Débat militant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°58
21 janvier 2005

Sommaire :

20 janvier : un premier pas réussi qui en appelle d'autres

Une lutte nécessaire contre l'embrigadement religieux et l'islamisme politique
Tsunami : du déploiement humanitaire au redéploiement impérialiste
Le congrès de LO et la question de l'unité des révolutionnaires
La lutte pour la défense des droits fondamentaux des travailleurs, des chômeurs, des exclus, des femmes et des jeunes

20 janvier : un premier pas réussi qui en appelle d'autres

La journée de grève et de manifestation du 20 janvier a été un vrai succès. Plus de 300 000 manifestants dans tout le pays, des chiffres de grévistes dans l'Education nationale équivalent au plus fort du mouvement de 2003 et, dans les manifs, une forte présence de jeunes, jeunes profs mais aussi lycéens.
Les choses avaient pourtant mal commencé avec le morcellement en trois journées de grève différentes (18 les postiers, 19 les cheminots et les gaziers et 20 l'ensemble de la Fonction publique) auxquelles avaient appelé les confédérations, expliquant de façon hypocrite que cela permettrait une " montée en puissance ". Les postiers ont montré leur réticence à faire grève seuls le 18 alors que le 20, c'était tous ensemble. Certains ont privilégié le 20, d'autres ont fait les deux, et dans certaines villes, les postiers étaient plus nombreux dans la rue le 20 que le 18.
La journée de grève des cheminots a, elle, été un succès, tant par le nombre de grévistes que par le soutien visible des usagers, et le gouvernement a rapidement annoncé 300 créations de postes… alors qu'il en supprime dans le même temps 3000 ! Les syndicats de la SNCF n'appelaient pas au 20 (sauf Sud Rail qui appelait à la grève reconductible) et rares ont été les cheminots à s'en sentir pour prolonger la grève.

Tous ensemble
Dans les manifestations où se sont retrouvés les enseignants, les hospitaliers, les territoriaux, les travailleurs de l'Etat, des ministères, etc., et beaucoup de jeunes, l'ambiance était aux retrouvailles et à la discussion. Il y avait, par ce besoin d'être " ensemble ", un air des premières manifestations de 1995.
Chacun cherchait les têtes connues, faisait le compte des banderoles et des présents, encourageait les jeunes lycéens au départ de la manif. Malgré l'encadrement voulu par les confédérations syndicales, beaucoup circulaient à travers les cortèges, et à Bordeaux, par exemple, les hospitaliers défilaient ensemble, tous syndicats et établissements confondus. Certaines catégories professionnelles moins habituées à la grève étaient aussi là, tels les policiers en tenue. Les aiguilleurs du ciel, eux, ont pris au dépourvu leur direction : à Bordeaux, aucun avion n'a pu décoller ni atterrir, tous les aiguilleurs se déclarant grévistes le matin même. Par ailleurs, l'irruption des intermittents du spectacle et de AC ! à France-Inter, le matin du 19, avait un goût de lutte et d'impertinence retrouvée de l'été 2003.

Le besoin d'un retour sur 2003
Dans le cortège, comme dans les AG qui se sont tenues les jours précédents, bien des militants et des salariés discutaient des suites nécessaires avec à la fois un certain soulagement, le sentiment qu'une étape était franchie et, en même temps, la crainte de journées sans lendemain, le souvenir de 2003 et le besoin de discuter des raisons de l'échec.
Tous les dirigeants syndicaux y sont allés de leur petite phrase sur 2003… pour mieux l'évacuer, à l'image d'Olive (UNSA) qui déclarait " on en a fini avec la gueule de bois de l'après réforme des retraites de 2003 ".
Face à un sourd désaveu et au mécontentement de la base depuis l'échec de 2003, les confédérations pouvaient difficilement ne pas prendre des initiatives face aux attaques en série du gouvernement. Mais les dirigeants ont semblé bien embarrassés du succès. Thibault, en tête de la manifestation parisienne, a expliqué le programme de l'intersyndicale : " notre perspective, c'est bien d'obtenir des négociations sur l'ensemble des sujets qui font conflit ". Et Hollande lui a fait écho le soir même : " Si la gauche revient au pouvoir, elle ouvrira une grande négociation avec les partenaires sociaux pour définir des ajustements législatifs… ". Quant à Dutreuil, ministre de la Fonction publique, il a expliqué " il n'y a pas d'argent caché sous le tapis, à remettre sur la table ", tout en proposant aux directions syndicales un " Grenelle de la Fonction publique ".

Regrouper tous ceux qui veulent militer pour une nouvelle riposte
Bien des militants ne veulent pas se retrouver prisonniers de ce jeu de dupes, avec la conscience plus ou moins claire qu'il nous est nécessaire de prendre nous-mêmes les choses en main, mais sans trop voir par quel bout commencer. Pour cela, il nous est nécessaire de débattre, en cherchant à regrouper ceux qui veulent préparer une nouvelle riposte. Il est nécessaire de repartir de 2003, des raisons de notre échec, comment nous avons été dépossédés de notre mouvement, syndicats et gauche plurielle s'empressant de passer de la rue au Parlement. Ce sont toutes ces illusions parlementaires, corporatistes, déjà bien ébréchées auxquelles il faut tordre le cou. Les ruptures en cours ont besoin d'être encouragées, approfondies.
Le succès de la journée du 20 a redonné confiance à tous ceux qui ne comptent que sur les luttes pour renverser le rapport de forces. Elle a aussi permis de renforcer des liens militants, d'en renouer ou d'en nouer d'autres, en particulier avec de jeunes salariés ou lycéens qui s'éveillent à la contestation sociale, avec bien peu d'illusions.
Pour bien des manifestants du 20, ce premier pas réussi en appelle d'autres. La journée du 5 février, à laquelle le privé est également appelé à participer, peut être une nouvelle étape, même si les confédérations ont pris soin de limiter par avance l'impact de cette journée en choisissant un samedi, sans appel à la grève de façon à gêner le moins possible. Les quinze jours qui viennent peuvent permettre d'assurer le succès du 5, et de préparer la suite.

Carole Lucas, Gérard Villa

Une lutte nécessaire contre l'embrigadement religieux et l'islamisme politique

A travers, et par delà, la question du port du voile, instrument de l'oppression des femmes, se mène une bataille dont l'enjeu va bien au-delà de leur enfermement ou de l'affirmation d'une " identité " pour celles que la société rejette. La question est avant tout politique.
Loin d'être l'expression d'une politisation progressiste, l'affirmation d'un islam des pauvres, en prise avec une partie de la population issue de l'immigration, se situe sur un terrain qui fait la part belle aux idées réactionnaires, hostiles au mouvement ouvrier. Que la dégradation des conditions d'existence, fruit de l'offensive générale contre le monde du travail dans le cadre de la mondialisation capitaliste, suscite une aspiration à une identité religieuse de la part de ceux et celles qui font partie des exclus de la société, est compréhensible mais il n'empêche qu'elle est le produit du recul du mouvement ouvrier et de ses idéaux.
Consciente des dégâts occasionnés par sa politique, la bourgeoisie, depuis longtemps devenue une classe réactionnaire parasitaire, a toujours mis des limites à la laïcité dont elle se réclame. Elle ne recule pas à encourager le communautarisme, arme de la division entre les opprimés. L'islamisme politique quelle que soit la mouvance dont il se réclame se situe sur un terrain antagoniste avec les intérêts du mouvement ouvrier. Les révolutionnaires socialistes ne peuvent s'y adapter ; ils se doivent de défendre largement un projet d'émancipation sociale qui repose sur l'unité de l'ensemble du monde du travail.

Le recul du mouvement ouvrier laisse la place à la montée des idées réactionnaires
Le recul du mouvement ouvrier démocratique, produit du recul social du monde du travail et de vingt ans de cohabitation des partis de droite et de gauche, qui ont brouillé les repères chez bien des salariés et des militants, se traduit par un désarroi politique qui laisse le champ libre aux idées réactionnaires. Celles-ci s'expriment entre autres par l'existence d'un électorat populaire pour Le Pen mais aussi par la propagation des idées de la bourgeoisie qui n'ont plus été combattues au jour le jour au sein même du camp du mouvement social affaibli par la montée du chômage et de la précarité.
Dans des cités devenues des ghettos, cela s'est traduit par un regain de l'influence des idées religieuses défendues par les propagandistes de l'islam. Car, le plus souvent, la population d'origine immigrée est la première victime de la précarité sociale et du racisme qu'elle engendre. Les militants laïcs, associatifs, syndicalistes, de gauche, démoralisés, n'y ont plus joué le rôle de contrepoids en faisant respecter la vie sociale collective dont l'égalité entre hommes et femmes. Dévoyant la révolte sociale en l'exprimant à travers la religion, au nom d'un bonheur futur et hypothétique, les idées de l'islam politique ont gagné du terrain en prônant un retour à l'ordre moral qui sert à embrigader les plus pauvres en les détournant du combat indépendant de classe pour réaliser "le paradis" sur terre.
Le fait que l'islam se développe parmi la population la plus exclue, -à travers des prédicateurs de l'islam des caves mais aussi des prédicateurs qui ont pignon sur rue comme les dignitaires à la tête des mosquées ou un Tariq Ramadan-, n'en fait pas pour autant une "religion des pauvres", elle-même opprimée. L'islam, comme toute religion, quelle soit catholique ou protestante, sert à dévoyer la révolte des opprimés, issus ou non de l'immigration, comme il sert à dévoyer celle des peuples.
Au lieu de jouer un rôle progressiste, l'islam ne contribue pas à aider à une insertion sociale, illusoire du fait des ravages de la mondialisation. Il est l'ennemi de ceux-là mêmes qu'il prétend représenter: il substitue la charité à la solidarité consciente et organisée du monde du travail, hommes et femmes ensemble, il prône la soumission contribuant à l'enfermement à travers une illusoire identité qui engendre le communautarisme, repli sur soi faisant des différences une supériorité qui s'exprime brutalement à travers le mépris des femmes.
Le combat contre le capitalisme est indissociable de la lutte contre les racines de la religion; les leviers en sont la lutte sociale et politique, la solidarité du monde du travail et de la jeunesse, pour faire reculer le fatalisme qu'engendre la religion qui veut soumettre les consciences, la vie des hommes et des femmes, à la violence sociale.
Nous nous déterminons sur le terrain de la lutte de classe réelle, et non sur celui des contradictions de la pensée religieuse, par nature contradictoire dans la mesure où elle traduit le désarroi des hommes face à la réalité des rapports sociaux dominants...

La loi Chirac et la laïcité façon Sarkozy: un encouragement aux communautarismes…
La loi voulue par Chirac, et soutenue par la gauche, sur la défense de la laïcité à l'école, votée en février 2003, a contribué à stigmatiser une partie de la population victime du racisme, elle a semé la confusion dans les rangs mêmes des féministes et des militants de gauche et d'extrême gauche. Se réclamant d'une soi-disant égalité républicaine dont l'école serait le creuset, Chirac a de fait contribué à donner une légitimité politique aux intégristes en renforçant leurs prétentions à dévoyer la révolte d'une partie de la jeunesse sur le terrain religieux.
Il y a quelques mois, la proposition de Sarkozy alors Ministre de l'Intérieur (et aussi Ministre des Cultes) de modifier la Constitution afin de permettre à l'Etat d'aider à la construction de mosquées pour que l'islam, religion récente en France, soit traitée à égalité avec les autres religions, a relancé le débat sur la laïcité et plus largement celui autour de l'Islam politique.
Chirac s'était alors opposé à une modification de la Constitution et fait à nouveau le fervent défenseur de la laïcité, par calcul politicien, cherchant à se placer en leader de la défense des valeurs de la République.
Ce sont sur les mêmes valeurs de la République que s'appuie Sarkozy pour justifier sa politique: celle de la reconnaissance officielle des représentants de l'islam, qui s'est traduite par les élections en avril 2003 au CFCM (Conseil français du culte musulman).
Dans son livre La République, les religions, l'espérance, Sarkozy s'explique: … "Aujourd'hui l'Islam, au même titre que les religions juive et chrétienne qui sont présentes depuis plus longtemps dans la société française, a un nouveau rôle à jouer. Partout en France, et dans les banlieues plus encore qui concentrent toutes les désespérances, il est bien préférable que les jeunes puissent espérer spirituellement plutôt que d'avoir dans la tête, comme seule "religion", celle de la violence, de la drogue ou de l'argent.". Conscient de la poudrière que représentent les ghettos des banlieues, où la jeunesse issue de l'immigration est sans avenir, réduite à la misère, au chômage et à l'exclusion, Sarkozy allie le bâton de la politique sécuritaire à l'embrigadement religieux sous la coupe des islamistes.
A son arrivée à Matignon, la situation dans les banlieues était telle qu'"on voyait aussi se développer un double islam : un islam officiel, sous l'égide de la Grande Mosquée de Paris, qui rassurait, mais qui peinait à être représentatif de la réalité musulmane des banlieues, et un islam officieux, qui inquiétait, mais avec lequel on ne discutait pas réellement, représenté notamment par l'UOIF. Sur le terrain, on "bricolait" de plus en plus de mosquées dans des caves et des garages tandis qu'un extrémisme militant se développait sur ce terreau porteur.".
En faisant le choix de s'appuyer sur les intégristes islamistes qui prospèrent dans les banlieues sur le terreau de la misère et du désespoir, et en en faisant des partenaires reconnus de l'Etat dans le cadre du CFCM, Sarkozy n'a pas hésité à encourager leurs objectifs réactionnaires d'encadrement et d'embrigadement de la jeunesse et des femmes. Sous couvert de lutter contre le communautarisme, cette politique n'a contribué qu'à le renforcer.
Mais la création d'une instance représentative du culte musulman n'est pas une invention de Sarkozy. C'est une politique qu'avaient mis en œuvre ses prédécesseurs au gouvernement, de droite comme de gauche. En 1990, Pierre Joxe avait fait le premier pas en créant le CORIF, (Conseil de réflexion sur l'islam de France), puis Pasqua, la Coordination des musulmans de France en 1995, avant que Chevènement, en 1999, puis Daniel Vaillant n'essaient de faire aboutir le processus, alors que s'accélérait la dégradation des banlieues. C'est Chevènement qui avait alors invité l'UOIF (L'Union des Organisations Islamiques de France) la table des négociations, ce dont Sarkozy le félicite.
Sarkozy pratique le double langage: d'un côté, des platitudes sur la tolérance, le droit pour chacun de pratiquer sa religion comme il l'entend dans le cadre de la République laïque; de l'autre, la justification des vieux oripeaux des religions qui "constituent un enjeu majeur pour notre société car elles sont le support d'une espérance". Laïc… et religieux, il se fait le défenseur de toutes les religions, avec un coup de chapeau à la religion catholique, garante de l'ordre moral au service de l'ordre social: elle a "joué un rôle en matière d'instruction civique et morale pendant des années, lié à la catéchèse qui existait dans tous les villages de France. Le catéchisme a doté des générations entières de citoyens d'un sens moral assez aiguisé".

L'islamisme politique, une idéologie réactionnaire…
Sarkozy se félicite d'avoir dialogué avec Tariq Ramadan en novembre 2003 sur France 2 dans l'émission 100 minutes pour convaincre: "il venait d'être l'invité vedette du forum social organisé par les altermondialistes et des quotidiens prestigieux lui avaient consacré des portraits faisant ressortir la duplicité de son discours. Au nom de quoi devais-je refuser ce débat?" Sûrement pas au nom de refus de la duplicité dont il est lui-même un expert.
Mais de la part de militants de gauche, voire d'extrême gauche, la question se pose pour le moins différemment. Il est aujourd'hui de bon ton de débattre sur les propos et les écrits de Tariq Ramadan en le présentant comme un partisan d'un islam progressiste, voire moderne, défenseur des libertés dont celle des femmes à porter, ou pas, le foulard islamique…
Il est de mode de se livrer à l'interprétation de ses propos et écrits pour affirmer qu'il n'est pas pour lapidation des femmes, en oubliant qu'il ne dit mot sur l'adultère, ou de disserter doctement sur l'incompatibilité ou non entre islam et démocratie...
S'il est, certes, important de comprendre l'idéologie, les arguments, la démagogie, des adversaires du mouvement ouvrier, faudrait-il encore que cet islamo-engouement ne conduise pas à discuter des idées comme si elles avaient une existence propre, hors des rapports de classes, des rapports politiques et sociaux réels, sans boussole, celle du camp social dont nous nous réclamons.
L'islam n'est pas plus compatible avec la démocratie, c'est à dire avec la liberté et la conscience humaines, que le catholicisme ou toute autre religion. Et personne, à gauche, ne saurait être dupe des affirmations de la religion catholique comme quoi elle est l'amie des pauvres!
Ceux qui justifient, entre autres, la "liberté" des femmes de porter le voile, en affirmant que l'islam, ici, serait une "religion opprimée" dans un contexte, où pèse le passé colonialiste de l'impérialisme français, et suite à la campagne réactionnaire de Bush pour justifier sa guerre contre "l'axe du mal" qui sème le poison du racisme vis-à-vis des musulmans, oublient que ce passé n'est pas celui des internationalistes que nous sommes.
Le terme islamophobie, comme le rappelle Chahdortt Djavann, dans Que pense Allah de l'Europe ?, "fut inventé par des mollahs iraniens juste après la révolution islamique. L'islamophobie fut l'anathème jeté sur les quelques centaines de milliers d'opposants que le régime islamiste a exécutés".
L'islam politique ne relève pas du domaine du ciel ou de la main d'Allah; il est le produit direct de l'impuissance des mouvements nationaux à rompre avec la domination des grandes puissances aux lendemains de la 2ème guerre mondiale, de leurs échecs, et en conséquence de la déception des peuples et du recul qui a suivi.

… et un projet politique hostile aux opprimés
La démagogie ambiguë de Tariq Ramadan exprime les ambiguïtés du projet politique dans lequel il s'inscrit et dont il est une des composantes. L'islamisme politique a un sens, objectif, et un projet qui n'est certes pas la mise en place d'un régime islamiste ici!
Ce projet s'insère dans la société bourgeoise, impérialiste, occidentale: il est de négocier la place des responsables de l'islam politique pour des imams, parlant français, agrégé de l'université de Genève dans le cas de Tariq Ramadan, en tant que représentants de l'immigration pour imposer leur contrôle sur les masses qu'ils prétendent représenter.
Et ils y arrivent assez bien dans le cadre de la laïcité, bonne fille vis-à-vis des religions dont les responsables politiques sont conscients de la nécessité d'avoir des représentants dans les cités qui peuvent devenir incontrôlables pour la police. Leur objectif qui est d'avoir des places aux côtés des représentants de la bourgeoisie ne devrait pas être source d'illusions même quand un Tariq ramadan, issu de la haute bourgeoisie, s'affirme altermondialiste, partisan de la laïcité, etc par démagogie, pour conquérir une influence en Europe.
Ainsi, lorsqu'il déclare dans Le Monde de décembre 2001: "Penser la laïcité en terme de lois et de structures, c'est oublier qu'elle se fonde aussi et surtout sur une certaine idée de la citoyenneté et de l'organisation sociale: l'égalité, le refus de la discrimination et du racisme, l'accès à l'éducation, l'opposition au communautarisme social sont autant de principes et de valeurs qui donnent sens au cadre légal de la laïcité. La République ne sera laïque que si elle sait renouer avec sa vocation sociale". On croirait du Jaurès, sauf qu'il se garde bien d'aller sur le terrain du prolétariat, terrain qui donnait sa dimension radicale et contestatrice à Jaurès qui déclarait, en 1904: "Il est temps que ce grand, mais obsédant problème des rapports de l'Eglise et de l'Etat soit enfin résolu pour que la démocratie puisse se donner tout entière à l'œuvre immense et difficile de réforme sociale et de solidarité humaine que le prolétariat exige."
Partisan du dialogue ouvert, adepte d'un opportunisme politique dont il a le contrôle pour ne jamais déraper sur le terrain de la révolte sociale, se contentant d'exprimer des préoccupations sociales, de façon alambiquée et mièvre, sa personnalité politique n'arrive pas à cacher les thèmes réactionnaires dont il fait son fonds de commerce.

Pour combattre toutes les idées réactionnaires, une politique de lutte de classe
S'il est vrai que dans le cadre de la société d'oppression, des protestations politiques peuvent prendre le masque de la religion, que le port du voile ou d'autres manifestations religieuses peuvent être une façon de s'affirmer en refusant la société capitaliste qui exclue socialement, engendre le racisme, le mépris des faibles, il ne peut être question pour le mouvement ouvrier de se mettre à genoux devant les préjugés religieux.
Il s'agit d'avoir une politique vis-à-vis des catégories sociales les plus défavorisée pour les entraîner sur le terrain de la lutte sociale et collective, démocratique et progressiste en combattant l'influence politique des courants réactionnaires..
Bien évidemment, il ne s'agit nullement de s'en prendre aux femmes qui portent le voile quelles qu'en soient les motivations, ni de se détourner de ceux dont l'islam est la religion, mais il est vital de combattre toute influence réactionnaire.
Celles qui se servent du voile pour afficher une révolte contre l'impérialisme et la société qui les exclue économiquement à cause de leurs origines et véhicule des préjugés racistes, comme ceux et celles qui sont piégés par les discours de prédicateurs manœuvriers, qu'ils appartiennent ou non au monde des exclus, se fourvoient.
De même, ceux qui, remplis de bons sentiments et de moralisme, ne voient les classes opprimées qu'en tant qu'opprimées et non en tant que facteur révolutionnaire, quittent le terrain politique de l'émancipation sociale.
Comprendre ne signifie nullement s'adapter mais partir du gâchis social humain engendré par la société de classe pour la contester en aidant à ce que la révolte s'exprime sur le terrain de la lutte de classe.
La politique des révolutionnaires loin d'aller sur le terrain de l'islam politique, ne peut que s'en délimiter pour se faire la porte parole de la population la plus opprimée dans l'objectif de l'entraîner dans le combat commun, contre le port du voile, pour la mixité, pour les libertés démocratiques, sur la base de notre combat social pour une transformation révolutionnaire. C'est sur le terrain du rapport des forces, politique et social que les militants révolutionnaires, avec tous ceux qui se réclament des idées progressistes et féministes, peuvent formuler une politique d'émancipation sociale pour contrecarrer l'influence de l'islam politique. Il est clair que l'islam politique représente un projet de société, à l'opposé des valeurs progressistes et modernes qui fondent l'unité de ceux et celles qui combattent contre le recul social et démocratique. Il est hostile à l'émancipation des femmes comme à celle des opprimés, à la lutte sociale et collective.
Les travailleurs doivent entraîner dans leur propre camp les classes populaires issues de l'immigration, les plus exploitées et les plus désespérées pour être capables de jouer leur rôle politique, pour les émanciper en s'émancipant eux-mêmes de la bourgeoisie et de la religion qui est une des manifestations les plus réactionnaires visant au maintien de l'ordre social.
Cela suppose que le mouvement ouvrier ait lui-même rompu toute solidarité avec son propre impérialisme, avec le nationalisme et sa religion, pour se réapproprier pleinement les idées de l'internationalisme qui ne connaît ni frontière géographique, ni division entre les hommes et les femmes et tend la main à tous les opprimés.

Catherine Aulnay - Valérie Héas


Tsunami : du déploiement humanitaire au redéploiement impérialiste

La catastrophe dont sont victimes les peuples d'Asie du Sud-Est a révélé à une large échelle la profondeur des inégalités sociales et le cynisme, l'hypocrisie, des dirigeants impérialistes, que ne parviennent pas à masquer la profusion d'images et leurs commentaires appelant à la compassion et vantant la soudaine reconversion humanitaire des armées impérialistes.
Il apparaît clairement que parmi les 220 000 morts aujourd'hui recensés, beaucoup ont d'abord été victimes de l'imprévoyance des grandes puissances, de leur mépris des populations. Tous les scientifiques assurent que les moyens existaient pour prévenir de telles conséquences ou tout au moins les limiter… mais dans le Pacifique, le long des côtes du Japon et des Etats-Unis où les intérêts économiques sont sans commune mesure pour l'impérialisme. Dans l'Océan indien, aucun système d'alerte n'existe, pas plus que les moyens de transmettre les informations.
Aujourd'hui, sous la pression de l'opinion mondiale, les dirigeants impérialistes réunis à Kobé ont promis la création d'un système d'alerte. Sauf que cette déclaration est strictement symbolique, les dirigeants ne s'étant pas mis d'accord sur le système à retenir. Chacun (Allemagne, USA, Australie, Japon...) a vanté les mérites de ses industriels et aucune décision n'a été prise. Quant aux USA, ils ont essayé, lors de cette conférence, de faire retirer toute référence au changement climatique, eux qui refusent d'appliquer les accords de Kyoto sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre.

L'"aide" des pays riches: un infime retour sur bénéfices
L'élan de solidarité provient des populations elles-mêmes, ce sont elles qui ont fait pression sur les Etats. Ainsi, l'Allemagne, qui avait annoncé une aide de 20 millions d'euros alors que les organisations humanitaires avaient récolté dans le même temps 150 millions, a finalement promis 500 millions, un membre de la Chancellerie expliquant "nous ne pouvions pas ne pas être au diapason de l'aide fournie par la population".
Les Etats-Unis, après avoir été qualifiés de "pingres" par le responsable des questions humanitaires de l'ONU, ont finalement annoncé qu'ils "décuplaient" leur aide et la portait à 350 millions de dollars… ce qui équivaut à environ un tiers de ce que dépensent les Etats-Unis chaque jour pour leur budget militaire (415 milliards de dollars par an).
Le total des aides promises aux pays victimes du tsunami est de 11 milliards de dollars, dont plus du tiers provient de dons privés faits aux organisations humanitaires. Il s'agirait d'un effort international sans précédent… qui n'équivaut même pas au sixième de ce que ces pays ont dû rembourser à leurs créanciers pour la seule année 2003 (68 milliards de dollars)! Et on sait que bien des promesses d'aide ne se sont jamais concrétisées dans le passé. Quant à la dette de ces pays (qui représente plus de 80% du PIB pour l'Indonésie), les 19 pays créanciers que regroupe le Club de Paris ont refusé toute annulation, consentant seulement un sursis "aux pays qui en feront la demande".

Redéploiement économique et militaire
Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, nombre d'entreprises occidentales ont fait des "dons" avec moult publicité et communiqués de presse, profitant de la catastrophe pour redorer leur image et, surtout, pour se placer sur le marché asiatique. En France, EADS (qui compte réaliser d'ici peu 30% de ses ventes en Asie), la BNP Paribas, Michelin, Schneider, etc. ont participé à ce super loto. D'autres ont été jusqu'à faire le déplacement, tels les PDG de Véolia (multinationale de l'assainissement) et Sanofi-Aventis (premier groupe pharmaceutique français) se faisant accompagner par Douste-Blazy pour livrer des pompes et des cartons d'antibiotiques. Le pompon du cynisme revient probablement aux laboratoires pharmaceutiques mondiaux: eux qui refusent l'accès des médicaments aux pays pauvres et qui ont récemment mené une sordide bataille des brevets, se sont là fendus d'une poignée de dollars.
Quant à l'important débarquement militaire, son objectif est clair. Des sacs de riz ou des packs d'eau sur l'épaule, les pays impérialistes ont trouvé là l'occasion de remettre le pied en Asie du Sud-Est, jouant des coudes pour faire occuper le terrain par leurs soldats, tentant de regagner un minimum de sympathie de la part de la population en profitant du discrédit des dictateurs locaux.
Honni dans tous les pays pauvres de la planète et en particulier par les populations musulmanes, Bush essaie de donner une autre image de l'impérialisme américain que celle de l'Irak ou l'Afghanistan. Colin Powell a ainsi déclaré à Djakarta: "le monde musulman et le reste du monde vont avoir l'occasion de voir les valeurs américaines en action"… Et dans cette œuvre délicate, Bush a pu compter sur le soutien de Clinton venu s'afficher à ses côtés.
Le gouvernement indonésien a bien demandé le départ des troupes américaines d'ici trois mois, mais suite à la visite de Wolfowitz, numéro deux du Pentagone, il a finalement expliqué qu'il n'y avait pas de date butoir, ce qui a fait dire à Wolfowitz: "Nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons renforcer ce gouvernement démocratique nouvellement élu, et notamment le ministère civil de la Défense"… tout un programme.

La guerre contre les peuples
Les Etats-Unis sont bien décidés à réoccuper le terrain pour continuer leur guerre aux peuples. Le discours d'investiture de Condoleeza Rice, nouvelle secrétaire d'Etat américaine, est un nouvel avertissement. Six nouveaux pays viennent d'être déclarés "postes avancés de la tyrannie" dont la Birmanie voisine et la Corée du Nord. "Nos alliances en Asie n'ont jamais été si fortes et nous utiliserons cette force pour renforcer la paix et la prospérité de la région" a-t-elle déclaré.
Une "prospérité" que la population asiatique paie lourdement. Alors que les économistes calculent froidement que l'économie de l'Asie du Sud-Est ne devrait que peu souffrir des conséquences du tsunami et que "la reconstruction requiert des investissements qui pourraient avoir un impact positif", la Banque asiatique du développement vient d'annoncer 2 millions de nouveaux pauvres.
Et si la catastrophe en Asie fait la une de tous les journaux de par son ampleur, près de la moitié de la planète vit aujourd'hui dans un dénuement extrême. 1,2 milliard de personnes (20% de la population mondiale) vit avec moins d'un dollar par jour alors qu'1% de la population mondiale possède aujourd'hui autant que les 57% les plus pauvres. Rien que dans le Golfe du Bengale, plusieurs millions de personnes meurent chaque année dans un silence assourdissant simplement parce qu'ils n'ont pas accès à l'eau potable. Et chaque mois, en Afrique, 250 000 enfants meurent de la malaria par manque de protection et de médicaments.
Le drame qui se déroule aujourd'hui en Asie met en lumière la brutale réalité de l'impérialisme qui condamne dans sa course au profit une fraction de plus en plus grande de la population sur tous les continents. Plus personne ne peut plus parler aujourd'hui de seule "catastrophe naturelle"; par delà l'élan international de solidarité, une nouvelle lucidité sur la réalité dramatique du pillage libéral et impérialiste est en train de se créer.

Carole Lucas

Le congrès de LO et la question de l'unité des révolutionnaires

Le dernier numéro de Lutte de classe, la revue politique de Lutte ouvrière, publie les documents discutés et soumis au vote du dernier congrès de LO. Cet article ne souhaite pas revenir sur les différentes analyses de la situation économique, internationale ou intérieure que le lecteur pourra y trouver. Elles abordent de multiples questions, à partir d'éléments qui sont des donnés qui, le plus souvent, sont des réalités admises par bien des militants au delà même de l'extrême gauche. Ces analyses ne cherchent pas à dégager une politique, une orientation. Ils sont, pour l'essentiel, un commentaire. Ceci dit, intervenant six mois après les élections européennes, ce congrès en lui-même pose des questions politiques qui concernent l'ensemble de l'extrême gauche.
Tout est fait dans la présentation de la LDC pour écarter l'idée d'un réel débat, d'une démocratie vivante et… l'éventuel lecteur non initié cherche avec difficulté des éléments de compréhension. Chacun a été informé de la position en faveur du Non des camarades de LO sur la question du référendum mais personne ne pourra comprendre la nature des débats, leurs sens ou leur importance.
On peut lire qu'une motion "Pour le non au référendum" a été adoptée par plus de 90% des votants et, sans explications, qu'une motion "Pour l'abstention au référendum" a été rejetée par 98% des voix. On ne sait pas par qui a été soumis ce texte ni ce qu'on fait les 8% qui manquent. Le "Texte d'orientation" dont on apprend en fin de texte et en bas de page, comme par inadvertance, qu'il a été soumis au vote "par la minorité", n'aborde pas la question de la consigne de vote pour le référendum. Donc... la deuxième motion ne vient pas de la minorité. Les lecteurs de la LDC n'auront pas la possibilité d'en comprendre plus. Certes, seul compte le débat d'idées, mais ce débat ne se déroule pas hors de rapports politiques bien concrets... Et, de ce point de vue, il semble qu'une réelle défiance se soit exprimée à l'égard de la direction.
La question de l'inévitable évolution de LO est une question essentielle pour l'ensemble de l'extrême gauche. Cette évolution est inévitable, comme pour chacun, sous la pression des événements.
La direction de LO ne peut rester figée sur ses positions, trouve les capacités d'initiatives qui l'ont conduit à la campagne commune avec nous et aujourd'hui à s'inscrire dans la bataille du Non, mais reste incapable d'aller plus loin, de formuler une politique pour l'ensemble de l'extrême-gauche et reste prisonnière de son mode de fonctionnement comme de la façon dont elle s'est construite et imposée. En opposition, une minorité qui cherche à formuler une politique, ouverte à la Ligue et aux autres courants mais qui est, de fait, elle-même prisonnière de ce même passé, de ce fonctionnement qui impose des votes à 97% ou à… 2%.
La minorité affirme la nécessité de "développer une politique à l'égard de la LCR", défend l'idée de campagnes et de travail entre les deux organisations sur les questions sociales mais ne reprend pas à son compte le Non, alors que la majorité prend position pour le Non tout en se refusant à formuler une politique vis-à-vis de nous.
Il y a là un paradoxe qui exprime les contradictions dans lesquelles se débattent nos camarades de Lutte ouvrière et aussi une question politique qui se pose à tous ceux qui souhaitent voir bouger les rapports au sein de l'extrême gauche. La minorité, par trop prisonnière du cadre imposé par la direction de LO, a bien des difficultés à mettre en œuvre une perspective de dépassement de l'extrême gauche.
C'est pourquoi nous pensons que nous devons, nous, prendre l'initiative d'un débat fraternel avec les militants de LO, leur proposer, chaque fois que possible, d'agir ensemble.
Nous avons mené ensemble deux campagnes électorales, nous nous retrouvons aujourd'hui bien évidemment sur les mêmes positions sur la question sociale et les luttes mais aussi sur une des questions essentielles à partir de laquelle se définissent les différents courants politiques, l'Europe.
Nous avons pu le vérifier lors de la campagne des européennes, nous le vérifions aujourd'hui encore sur la question du référendum. Nous avons de nouvelles occasions d'unir nos forces autour de la défense des services publics, de la bataille des salaires comme de la campagne pour le Non.
Il y a donc bien une continuité politique qui s'écrit, étape après étape, et qui contredit les sectarismes réciproques qui font de chaque divergence ou différence d'analyse une identité. Il faut remettre les raisonnements à l'endroit, partir du programme pour intégrer les divergences comme des points de discussion dans le cadre général des perspectives communes.
De façon plus générale, au-delà même du programme, il y a une commune volonté des militants des deux organisations d'agir dans le camp des travailleurs, de lui être fidèles.
Et la lecture de l'ensemble des textes de la LDC confirme cette idée, comme il nous conforte dans l'idée que face aux agressions de la droite ou pressions des sociaux-libéraux l'extrême gauche aurait tout intérêt à créer un cadre unitaire de discussion et de collaboration.
Bien des analyses formulées dans les textes du congrès de LO pourraient se confronter dans un cadre commun avec les points de vue divergents qui existent dans la Ligue.
Bien des militants de la Ligue partagent les critiques que fait LO de l'attitude de la majorité de la LCR au moment du vote Chirac. Ces critiques s'expriment à la Ligue, se discutent. Pour LO, elles deviennent, comme toute critique, une accusation. "Elle (la LCR) n'a pas réellement contribué à plébisciter Chirac, écrit LO, mais elle a engagé, solidairement et sans critique, son propre électorat à emboîter le pas à la gauche qui livrait les classes populaires à Chirac. Et tout cela nous le paierons peut-être encore longtemps, voire définitivement". Bien sûr, et LO a raison de critiquer une politique qui renvoie dans les bras de la gauche ceux que l'on vient d'aider à rompre avec elle. Cette politique n'est pas sans conséquence, c'est évident, mais quel besoin d'en exagérer les conséquences et d'invoquer le définitif! Il y a là comme une symétrie avec les propos de camarades qui, dans la Ligue, accusent l'accord avec LO d'être responsable de tous nos maux…
Il y a discussion, débat, des bilans à faire. Faire ces bilans, chercher à influencer, à s'opposer au "définitif", c'est créer entre révolutionnaires des rapports démocratiques. Cela suppose de ne pas craindre la confrontation, c'est-à-dire au moins de se poser la question de comment aider le mouvement social à reprendre l'offensive, de comment nous pouvons influer le cours des choses, malgré nos faibles forces.
La Ligue a d'importantes responsabilités, pour permettre au mouvement révolutionnaire de surmonter le contre-coup de 2003-2004. Nous pouvons, pour inverser la formule des camarades de la minorité de LO, développer une politique à l'égard de LO, lui offrir une ouverture démocratique.
Cette politique devrait résulter tout naturellement de notre politique générale dans la perspective de la force nouvelle. Elle devrait en être un élément essentiel.

Yvan Lemaitre


La lutte pour la défense des droits fondamentaux des travailleurs, des chômeurs, des exclus, des femmes et des jeunes

L'offensive lancée en 1999 par le Medef sous le nom de "refondation sociale" a rempli une partie de ses objectifs.
Pour le patronat, il s'agissait de remettre en cause toutes les protections légales qui constituent une limite à la concurrence et à l'exploitation, afin de réduire le "coût du travail", c'est-à-dire le salaire sous toutes ses formes, direct ou indirect, différé. Il veut un marché entièrement "libre" où chaque travailleur, isolé, n'aurait pas d'autre choix que de négocier individuellement, "librement", son contrat avec la classe capitaliste, et que s'impose dans tous les domaines le tout privé, le tout financier.
La première phase de cette offensive avait été menée sous le gouvernement Jospin, et avec l'aide de celui-ci. La loi Aubry sur les 35 heures avait déjà introduit ou aggravé la flexibilité grâce à l'annualisation des heures de travail et instauré, la plupart du temps, la modération salariale. Bien qu'il soit parti en guerre contre cette "loi", le patronat s'en était réjoui et il avait empoché sans sourciller les subventions de l'État comme aujourd'hui il entend préserver les avantages de la flexibilité sans les 35 heures…
Le gouvernement Jospin, de son côté, avait affiché des réticences vis-à-vis du Medef et de sa refondation sociale, mais il en avait agréé un des volets essentiels, le Plan d'aide de retour à l'emploi (Pare), destiné à imposer aux chômeurs n'importe quel travail à n'importe quelles conditions. Lui-même a privatisé à tout va, préparé l'introduction de fonds de pension à travers sa loi sur l'épargne salariale, mis en œuvre le plan Juppé dans les hôpitaux et plus généralement la Santé, et poursuivi la mise en œuvre des lois de décentralisation.
Quant aux directions des grandes confédérations syndicales, elles se sont toutes prêtées au jeu du "dialogue social" et de la concertation voulu par le Medef, la direction de la CGT s'inscrivant dans la logique des réformes, la CFDT menant, elle, une collaboration ouverte avec le patronat.
Dans le même temps, des vagues de licenciements massifs, accompagnant les restructurations, se sont succédé et continuent aujourd'hui, alors même qu'il est question de reprise. Mais ce n'est que la partie émergente de l'iceberg puisque 80% des licenciements sont des licenciements individuels.
Les réformes voulues par le patronat, préparées lors de la période de cohabitation entre Jospin et Chirac qui avaient affirmé publiquement, au sommet européen de Barcelone, en décembre 2001, leur accord sur la libéralisation du marché de l'énergie et l'allongement de 5 ans de la durée du travail, ont été menées par le gouvernement Raffarin, malgré le mouvement du printemps 2003 : la réforme des retraites qui prévoit, après l'alignement du public sur les 40 annuités du privé, l'allongement pour tous de la durée de cotisation jusqu'à 42 ans et plus; l'entrée en vigueur de certaines dispositions des lois de décentralisation comme le transfert des personnels non enseignants vers les collectivités territoriales; la privatisation de France Telecom… Puis, en 2004, la réforme de la Sécurité sociale et le changement de statut, conduisant à leur privatisation, d'EDF et de GDF.
Sur la base de ces succès, patronat et gouvernement ont lancé la deuxième phase de leur offensive, à travers la remise en cause de la réduction du temps de travail, des 35 heures, au nom de la compétitivité nécessaire. En bref, il s'agit, sous couvert d'éviter les délocalisations, d'imposer aux travailleurs, en France, des conditions de salaire, de durée et de pénibilité du travail, identiques à celles que subissent les travailleurs au Portugal, dans les pays de l'Est, au Mexique, voire demain en Chine.
Sont déjà en chantier la refonte du Code du travail, l'introduction entre autres d'un contrat de projet de cinq ans destiné à remplacer le contrat à durée indéterminée. Toutes ces mesures, comme les attaques contre l'indemnisation des chômeurs, ont pour objectif de réduire l'ensemble du monde du travail à la situation que connaissent déjà aujourd'hui les travailleurs en statut précaire (intérim, CDD, CES et autres contrats du même type). Les patrons comptent ainsi faire pression sur l'ensemble des salariés, pour tirer tous les salaires vers le bas.
D'adaptation en capitulations, les directions des confédérations syndicales sont engagées dans une politique d'accompagnement des réformes libérales, le " diagnostic partagé ", un " dialogue social " qui n'est qu'un dialogue de dupes. C'est malgré elles que se sont développés les mouvements de ces derniers mois qu'elles ont ensuite réussi à circonscrire aux secteurs en lutte tout en s'efforçant de leur donner comme objectif la seule perspective d'une négociation des réformes.
Pour mettre un coup d'arrêt à l'offensive du patronat et du gouvernement, empêcher la réforme de la Sécurité sociale d'aller à son terme, la privatisation, et imposer le retrait de tous les autres projets gouvernementaux, le mouvement ouvrier doit rompre avec la politique des directions syndicales, totalement dépendante du social-libéralisme, c'est à dire de la bourgeoisie, avoir sa propre politique.
Le patronat et l'État attaquent les droits des travailleurs et de la population selon un plan méthodique, en utilisant chacun de leur succès pour avancer un nouvel objectif. Ils ont une politique, déterminée par les intérêts des classes privilégiées et leur compréhension des rapports de force.
Le mouvement ouvrier ne peut combattre les réformes libérales qu'en inscrivant son action et ses luttes dans une perspective révolutionnaire, en refusant de se plier aux prétendus équilibres économiques qui ne sont que le voile hypocrite jeté sur les rapports d'exploitation. Les lois économiques ne sont que l'expression des rapports de force entre les classes, c'est-à-dire fondamentalement entre l'oligarchie financière et la classe des salariés.

Pour un plan d'urgence sociale et démocratique

Pour le monde du travail, avoir sa propre politique signifie avoir un programme pour les luttes, dont les revendications soient déterminées par les besoins de la population dont la satisfaction est incompatible avec les intérêts de la propriété privée capitaliste.
Un tel programme doit permettre d'unifier les luttes afin de regrouper les forces de l'ensemble du monde du travail.

Vers un gouvernement démocratique des travailleurs et des peuples d'Europe

Toutes ces mesures auront des répercussions considérables à l'échelle internationale.
Un gouvernement des travailleurs militera activement pour leur généralisation à toute l'Europe où l'existence de l'Union européenne crée une communauté d'intérêts immédiate et concrète entre les travailleurs de tous les pays, qu'elle soumet aux mêmes attaques.
La prise de contrôle des capitaux, des banques et de tous les organismes financiers, sociétés d'assurances, fonds d'investissements, sera facilitée, à une telle échelle, par l'existence d'une monnaie unique, de l'euro et de la Banque centrale européenne. En parachevant leur centralisation, en les unifiant en un seul réseau, les travailleurs détiendront un moyen d'autant plus efficace de contrôler l'économie que l'euro constituera, en tant que monnaie unique, un incomparable instrument de compte et de recensement à l'échelle de l'Europe.
Un gouvernement des travailleurs et de leurs organisations s'adressera à toutes les populations travailleuses des autres pays, en appelant à un Congrès des peuples d'Europe. Une telle initiative ouvrira la voie à la collaboration de tous les peuples européens dans tous les domaines. À l'Europe des pays riches, dont les véritables organes de pouvoir ne sont pas le Parlement de Strasbourg mais la Banque et les places boursières, il opposera une Europe de tous les peuples, démocratique, dont les populations elles-mêmes, par leurs assemblées constituantes, décideront de la forme politique, qui accordera une large autonomie aux villes et aux régions et garantira le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Lui-même plaidera pour une fédération d'États-Unis socialistes d'Europe, un gouvernement démocratique des travailleurs et des peuples d'Europe.

Pas de renaissance du mouvement ouvrier
sans renaissance de la lutte des femmes pour leur émancipation

De nouvelles perspectives s'ouvrent pour l'émancipation des femmes qui est au cœur du combat pour un autre monde. Il ne peut en effet y avoir de socialisme sans émancipation des femmes, pas plus que d'émancipation des femmes sans socialisme !
Tout recul du mouvement ouvrier s'est accompagné d'un recul de la condition des femmes. Le capitalisme mondialisé développe à une plus grande échelle et plus profondément les contradictions du capitalisme avec des conséquences aggravées pour la moitié la plus opprimée de l'humanité, les femmes.
Elles n'ont jamais été aussi nombreuses à travailler à travers le monde, mais aussi à être précarisées, déplacées, exploitées.
Les progrès technologiques et scientifiques, un accès plus grand à l'éducation, ont permis aux luttes des femmes de conquérir des progrès durant les Trente Glorieuses dans les pays riches et même dans les ex-pays coloniaux. Mais entre les mains des capitalistes, ils se traduisent paradoxalement aujourd'hui par une dégradation constante de la condition féminine à travers le monde.
Un renouveau des luttes des femmes cherche aujourd'hui sa voie.
En France, le féminisme renaît dans des quartiers populaires, avec des associations comme " Ni putes ni soumises " autour de revendications telles que la défense de la mixité, l'égalité des hommes et femmes opprimés ensemble, la défense de la liberté sexuelle et tout simplement de l'amour extra familial, pour donner la parole aux femmes des cités, souvent immigrées. Pour ses militantes, on ne pourra mettre un frein à la progression des idées sexistes réactionnaires et à l'influence de l'intégrisme religieux, fruits de la crise et des nombreuses capitulations des gouvernements successifs, du démantèlement des services publics, sans mettre fin à la dégradation des conditions de vie et de travail dans les quartiers populaires. Et bien que ne partageant pas la confiance que nombre d'entre elles ont dans la laïcité républicaine, nous sommes solidaires de leur combat pour l'émancipation des femmes des quartiers par elles mêmes, contre le voile et l'intégrisme religieux.
Le mouvement socialiste et communiste combat l'oppression spécifique de la femme à travers la " double journée de travail ", loin de disparaître aujourd'hui. Ce combat, c'est celui du mouvement socialiste puis communiste pour les droits politiques et sociaux des femmes, partie intégrante de leur lutte pour l'émancipation de toute l'humanité.
Ce sont les premières femmes grévistes au XIXe siècle et les révolutionnaires marxistes qui furent à l'origine des lois de protection des femmes et enfants au travail mais aussi de leur droit au travail. Les marxistes révolutionnaires, en défendant " à travail égal salaire égal " tentèrent de briser la concurrence entre femmes et hommes, en défendant l'unité du monde du travail.
Lorsque cela fut nécessaire, ils encouragèrent l'organisation autonome des femmes dans les rangs ouvriers sans jamais séparer le combat pour le socialisme de l'émancipation des femmes.
Ils soutinrent le combat des féministes bourgeoises pour le droit à l'éducation, à l'autonomie financière et le droit de vote des femmes.
Ce sont les opprimés, hommes et femmes, qui sont allés le plus loin dans les conquêtes féministes. Les ouvrières de Petrograd démarrèrent le processus révolutionnaire d'Octobre 1917 lors de la journée internationale de la femme. Le régime issu du soulèvement révolutionnaire des masses russes, le premier, inscrivit dans la loi, en 1918, l'union libre, le droit au divorce, à l'avortement, la suppression de la criminalisation de l'homosexualité, mais aussi l'aide de l'État pour la femme seule élevant ses enfants jusqu'à leur majorité à 17 ans et un programme d'infrastructures collectives - crèches, garderies, laveries, cantines.
La Troisième Internationale communiste mis en place des commissions mixtes et non-mixtes afin de s'adresser à des femmes de nationalités opprimées, dominées économiquement et sous l'emprise des traditions des religions chrétienne ou musulmane, pour les aider à s'organiser pour leur émancipation, et les gagner ainsi aux idées du communisme.
Encouragée par Lénine et le troisième Congrès de la Troisième Internationale, Clara Zetkin élabora un appel à un rassemblement de toutes les féministes, communistes ou non, à débattre pour renforcer le renouveau du féminisme dans les années d'après-guerre où bien des conformismes avaient été bouleversés.
Pour le mouvement ouvrier, ces expériences sont utiles, non comme des modèles ou des dogmes mais parce qu'elles montrent que le combat féministe et socialiste, communiste sont un même combat pour l'émancipation des opprimés, dont les plus exploités, les femmes.
L'oppression des femmes n'a en effet pas une cause biologique mais sociale. Elle est née avec la division du travail et son appropriation privée, lorsque le développement des forces productives a engendré l'apparition de la propriété privée et, corollaire de l'exploitation du travail, l'exploitation de la femme et des enfants par l'homme, le patriarcat.
C'est pourquoi elle ne peut trouver de solution radicale dans le cadre d'un système où règnent la marchandise et la propriété privée. Dans ce système d'oppression, les femmes sont doublement exploitées en tant que salariées et en tant que femmes reléguées à un rôle secondaire dans la famille et au travail, femmes voilées, femmes objet, femmes prostituées…
Les mobilisations du mouvement féministe dans les années 1970 en faveur de l'avortement, de la contraception, de l'autonomie juridique et financière des femmes, ont porté atteinte au patriarcat, mais les droits conquis sont aujourd'hui menacés.
Le mouvement féministe a ses revendications propres contre ces reculs, contre les atteintes aux droits à l'avortement et à la contraception, le retour des femmes à la maison, les violences conjugales et au travail, l'homophobie… et pour l'égalité des salaires entre femmes et hommes.
Plus généralement il inscrit à son programme la pleine égalité entre homme et femme, la pleine liberté pour les femmes de disposer d'elles-mêmes, de leur corps, de leur sexualité.
L'émancipation des femmes ne peut être possible sans leur plein accès au travail social, leur libération des tâches domestiques, donc, sans une société où ces charges seront réellement effectuées par la collectivité et non plus par chaque cellule familiale isolée. Une société débarrassée des préjugés sociaux qui brident les libertés et les personnalités, en particulier féminines, où possession et rivalités seront des mots dépassés par des relations libres et collectives. Une société où les producteurs, hommes et femmes, contrôleront autant la production et la distribution des richesses socialisées, la gestion des services publics que leur natalité et leurs relations personnelles.
Pour combattre la vieille société capitaliste et sa morale, complètement dépassée par rapport aux possibilités matérielles, technologiques, scientifiques, humaines qu'elle ouvre, le mouvement ouvrier doit être un encouragement pour les exploités et en premier lieu les plus opprimées, les femmes, à prendre la parole, dans les entreprises, les quartiers, parmi la jeunesse travailleuse et à s'organiser.
L'abolition du salariat est la condition indispensable pour parvenir à une société sans exploitation de classe ni, un de ses sous-produits, l'oppression de genre.
Combattre la morale bourgeoise qui soumet les consciences dans le cadre d'une société dominée par la propriété privée et maintient les femmes dans un rôle subalterne et dépendant, est un combat quotidien. Il se combine avec la lutte contre toutes les formes d'aliénation (masculine comme féminine). Encourager l'intervention des femmes des milieux populaires à l'action sociale et politique, à l'heure où la crise du système démontre à une fraction d'entre elles qu'il n'y a que la lutte pour transformer le monde et leur propre sort, est une tâche essentielle du mouvement ouvrier.

La jeunesse, ferment de la lutte
pour la transformation de la société

Si une société se juge à la place qu'elle offre à la jeunesse ou à l'avenir qu'elle lui construit, alors cette société mérite de périr.
N'étant ni responsables, ni démoralisés par les trahisons et défaites passées orchestrées par les directions staliniennes et social-démocrates, les jeunes sont à même de porter un regard neuf et lucide sur les ressorts de cette société, une révolte et une critique radicales qui n'ont pas peur d'elles-mêmes ni de leurs conséquences.
La jeunesse est loin de l'image officielle, apolitique, individualiste, soumise et abrutie par les marchands d'illusions du "Loft" et consort, image véhiculée par les médias et les politiciens qui parlent à sa place pour mieux l'encadrer et récupérer sa révolte. A une nouvelle période sociale produit des bouleversements de la mondialisation, de l'effondrement de l'URSS et de la transformation de la social démocratie en social libéralisme correspond une nouvelle génération qui, libérée des reculs passés, peut reprendre les aspirations des générations révolutionnaires précédentes. Les évolutions du capitalisme depuis une vingtaine d'années entraînent une lente maturation de la jeunesse pour repenser l'avenir et remettre à l'ordre du jour les idées de la transformation révolutionnaire de la société.
La jeunesse ouvrière et scolarisée subit de plein fouet l'offensive globale de la bourgeoisie contre le mouvement ouvrier et ses conditions de travail et de vie. Pour alimenter une machine à profits toujours plus affamée, les exécutants de la mondialisation impérialiste ont provoqué une massification de la précarité dans la jeunesse. Le boom de l'intérim, des petits boulots Mac Do, des contrats jeunes, précaires… mis en place depuis 20 ans par tous les gouvernements successifs, frappe en premier lieu la jeunesse. C'est plus de deux jeunes sur trois qui au cours de leurs études ou à la fin de celles-ci ne connaissent comme forme de travail que la précarité pour une période de plus en plus longue. Une des conséquences qui révèle cet état de précarité est le recul de l'âge de départ de la structure familiale. 22 ans en moyenne dans les années 80, cet âge moyen passe à 24 ans dans les années 90 et la tendance continue dans le même sens aujourd'hui. Mais la famille est parallèlement de moins en moins un refuge car les parents sont eux aussi touchés par les vagues de licenciements et la dégradation des conditions de travail.
Parallèlement à cette massification de la précarité, un autre phénomène relativement nouveau influe sur la jeunesse, c'est la massification de l'accès à l'enseignement. La démocratisation de l'accès à la culture, réel progrès démocratique, rentre en contradiction avec le profond recul social du développement de la précarité. L'université n'est plus une bulle privilégiée accessible à une minorité de jeunes dont l'avenir d'une situation sociale stable est assuré. Sous les coups de l'offensive capitaliste, l'université est devenue le lieu où se décide la réussite professionnelle individuelle, de plus en plus synonyme d'avoir un emploi. Sur fond de chômage et de précarité, l'échec scolaire est vécu comme le début de l'exclusion.
La mondialisation capitaliste en combinant pour ses propres besoins, massification de l'enseignement et de la précarité, a rapproché le monde universitaire du monde du travail, imposant la nécessité de lutter ensemble face à l'offensive de la bourgeoisie. " La galère ", repris dans de nombreuses manifestations de la jeunesse, est ainsi devenue un thème commun de la jeunesse ouvrière des cités et de la jeunesse étudiante, dont les conditions de vie communes dégagent des intérêts communs.
Cette " galère ", véritable violence contre la jeunesse trouve parfois comme réponse, dans les fractions les plus opprimées de celle-ci, la violence individuelle et sans issue, faute de repères sociaux pour donner sa pleine mesure à la révolte dans l'action collective. Pour une partie de la jeunesse moins écrasée par la violence de l'exploitation, le manque de références à la lutte de classe collective peut se traduire par un repli dans des luttes humanitaires, antiracistes, associatives… qui expriment une solidarité avec les opprimés, mais avec les opprimés, non pas en tant que classe révolutionnaire, mais en tant que classe dominée.
Ce désarroi comme ces illusions sont les produits des reculs du mouvement ouvrier depuis une vingtaine d'années sous les coups des classes dominantes alimentées par les trahisons du stalinisme et de la social démocratie. Ces reculs ont laissé la place libre à une offensive idéologique de la bourgeoisie. Une offensive sécuritaire, libérale, morale et religieuse se développe pour réprimer et encadrer la révolte de la jeunesse.
Les jeunes héritent du monde que leur ont laissé les générations précédentes, ils héritent aussi des aspirations de leurs parents ayant vécu la révolte de mai 68, comme des désillusions qui ont pu suivre.
Mais la perte des illusions dans les partis parlementaires se succédant au pouvoir sans que rien ne change, comme dans les institutions internationales censées réguler un monde menacé par la misère, les épidémies, les catastrophes militaires, écologiques et sociales, pousse la jeunesse à retrouver les chemins de la lutte sociale et collective. Une nouvelle contestation radicale et globale du système émerge se retrouvant dans le slogan du mouvement altermondialiste: "un autre monde est possible". Loin d'être résignée, tout ce qui s'oppose à sa liberté, à son épanouissement et à son avenir la révolte profondément.
Elle est donc plus libre dans les luttes, plus démocratique et plus résolue face à un système qui ne lui offrant aucun avenir, ne peut être que renversé. L'évolution des scores de l'extrême gauche dans la jeunesse est significative de cette évolution. Chez les 18-24 ans, les votes pour l'extrême gauche sont passés de 8% en 1978 à 1% en 1993 pour remonter en 2002 à plus de 14%. L'abstention aujourd'hui très majoritaire chez les jeunes traduit cette même rupture avec les outils de domination de la bourgeoisie.
À travers les mouvements sociaux de ces dix dernières années, se forme une nouvelle génération militante portée par la remontée des luttes du mouvement ouvrier, en même temps qu'elle constitue son aile la plus radicale. Les luttes de la jeunesse lycéenne en 98 portant deux slogans: "68-98 la lutte continue" et "y en a marre de la galère", exprimaient à la fois l'actualité de la question sociale et la volonté de continuer et de dépasser la révolte des générations précédentes. Depuis cette génération a connu une accélération dans la lutte de classe, irruption contre Le Pen dans l'entre-deux tours des élections présidentielles de 2002 malgré la volonté des partis parlementaires de limiter sa révolte dans un front républicain électoral, prise de conscience des aspects les plus barbares de l'impérialisme dans le mouvement contre la guerre en Irak, confrontation avec le gouvernement dans les grèves de mai et juin 2003 et les luttes contre les réformes libérales de l'éducation.
La jeunesse a pris à chaque fois toute sa place dans ces mouvements, les a entraînés, radicalisés en cherchant à les dégager des limites des directions réformistes syndicales et politiques. Cela s'est traduit par des structures de lutte plus démocratiques : les collectifs, coordinations et assemblées générales.
Un nouveau développement de la lutte des classes capable de faire basculer le rapport de forces contre la classe capitaliste ne pourra se faire sans soulèvement de la jeunesse.
Comme dans les luttes passées des opprimés, la jeunesse a aujourd'hui une place essentielle à prendre pour actualiser les idées révolutionnaires dans le combat moderne pour l'émancipation humaine.

En finir avec le productivisme capitaliste pour réconcilier l'homme avec la nature

Les problèmes écologiques ont pris ces dernières décennies une ampleur et une gravité nouvelle à l'heure de la mondialisation libérale. Cette crise écologique prend des dimensions catastrophiques dans les pays pauvres où la pollution de l'air, de l'eau, des sols, comme les bouleversements climatiques mettent la vie de millions d'hommes en danger. Mais cette crise touche aussi les populations des pays riches confrontées, comme en France, au scandale de la " vache folle ", aux OGM, aux marées noires de l'Erika ou du Prestige, ou à la catastrophe d'AZF.
Sous ces différents aspects cette crise est la conséquence d'une même logique, celle d'une économie qui tend à transformer en marchandises jusqu'à l'air, l'eau, les êtres vivants. Le productivisme industriel et agricole ne se soucie guère des populations et encore moins de l'environnement. L'économie capitaliste soumise au court terme des marchés est incapable de prendre en compte les cycles naturels.
Ce n'est pas nouveau mais à l'heure de la mondialisation l'ampleur des dégâts est telle qu'elle fait craindre des transformations irréversibles pour l'ensemble de la planète.
Face à cette crise, les dirigeants des grandes puissances ont dû faire mine de s'inquiéter. Les rapports et conférences se multiplient, les problèmes sont connus de tous. Des solutions sont étudiées, développées et proposées par nombre de scientifiques. Pourtant les conférences internationales se succèdent et derrière la mascarade des déclarations, la situation continue de s'aggraver. En effet la mise en place de véritables solutions se révèlent impossible parce qu'elles vont à l'encontre de toute la logique économique libérale qui se développe avec la mondialisation capitaliste.
En ayant fait de l'écologie un problème à part, les mouvements écologistes ne peuvent le plus souvent avancer que de fausses solutions parce qu'ils ignorent ce lien fondamental entre la destruction de l'environnement et la logique du profit capitaliste. Oublier ce lien a conduit certains de ces mouvements à défendre des idées réactionnaires qui reviennent à rendre les progrès de la science ou l'augmentation de la population responsables de la crise écologique.
Pour réconcilier l'Homme avec la Nature, il y a urgence à en finir avec cette folie destructrice de l'économie capitaliste.
Ainsi l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère en accentuant l'effet de serre entraîne un bouleversement des climats. La catastrophe est prévue, annoncée. Les solutions sont connues et simples, réduire les émissions de CO2 en contrôlant la pollution industrielle et en promouvant des énergies propres, réduire les transports individuels au profit de transports collectifs efficaces et non polluants.
Mais comment mettre en place de telles solutions quand toute l'évolution économique vise à laisser libre court à la concurrence et aux lois du marché?
La sécurité industrielle comme la lutte contre la pollution exige des mesures radicales, qui impliquent de retirer le pouvoir absolu aux actionnaires pour permettre aux salariés et aux populations de décider et de contrôler l'économie.
De même l'agriculture vitale pour des millions d'hommes est devenue un enjeu pour les trusts de l'agroalimentaire comme Monsanto. La logique productiviste de " l'agrobusiness " conduit à la généralisation des engrais et des pesticides provoquant la pollution de l'eau, accentuant la destruction des forêts et des terres arables. De plus, ces trusts de l'agroalimentaire veulent utiliser les OGM, ces techniques encore mal maîtrisées, pour imposer leur choix de produire toujours plus à moindre coût et pour rendre les paysans encore plus dépendants d'eux.
Développer l'agriculture pour répondre aux besoins des populations humaines, implique que les paysans et les populations aient la maîtrise de l'eau, des terres, des semences ce qui ne peut passer que par la remise en cause du pouvoir de ces quelques grands trusts de l'agro-alimentaire.
Enfin, sur la question cruciale de la maîtrise des sources d'énergie ce ne sont pas les idées de solutions alternatives qui manquent. Si le charbon et le pétrole sont responsables de la pollution atmosphérique, l'énergie nucléaire qui nous est présentée, en France, comme la solution alternative non polluante est en réalité porteuse de risques bien plus grands, ne serait-ce qu'à cause du problème du recyclage des déchets des centrales. Si l'État français a fait le choix du nucléaire au détriment des autres solutions alternatives (énergie solaire, éolienne…) c'est avant tout pour favoriser les trusts français comme Areva et pour les besoins de la course aux armements.
L'écologie suppose que la population se réapproprie tous les biens communs comme l'eau, les transports, l'énergie… pour avoir la maîtrise des grandes décisions économiques.
Quelles sources d'énergie utiliser sans polluer l'atmosphère comme c'est le cas avec les énergies fossiles (charbon, pétrole) et sans faire courir à l'Humanité des risques irrémédiables comme c'est le cas avec l'énergie nucléaire ?
Comment nourrir les hommes par l'agriculture sans appauvrir les terres agricoles avec le risque de les transformer en désert, et sans aggraver la déforestation ?
Comment développer toute une série d'industries chimiques importantes sans aggraver la pollution de l'eau, de l'air et des sols ?
Tous ces problèmes se posent, ils n'ont certes pas de solutions simples mais ce qui est sûr c'est qu'ils en n'ont pas du tout dans le cadre de l'économie capitaliste qui n'est capable d'utiliser la science et la technique que dans l'objectif du profit immédiat, sans la volonté indispensable de prévoir à long terme.
Les conférences internationales évoquent l'idée d'une gouvernance mondiale, tellement apparaît comme évident, la nécessité d'organiser consciemment les activités humaines à l'échelle de toute la planète. Mais cela ne reste que des formules hypocrites de conférences impuissantes car chaque État est avant tout préoccupé de défendre les intérêts de ses industriels, de ses trusts dans la concurrence acharnée qu'ils se livrent sur le marché mondial.
Produire en fonction des besoins de l'Humanité à partir des ressources disponibles sur Terre, tout en respectant l'Homme et l'environnement, implique d'introduire la raison, la conscience dans l'économie au lieu de s'en remettre, selon le credo du libéralisme, aux lois aveugles du marché et de la concurrence.
La question écologique est partie intégrante du combat pour que l'Humanité organise consciemment, démocratiquement sa vie sociale, et puisse enfin se réconcilier avec la Nature.