le prix.
L'occupation israélienne et l'expansion des colonies ont redoublé
en effet. Depuis 1967, les colons israéliens se sont emparés de
42 % des meilleures terres de Cisjordanie et de la bande de Gaza. En une
décennie, le nombre de colons en Cisjordanie est passé de 100 000
à 200 000. Et la situation du prolétariat palestinien se
dégrade : le chômage voisine les 25 % ; la moitié
de la population vit sous le seuil de pauvreté. Pas moins de 1 500
maisons auraient été détruites par l'armée israélienne
uniquement dans la ville et le camp de Rafah situés près de la
frontière égyptienne, depuis le déclenchement de la deuxième
Intifada en septembre 2000.
Et Sharon - auquel Bush consacre un véritable culte selon les observateurs
internationaux - compte pousser l'avantage offert par la politique agressive
des États-Unis dans le Grand Moyen-Orient, sous couvert d'un processus
unilatéral de retrait de 8 000 colons israéliens d'ici à
la fin 2005. Le vote a été acquis à la Knesset grâce
au renfort des troupes travaillistes de Shimon Pérès. Une fois
de plus, l'union sacrée se noue contre le peuple palestinien entre les
frères ennemis que sont Sharon et Pérès.
que
les impérialistes entendent prolonger
Depuis le 11 septembre, l'administration Bush tente d'imposer tout azimut ses
solutions réactionnaires, profitant d'un rapport de force qui n'a cessé
de se dégrader pour les opprimés du Proche et du Moyen-Orient
depuis 1991. L'Afghanistan a été le théâtre des premières
opérations. L'Irak a suivi. Le Proche-Orient est une des zones où
va probablement se concentrer dorénavant l'attention de Washington :
c'est un foyer de tension permanente ; y apporter un semblant de stabilité,
même précaire, renforcerait, un peu plus encore, la mainmise des
États-Unis sur les champs pétrolifères de la région.
En 1993, il s'agissait pour les dirigeants des Etats-Unis et leurs alliés
européens et israéliens de mettre fin à la première
Intifada née dans le camp de Jabaliyah, à Gaza, en décembre
1987 ; aujourd'hui, les impérialistes tentent de désamorcer
la deuxième Intifada relancée après la parade d'Ariel Sharon
sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem en septembre 2000 :
le nombre de morts depuis le début de l'Intifada Al-Aqsa dépasse
les quatre mille, dont plus de trois mille Palestiniens et près de mille
Israéliens. Le terrorisme d'État israélien alimente logiquement
le terrorisme des Palestiniens contre Israël ; les attentats aveugles
contre les civils israéliens renforcent en retour la cohésion
des travailleurs juifs avec leur propre bourgeoisie contre les travailleurs
arabes.
Au désastre humain s'ajoute celui des économies palestinienne
et israélienne. À Gaza, la détérioration des conditions
de vie des masses pauvres et l'absence de perspective jettent de nombreux jeunes
dans les bras des groupes islamistes, le Hamas et le Jihad islamique, qui répliquent
aux attaques israéliennes par des attentats-suicides. La situation en
Israël n'est guère enviable, notamment pour les Israéliens
d'origine arabe. Et les investissements massifs dans les colonies sont un fardeau
de moins en moins assumable pour la bourgeoisie locale
Décidée à contourner le président de l'Autorité
palestinienne - Arafat étant accusé par Bush d'encourager
les attentats -, l'administration étasunienne avait engagé
au printemps 2003 les pourparlers avec Mahmoud Abbas, alias Abou Mazen, le Premier
ministre palestinien de l'époque, sans succès : reclus à
Ramallah, dans son bunker à demi ruiné de la Mouqata'a, Yasser
Arafat avait eu le dernier mot dans le bras de fer l'opposant à son Premier
ministre, le leader de l'Autorité palestinienne contraignant Mahmoud
Abbas à la démission en septembre 2003.
À l'évidence, la disparition d'Arafat remet Abbas au premier plan,
nullement la paix.
" Je pense que la responsabilité pour arriver à la
paix va dépendre du désir des Palestiniens de bâtir une
démocratie et de la volonté d'Israël de les y aider ",
a relevé le locataire de la Maison Blanche ; sachant que le communiqué
de Bush et Blair à la mi-novembre se félicite du plan d'Ariel
Sharon " relatif au désengagement de Gaza et de zones précises
de la Cisjordanie ", on comprend que c'est aux Palestiniens de
faire la preuve de leur volonté de déboucher sur un accord. Et
dans le sillage de Bush, Ariel Sharon réclame de Mahmoud Abbas - le
nouveau chef de l'OLP - et d'Ahmed Qoreï - maintenu Premier ministre -
" une guerre sans merci " contre le terrorisme.
L'impérialisme américain fait reposer - par avance -
le poids d'un éventuel échec du processus de négociations
sur les épaules des Palestiniens. La balle est dans le camp de l'Autorité
palestinienne. Et elle est explosive !
L'imposture est totale. Le projet de Sharon sur lequel s'appuient Bush et Blair
est une nouvelle escroquerie qui pourrait se retourner contre lui. D'un côté,
il limite le retrait israélien des territoires occupés à
8 000 colons établis dans la bande de Gaza et dans quatre colonies
mineures du nord de la Cisjordanie. Les colons israéliens sont quelques
milliers sur cet étroit territoire peuplé d'un million et demi
de Palestiniens, obligeant la présence coûteuse pour sécuriser
les implantations de quatre militaires israéliens pour un colon. D'un
autre, il renforce la colonisation de la Cisjordanie où se sont établi
250 000 colons juifs : la construction du soi-disant " mur
de sécurité " symbolise ce projet d'un État
apartheid, qui cantonne les Palestiniens dans des espaces isolés les
uns des autres et sans moyens de communication entre eux. À plus ou moins
long terme, ils pourront être intégrés par l'occupant au
territoire israélien. Ce sont 4 000 logements de colons qui seraient
actuellement en cours d'édification sur ce territoire.
S'il voit le jour, le plan de partitionnement engagé par Sharon ne laisserait,
en tout et pour tout, à l'Autorité palestinienne qu'environ 10 %
de ce qu'était à l'origine le territoire de la Palestine sous
le mandat britannique. Il redessinerait la carte, contraignant nombre de Palestiniens
à quitter leur terre, sinon à se trouver séparés
du reste de la Cisjordanie.
La viabilité d'un État palestinien est à peu près
nulle dans ces conditions. Porter la revendication de deux États, ce
serait prêter aux bourgeoisies israélienne et palestinienne un
caractère progressiste qu'elles n'ont pas. La seule issue réside
dans les classes ouvrières israélienne et palestinienne. Un retour
au programme de la révolution permanente est un passage obligé
Encourager
une perspective ouvrière
Faire tomber ce mur surplombant la ligne de classe et la niant entièrement,
c'est la perspective que doivent relever tous les militants ouvriers et révolutionnaires
de la région. Toute solution progressiste paraît aujourd'hui hors
de portée, faute précisément de courants de part et d'autre
défendant une orientation indépendante de la bourgeoisie, et d'abord
rompant avec la leur. Le projet sioniste, comme celui de la bourgeoise palestinienne,
est sans avenir.
La lutte de libération du peuple palestinien n'a pas de solution viable
sous le capitalisme. Défendre la perspective de l'émancipation
nationale oblige à changer, et de cadre et d'échelle, de se placer
sur le terrain de la révolution.
Bush et Sharon misent sur l'équipe qui a succédé à
Arafat. Les masses n'ont rien à attendre d'eux. Le processus électoral
qui désignera le remplaçant élu d'Arafat le 9 janvier prochain
n'aura guère de conséquence positive, de la même façon
que celui organisé, à la même époque, en Irak. Les
groupes islamistes qui se renforcent face au terrorisme d'État d'Israël
et qui gangrène l'Autorité palestinienne ne sont pas plus un recours.
Leur intégration au pouvoir palestinien ou leur victoire face aux successeurs
d'Arafat marquerait un nouveau recul pour la classe ouvrière, et d'abord
pour les femmes.
Il n'est absolument pas certain que l'autorité des nouveaux hommes forts
de l'OLP, déjà contestée dans leur propre camp, suffise
pour faire avaliser au peuple palestinien les nouvelles concessions exigées
par les impérialistes ; de la même façon, il n'y a pas de
fatalité au développement des courants islamistes qui, pendant
des décennies, n'ont tenu qu'un rôle marginal.
Avoir confiance dans le prolétariat et son programme, miser sur sa force
et sa détermination : c'est la solution la plus crédible pour
une issue progressive pour l'ensemble des masses du Grand Moyen-Orient, une
fédération socialiste des peuples du Proche et du Moyen-Orient
!
Serge
Godard
L'agenda
de Lisbonne à mi-parcours :
Mars 2000, l'UE social-libérale met en selle l'offensive libérale
actuelle
Le renouvellement
de la Commission européenne, suite aux élections de juin 2004,
devait être l'occasion de réaffirmer, avec une certaine solennité,
les objectifs de l'agenda de Lisbonne, définis au sommet européen
qui s'était tenu en mars 2000 au Portugal. C'est là que les Quinze
Etats de l'Union européenne avaient décidé de faire de
l'économie de l'UE, d'ici à 2010, " l'économie
de la connaissance la plus compétitive du monde ".
La fête aura été quelque peu gâchée !
A peine nommée, la nouvelle Commission européenne était
récusée par le Parlement européen. Grande victoire de la
démocratie, s'est exclamée à peu près toute la classe
politique. Bien plutôt, réflexe de survie : accepter comme
commissaire européen Buttiglione, le candidat de Berlusconi qui s'était
signalé par ses propos moyenâgeux contre l'homosexualité,
c'était couler l'institution elle-même, qui est rien moins que
démocratique, c'était discréditer une Union européenne
qui n'a déjà pas bonne presse auprès de l'opinion.
Barroso a repris sa copie, accepté quelques remaniements, bien décidé,
paraît-il, à mener à son terme les objectifs du sommet de
Lisbonne. Seul bémol, lors du dernier sommet européen au début
du mois de novembre, les Vingt-Cinq ont réduit leurs ambitions, il ne
s'agit plus que de " renforcer considérablement la compétitivité
des économies ". Le bluff mis à part, l'objectif
reste le même, poursuivre l'offensive libérale contre les protections
sociales et les droits du monde du travail. Ou comme le dit un des commissaires,
le britannique Mandelson, " Il y a une cause pressante pour laquelle
la Commission doit avancer, (...) c'est la poursuite sans relâche et déterminée
des réformes économiques ".
Au moment où Fabius cherche à se donner une allure d'opposant
à l'Europe libérale en disant " non " à
la Constitution et où, d'un autre côté, même les partisans
du " oui " affirment que cette constitution n'est " pas
parfaite " comme l'Union européenne elle-même d'ailleurs,
parce que, voyez-vous, la gauche n'y a pas la majorité, il n'est pas
inutile de revenir sur la période 2000-2004, au début de laquelle
ce sont les gouvernements sociaux-démocrates, majoritaires dans l'UE
à l'époque, qui ont mis en route l'offensive libérale actuelle.
Foin des faux
semblants de " l'Europe sociale "
Quelques jours avant le sommet de Lisbonne, Martine Aubry, ministre de l'Emploi
et de la Solidarité indiquait au journal économique la Tribune,
ce qu'elle attendait de cette rencontre européenne : " Alors
que le grand marché des hommes, des marchandises, des capitaux et des
services est désormais en place et que nous sommes à la veille
d'un élargissement historique de l'Union européenne, il n'est
plus possible que le volet social soit le parent pauvre de la construction européenne.
Lisbonne doit marquer une nouvelle étape
"
On était à l'époque en pleine cohabitation entre le Président
de la République, Chirac, et le gouvernement de la Gauche plurielle dirigé
par Jospin. Les autorités françaises, qui se préparaient
à prendre à leur tour la présidence de l'Union européenne,
se faisaient fort de doter celle-ci d'un volet social, sous la forme d'un " agenda
social ", et tant Jospin que Chirac se démarquaient du couple
Aznar-Blair qui affichait ouvertement des options libérales.
Mais d'agenda social, il n'en a été question par la suite que
sur le papier et ce n'était que l'habillage d'une politique libérale,
prônant par exemple pour les entreprises le statut de " société
européenne ", et pour les salariés la " formation
tout au long de la vie ", nécessaire pour rendre efficace
une main d'uvre condamnée à la " mobilité "
Par contre, à l'issue même du sommet, la presse soulignait la bonne
entente qui s'était manifestée entre les dirigeants européens,
y compris sur l'ouverture à la concurrence des services publics. " Chirac
et Jospin ont finalement accepté que les "conclusions" du Sommet
soulignent la nécessité "d'accélérer la libéralisation
dans des secteurs tels que le gaz, l'électricité, les services
postaux et les transports ". [
] Sur ce sujet très sensible,
Jospin a déclaré que "l'adaptation au changement, à
la modernité, aux nouvelles technologies doit se faire différemment
dans le service public, mais cette nécessité de l'évolution
doit se faire" ".
La seule exigence de Jospin et Chirac portait sur le calendrier, qu'on leur
laisse un peu de temps pour imposer aux salariés et à la population
les réformes de l'EDF-GDF, de la Poste ou des Transports, conduisant
à leur privatisation.
2000-2002 Les
bienfaits pour le patronat de la cohabitation entre la gauche et la droite
Non que les réformes libérales se soient imposées au gouvernement
français de l'extérieur, par un " diktat "
de Bruxelles, comme le disent les souverainistes, mais parce que le gouvernement
avait besoin de venir à bout de la résistance des salariés
qui avaient mis en échec, en novembre-décembre 1995, un premier
plan s'attaquant à la Sécurité sociale (le plan Juppé).
Depuis cette date, en effet, on assiste en France, à une remontée
des luttes, même si, actuellement, celle-ci marque une pause.
D'autre part, le chantier de la déréglementation du travail, par
le biais des lois Aubry qui, en même temps qu'elles introduisaient les
35 heures, permettaient aux patrons d'aggraver la flexibilité des horaires
de travail, et bien souvent de geler les salaires et de supprimer pauses et
primes, était bien avancé. De même, celui de la déréglementation
des services publics, en particulier dans les hôpitaux à travers
une réforme décentralisatrice.
Deux mois avant le sommet de Lisbonne, début février 2000, le
Medef avait lancé un grand chantier de " refondation sociale "
dont les objectifs recoupaient ceux de l'Union européenne. Les directions
des grandes confédérations syndicales étaient invitées
par le patronat à des négociations concernant huit domaines :
assurance-chômage ;lutte contre la précarité et insertion
des jeunes ; santé au travail ; voies et moyens de l'approfondissement
de la négociation collective ; assurance maladie ; adaptation
de la formation professionnelle ; évolution des régimes de
retraites complémentaires ; égalité professionnelle,
place et rôle de l'encadrement, protection sociale. Derrière un
langage social, il était clair - et les patrons n'en faisaient pas
mystère - que l'objectif du Medef était de parvenir à
déréglementer tous les droits sociaux afin " d'abaisser
le coût du travail ", et rendre leurs entreprises " compétitives ".
La participation des directions syndicales à ces négociations,
quelle que fussent par ailleurs leurs critiques et, pour la CGT et FO, leur
refus de signer les accords autres que celui sur la Formation professionnelle,
était déjà en soi une capitulation. Le gouvernement Jospin,
de son côté, simulait une opposition au patronat pour finir par
donner son accord à l'une des dispositions les plus anti-ouvrières
du Medef, concernant le système d'indemnisation des chômeurs, adopté
en janvier 2001 : le Plan d'aide de retour à l'emploi (Pare), qui
oblige les chômeurs sous couvert de les " accompagner dans
la recherche de l'emploi " à accepter à peu près
n'importe quelle offre d'emploi sous peine de voir dans un premier temps leur
indemnisation réduite, puis de se faire radier du système.
C'était la façon dont le patronat et le gouvernement entendaient,
comme dans les autres pays de l'UE, la société du " plein
emploi " prônée à Lisbonne : augmenter le
nombre des travailleurs actifs, la main d'uvre disponible pour le patronat
en imposant précarité et bas salaires.
Le sommet de Lisbonne s'était tenu dans une période de croissance
économique, juste avant un retournement de conjoncture qui se manifesta
par le dégonflement brutal de la bulle financière dans le domaine
des " nouvelles technologies ", clé de voûte,
pour les libéraux, de la " nouvelle économie ",
et qui donna le signal de l'accentuation de l'offensive libérale.
Les plans de licenciements allaient succéder les uns aux autres, en particulier
dans l'année 2001.
De son côté, le gouvernement Jospin avait mis en chantier la réforme
des retraites en présidant à la création, en mai 2000,
d'un Conseil d'orientation des retraites (COR), composé de représentants
syndicaux et patronaux et chargé de trouver des solutions pour " sauver
le système des retraites par répartition ", menacé,
disait la propagande, par le " vieillissement de la population ".
" L'emploi des seniors est une priorité pour les politiques
d'emploi et de retraite que conduisent les différents Etats membres de
l'Union européenne ", déclarera plus tard le COR
qui ne manquera pas de rappeler que les gouvernements européens, au sommet
de Lisbonne, s'étaient fixé comme objectif de relever à
50 % en 2010 les taux d'emploi des 55-64 ans.
Entre temps, en avril 2002, avait eu lieu l'élection présidentielle.
75 % des électeurs étaient convaincus, d'après les
sondages, qu'il n'y avait pas de différence entre les programmes de Jospin
et de Chirac. Les deux rivaux avaient, en particulier, à leur programme,
une réforme des retraites à peu près identique.
A la faveur de leur discrédit, et alors que 10 % des électeurs
votaient pour les candidats de l'extrême gauche, c'est la figure répugnante
du dirigeant d'extrême droite Le Pen qui surgit aux deuxième tour.
Ceci dit, pour Chirac, réélu avec 80 % des voix, ce fut une
aubaine. C'est au nom de l'esprit de la République, dans un climat d'union
nationale qu'il forma le gouvernement Raffarin, chargé d'imposer les
réformes des retraites, de la Sécu et les privatisations d'EDF-GDF
et de La Poste.
2003-2004 Le
mouvement social face aux réformes libérales
Le gouvernement de droite bénéficia en particulier de la bonne
volonté des directions des grandes confédérations syndicales
qui lui permirent de mener " dialogue " et " concertation "
dans l'objectif affiché et accepté par elles de " procéder
aux réformes " nécessaires pour faire de l'économie
française une économie " compétitive "
dans le cadre défini par Lisbonne.
Mais au début de l'année 2003, un grain de sable est venu gripper
cette mécanique : le refus par les salariés de l'EDF de la
réforme de leurs retraites, prélude au changement de statut de
l'entreprise. Contre l'avis de la direction de la CGT de la branche, militants
syndicaux et salariés ont voté " non " au
referendum organisé par la direction. Pour la première fois depuis
longtemps, on entendait un refus clair et net qui obligea le gouvernement à
reculer. Il émanait des salariés et d'équipes de militants
syndicaux, en rupture avec la politique de collaboration des directions syndicales.
La réforme Fillon contre les retraites était déjà
bien engagée sur les rails de la concertation et tous les partenaires
sociaux répétaient qu'il fallait absolument une réforme
sans quoi le système des retraites allait à la faillite.
Ce sont les salariés de l'Education nationale, mobilisés d'abord
contre la décentralisation, puis contre le plan Fillon sur les retraites,
qui en se lançant dans la lutte, ont entraîné tout le personnel
du secteur et contraint les directions syndicales à appeler à
plusieurs journées de grève massivement suivies dans la Fonction
publique et à une manifestation nationale, énorme, le dimanche
25 mai 2003. Mais, tout en accompagnant le mouvement, les directions syndicales
n'ont rien fait pour le généraliser, au contraire.
Le mouvement de mai-juin 2003 n'a pas été capable de dépasser
cet obstacle. Le gouvernement a pu faire voter sa loi allongeant la durée
de cotisation de 37,5 ans à 40 ans d'abord pour tous les salariés
- ceux du privé y étaient déjà depuis 1993 -,
puis jusqu'à 42 ans et plus.
Après cette défaite, le gouvernement, pourtant largement désavoué
lors des élections régionales et européennes, a pu imposer
la réforme de la Sécurité sociale qui en prépare
la privatisation, et se traduit d'ores et déjà par l'augmentation
de la contribution sociale généralisée (CSG) et du forfait
hospitalier, la diminution du remboursement des médicaments, en attendant
d'autres mesures, tout aussi graves pour les usagers. Il n'y a eu contre cette
réforme aucun appel à mobilisation de la part des directions syndicales
qui avaient, auparavant, donné leur approbation sous la forme d'un diagnostic
partagé du haut Conseil de l'Assurance maladie.
Parallèlement, et malgré leur lutte, les salariés de l'EDF-GDF
se sont vus imposer le changement de statut de leur entreprise qui, après
l'ouverture du marché des professionnels aux opérateurs privés
le 1er juillet dernier, ouvre la voie à la privatisation.
Une offensive
tous azimuts
Début septembre, le gouvernement a achevé la privatisation de
France Télécom dont " l'ouverture du capital "
avait été décidée en 1997 par le gouvernement Jospin.
Sur la base des reculs imposés au mouvement social, l'offensive patronale
et gouvernementale s'est accélérée. La Poste, depuis longtemps
dans le collimateur est à son tour menacée : le gouvernement
veut fermer 6000 de ses guichets.
La réforme de l'Etat est en cours. Le gouvernement prévoit de
supprimer des milliers de postes de fonctionnaires par l'introduction de nombreux
services informatiques et c'est évidemment au statut protégé
des fonctionnaires, qualifié de " privilégié "
qu'il veut s'attaquer à terme.
L'esprit de Lisbonne est respecté. C'est à travers un plan baptisé
de " cohésion sociale ", le plan Borloo, qu'est menée
la réforme de l'assurance chômage, destinée elle aussi à
être privatisée.
Dans le même temps, c'est au Code du Travail, et en particulier au contrat
à durée indéterminé - l'embauche définitive -
que le gouvernement prévoit de s'attaquer, tandis que le patronat réclame
la fin de toute réglementation en matière de durée du temps
de travail, au nom de la " lutte contre les délocalisations ".
Au nom de cette lutte, le gouvernement a prévu de créer des " pôles
de compétitivité " dans plusieurs points du territoire
qui se verraient spécialisés dans une activité porteuse
sur le marché mondial, On y ferait se croiser entreprises, centres de
recherche et centres de formation pour répondre aux besoins de cette
activité économique et du patronat qui en tire profit, lequel
empocherait de nouvelles subventions de l'Etat.
La réforme Fillon de l'Education nationale s'inscrit dans ce schéma.
Déjà attaquée par le biais des lois de décentralisation,
votées en avril 2004, l'école publique, dispensant -au moins théoriquement-
un enseignement égal pour tous est menacée à terme de disparition,
ainsi que le statut de fonctionnaire de ses enseignants.
Modeler toute la vie sociale en fonction des intérêts des actionnaires
qui décident de l'économie, c'est à cet objectif que répondent
toutes les réformes en cours.
C'est à cet enjeu que le mouvement social doit faire face. Les défaites
qu'il a subies lui font marquer aujourd'hui une pause, le temps de la réflexion
et du débat nécessaires pour analyser les raisons des échecs,
s'affranchir de toute illusion et de toute dépendance à l'égard
d'un social-libéralisme qui pèse de tout son poids dans le sens
de l'acceptation des réformes, quelles que soient les postures qu'il
se donne.
Galia
Trépère
Brésil : Après la sanction du PT aux élections municipales, de nouvelles prises de conscience
Le
Mouvement des Sans-Terre (MST), après une trêve à l'occasion
des élections, a repris les occupations de terres et organisé
avec d'autres mouvements sociaux une manifestation le 25 novembre " contre
la morosité de la réforme agraire ", réforme
dirigée par le militant du PT et de DS, Miguel Rossetto. Actuellement,
120 000 familles attendent toujours une terre dans des campements du MST.
Le 20 novembre, un commando de 15 hommes masqués et armés à
la solde d'un propriétaire terrien qui s'attribue un terrain de l'Etat,
s'en est pris à un de ces campements dans la région de Minas Gerais :
en une demi-heure, cinq sans-terre, dont un enfant de douze ans, ont été
assassinés et trente habitations de fortune incendiées.
Lorsqu'au lendemain des élections, le PT trouve encore le moyen de se
réjouir de ses résultats, des militants de gauche du PT ont parlé,
propos rapportés par Le Monde, de " mutation génétique "
du PT de parti de lutte en machine électorale.
En effet, les élections municipales d'octobre, les premières depuis
que Lula est Président, ont été marquées par une
sanction importante du PT et un déplacement de ses voix vers le parti
social-démocrate, le PSDB, parti de l'ex-président Fernando Henrique
Cardoso (FHC).
Les masses se sont détournées de ces élections. Une partie
des classes moyennes s'est détournée du PT qui faisait la politique
du PSDB, allié à des partis ouvertement bourgeois et de droite.
Beaucoup ont moins voté pour le PSDB ou la droite que contre le PT qui
les a trompés en gérant le système à leurs dépens.
Pour les milliers de militants qui ont construit pendant des décennies
un PT de défense des intérêts des couches populaires face
à la dictature et au capitalisme, c'est l'abattement. Mais aussi la colère
et la conscience nouvelle qu'il n'y aura pas de changements par en haut, mais
par les luttes et la rupture avec la politique de gestion de la société.
Le
PT se coupe du monde du travail
Le PT perd beaucoup d'élus dont le maire d'un bastion, la ville très
peuplée de Sao Paulo (10 millions d'habitants) avec sa ceinture industrielle,
l'ABC, celle qui avait vu la naissance du PT dans les années 70 à
l'issue des luttes dans la métallurgie dont Lula avait été
le principal dirigeant.
La candidate du PT, Marta Suplicy, y a été vaincue par José
Serra du PSDB. Elle avait eu recours à la campagne marketing du publiciste
de Lula, auteur de son slogan " Lula chéri, paix et amour ",
campagne qui a coûté des millions de reals, bien sûr
Suplicy a fait appel, pour le second tour, au soutien d'un homme de droite détesté
pour sa corruption et son autoritarisme, Maluf, ainsi qu'à des partis
conservateurs.
Le PT a aussi perdu la ville de Porto Alegre qu'il dirigeait depuis 1988, et
qui avait encore à sa tête le responsable du PT et de Démocratie
Socialiste, Raúl Pont, au profit de José Fogaça, candidat
du PPS (parti ex-PC pro-Moscou et aujourd'hui de droite).
Pont, confronté à la politique pro-libérale de Lula qui
a entraîné une crise profonde de la tendance trotskiste dans le
PT, a continué à défendre la politique de Lula. Politique
de coupes sombres dans les budgets publics qui a été accompagnée
dans les Etats comme celui de Porto Alegre, par le développement de la
spéculation immobilière, l'augmentation du prix des transports,
la privatisation progressive de la santé. Quant au budget participatif,
il se réduit comme peau de chagrin : seulement 5 % de la population
de Porto Alegre se réunit pour en discuter aujourd'hui.
Pont a aussi financé sa campagne en payant grassement des publicistes
qui employaient des milliers de pauvres payés à faire passer son
" message ", à la place des militants pétistes
qui n'existent plus. De plus, il s'est fait soutenir par un parti évangéliste.
Dans les discours, le mot " camarades " a souvent
été remplacé par " frères et surs "
Les candidats PT d'Alternative de gauche, tendance " gauche "
non critique envers Lula, ont aussi perdu tous leurs élus.
La rupture ne s'étant pas encore faite entièrement entre la population
et le PT, les révolutionnaires du PSTU n'ont recueilli qu'un peu plus
de 0,2 % des voix. Il y a eu 20 % d'abstentions, dont celles des camarades
du P-SOL - le tout nouveau parti d'Héloísa Helena et de ses
camarades exclus du PT - qui n'ont pu se présenter n'ayant pas encore
constitué statutairement leur parti (il leur faut pour cela 438 000
signatures d'électeurs).
Par contre, et c'est l'intérêt de ces élections de le montrer,
seuls ont tenu les candidats pétistes qui ont clairement affirmé
leur désaccord avec la politique de Lula. Ainsi, Luizianne Lins a été
élue dans la ville de Fortaleza (2 millions d'habitants). Membre de DS,
âgée de 35 ans, cette professeure s'était présentée
contre l'avis du PT qui lui avait préféré un candidat du
PC do B (PC post-maoïste). Elle avait soutenu les travailleurs en grève
contre la politique menée par le PT au gouvernement et avait reçu
pour cela le soutien du P-SOL.
La
fin d'un cycle : du parti des luttes au parti de gouvernement contre les
luttes
Ces élections interviennent dans un contexte d'attaques et de résistance
des salariés contre la politique libérale et impérialiste
menée par le PT de Lula et ses alliés de droite.
Le chômage, officiellement de 25 %, atteint des sommets : 60 %
dans certaines régions. Le salaire minimum que Lula a refusé d'augmenter,
est le plus bas d'Amérique latine pour un PIB de 3 000 $, en
augmentation de 4 % en 2004 (contre 0,2 % seulement en 2003) grâce
à une politique de concessions de l'Etat aux multinationales et aux grandes
banques.
C'est pourquoi durant la campagne, les travailleurs des banques se sont mis
en grève pendant plus de 15 jours pour des augmentations de salaires
et de meilleures conditions de travail. Ils l'ont fait ensemble, ceux de banques
d'Etat, dont le patron est donc Lula, et ceux des banques privées, dont
la Bradesco et d'autres multinationales. Dans ce contexte de " reprise "
pour les plus riches, ils veulent leur part du gâteau. Certains se sont
retrouvés face à face avec leur ex-collègue, ex-responsable
du syndicat des employés de banques, membre du PT et aujourd'hui Ministre
du travail.
En même temps, les salariés du Ministère de la justice ont
été en grève durant plus de 91 jours contre le gel des
salaires, rejoints par les travailleurs des services publics de l'Etat de Rio
de Janeiro. Ils ont été soutenus dans leurs piquets de grève
par les travailleurs ruraux du MST.
Une Coordination des Mouvements Sociaux, comprenant en plus des membres du syndicat
CUT menacés par une contre-réforme du Code du travail, des enseignants
et étudiants menacés par une contre-réforme de l'Education,
s'est constituée. A la tête du mouvement enseignant se trouvent
Luciana Genro, membre d'un groupe trotskiste partie intégrante du P-SOL,
le MES, et José de Almeida, président du PSTU. Ils travaillent
au regroupement des salariés en lutte. Le mot d'ordre du P-SOL lors des
élections était : " Nous sommes tous des employés
de banque ".
En même temps, la situation ne cesse de se tendre. Le 7 septembre, 2 millions
de personnes sont descendues dans la rue à l'appel du " Cri
des exclus " contre le paiement de la dette et pour la réforme
agraire. Ils dénonçaient la situation des exclus auxquels le plan
Faim-Zéro de Lula n'a rien apporté. Par contre, ce plan a permis
de juteux profits à Nestlé qui commercialise, sous prétexte
d'aide humanitaire, du lait de substitution qui atteint gravement la santé
des enfants pauvres.
Le Ministre du " développement agraire " PT et DS
Miguel Rossetto a promis l'installation de 400 000 sans-terre sur 4 ans.
On en est à seulement 28 000 un an après
Le 11 novembre,
200 policiers de l'Etat de Sao Paulo ont investi un campement délogeant
600 familles ; certains activistes ont été emprisonnés
et torturés.
Le 24 octobre, des soldats membres de la force " d'interposition "
brésilienne aux ordres des Etats-Unis et de l'ONU à Haïti,
pour beaucoup originaires de l'Etat de Rio Grande do Sul (celui de Porto Alegre),
ont participé à la répression du quartier populaire de
Bel-Air, à Port-au-Prince.
Face à cette même armée qui a justifié la torture
et l'assassinat récemment révélés du leader communiste
Vladimir Herzog pour " avoir choisi le radicalisme et l'illégalité ",
Lula, lui-même ex prisonnier des geôles de la dictature, n'en mène
pas large. Son Ministre de la Défense ayant demandé la démission
du Général auteur de ces propos, s'est retrouvé lui-même
démissionné
Le
présent éclaire le passé
Une page se tourne, irréversiblement. Le PT devenu parti de l'ordre au
pouvoir, ne sera plus un parti de contestation sociale. Instrument d'organisation
des opprimés contre l'ordre établi, parti de militants, le PT
s'est lentement intégré à l'Etat avec, dès les années
90, des milliers d'élus municipaux, régionaux, parlementaires
plus influencés par les couches au pouvoir que par les besoins réels
des travailleurs et des très nombreux exclus du Brésil.
Auparavant, il s'était constitué sur des bases programmatiques
qui laissaient entendre que l'Etat pourrait être sous une bonne gestion
" de gauche ", le garant d'acquis démocratiques et
sociaux ; qu'en somme, en investissant l'Etat, le PT le transformerait
dans le sens des intérêts du plus grand nombre.
C'est tout le contraire qui s'est passé. Le gouvernement et l'Etat, avec
de plus en plus d'élus pétistes puis Lula à sa tête,
se sont dissous dans la gestion de la mondialisation impérialiste. Car
le temps n'est plus où la négociation est possible. Les impérialistes
ont besoin de régimes avec des partis ayant une certaine assise populaire
et démocratique comme l'avait le PT issu des luttes des travailleurs
(lui qui avait créé son propre syndicat, la CUT, et qui avait
des liens avec le mouvement des sans-terre) pour mieux asseoir leur domination
et faire rentrer les profits.
De gérant loyal, réformiste, du système capitaliste, le
PT est devenu un agent de l'impérialisme, totalement étatisé,
financiarisé, " social-privatisé ". Beaucoup
parmi ses dirigeants ne se contentent pas de côtoyer les capitalistes
et de gérer la misère des masses en cherchant à freiner
ceux qui luttent. Ils participent directement aux mêmes affaires capitalistes,
légalement ou illégalement. Certains, comme le Ministre Dirceu,
bras droit de Lula, ont trempé dans des affaires de pots-de-vin qui ont
beaucoup fait parler. Mais d'autres, bien plus nombreux, participent quotidiennement
à la co-administration du système financier, en toute légalité,
en dirigeant des syndicats qui gèrent aujourd'hui des fonds de pension.
Les mêmes défendent auprès des travailleurs et des pauvres
l'idée que " L'Etat, c'est notre famille, ne dépensons
pas plus que nous ne gagnons ". Ils justifient ainsi les coupes
sombres dans les budgets sociaux et la privatisation des services publics, comme
cela s'est vu avec la réforme des retraites. Comme cela se prépare
avec la réforme de l'Enseignement supérieur.
Un
gouvernement sans âme vendu aux marchés
Notre camarade de DS, Joao Machado, disait, quelques mois après l'élection
de Lula et avant qu'il ne rejoigne le P-SOL avec les camarades exclus du PT
issus de DS et d'autres militants révolutionnaires, que le gouvernement
Lula avait " deux âmes ", l'une issue du PT des luttes
passées, l'autre socio-libérale. Force est de constater aujourd'hui
que le gouvernement Lula est vendu corps et âme aux marchés, et
que les militants de DS qui participent encore à un tel gouvernement
sont en totale contradiction avec des idées et des objectifs de classe.
L'alliance avec des partis de droite et des secteurs réactionnaires de
la société est d'autant plus grande que le parti s'est vidé
de ses militants issus des couches exploitées, de son militantisme ouvrier,
pour devenir un appareil gestionnaire totalement intégré à
l'Etat et au service exclusif des privilégiés et de leur dictature
sur le reste de la société.
Rien d'étonnant à ce que, dans les six premiers mois de 2004,
le secteur financier ait augmenté ses profits de 14,7 % par rapport
à 2003, même avec la baisse des taux d'intérêt.
Ainsi, alors que le manque de terre pour des millions de paysans est criant,
les exportations de l'agro-buisness ont augmenté de 44 % en 2004.
Les six premiers mois de cette année ont été excellents
pour l'industrie de biens durables (énergie, machines, etc) avec une
augmentation de 28,2 % par rapport à 2002 alors que celle des biens
non durables (de consommation courante) a baissé de 0,8 % dans le
même temps.
Fin septembre dernier a été discutée dans le cadre d'accords
entre le Mercosur et l'Union européenne une ouverture encore plus grande
du marché brésilien aux produits européens. Ainsi, le lait
qui était jusqu'à présent taxé à 27 %
à son entrée au Brésil ne le serait plus qu'à 0 %,
ce qui devrait entraîner encore plus de faillites de producteurs de lait
brésiliens qui sont à 82 % des producteurs de petites fermes familiales.
Toute cette politique repose sur un endettement considérable : 55 %
du PIB, dette que Lula s'est engagé dès avant son élection
à rembourser rubis sur ongle. En 2003, 50 000 millions de dollars
ont été affectés au paiement des seuls intérêts
de la dette, 5 fois plus que le budget de la santé, 8 fois plus que celui
de l'Education et 140 fois celui de la réforme agraire !
Du coup, Lula apparaît aussi de plus en plus comme le laquais de l'impérialisme,
allant jusqu'à critiquer récemment le Forum social de Porto Alegre,
tancé de " foire idéologique "
Pour
le renouveau des luttes, défendre les intérêts des travailleurs
et des pauvres en regroupant les forces en rupture avec le social-libéralisme
à la brésilienne
Face à cette politique, ce ne sont plus seulement des intellectuels isolés
ou des milieux radicalisés de gauche qui affrontent le gouvernement dans
les mouvements sociaux.
Mais il n'y a pas encore d'expression politique claire des prises de conscience
qui s'expriment à travers ce mécontentement social. Durant la
campagne des municipales, l'extrême gauche révolutionnaire est
apparue divisée, le PSTU se présentant seul, sans le soutien du
P-SOL, alors que leurs militants uvrent ensemble à l'unité
dans les luttes.
Il apparaît d'autant plus urgent de regrouper les forces dans un parti
des luttes, sur la base d'un programme démocratique et révolutionnaire.
Les contours de cette force semblent peu précis pour bien des militants
comme l'exprimait Luciana Genro du P-SOL dans une déclaration après
les élections : " Notre parti est un projet ouvert,
un processus de construction pour regrouper la gauche socialiste. Dans ce cadre,
le défi c'est de construire un pôle d'attraction pour tous les
militants qui veulent continuer à brandir le drapeau de la lutte socialiste ".
Il est nécessaire " d'impulser le débat sur le regroupement
de la gauche socialiste et discuter du programme nécessaire pour affronter
la crise brésilienne. Nous encouragerons, soutiendrons et participerons
aux luttes du peuple travailleur en combattant les plans anti-populaires du
gouvernement Lula et Fogaça.
Dans ces luttes, nous espérons être ensemble, indépendamment
de l'appartenance politique, avec les milliers de combattants qui tout au long
des années ont affronté ensemble le néo-libéralisme
inauguré par FHC et qui continue encore ".
Regrouper et unir les travailleurs et les pauvres, oui, mais réussir
à mettre en uvre une telle politique suppose un retour critique
sur l'histoire du PT, son programme et sa politique dans ses premières
années.
Le mouvement ouvrier brésilien est confronté à une crise,
des maturations s'opèrent qui seront importantes au-delà du Brésil
et de l'Amérique latine. Espérons qu'elles viendront apporter
une impulsion au renouveau du marxisme révolutionnaire.
Sophie
Candela
" Le
Parti socialiste veut enterrer Mai 68 " ou plutôt les illusions
auxquelles il était le dernier à faire semblant de croire
" Héritage
de Mai 68 : la fin des dogmes " titrait, le 25 octobre dernier,
le Figaro, pour évoquer le rapport d'introduction du débat
intitulé " L'individu : quelle place dans la société ",
présenté par Laurent Baumel lors du colloque " L'avenir
de la France ", organisé par le Parti socialiste.
Comme l'a indiqué Bergougnoux pour l'introduire, " ce colloque
sur l'Avenir de la France s'inscrit dans la réflexion ouverte sur le
projet des socialistes pour la décennie à venir ",
ce fameux projet que le PS doit élaborer en vue des élections
de 2007 et de son retour au pouvoir qu'il en espère.
" La liberté des uns ne fait pas nécessairement le
bonheur des autres, affirme Baumel dans son rapport. La gauche a particulièrement
été confrontée, dans la période récente,
à cette vérité essentielle mais quelque peu oubliée
sur la question névralgique de la sécurité. La liberté
des délinquants ou des auteurs de violences, les garanties juridiques
dont ceux-ci doivent bénéficier dans un Etat de droit, la compréhension
même des déterminismes sociaux qui peuvent expliquer leurs actes
doivent s'apprécier au regard de l'atteinte grave portée à
la liberté et aux besoins fondamentaux de sécurité, d'intégrité
physique de ceux ou celles, souvent pas mieux lotis qu'eux, dont ils pourrissent
l'existence. "
Le propos n'étonne guère dans la bouche de cet ancien partisan
de Chevènement qui s'était distingué, dans le gouvernement
Jospin, par la mise à l'index des " sauvageons "
et une politique répressive contre les délinquants. Le successeur
de Chevènement, Vaillant, n'a pas fait moins, étant l'auteur d'une
loi sur la sécurité intérieure que Sarkozy n'a fait que
durcir par la suite. Il y a belle lurette au PS que " l'angélisme "
de 68 a été reprouvé. Dray, champion de la tolérance
zéro et Jospin lui-même n'ont pas été en reste dans
ce registre, comme l'a montré la campagne présidentielle de 2002
où Jospin et Chirac rivalisaient en propos sécuritaires, faisant
l'un et l'autre le jeu d'un Le Pen.
Mais même si, -on y reviendra-, l'image d'un " enterrement
de Mai 68 " n'est pas tout à fait juste, le Figaro
a mis cependant le doigt sur ce qui constitue une inflexion de la politique
du PS, ou plutôt une évolution de son langage, vers la droite.
Car le rapport de Baumel n'est pas le seul en cause. C'est l'ensemble du colloque,
préfigurant le projet du PS, qui a cette tonalité.
De
" la réforme heureuse " à la " réforme
douloureuse " : le " réformisme de gauche "
Lors du même
colloque, après avoir affirmé d'emblée que " nous
ne sommes pas comptables du présent ", Hollande a longuement
développé ce qu'il entendait par " un réformisme
de gauche ", après en avoir ainsi défini le cadre :
" Depuis trente ans, la société française
vit avec l'idée et même la réalité de la crise. On
s'interrogeait sur les effets de génération, sur les socialisations
politiques. Or, il y a une césure très importante entre ceux qui
sont venus à la politique avant 1974 et les autres. Car, ce n'est pas
la même chose que d'avoir été formé à l'idée
du changement, du progrès, de la réforme heureuse, tels que nous
l'envisagions dans une période de croissance, de développement
et de concevoir la politique dans un environnement marqué par le chômage,
la peur, la réforme douloureuse ".
Alors dans cette situation où, à entendre Hollande, le Parti socialiste
n'aurait aucune responsabilité, " la gauche est une nouvelle
fois, c'est un classique dans son histoire, confrontée à ce faux
choix entre perdre son âme ou perdre le pouvoir. [
] Il faut donc
être capable à la fois de garder son âme et de garder le
pouvoir. C'est quand même le chemin qu'il faut rendre possible, celui
du changement, celui de la politique, celui de l'espoir, celui du progressisme.
J'appelle cette voie-là le réformisme de gauche ".
Et de citer " cinq champs possibles à défricher "
dont le quatrième " assurer l'égalité "
permet de mesurer la nature libérale de ce réformisme ! " Il
faut proposer un contrat sur la redistribution. Qu'est-ce que nous voulons,
dans les cinq prochaines années, redistribuer ? Du temps, du revenu
direct, des transferts, de la solidarité pour les générations
futures ? Que voulons-nous distribuer ? Et avec quelle intensité ?
La redistribution ne doit pas être considérée simplement
annuellement, en fonction des marges qui sont obtenues. Elle doit être
d'abord un pacte pour savoir qu'est-ce qui est prioritaire ? Il y a des
moments où ce qui est prioritaire, c'est le temps de travail par rapport
à une politique d'emploi. À d'autres moments, c'est le revenu
direct, à d'autres moments encore, c'est la protection sociale. Il faut
qu'il y ait cette clarté dans le contrat de redistribution et la politique
fiscale en est à ce moment-là un des instruments ".
Aucun doute, le Parti socialiste est bien décidé à éviter
la " tentation de la radicalisation " que Hollande
définit ainsi : " La politique ne serait plus qu'une protestation,
qu'une véhémence, qu'une contestation. Il y a des ressorts dans
la gauche française qui y conduisent. C'est la mythologie de la résistance,
dont la culture communiste a été pour beaucoup le produit, au
moins pendant un certain temps. Le mouvement alter mondialiste en est le prolongement.
Et l'extrême gauche un avatar. C'est, à défaut de la grève
générale, le mot d'ordre de la mobilisation collective ".
On l'aura compris, le projet du Parti socialiste pour 2007 sera bien un programme
pour un gouvernement de la " réforme douloureuse ",
du type de celles que le gouvernement Jospin avait initiées ou préparées
avant qu'un Schröder, en Allemagne, se fasse fort de les mener à
bien quel que soit le recul qu'elles entraînent pour l'ensemble de la
société.
La
confiscation des espoirs de Mai 68 : quand le Parti socialiste renaissait des
cendres de la SFIO moribonde
Pour le Parti socialiste, un cycle s'achève. Lui-même entend tourner
la page sur la période de l'Union de la gauche, consécutive à
Mai 68, cette période qui avait vu renaître les illusions dans
la perspective de l'arrivée de la gauche au gouvernement.
Ce n'est pas du mouvement de contestation, de la révolte de la jeunesse,
de la grève générale, dont le PS est l'héritier.
Il ne l'a jamais représenté ni exprimé, bien au contraire.
Il a seulement profité du fait que cette révolte n'a pu suffire
à briser les carcans bureaucratiques existants, ceux que le PC qui avait,
lui, une réelle implantation de masse, militante, maintenait.
De la vieille SFIO, moribonde, discréditée par sa responsabilité
dans les guerres coloniales menées par l'Etat français après
la deuxième guerre mondiale, est né un nouveau Parti socialiste
par la vertu de son alliance avec le PC et de l'Union de la gauche. De la même
façon, Mitterrand, de vieux politicien passé par tous les gouvernements
de la 4ème République, est devenu l'incarnation pervertie des
espoirs et des illusions réformistes.
Grâce au PC dont il s'était juré de réduire l'influence,
Mitterrand a pu conduire la politique dont avait besoin la bourgeoisie après
la crise du début des années 80, imposant au monde du travail
mesures anti-ouvrières et austérité. Ce que Thatcher et
Reagan ont fait aux Etats-Unis, Mitterrand l'a fait en France, même si
différemment, compte tenu de l'état des forces en présence.
En réalité, cela fait déjà longtemps que les illusions
nées à cette époque se sont dissipées, après
deux septennats de Mitterrand et l'arrivée au pouvoir de Jospin. Il y
a longtemps que la rupture des liens que le PS a entretenus avec les couches
populaires pendant la période de l'Union de la gauche est définitivement
consommée. Le PS ne peut plus désormais incarner même l'illusion
d'une transformation sociale ou d'un simple progrès, c'est en tant que
parti joignant sa voix et son poids au concert réactionnaire de tous
ceux qui prônent la nécessité de la soi-disant modernisation
imposée par la mondialisation, la réforme qu'elle soit de droite
ou de gauche, qu'il exerce son influence, bien réelle, sur l'opinion.
Ainsi, la direction du PS met les pendules à l'heure, il n'est pas question
d'entretenir la moindre ambiguïté. Pour ceux qui ne l'auraient pas
compris, Hollande insiste, oui, le PS est social-libéral.
Galia
Trépère
L'impérialisme
français entraîné dans la mondialisation,
du pré carré africain à la fuite en avant de la construction
européenne
Depuis
la crise des années 70-80 puis à travers l'offensive libérale
et impérialiste qui a suivi l'effondrement de l'ex-URSS, l'ensemble des
relations internationales a été bouleversé. De nouvelles
zones d'influences se constituent, l'hégémonie américaine
s'impose, révélant à quel point l'impérialisme français
n'est plus qu'un impérialisme de seconde zone, accroché à
ses chasses gardées de son ancien Empire colonial.
Il essaie cependant de maintenir son influence sur ses anciennes colonies pour
continuer à y défendre les intérêts de ses multinationales.
La mascarade qui ensanglante la Côte d'ivoire en est la sinistre illustration
Mais cette influence est laminée par la concurrence, notamment américaine,
à l'heure où la mondialisation ouvre tous les marchés,
sapant les bases des vieilles relations de domination.
Pour aider ses trusts à résister à une concurrence exacerbée,
l'État français, comme les autres bourgeoisies européennes,
n'a d'autre politique possible que de s'engager dans la construction européenne.
Avec ses partenaires, il lui faut essayer de donner un semblant de cohérence
politique à ce qui n'est qu'un accord commercial entre brigands impérialistes,
une zone de libre échange pour le seul profit des multinationales.
Dans quelle mesure la construction de l'Europe affaiblit-elle les Etats nationaux
? Dans quelle mesure en s'imposant à tous les partis gouvernementaux
crée-t-elle les conditions d'une crise politique chronique ? Renforce-t-elle
les possibilités de luttes des salariés ? Crée-t-elle les
conditions objectives d'un renouveau d'une conscience internationaliste et,
plus généralement, de la construction d'une nouvelle fédération
d'Etats, les Etats Unis socialistes d'Europe ?
Autant de questions dont les réponses sont au cur d'un projet révolutionnaire.
La
France, impérialisme de seconde zone
L'impérialisme français avait pourtant préparé l'indépendance
de ses colonies africaines pour y garder une mainmise sur leurs politiques économiques
et les soumettre aux intérêts des trusts français comme
Total.
De fait, la division internationale du travail si elle a été modifiée
ces dernières décennies est restée cependant, comme au
temps des colonies, soumise aux besoins des puissances impérialistes,
tout particulièrement en Afrique. Les pays africains continuent à
exporter vers la France, pour l'essentiel, des matières premières.
Ce commerce international est la base d'un échange inégal qui
accentue le pillage des anciennes colonies au profit des multinationales françaises.
Ainsi l'agriculture et l'artisanat africain sont ruinés par les produits
agricoles et industriels subventionnés par l'Etat français et
les pays africains doivent s'endetter toujours plus pour importer ceux utiles
à leur alimentation. De même les trusts français s'accaparent
les matières premières (pétrole, bois, uranium, manganèse,
diamants, et autres minerais
) à des prix défiant toute concurrence.
En usant de la pression de la dette, le FMI, l'huissier des banques occidentales,
a imposé à la plupart des pays pauvres africains des plans draconiens
" d'ajustement structurel ". Ces réformes libérales
les ont obligés à vendre leurs industries et services publics
aux multinationales françaises, à organiser toute leur production
pour l'exportation au détriment des besoins locaux, à pressurer
encore leur population. Ainsi les trusts français contrôlent des
pans entiers de l'économie des pays africains comme l'eau, l'électricité,
les mines.
Pour imposer ce pillage contre les peuples africains, des accords de " coopération
militaire " permettent à l'armée française voire
à des mercenaires d'intervenir régulièrement pour maintenir
au pouvoir des dictateurs " amis de la France ". L'armée
française forme, arme et entraîne les gardes présidentielles
de nombreux dictateurs, seules armées vraiment organisées et efficaces
dont le seul rôle est de maintenir l'ordre, museler les populations, faire
taire les opposants. C'est l'État français qui a armé la
main des tueurs il y a dix ans au Rwanda, il porte une très lourde responsabilité
dans le massacre de centaines de milliers de personnes qui a eu lieu dans ce
pays.
Ainsi, la France s'accroche à son dernier pré carré mais
la fin des empires coloniaux comme la mondialisation ont ouvert des brèches
dans ce monopole des métropoles européennes sur leurs anciennes
colonies. La concurrence s'accentue avec les États-Unis et leurs multinationales
pour le contrôle de ces régions riches en matières premières.
Dans cette concurrence entre multinationales et États pour le contrôle
du marché mondial, c'est l'évolution même du rapport de
force entre les différentes puissances qui se discute, posant le problème
de la construction de l'Europe, des rapports entre cette Europe et les États-Unis,
comme de la concurrence entre le Japon et la Chine pour la domination de l'Asie.
L'Europe
des capitalistes, une entente contre les peuples, minée par une contradiction
fondamentale
L'internationalisation de l'économie a développé de façon
extraordinaire les bases pour une économie organisée de façon
rationnelle et consciente à l'échelle mondiale, la coopération
du travail humain à une échelle gigantesque, mais celle-ci se
heurte aux intérêts privés et à leur traduction sur
le plan international, les frontières, les États nationaux, autant
d'armes que les bourgeoisies impérialistes utilisent pour la défense
de leurs intérêts particuliers.
C'est en Europe que cette contradiction est aujourd'hui la plus aiguë et
la plus explosive.
Dans le cadre de l'ouverture des frontières à l'échelle
internationale impulsée par les trusts américains et leur État,
s'est accélérée depuis le milieu des années 80 la
constitution d'un marché unique européen, prélude à
une unification économique de l'Europe.
L'accentuation de la concurrence, parallèlement à la libéralisation
du mouvement des capitaux, a poussé les États européens
à s'engager dans cette fuite en avant qu'a été la création
de l'euro. L'existence d'une monnaie unique a l'avantage de limiter les possibilités
d'attaques spéculatives et de rendre plus fiables les transactions commerciales
en empêchant les fluctuations monétaires.
Elle facilite également le mouvement de restructuration et de concentration
du capital en Europe. Les trusts des pays d'Europe ont besoin d'une force de
frappe équivalente à celle des trusts américains pour rivaliser
avec eux sur le marché mondial, ils ont besoin d'atteindre une taille
continentale.
Mais, les ambitions d'un impérialisme européen naissant se heurtent
aux prétentions de chacun des Etats, à leurs rivalités,
à l'absence d'un État qui puisse constituer pour les groupes financiers
un instrument comparable à ce que l'État américain représente
pour les trusts américains dans la concurrence mondiale : une arme
contre les travailleurs et les peuples.
Cette contradiction s'exprime dans le paradoxe de l'euro. Les déficits
américains renforcent la monnaie européenne, jouet des marchés
et des spéculations, au détriment même de la compétitivité
des trusts sur le marché mondiale alors que la faiblesse du dollar bénéficient
à l'économie américaine.
C'est pourquoi les dirigeants impérialistes européens s'efforcent,
depuis la mise en place de l'euro, et surtout la guerre en ex-Yougoslavie qui
a révélé leur impuissance relative face à l'impérialisme
américain, de mettre sur pied des organes d'un pouvoir politique européen.
Jusqu'à présent, la seule institution dotée d'un pouvoir
réel était la Banque centrale européenne au profit de laquelle
les États nationaux se sont départis de leurs prérogatives
monétaires. Pour le reste, si la politique de tous les gouvernements
est concertée à l'échelle européenne, elle reste
du ressort, quant à son application, des États nationaux. Elle
se heurte, malgré une même volonté des gouvernements de
mener l'offensive libérale exigée par l'oligarchie financière,
à la résistance du monde du travail dans chaque pays.
Souhaitées en particulier par la France et l'Allemagne, les coopérations
renforcées, instituées par le Traité de Nice, en 2001,
permettent au noyau des pays les plus puissants d'exécuter des décisions
communes comme la mise sur pied d'un corps d'armée européen, susceptible
d'être le bras armé de leurs ambitions impérialistes, ou
l'adoption de mesures économiques et sociales battant en brèche
les législations sociales en place dans chaque pays et accélérant
la privatisation de la protection sociale.
Les bourgeoisies européennes sont incapables de résoudre le problème
de l'unification politique de l'Europe de façon harmonieuse, pacifique
et démocratique. À la différence de la bourgeoisie américaine
dont l'État s'est construit en même temps que son économie
se développait à l'échelle d'un continent, les bourgeoisies
européennes héritent d'États nationaux, produits de leur
passé de puissances concurrentes. Si leurs rivalités se sont fortement
atténuées, par la force de l'hégémonie américaine,
elles n'en demeurent pas moins, donnant à la construction européenne
cette allure chaotique, déterminée avant tout par des rapports
de force.
La
constitution européenne, manifeste pour une Europe empire
La constitution européenne que les gouvernements des 25 États
membres ont adoptée juste après les élections européennes
de 2004 est marquée par ces contradictions.
Si tous les États européens, quel que soit leur gouvernement,
sont d'accord pour faire de l'Europe un instrument dans leur rivalité
avec les États-Unis et un levier de la mondialisation impérialiste
contre le monde du travail et les peuples, chacun défend avant tout les
intérêts de ses groupes industriels et financiers nationaux. C'est
pour cela que cette Constitution est profondément antidémocratique
sur le fond comme sur la forme.
Elle n'a d'autre but que de créer le cadre constitutionnel pour la politique
libérale contre le monde du travail à l'échelle de tout
le continent. Il s'agit de faire de l'Europe " un marché
unique où la concurrence est libre et non faussée ".
Elle érige en principe fondamentaux tous les poncifs libéraux
comme la " libre circulation des biens, des services et des capitaux ",
ce qui signifie la remise en cause des services publics à travers leur
mise en concurrence puis leur privatisation. Elle prône une " économie
sociale de marché hautement compétitive ", en clair
la remise en cause des droits sociaux fondamentaux, de la législation
du travail, des retraites, de la sécurité sociale, des indemnités
chômage.
Leur projet est de faire une " Europe puissance " instrument
de la guerre économique que se livrent les multinationales américaines
et européennes contre les peuples. Leur Europe c'est une Europe forteresse,
fermée à ses frontières, remettant en cause les droits
démocratiques fondamentaux par l'effet de mesures policières et
sécuritaires prises au nom de la lutte contre le terrorisme.
Avec leur Constitution les gouvernements qu'ils soient libéraux ou sociaux-libéraux
voudraient donner un habillage institutionnel à une Europe des multinationales
pour la légitimer aux yeux des populations. Cette constitution cherche
à faire accepter, comme si elles découlaient de principes universels
et naturels, les conséquences de la dégradation du rapport de
forces entre la bourgeoisie et le monde du travail depuis 20 ans.
Mais le but de cette constitution, produit d'innombrables marchandages entre
États, c'est aussi d'assurer, en fonction du rapport de forces, la domination
de la poignée d'États les plus puissants, essentiellement la France
et l'Allemagne, sur les autres.
C'est pour cela que les révolutionnaires ne peuvent qu'être opposés
à cette Constitution antidémocratique quelle que soit la façon
dont chaque État l'entérine, par un référendum ou
par un vote dans les Parlements nationaux.
Pour que les populations puissent réellement décider de la forme
politique et institutionnelle de l'Europe, c'est une Assemblée constituante
qu'elles devraient pouvoir élire au suffrage universel et proportionnel.
La
politique des États n'évitera pas une crise, au contraire elle
la prépare
L'oligarchie financière qui aurait intérêt à un État
supranational est incapable de gagner l'adhésion de larges fractions
des populations.
Le mouvement de restructuration du capital s'accompagne de dizaines de milliers
de licenciements, de la concentration des moyens de production et des infrastructures
dans quelques régions jugées rentables au prix de la désertification
et de la ruine d'un grand nombre d'autres. Les gouvernements européens
s'emploient à détruire tous les droits des travailleurs, afin
d'abaisser le coût du travail, et à réduire toutes les dépenses
publiques pour les assujettir aux seuls besoins des trusts.
Une Banque centrale européenne, fondé de pouvoir de l'oligarchie
financière qui dicte leur politique libérale aux gouvernements,
un corps d'armée capable d'intervenir contre les peuples, tel est le
visage que prend aujourd'hui la construction de l'Europe, économique
et politique.
La guerre de terreur menée contre les peuples de l'ex-Yougoslavie par
les puissances européennes sous la houlette des USA, en 1999, a été
la sanglante illustration que cette Europe des banques et des trusts est un
cartel impérialiste qui ne peut se construire que contre les peuples.
Les travailleurs, s'ils s'associaient à la construction d'un empire européen
rival de l'empire américain ou de l'empire asiatique, uvreraient
contre leurs intérêts.
L'émergence d'une union des peuples est inscrite dans l'histoire mais
la façon dont la bourgeoisie y répond est lourde de menaces et
de dangers.
La
crainte paralyse, l'indignation tout autant, la nostalgie condamne à
l'impuissance
Certains opposent à l'offensive libérale de la bourgeoisie française,
conduite hier par le Parti socialiste et ses alliés au gouvernement,
aujourd'hui par la droite, la nostalgie de l'époque - idéalisée -
des " Trente glorieuses ", laissant croire que les quelques
progrès sociaux qui s'y étaient réalisés étaient
le résultat d'une volonté politique. Ce n'était en fait
que le produit d'un rapport de forces, qui avait contraint la bourgeoisie à
certaines concessions qu'elle remet en cause aujourd'hui. Ce passé est
révolu, mais en même temps que lui, le sont aussi les illusions
qu'il avait nourries et sur lesquelles se sont appuyés les partis sociaux-démocrates
et staliniens pour légitimer leur servilité à l'égard
de la bourgeoisie, leur défense de l'ordre établi. Les mêmes
aujourd'hui, ralliés à l'Europe du libéralisme, sont incapables
de faire illusion auprès des travailleurs.
Quant à la nostalgie réactionnaire des souverainistes à
la Pasqua, Le Pen ou Chevènement, elle n'est que la défense de
privilèges nationaux en voie de perdition, et spécule sur les
ressentiments et les frustrations d'une partie de la petite-bourgeoisie, menacée
de ruine par l'évolution, autant de sentiments dont se nourrit l'influence
de l'extrême droite.
L'Europe,
nouvelle arène des luttes des travailleurs
Le monde du travail est la seule force capable d'ouvrir une perspective de progrès,
de paix, de démocratie et de liberté à l'ensemble des peuples
d'Europe.
La bourgeoisie, sous le fouet de la concurrence, a créé l'arène
des combats de classes modernes, celle d'un continent. Mais elle est loin d'y
être en position de force, car dans le même temps que l'Europe de
la Banque centrale européenne et des Bourses affaiblit les pouvoirs de
chaque État national, elle n'a pu réussir encore à se doter
de l'État européen qui lui serait nécessaire pour mener
sa guerre contre les travailleurs.
Les contradictions qui minent l'économie capitaliste à l'échelle
européenne sont les mêmes qu'à l'échelle mondiale,
avec le caractère plus aigu que lui donne l'évolution récente
de la construction européenne, une concentration sans précédent
du capital, de la richesse sociale, entre les mains d'une poignée toujours
plus restreinte de financiers. Elles préparent inéluctablement
des crises sociales et politiques d'une ampleur inégalée.
L'avenir dépend de la capacité du mouvement ouvrier à ouvrir
la perspective de l'unification des luttes ouvrières à l'échelle
de l'Europe, unification rendue possible par les transformations économiques
déjà réalisées, mais qui ne peut devenir effective
que sur la base d'une politique de classe, qui remette radicalement en cause
la propriété privée capitaliste, fondement de la domination
bourgeoise, de ses États.
Non à
la constitution pour une Europe libérale et impérialiste
Oui, à une Europe des travailleurs et des peuples
L'agitation que provoque le débat sur la constitution ici comme dans
l'ensemble des pays de l'Europe peut contribuer à cette prise de conscience
des salariés et des classes populaires de leurs intérêts
communs, par delà les frontières, face aux multinationales et
à leurs Etats.
Elle peut aussi contribuer, face aux rivalités qui opposent ces Etats
et aux volontés d'hégémonie de la France et de l'Allemagne,
à la prise de conscience qu'une véritable Europe ne peut pas se
construire bureaucratiquement, par en haut mais bien des initiatives et des
volontés démocratiques des populations.
Une Europe sociale ne peut pas naître de la politique des classes dirigeantes
qui n'ont qu'une obsession, faire diminuer le coût du travail pour augmenter
la rentabilité du capital.
Une Europe démocratique ne peut pas naître de la volonté
de ceux qui défendent les privilèges d'une minorité ainsi
que les privilèges nationaux des puissances dominantes.
Une Europe de la paix ne peut naître de la volonté politique de
ceux qui ne rêvent que de protéger leurs zones d'influence ou d'en
acquérir de nouvelles, qui voient l'Europe comme un moyen de faire face
à la concurrence des USA du Japon ou de la Chine pour leurs seuls intérêts
privés au mépris de ceux des populations.
Une Europe sociale, démocratique et pacifiste ne peut naître que
de la volonté consciente des classes populaires d'établir des
relations d'entraide et de coopération pour assurer leur bien être,
le développement de la démocratie et de la culture en accord avec
les peuples du monde entier.
Elle naîtra d'une transformation révolutionnaire par l'intervention
directe des peuples pour écrire une nouvelle page de l'histoire de l'Europe.
A l'Europe des guerres coloniales et des deux guerres impérialistes mondiales,
elle substituera une Europe facteur de paix et de progrès pour le monde
entier.