Débat militant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°58
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21
janvier 2005
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Sommaire : | ||||||||||
Une lutte nécessaire contre l'embrigadement religieux et l'islamisme politique | ||||||||||
Tsunami : du déploiement humanitaire au redéploiement impérialiste | ||||||||||
Le congrès de LO et la question de l'unité des révolutionnaires | ||||||||||
La lutte pour la défense des droits fondamentaux des travailleurs, des chômeurs, des exclus, des femmes et des jeunes | ||||||||||
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20
janvier : un premier pas réussi qui en appelle d'autres
La
journée de grève et de manifestation du 20 janvier a été
un vrai succès. Plus de 300 000 manifestants dans tout le pays,
des chiffres de grévistes dans l'Education nationale équivalent
au plus fort du mouvement de 2003 et, dans les manifs, une forte présence
de jeunes, jeunes profs mais aussi lycéens.
Les choses avaient pourtant mal commencé avec le morcellement en trois
journées de grève différentes (18 les postiers, 19 les
cheminots et les gaziers et 20 l'ensemble de la Fonction publique) auxquelles
avaient appelé les confédérations, expliquant de façon
hypocrite que cela permettrait une " montée en puissance ".
Les postiers ont montré leur réticence à faire grève
seuls le 18 alors que le 20, c'était tous ensemble. Certains ont privilégié
le 20, d'autres ont fait les deux, et dans certaines villes, les postiers étaient
plus nombreux dans la rue le 20 que le 18.
La journée de grève des cheminots a, elle, été un
succès, tant par le nombre de grévistes que par le soutien visible
des usagers, et le gouvernement a rapidement annoncé 300 créations
de postes
alors qu'il en supprime dans le même temps 3000 !
Les syndicats de la SNCF n'appelaient pas au 20 (sauf Sud Rail qui appelait
à la grève reconductible) et rares ont été les cheminots
à s'en sentir pour prolonger la grève.
Tous
ensemble
Dans les manifestations où se sont retrouvés les enseignants,
les hospitaliers, les territoriaux, les travailleurs de l'Etat, des ministères,
etc., et beaucoup de jeunes, l'ambiance était aux retrouvailles et à
la discussion. Il y avait, par ce besoin d'être " ensemble ",
un air des premières manifestations de 1995.
Chacun cherchait les têtes connues, faisait le compte des banderoles et
des présents, encourageait les jeunes lycéens au départ
de la manif. Malgré l'encadrement voulu par les confédérations
syndicales, beaucoup circulaient à travers les cortèges, et à
Bordeaux, par exemple, les hospitaliers défilaient ensemble, tous syndicats
et établissements confondus. Certaines catégories professionnelles
moins habituées à la grève étaient aussi là,
tels les policiers en tenue. Les aiguilleurs du ciel, eux, ont pris au dépourvu
leur direction : à Bordeaux, aucun avion n'a pu décoller
ni atterrir, tous les aiguilleurs se déclarant grévistes le matin
même. Par ailleurs, l'irruption des intermittents du spectacle et de AC !
à France-Inter, le matin du 19, avait un goût de lutte et d'impertinence
retrouvée de l'été 2003.
Le
besoin d'un retour sur 2003
Dans le cortège, comme dans les AG qui se sont tenues les jours précédents,
bien des militants et des salariés discutaient des suites nécessaires
avec à la fois un certain soulagement, le sentiment qu'une étape
était franchie et, en même temps, la crainte de journées
sans lendemain, le souvenir de 2003 et le besoin de discuter des raisons de
l'échec.
Tous les dirigeants syndicaux y sont allés de leur petite phrase sur
2003
pour mieux l'évacuer, à l'image d'Olive (UNSA) qui
déclarait " on en a fini avec la gueule de bois de l'après
réforme des retraites de 2003 ".
Face à un sourd désaveu et au mécontentement de la base
depuis l'échec de 2003, les confédérations pouvaient difficilement
ne pas prendre des initiatives face aux attaques en série du gouvernement.
Mais les dirigeants ont semblé bien embarrassés du succès.
Thibault, en tête de la manifestation parisienne, a expliqué le
programme de l'intersyndicale : " notre perspective, c'est
bien d'obtenir des négociations sur l'ensemble des sujets qui font conflit ".
Et Hollande lui a fait écho le soir même : " Si
la gauche revient au pouvoir, elle ouvrira une grande négociation avec
les partenaires sociaux pour définir des ajustements législatifs
".
Quant à Dutreuil, ministre de la Fonction publique, il a expliqué
" il n'y a pas d'argent caché sous le tapis, à remettre
sur la table ", tout en proposant aux directions syndicales un
" Grenelle de la Fonction publique ".
Regrouper
tous ceux qui veulent militer pour une nouvelle riposte
Bien des militants ne veulent pas se retrouver prisonniers de ce jeu de dupes,
avec la conscience plus ou moins claire qu'il nous est nécessaire de
prendre nous-mêmes les choses en main, mais sans trop voir par quel bout
commencer. Pour cela, il nous est nécessaire de débattre, en cherchant
à regrouper ceux qui veulent préparer une nouvelle riposte. Il
est nécessaire de repartir de 2003, des raisons de notre échec,
comment nous avons été dépossédés de notre
mouvement, syndicats et gauche plurielle s'empressant de passer de la rue au
Parlement. Ce sont toutes ces illusions parlementaires, corporatistes, déjà
bien ébréchées auxquelles il faut tordre le cou. Les ruptures
en cours ont besoin d'être encouragées, approfondies.
Le succès de la journée du 20 a redonné confiance à
tous ceux qui ne comptent que sur les luttes pour renverser le rapport de forces.
Elle a aussi permis de renforcer des liens militants, d'en renouer ou d'en nouer
d'autres, en particulier avec de jeunes salariés ou lycéens qui
s'éveillent à la contestation sociale, avec bien peu d'illusions.
Pour bien des manifestants du 20, ce premier pas réussi en appelle d'autres.
La journée du 5 février, à laquelle le privé est
également appelé à participer, peut être une nouvelle
étape, même si les confédérations ont pris soin de
limiter par avance l'impact de cette journée en choisissant un samedi,
sans appel à la grève de façon à gêner le
moins possible. Les quinze jours qui viennent peuvent permettre d'assurer le
succès du 5, et de préparer la suite.
Carole
Lucas, Gérard Villa
Une
lutte nécessaire contre l'embrigadement religieux et l'islamisme politique
A
travers, et par delà, la question du port du voile, instrument de l'oppression
des femmes, se mène une bataille dont l'enjeu va bien au-delà
de leur enfermement ou de l'affirmation d'une " identité "
pour celles que la société rejette. La question est avant tout
politique.
Loin d'être l'expression d'une politisation progressiste, l'affirmation
d'un islam des pauvres, en prise avec une partie de la population issue de l'immigration,
se situe sur un terrain qui fait la part belle aux idées réactionnaires,
hostiles au mouvement ouvrier. Que la dégradation des conditions d'existence,
fruit de l'offensive générale contre le monde du travail dans
le cadre de la mondialisation capitaliste, suscite une aspiration à une
identité religieuse de la part de ceux et celles qui font partie des
exclus de la société, est compréhensible mais il n'empêche
qu'elle est le produit du recul du mouvement ouvrier et de ses idéaux.
Consciente des dégâts occasionnés par sa politique, la bourgeoisie,
depuis longtemps devenue une classe réactionnaire parasitaire, a toujours
mis des limites à la laïcité dont elle se réclame.
Elle ne recule pas à encourager le communautarisme, arme de la division
entre les opprimés. L'islamisme politique quelle que soit la mouvance
dont il se réclame se situe sur un terrain antagoniste avec les intérêts
du mouvement ouvrier. Les révolutionnaires socialistes ne peuvent s'y
adapter ; ils se doivent de défendre largement un projet d'émancipation
sociale qui repose sur l'unité de l'ensemble du monde du travail.
Le
recul du mouvement ouvrier laisse la place à la montée des idées
réactionnaires
Le recul du mouvement ouvrier démocratique, produit du recul social du
monde du travail et de vingt ans de cohabitation des partis de droite et de
gauche, qui ont brouillé les repères chez bien des salariés
et des militants, se traduit par un désarroi politique qui laisse le
champ libre aux idées réactionnaires. Celles-ci s'expriment entre
autres par l'existence d'un électorat populaire pour Le Pen mais aussi
par la propagation des idées de la bourgeoisie qui n'ont plus été
combattues au jour le jour au sein même du camp du mouvement social affaibli
par la montée du chômage et de la précarité.
Dans des cités devenues des ghettos, cela s'est traduit par un regain
de l'influence des idées religieuses défendues par les propagandistes
de l'islam. Car, le plus souvent, la population d'origine immigrée est
la première victime de la précarité sociale et du racisme
qu'elle engendre. Les militants laïcs, associatifs, syndicalistes, de gauche,
démoralisés, n'y ont plus joué le rôle de contrepoids
en faisant respecter la vie sociale collective dont l'égalité
entre hommes et femmes. Dévoyant la révolte sociale en l'exprimant
à travers la religion, au nom d'un bonheur futur et hypothétique,
les idées de l'islam politique ont gagné du terrain en prônant
un retour à l'ordre moral qui sert à embrigader les plus pauvres
en les détournant du combat indépendant de classe pour réaliser
"le paradis" sur terre.
Le fait que l'islam se développe parmi la population la plus exclue,
-à travers des prédicateurs de l'islam des caves mais aussi des
prédicateurs qui ont pignon sur rue comme les dignitaires à la
tête des mosquées ou un Tariq Ramadan-, n'en fait pas pour autant
une "religion des pauvres", elle-même opprimée.
L'islam, comme toute religion, quelle soit catholique ou protestante, sert à
dévoyer la révolte des opprimés, issus ou non de l'immigration,
comme il sert à dévoyer celle des peuples.
Au lieu de jouer un rôle progressiste, l'islam ne contribue pas à
aider à une insertion sociale, illusoire du fait des ravages de la mondialisation.
Il est l'ennemi de ceux-là mêmes qu'il prétend représenter:
il substitue la charité à la solidarité consciente et organisée
du monde du travail, hommes et femmes ensemble, il prône la soumission
contribuant à l'enfermement à travers une illusoire identité
qui engendre le communautarisme, repli sur soi faisant des différences
une supériorité qui s'exprime brutalement à travers le
mépris des femmes.
Le combat contre le capitalisme est indissociable de la lutte contre les racines
de la religion; les leviers en sont la lutte sociale et politique, la solidarité
du monde du travail et de la jeunesse, pour faire reculer le fatalisme qu'engendre
la religion qui veut soumettre les consciences, la vie des hommes et des femmes,
à la violence sociale.
Nous nous déterminons sur le terrain de la lutte de classe réelle,
et non sur celui des contradictions de la pensée religieuse, par nature
contradictoire dans la mesure où elle traduit le désarroi des
hommes face à la réalité des rapports sociaux dominants...
La
loi Chirac et la laïcité façon Sarkozy: un encouragement
aux communautarismes
La loi voulue par Chirac, et soutenue par la gauche, sur la défense de
la laïcité à l'école, votée en février
2003, a contribué à stigmatiser une partie de la population victime
du racisme, elle a semé la confusion dans les rangs mêmes des féministes
et des militants de gauche et d'extrême gauche. Se réclamant d'une
soi-disant égalité républicaine dont l'école serait
le creuset, Chirac a de fait contribué à donner une légitimité
politique aux intégristes en renforçant leurs prétentions
à dévoyer la révolte d'une partie de la jeunesse sur le
terrain religieux.
Il y a quelques mois, la proposition de Sarkozy alors Ministre de l'Intérieur
(et aussi Ministre des Cultes) de modifier la Constitution afin de permettre
à l'Etat d'aider à la construction de mosquées pour que
l'islam, religion récente en France, soit traitée à égalité
avec les autres religions, a relancé le débat sur la laïcité
et plus largement celui autour de l'Islam politique.
Chirac s'était alors opposé à une modification de la Constitution
et fait à nouveau le fervent défenseur de la laïcité,
par calcul politicien, cherchant à se placer en leader de la défense
des valeurs de la République.
Ce sont sur les mêmes valeurs de la République que s'appuie Sarkozy
pour justifier sa politique: celle de la reconnaissance officielle des représentants
de l'islam, qui s'est traduite par les élections en avril 2003 au CFCM
(Conseil français du culte musulman).
Dans son livre La République, les religions, l'espérance,
Sarkozy s'explique:
"Aujourd'hui l'Islam, au même titre
que les religions juive et chrétienne qui sont présentes depuis
plus longtemps dans la société française, a un nouveau
rôle à jouer. Partout en France, et dans les banlieues plus encore
qui concentrent toutes les désespérances, il est bien préférable
que les jeunes puissent espérer spirituellement plutôt que d'avoir
dans la tête, comme seule "religion", celle de la violence,
de la drogue ou de l'argent.". Conscient de la poudrière que
représentent les ghettos des banlieues, où la jeunesse issue de
l'immigration est sans avenir, réduite à la misère, au
chômage et à l'exclusion, Sarkozy allie le bâton de la politique
sécuritaire à l'embrigadement religieux sous la coupe des islamistes.
A son arrivée à Matignon, la situation dans les banlieues était
telle qu'"on voyait aussi se développer un double islam : un
islam officiel, sous l'égide de la Grande Mosquée de Paris, qui
rassurait, mais qui peinait à être représentatif de la réalité
musulmane des banlieues, et un islam officieux, qui inquiétait, mais
avec lequel on ne discutait pas réellement, représenté
notamment par l'UOIF. Sur le terrain, on "bricolait" de plus en plus
de mosquées dans des caves et des garages tandis qu'un extrémisme
militant se développait sur ce terreau porteur.".
En faisant le choix de s'appuyer sur les intégristes islamistes qui prospèrent
dans les banlieues sur le terreau de la misère et du désespoir,
et en en faisant des partenaires reconnus de l'Etat dans le cadre du CFCM, Sarkozy
n'a pas hésité à encourager leurs objectifs réactionnaires
d'encadrement et d'embrigadement de la jeunesse et des femmes. Sous couvert
de lutter contre le communautarisme, cette politique n'a contribué qu'à
le renforcer.
Mais la création d'une instance représentative du culte musulman
n'est pas une invention de Sarkozy. C'est une politique qu'avaient mis en uvre
ses prédécesseurs au gouvernement, de droite comme de gauche.
En 1990, Pierre Joxe avait fait le premier pas en créant le CORIF, (Conseil
de réflexion sur l'islam de France), puis Pasqua, la Coordination des
musulmans de France en 1995, avant que Chevènement, en 1999, puis Daniel
Vaillant n'essaient de faire aboutir le processus, alors que s'accélérait
la dégradation des banlieues. C'est Chevènement qui avait alors
invité l'UOIF (L'Union des Organisations Islamiques de France) la table
des négociations, ce dont Sarkozy le félicite.
Sarkozy pratique le double langage: d'un côté, des platitudes sur
la tolérance, le droit pour chacun de pratiquer sa religion comme il
l'entend dans le cadre de la République laïque; de l'autre, la justification
des vieux oripeaux des religions qui "constituent un enjeu majeur pour
notre société car elles sont le support d'une espérance".
Laïc
et religieux, il se fait le défenseur de toutes les religions,
avec un coup de chapeau à la religion catholique, garante de l'ordre
moral au service de l'ordre social: elle a "joué un rôle
en matière d'instruction civique et morale pendant des années,
lié à la catéchèse qui existait dans tous les villages
de France. Le catéchisme a doté des générations
entières de citoyens d'un sens moral assez aiguisé".
L'islamisme
politique, une idéologie réactionnaire
Sarkozy se félicite d'avoir dialogué avec Tariq Ramadan en novembre
2003 sur France 2 dans l'émission 100 minutes pour convaincre: "il
venait d'être l'invité vedette du forum social organisé
par les altermondialistes et des quotidiens prestigieux lui avaient consacré
des portraits faisant ressortir la duplicité de son discours. Au nom
de quoi devais-je refuser ce débat?" Sûrement pas au nom
de refus de la duplicité dont il est lui-même un expert.
Mais de la part de militants de gauche, voire d'extrême gauche, la question
se pose pour le moins différemment. Il est aujourd'hui de bon ton de
débattre sur les propos et les écrits de Tariq Ramadan en le présentant
comme un partisan d'un islam progressiste, voire moderne, défenseur des
libertés dont celle des femmes à porter, ou pas, le foulard islamique
Il est de mode de se livrer à l'interprétation de ses propos et
écrits pour affirmer qu'il n'est pas pour lapidation des femmes, en oubliant
qu'il ne dit mot sur l'adultère, ou de disserter doctement sur l'incompatibilité
ou non entre islam et démocratie...
S'il est, certes, important de comprendre l'idéologie, les arguments,
la démagogie, des adversaires du mouvement ouvrier, faudrait-il encore
que cet islamo-engouement ne conduise pas à discuter des idées
comme si elles avaient une existence propre, hors des rapports de classes, des
rapports politiques et sociaux réels, sans boussole, celle du camp social
dont nous nous réclamons.
L'islam n'est pas plus compatible avec la démocratie, c'est à
dire avec la liberté et la conscience humaines, que le catholicisme ou
toute autre religion. Et personne, à gauche, ne saurait être dupe
des affirmations de la religion catholique comme quoi elle est l'amie des pauvres!
Ceux qui justifient, entre autres, la "liberté" des
femmes de porter le voile, en affirmant que l'islam, ici, serait une "religion
opprimée" dans un contexte, où pèse le passé
colonialiste de l'impérialisme français, et suite à la
campagne réactionnaire de Bush pour justifier sa guerre contre "l'axe
du mal" qui sème le poison du racisme vis-à-vis des musulmans,
oublient que ce passé n'est pas celui des internationalistes que nous
sommes.
Le terme islamophobie, comme le rappelle Chahdortt Djavann, dans Que pense
Allah de l'Europe ?, "fut inventé par des mollahs iraniens
juste après la révolution islamique. L'islamophobie fut l'anathème
jeté sur les quelques centaines de milliers d'opposants que le régime
islamiste a exécutés".
L'islam politique ne relève pas du domaine du ciel ou de la main d'Allah;
il est le produit direct de l'impuissance des mouvements nationaux à
rompre avec la domination des grandes puissances aux lendemains de la 2ème
guerre mondiale, de leurs échecs, et en conséquence de la déception
des peuples et du recul qui a suivi.
et un projet politique hostile aux opprimés
La démagogie ambiguë de Tariq Ramadan exprime les ambiguïtés
du projet politique dans lequel il s'inscrit et dont il est une des composantes.
L'islamisme politique a un sens, objectif, et un projet qui n'est certes pas
la mise en place d'un régime islamiste ici!
Ce projet s'insère dans la société bourgeoise, impérialiste,
occidentale: il est de négocier la place des responsables de l'islam
politique pour des imams, parlant français, agrégé de l'université
de Genève dans le cas de Tariq Ramadan, en tant que représentants
de l'immigration pour imposer leur contrôle sur les masses qu'ils prétendent
représenter.
Et ils y arrivent assez bien dans le cadre de la laïcité, bonne
fille vis-à-vis des religions dont les responsables politiques sont conscients
de la nécessité d'avoir des représentants dans les cités
qui peuvent devenir incontrôlables pour la police. Leur objectif qui est
d'avoir des places aux côtés des représentants de la bourgeoisie
ne devrait pas être source d'illusions même quand un Tariq ramadan,
issu de la haute bourgeoisie, s'affirme altermondialiste, partisan de la laïcité,
etc par démagogie, pour conquérir une influence en Europe.
Ainsi, lorsqu'il déclare dans Le Monde de décembre 2001:
"Penser la laïcité en terme de lois et de structures, c'est
oublier qu'elle se fonde aussi et surtout sur une certaine idée de la
citoyenneté et de l'organisation sociale: l'égalité, le
refus de la discrimination et du racisme, l'accès à l'éducation,
l'opposition au communautarisme social sont autant de principes et de valeurs
qui donnent sens au cadre légal de la laïcité. La République
ne sera laïque que si elle sait renouer avec sa vocation sociale".
On croirait du Jaurès, sauf qu'il se garde bien d'aller sur le terrain
du prolétariat, terrain qui donnait sa dimension radicale et contestatrice
à Jaurès qui déclarait, en 1904: "Il est temps
que ce grand, mais obsédant problème des rapports de l'Eglise
et de l'Etat soit enfin résolu pour que la démocratie puisse se
donner tout entière à l'uvre immense et difficile de réforme
sociale et de solidarité humaine que le prolétariat exige."
Partisan du dialogue ouvert, adepte d'un opportunisme politique dont il a le
contrôle pour ne jamais déraper sur le terrain de la révolte
sociale, se contentant d'exprimer des préoccupations sociales, de façon
alambiquée et mièvre, sa personnalité politique n'arrive
pas à cacher les thèmes réactionnaires dont il fait son
fonds de commerce.
Pour
combattre toutes les idées réactionnaires, une politique de lutte
de classe
S'il est vrai que dans le cadre de la société d'oppression, des
protestations politiques peuvent prendre le masque de la religion, que le port
du voile ou d'autres manifestations religieuses peuvent être une façon
de s'affirmer en refusant la société capitaliste qui exclue socialement,
engendre le racisme, le mépris des faibles, il ne peut être question
pour le mouvement ouvrier de se mettre à genoux devant les préjugés
religieux.
Il s'agit d'avoir une politique vis-à-vis des catégories sociales
les plus défavorisée pour les entraîner sur le terrain de
la lutte sociale et collective, démocratique et progressiste en combattant
l'influence politique des courants réactionnaires..
Bien évidemment, il ne s'agit nullement de s'en prendre aux femmes qui
portent le voile quelles qu'en soient les motivations, ni de se détourner
de ceux dont l'islam est la religion, mais il est vital de combattre toute influence
réactionnaire.
Celles qui se servent du voile pour afficher une révolte contre l'impérialisme
et la société qui les exclue économiquement à cause
de leurs origines et véhicule des préjugés racistes, comme
ceux et celles qui sont piégés par les discours de prédicateurs
manuvriers, qu'ils appartiennent ou non au monde des exclus, se fourvoient.
De même, ceux qui, remplis de bons sentiments et de moralisme, ne voient
les classes opprimées qu'en tant qu'opprimées et non en tant que
facteur révolutionnaire, quittent le terrain politique de l'émancipation
sociale.
Comprendre ne signifie nullement s'adapter mais partir du gâchis social
humain engendré par la société de classe pour la contester
en aidant à ce que la révolte s'exprime sur le terrain de la lutte
de classe.
La politique des révolutionnaires loin d'aller sur le terrain de l'islam
politique, ne peut que s'en délimiter pour se faire la porte parole de
la population la plus opprimée dans l'objectif de l'entraîner dans
le combat commun, contre le port du voile, pour la mixité, pour les libertés
démocratiques, sur la base de notre combat social pour une transformation
révolutionnaire. C'est sur le terrain du rapport des forces, politique
et social que les militants révolutionnaires, avec tous ceux qui se réclament
des idées progressistes et féministes, peuvent formuler une politique
d'émancipation sociale pour contrecarrer l'influence de l'islam politique.
Il est clair que l'islam politique représente un projet de société,
à l'opposé des valeurs progressistes et modernes qui fondent l'unité
de ceux et celles qui combattent contre le recul social et démocratique.
Il est hostile à l'émancipation des femmes comme à celle
des opprimés, à la lutte sociale et collective.
Les travailleurs doivent entraîner dans leur propre camp les classes populaires
issues de l'immigration, les plus exploitées et les plus désespérées
pour être capables de jouer leur rôle politique, pour les émanciper
en s'émancipant eux-mêmes de la bourgeoisie et de la religion qui
est une des manifestations les plus réactionnaires visant au maintien
de l'ordre social.
Cela suppose que le mouvement ouvrier ait lui-même rompu toute solidarité
avec son propre impérialisme, avec le nationalisme et sa religion, pour
se réapproprier pleinement les idées de l'internationalisme qui
ne connaît ni frontière géographique, ni division entre
les hommes et les femmes et tend la main à tous les opprimés.
Catherine
Aulnay - Valérie Héas
Tsunami
: du déploiement humanitaire au redéploiement impérialiste
La catastrophe
dont sont victimes les peuples d'Asie du Sud-Est a révélé
à une large échelle la profondeur des inégalités
sociales et le cynisme, l'hypocrisie, des dirigeants impérialistes, que
ne parviennent pas à masquer la profusion d'images et leurs commentaires
appelant à la compassion et vantant la soudaine reconversion humanitaire
des armées impérialistes.
Il apparaît clairement que parmi les 220 000 morts aujourd'hui recensés,
beaucoup ont d'abord été victimes de l'imprévoyance des
grandes puissances, de leur mépris des populations. Tous les scientifiques
assurent que les moyens existaient pour prévenir de telles conséquences
ou tout au moins les limiter
mais dans le Pacifique, le long des côtes
du Japon et des Etats-Unis où les intérêts économiques
sont sans commune mesure pour l'impérialisme. Dans l'Océan indien,
aucun système d'alerte n'existe, pas plus que les moyens de transmettre
les informations.
Aujourd'hui, sous la pression de l'opinion mondiale, les dirigeants impérialistes
réunis à Kobé ont promis la création d'un système
d'alerte. Sauf que cette déclaration est strictement symbolique, les
dirigeants ne s'étant pas mis d'accord sur le système à
retenir. Chacun (Allemagne, USA, Australie, Japon...) a vanté les mérites
de ses industriels et aucune décision n'a été prise. Quant
aux USA, ils ont essayé, lors de cette conférence, de faire retirer
toute référence au changement climatique, eux qui refusent d'appliquer
les accords de Kyoto sur la limitation des émissions de gaz à
effet de serre.
L'"aide"
des pays riches: un infime retour sur bénéfices
L'élan de solidarité provient des populations elles-mêmes,
ce sont elles qui ont fait pression sur les Etats. Ainsi, l'Allemagne, qui avait
annoncé une aide de 20 millions d'euros alors que les organisations humanitaires
avaient récolté dans le même temps 150 millions, a finalement
promis 500 millions, un membre de la Chancellerie expliquant "nous ne
pouvions pas ne pas être au diapason de l'aide fournie par la population".
Les Etats-Unis, après avoir été qualifiés de "pingres"
par le responsable des questions humanitaires de l'ONU, ont finalement annoncé
qu'ils "décuplaient" leur aide et la portait à
350 millions de dollars
ce qui équivaut à environ un tiers
de ce que dépensent les Etats-Unis chaque jour pour leur budget militaire
(415 milliards de dollars par an).
Le total des aides promises aux pays victimes du tsunami est de 11 milliards
de dollars, dont plus du tiers provient de dons privés faits aux organisations
humanitaires. Il s'agirait d'un effort international sans précédent
qui n'équivaut même pas au sixième de ce que ces pays ont
dû rembourser à leurs créanciers pour la seule année
2003 (68 milliards de dollars)! Et on sait que bien des promesses d'aide ne
se sont jamais concrétisées dans le passé. Quant à
la dette de ces pays (qui représente plus de 80% du PIB pour l'Indonésie),
les 19 pays créanciers que regroupe le Club de Paris ont refusé
toute annulation, consentant seulement un sursis "aux pays qui en feront
la demande".
Redéploiement
économique et militaire
Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, nombre d'entreprises occidentales
ont fait des "dons" avec moult publicité et communiqués
de presse, profitant de la catastrophe pour redorer leur image et, surtout,
pour se placer sur le marché asiatique. En France, EADS (qui compte réaliser
d'ici peu 30% de ses ventes en Asie), la BNP Paribas, Michelin, Schneider, etc.
ont participé à ce super loto. D'autres ont été
jusqu'à faire le déplacement, tels les PDG de Véolia (multinationale
de l'assainissement) et Sanofi-Aventis (premier groupe pharmaceutique français)
se faisant accompagner par Douste-Blazy pour livrer des pompes et des cartons
d'antibiotiques. Le pompon du cynisme revient probablement aux laboratoires
pharmaceutiques mondiaux: eux qui refusent l'accès des médicaments
aux pays pauvres et qui ont récemment mené une sordide bataille
des brevets, se sont là fendus d'une poignée de dollars.
Quant à l'important débarquement militaire, son objectif est clair.
Des sacs de riz ou des packs d'eau sur l'épaule, les pays impérialistes
ont trouvé là l'occasion de remettre le pied en Asie du Sud-Est,
jouant des coudes pour faire occuper le terrain par leurs soldats, tentant de
regagner un minimum de sympathie de la part de la population en profitant du
discrédit des dictateurs locaux.
Honni dans tous les pays pauvres de la planète et en particulier par
les populations musulmanes, Bush essaie de donner une autre image de l'impérialisme
américain que celle de l'Irak ou l'Afghanistan. Colin Powell a ainsi
déclaré à Djakarta: "le monde musulman et le reste
du monde vont avoir l'occasion de voir les valeurs américaines en action"
Et dans cette uvre délicate, Bush a pu compter sur le soutien de
Clinton venu s'afficher à ses côtés.
Le gouvernement indonésien a bien demandé le départ des
troupes américaines d'ici trois mois, mais suite à la visite de
Wolfowitz, numéro deux du Pentagone, il a finalement expliqué
qu'il n'y avait pas de date butoir, ce qui a fait dire à Wolfowitz: "Nous
devons réfléchir à la façon dont nous pouvons renforcer
ce gouvernement démocratique nouvellement élu, et notamment le
ministère civil de la Défense"
tout un programme.
La guerre contre
les peuples
Les Etats-Unis sont bien décidés à réoccuper le
terrain pour continuer leur guerre aux peuples. Le discours d'investiture de
Condoleeza Rice, nouvelle secrétaire d'Etat américaine, est un
nouvel avertissement. Six nouveaux pays viennent d'être déclarés
"postes avancés de la tyrannie" dont la Birmanie voisine
et la Corée du Nord. "Nos alliances en Asie n'ont jamais été
si fortes et nous utiliserons cette force pour renforcer la paix et la prospérité
de la région" a-t-elle déclaré.
Une "prospérité" que la population asiatique
paie lourdement. Alors que les économistes calculent froidement que l'économie
de l'Asie du Sud-Est ne devrait que peu souffrir des conséquences du
tsunami et que "la reconstruction requiert des investissements qui pourraient
avoir un impact positif", la Banque asiatique du développement
vient d'annoncer 2 millions de nouveaux pauvres.
Et si la catastrophe en Asie fait la une de tous les journaux de par son ampleur,
près de la moitié de la planète vit aujourd'hui dans un
dénuement extrême. 1,2 milliard de personnes (20% de la population
mondiale) vit avec moins d'un dollar par jour alors qu'1% de la population mondiale
possède aujourd'hui autant que les 57% les plus pauvres. Rien que dans
le Golfe du Bengale, plusieurs millions de personnes meurent chaque année
dans un silence assourdissant simplement parce qu'ils n'ont pas accès
à l'eau potable. Et chaque mois, en Afrique, 250 000 enfants meurent
de la malaria par manque de protection et de médicaments.
Le drame qui se déroule aujourd'hui en Asie met en lumière la
brutale réalité de l'impérialisme qui condamne dans sa
course au profit une fraction de plus en plus grande de la population sur tous
les continents. Plus personne ne peut plus parler aujourd'hui de seule "catastrophe
naturelle"; par delà l'élan international de solidarité,
une nouvelle lucidité sur la réalité dramatique du pillage
libéral et impérialiste est en train de se créer.
Carole
Lucas
Le
congrès de LO et la question de l'unité des révolutionnaires
Le
dernier numéro de Lutte de classe, la revue politique de Lutte
ouvrière, publie les documents discutés et soumis au vote du dernier
congrès de LO. Cet article ne souhaite pas revenir sur les différentes
analyses de la situation économique, internationale ou intérieure
que le lecteur pourra y trouver. Elles abordent de multiples questions, à
partir d'éléments qui sont des donnés qui, le plus souvent,
sont des réalités admises par bien des militants au delà
même de l'extrême gauche. Ces analyses ne cherchent pas à
dégager une politique, une orientation. Ils sont, pour l'essentiel, un
commentaire. Ceci dit, intervenant six mois après les élections
européennes, ce congrès en lui-même pose des questions politiques
qui concernent l'ensemble de l'extrême gauche.
Tout est fait dans la présentation de la LDC pour écarter
l'idée d'un réel débat, d'une démocratie vivante
et
l'éventuel lecteur non initié cherche avec difficulté
des éléments de compréhension. Chacun a été
informé de la position en faveur du Non des camarades de LO sur la question
du référendum mais personne ne pourra comprendre la nature des
débats, leurs sens ou leur importance.
On peut lire qu'une motion "Pour le non au référendum"
a été adoptée par plus de 90% des votants et, sans explications,
qu'une motion "Pour l'abstention au référendum" a été
rejetée par 98% des voix. On ne sait pas par qui a été
soumis ce texte ni ce qu'on fait les 8% qui manquent. Le "Texte d'orientation"
dont on apprend en fin de texte et en bas de page, comme par inadvertance, qu'il
a été soumis au vote "par la minorité", n'aborde
pas la question de la consigne de vote pour le référendum. Donc...
la deuxième motion ne vient pas de la minorité. Les lecteurs de
la LDC n'auront pas la possibilité d'en comprendre plus. Certes, seul
compte le débat d'idées, mais ce débat ne se déroule
pas hors de rapports politiques bien concrets... Et, de ce point de vue, il
semble qu'une réelle défiance se soit exprimée à
l'égard de la direction.
La question de l'inévitable évolution de LO est une question essentielle
pour l'ensemble de l'extrême gauche. Cette évolution est inévitable,
comme pour chacun, sous la pression des événements.
La direction de LO ne peut rester figée sur ses positions, trouve les
capacités d'initiatives qui l'ont conduit à la campagne commune
avec nous et aujourd'hui à s'inscrire dans la bataille du Non, mais reste
incapable d'aller plus loin, de formuler une politique pour l'ensemble de l'extrême-gauche
et reste prisonnière de son mode de fonctionnement comme de la façon
dont elle s'est construite et imposée. En opposition, une minorité
qui cherche à formuler une politique, ouverte à la Ligue et aux
autres courants mais qui est, de fait, elle-même prisonnière de
ce même passé, de ce fonctionnement qui impose des votes à
97% ou à
2%.
La minorité affirme la nécessité de "développer
une politique à l'égard de la LCR", défend l'idée
de campagnes et de travail entre les deux organisations sur les questions sociales
mais ne reprend pas à son compte le Non, alors que la majorité
prend position pour le Non tout en se refusant à formuler une politique
vis-à-vis de nous.
Il y a là un paradoxe qui exprime les contradictions dans lesquelles
se débattent nos camarades de Lutte ouvrière et aussi une question
politique qui se pose à tous ceux qui souhaitent voir bouger les rapports
au sein de l'extrême gauche. La minorité, par trop prisonnière
du cadre imposé par la direction de LO, a bien des difficultés
à mettre en uvre une perspective de dépassement de l'extrême
gauche.
C'est pourquoi nous pensons que nous devons, nous, prendre l'initiative d'un
débat fraternel avec les militants de LO, leur proposer, chaque fois
que possible, d'agir ensemble.
Nous avons mené ensemble deux campagnes électorales, nous nous
retrouvons aujourd'hui bien évidemment sur les mêmes positions
sur la question sociale et les luttes mais aussi sur une des questions essentielles
à partir de laquelle se définissent les différents courants
politiques, l'Europe.
Nous avons pu le vérifier lors de la campagne des européennes,
nous le vérifions aujourd'hui encore sur la question du référendum.
Nous avons de nouvelles occasions d'unir nos forces autour de la défense
des services publics, de la bataille des salaires comme de la campagne pour
le Non.
Il y a donc bien une continuité politique qui s'écrit, étape
après étape, et qui contredit les sectarismes réciproques
qui font de chaque divergence ou différence d'analyse une identité.
Il faut remettre les raisonnements à l'endroit, partir du programme pour
intégrer les divergences comme des points de discussion dans le cadre
général des perspectives communes.
De façon plus générale, au-delà même du programme,
il y a une commune volonté des militants des deux organisations d'agir
dans le camp des travailleurs, de lui être fidèles.
Et la lecture de l'ensemble des textes de la LDC confirme cette idée,
comme il nous conforte dans l'idée que face aux agressions de la droite
ou pressions des sociaux-libéraux l'extrême gauche aurait tout
intérêt à créer un cadre unitaire de discussion et
de collaboration.
Bien des analyses formulées dans les textes du congrès de LO pourraient
se confronter dans un cadre commun avec les points de vue divergents qui existent
dans la Ligue.
Bien des militants de la Ligue partagent les critiques que fait LO de l'attitude
de la majorité de la LCR au moment du vote Chirac. Ces critiques s'expriment
à la Ligue, se discutent. Pour LO, elles deviennent, comme toute critique,
une accusation. "Elle (la LCR) n'a pas réellement contribué
à plébisciter Chirac, écrit LO, mais elle a engagé,
solidairement et sans critique, son propre électorat à emboîter
le pas à la gauche qui livrait les classes populaires à Chirac.
Et tout cela nous le paierons peut-être encore longtemps, voire définitivement".
Bien sûr, et LO a raison de critiquer une politique qui renvoie dans les
bras de la gauche ceux que l'on vient d'aider à rompre avec elle. Cette
politique n'est pas sans conséquence, c'est évident, mais quel
besoin d'en exagérer les conséquences et d'invoquer le définitif!
Il y a là comme une symétrie avec les propos de camarades qui,
dans la Ligue, accusent l'accord avec LO d'être responsable de tous nos
maux
Il y a discussion, débat, des bilans à faire. Faire ces bilans,
chercher à influencer, à s'opposer au "définitif",
c'est créer entre révolutionnaires des rapports démocratiques.
Cela suppose de ne pas craindre la confrontation, c'est-à-dire au moins
de se poser la question de comment aider le mouvement social à reprendre
l'offensive, de comment nous pouvons influer le cours des choses, malgré
nos faibles forces.
La Ligue a d'importantes responsabilités, pour permettre au mouvement
révolutionnaire de surmonter le contre-coup de 2003-2004. Nous pouvons,
pour inverser la formule des camarades de la minorité de LO, développer
une politique à l'égard de LO, lui offrir une ouverture démocratique.
Cette politique devrait résulter tout naturellement de notre politique
générale dans la perspective de la force nouvelle. Elle devrait
en être un élément essentiel.
Yvan
Lemaitre
La
lutte pour la défense des droits fondamentaux des travailleurs, des chômeurs,
des exclus, des femmes et des jeunes
L'offensive
lancée en 1999 par le Medef sous le nom de "refondation sociale"
a rempli une partie de ses objectifs.
Pour le patronat, il s'agissait de remettre en cause toutes les protections
légales qui constituent une limite à la concurrence et à
l'exploitation, afin de réduire le "coût du travail",
c'est-à-dire le salaire sous toutes ses formes, direct ou indirect, différé.
Il veut un marché entièrement "libre" où chaque
travailleur, isolé, n'aurait pas d'autre choix que de négocier
individuellement, "librement", son contrat avec la classe capitaliste,
et que s'impose dans tous les domaines le tout privé, le tout financier.
La première phase de cette offensive avait été menée
sous le gouvernement Jospin, et avec l'aide de celui-ci. La loi Aubry sur les
35 heures avait déjà introduit ou aggravé la flexibilité
grâce à l'annualisation des heures de travail et instauré,
la plupart du temps, la modération salariale. Bien qu'il soit parti en
guerre contre cette "loi", le patronat s'en était réjoui
et il avait empoché sans sourciller les subventions de l'État
comme aujourd'hui il entend préserver les avantages de la flexibilité
sans les 35 heures
Le gouvernement Jospin, de son côté, avait affiché des réticences
vis-à-vis du Medef et de sa refondation sociale, mais il en avait agréé
un des volets essentiels, le Plan d'aide de retour à l'emploi (Pare),
destiné à imposer aux chômeurs n'importe quel travail à
n'importe quelles conditions. Lui-même a privatisé à tout
va, préparé l'introduction de fonds de pension à travers
sa loi sur l'épargne salariale, mis en uvre le plan Juppé
dans les hôpitaux et plus généralement la Santé,
et poursuivi la mise en uvre des lois de décentralisation.
Quant aux directions des grandes confédérations syndicales, elles
se sont toutes prêtées au jeu du "dialogue social" et
de la concertation voulu par le Medef, la direction de la CGT s'inscrivant dans
la logique des réformes, la CFDT menant, elle, une collaboration ouverte
avec le patronat.
Dans le même temps, des vagues de licenciements massifs, accompagnant
les restructurations, se sont succédé et continuent aujourd'hui,
alors même qu'il est question de reprise. Mais ce n'est que la partie
émergente de l'iceberg puisque 80% des licenciements sont des licenciements
individuels.
Les réformes voulues par le patronat, préparées lors de
la période de cohabitation entre Jospin et Chirac qui avaient affirmé
publiquement, au sommet européen de Barcelone, en décembre 2001,
leur accord sur la libéralisation du marché de l'énergie
et l'allongement de 5 ans de la durée du travail, ont été
menées par le gouvernement Raffarin, malgré le mouvement du printemps
2003 : la réforme des retraites qui prévoit, après l'alignement
du public sur les 40 annuités du privé, l'allongement pour tous
de la durée de cotisation jusqu'à 42 ans et plus; l'entrée
en vigueur de certaines dispositions des lois de décentralisation comme
le transfert des personnels non enseignants vers les collectivités territoriales;
la privatisation de France Telecom
Puis, en 2004, la réforme de
la Sécurité sociale et le changement de statut, conduisant à
leur privatisation, d'EDF et de GDF.
Sur la base de ces succès, patronat et gouvernement ont lancé
la deuxième phase de leur offensive, à travers la remise en cause
de la réduction du temps de travail, des 35 heures, au nom de la compétitivité
nécessaire. En bref, il s'agit, sous couvert d'éviter les délocalisations,
d'imposer aux travailleurs, en France, des conditions de salaire, de durée
et de pénibilité du travail, identiques à celles que subissent
les travailleurs au Portugal, dans les pays de l'Est, au Mexique, voire demain
en Chine.
Sont déjà en chantier la refonte du Code du travail, l'introduction
entre autres d'un contrat de projet de cinq ans destiné à remplacer
le contrat à durée indéterminée. Toutes ces mesures,
comme les attaques contre l'indemnisation des chômeurs, ont pour objectif
de réduire l'ensemble du monde du travail à la situation que connaissent
déjà aujourd'hui les travailleurs en statut précaire (intérim,
CDD, CES et autres contrats du même type). Les patrons comptent ainsi
faire pression sur l'ensemble des salariés, pour tirer tous les salaires
vers le bas.
D'adaptation en capitulations, les directions des confédérations
syndicales sont engagées dans une politique d'accompagnement des réformes
libérales, le " diagnostic partagé ", un " dialogue
social " qui n'est qu'un dialogue de dupes. C'est malgré elles que
se sont développés les mouvements de ces derniers mois qu'elles
ont ensuite réussi à circonscrire aux secteurs en lutte tout en
s'efforçant de leur donner comme objectif la seule perspective d'une
négociation des réformes.
Pour mettre un coup d'arrêt à l'offensive du patronat et du gouvernement,
empêcher la réforme de la Sécurité sociale d'aller
à son terme, la privatisation, et imposer le retrait de tous les autres
projets gouvernementaux, le mouvement ouvrier doit rompre avec la politique
des directions syndicales, totalement dépendante du social-libéralisme,
c'est à dire de la bourgeoisie, avoir sa propre politique.
Le patronat et l'État attaquent les droits des travailleurs et de la
population selon un plan méthodique, en utilisant chacun de leur succès
pour avancer un nouvel objectif. Ils ont une politique, déterminée
par les intérêts des classes privilégiées et leur
compréhension des rapports de force.
Le mouvement ouvrier ne peut combattre les réformes libérales
qu'en inscrivant son action et ses luttes dans une perspective révolutionnaire,
en refusant de se plier aux prétendus équilibres économiques
qui ne sont que le voile hypocrite jeté sur les rapports d'exploitation.
Les lois économiques ne sont que l'expression des rapports de force entre
les classes, c'est-à-dire fondamentalement entre l'oligarchie financière
et la classe des salariés.
Pour
un plan d'urgence sociale et démocratique
Pour
le monde du travail, avoir sa propre politique signifie avoir un programme pour
les luttes, dont les revendications soient déterminées par les
besoins de la population dont la satisfaction est incompatible avec les intérêts
de la propriété privée capitaliste.
Un tel programme doit permettre d'unifier les luttes afin de regrouper les forces
de l'ensemble du monde du travail.
Vers
un gouvernement démocratique des travailleurs et des peuples d'Europe
Toutes ces mesures
auront des répercussions considérables à l'échelle
internationale.
Un gouvernement des travailleurs militera activement pour leur généralisation
à toute l'Europe où l'existence de l'Union européenne crée
une communauté d'intérêts immédiate et concrète
entre les travailleurs de tous les pays, qu'elle soumet aux mêmes attaques.
La prise de contrôle des capitaux, des banques et de tous les organismes
financiers, sociétés d'assurances, fonds d'investissements, sera
facilitée, à une telle échelle, par l'existence d'une monnaie
unique, de l'euro et de la Banque centrale européenne. En parachevant
leur centralisation, en les unifiant en un seul réseau, les travailleurs
détiendront un moyen d'autant plus efficace de contrôler l'économie
que l'euro constituera, en tant que monnaie unique, un incomparable instrument
de compte et de recensement à l'échelle de l'Europe.
Un gouvernement des travailleurs et de leurs organisations s'adressera à
toutes les populations travailleuses des autres pays, en appelant à un
Congrès des peuples d'Europe. Une telle initiative ouvrira la voie à
la collaboration de tous les peuples européens dans tous les domaines.
À l'Europe des pays riches, dont les véritables organes de pouvoir
ne sont pas le Parlement de Strasbourg mais la Banque et les places boursières,
il opposera une Europe de tous les peuples, démocratique, dont les populations
elles-mêmes, par leurs assemblées constituantes, décideront
de la forme politique, qui accordera une large autonomie aux villes et aux régions
et garantira le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Lui-même plaidera pour une fédération d'États-Unis
socialistes d'Europe, un gouvernement démocratique des travailleurs et
des peuples d'Europe.
Pas
de renaissance du mouvement ouvrier
sans renaissance de la lutte des femmes pour leur émancipation
De
nouvelles perspectives s'ouvrent pour l'émancipation des femmes qui est
au cur du combat pour un autre monde. Il ne peut en effet y avoir de socialisme
sans émancipation des femmes, pas plus que d'émancipation des
femmes sans socialisme !
Tout recul du mouvement ouvrier s'est accompagné d'un recul de la condition
des femmes. Le capitalisme mondialisé développe à une plus
grande échelle et plus profondément les contradictions du capitalisme
avec des conséquences aggravées pour la moitié la plus
opprimée de l'humanité, les femmes.
Elles n'ont jamais été aussi nombreuses à travailler à
travers le monde, mais aussi à être précarisées,
déplacées, exploitées.
Les progrès technologiques et scientifiques, un accès plus grand
à l'éducation, ont permis aux luttes des femmes de conquérir
des progrès durant les Trente Glorieuses dans les pays riches et même
dans les ex-pays coloniaux. Mais entre les mains des capitalistes, ils se traduisent
paradoxalement aujourd'hui par une dégradation constante de la condition
féminine à travers le monde.
Un renouveau des luttes des femmes cherche aujourd'hui sa voie.
En France, le féminisme renaît dans des quartiers populaires, avec
des associations comme " Ni putes ni soumises " autour de revendications
telles que la défense de la mixité, l'égalité des
hommes et femmes opprimés ensemble, la défense de la liberté
sexuelle et tout simplement de l'amour extra familial, pour donner la parole
aux femmes des cités, souvent immigrées. Pour ses militantes,
on ne pourra mettre un frein à la progression des idées sexistes
réactionnaires et à l'influence de l'intégrisme religieux,
fruits de la crise et des nombreuses capitulations des gouvernements successifs,
du démantèlement des services publics, sans mettre fin à
la dégradation des conditions de vie et de travail dans les quartiers
populaires. Et bien que ne partageant pas la confiance que nombre d'entre elles
ont dans la laïcité républicaine, nous sommes solidaires
de leur combat pour l'émancipation des femmes des quartiers par elles
mêmes, contre le voile et l'intégrisme religieux.
Le mouvement socialiste et communiste combat l'oppression spécifique
de la femme à travers la " double journée de travail ",
loin de disparaître aujourd'hui. Ce combat, c'est celui du mouvement socialiste
puis communiste pour les droits politiques et sociaux des femmes, partie intégrante
de leur lutte pour l'émancipation de toute l'humanité.
Ce sont les premières femmes grévistes au XIXe siècle et
les révolutionnaires marxistes qui furent à l'origine des lois
de protection des femmes et enfants au travail mais aussi de leur droit au travail.
Les marxistes révolutionnaires, en défendant " à travail
égal salaire égal " tentèrent de briser la concurrence
entre femmes et hommes, en défendant l'unité du monde du travail.
Lorsque cela fut nécessaire, ils encouragèrent l'organisation
autonome des femmes dans les rangs ouvriers sans jamais séparer le combat
pour le socialisme de l'émancipation des femmes.
Ils soutinrent le combat des féministes bourgeoises pour le droit à
l'éducation, à l'autonomie financière et le droit de vote
des femmes.
Ce sont les opprimés, hommes et femmes, qui sont allés le plus
loin dans les conquêtes féministes. Les ouvrières de Petrograd
démarrèrent le processus révolutionnaire d'Octobre 1917
lors de la journée internationale de la femme. Le régime issu
du soulèvement révolutionnaire des masses russes, le premier,
inscrivit dans la loi, en 1918, l'union libre, le droit au divorce, à
l'avortement, la suppression de la criminalisation de l'homosexualité,
mais aussi l'aide de l'État pour la femme seule élevant ses enfants
jusqu'à leur majorité à 17 ans et un programme d'infrastructures
collectives - crèches, garderies, laveries, cantines.
La Troisième Internationale communiste mis en place des commissions mixtes
et non-mixtes afin de s'adresser à des femmes de nationalités
opprimées, dominées économiquement et sous l'emprise des
traditions des religions chrétienne ou musulmane, pour les aider à
s'organiser pour leur émancipation, et les gagner ainsi aux idées
du communisme.
Encouragée par Lénine et le troisième Congrès de
la Troisième Internationale, Clara Zetkin élabora un appel à
un rassemblement de toutes les féministes, communistes ou non, à
débattre pour renforcer le renouveau du féminisme dans les années
d'après-guerre où bien des conformismes avaient été
bouleversés.
Pour le mouvement ouvrier, ces expériences sont utiles, non comme des
modèles ou des dogmes mais parce qu'elles montrent que le combat féministe
et socialiste, communiste sont un même combat pour l'émancipation
des opprimés, dont les plus exploités, les femmes.
L'oppression des femmes n'a en effet pas une cause biologique mais sociale.
Elle est née avec la division du travail et son appropriation privée,
lorsque le développement des forces productives a engendré l'apparition
de la propriété privée et, corollaire de l'exploitation
du travail, l'exploitation de la femme et des enfants par l'homme, le patriarcat.
C'est pourquoi elle ne peut trouver de solution radicale dans le cadre d'un
système où règnent la marchandise et la propriété
privée. Dans ce système d'oppression, les femmes sont doublement
exploitées en tant que salariées et en tant que femmes reléguées
à un rôle secondaire dans la famille et au travail, femmes voilées,
femmes objet, femmes prostituées
Les mobilisations du mouvement féministe dans les années 1970
en faveur de l'avortement, de la contraception, de l'autonomie juridique et
financière des femmes, ont porté atteinte au patriarcat, mais
les droits conquis sont aujourd'hui menacés.
Le mouvement féministe a ses revendications propres contre ces reculs,
contre les atteintes aux droits à l'avortement et à la contraception,
le retour des femmes à la maison, les violences conjugales et au travail,
l'homophobie
et pour l'égalité des salaires entre femmes
et hommes.
Plus généralement il inscrit à son programme la pleine
égalité entre homme et femme, la pleine liberté pour les
femmes de disposer d'elles-mêmes, de leur corps, de leur sexualité.
L'émancipation des femmes ne peut être possible sans leur plein
accès au travail social, leur libération des tâches domestiques,
donc, sans une société où ces charges seront réellement
effectuées par la collectivité et non plus par chaque cellule
familiale isolée. Une société débarrassée
des préjugés sociaux qui brident les libertés et les personnalités,
en particulier féminines, où possession et rivalités seront
des mots dépassés par des relations libres et collectives. Une
société où les producteurs, hommes et femmes, contrôleront
autant la production et la distribution des richesses socialisées, la
gestion des services publics que leur natalité et leurs relations personnelles.
Pour combattre la vieille société capitaliste et sa morale, complètement
dépassée par rapport aux possibilités matérielles,
technologiques, scientifiques, humaines qu'elle ouvre, le mouvement ouvrier
doit être un encouragement pour les exploités et en premier lieu
les plus opprimées, les femmes, à prendre la parole, dans les
entreprises, les quartiers, parmi la jeunesse travailleuse et à s'organiser.
L'abolition du salariat est la condition indispensable pour parvenir à
une société sans exploitation de classe ni, un de ses sous-produits,
l'oppression de genre.
Combattre la morale bourgeoise qui soumet les consciences dans le cadre d'une
société dominée par la propriété privée
et maintient les femmes dans un rôle subalterne et dépendant, est
un combat quotidien. Il se combine avec la lutte contre toutes les formes d'aliénation
(masculine comme féminine). Encourager l'intervention des femmes des
milieux populaires à l'action sociale et politique, à l'heure
où la crise du système démontre à une fraction d'entre
elles qu'il n'y a que la lutte pour transformer le monde et leur propre sort,
est une tâche essentielle du mouvement ouvrier.
La
jeunesse, ferment de la lutte
pour la transformation de la société
Si une société
se juge à la place qu'elle offre à la jeunesse ou à l'avenir
qu'elle lui construit, alors cette société mérite de périr.
N'étant ni responsables, ni démoralisés par les trahisons
et défaites passées orchestrées par les directions staliniennes
et social-démocrates, les jeunes sont à même de porter un
regard neuf et lucide sur les ressorts de cette société, une révolte
et une critique radicales qui n'ont pas peur d'elles-mêmes ni de leurs
conséquences.
La jeunesse est loin de l'image officielle, apolitique, individualiste, soumise
et abrutie par les marchands d'illusions du "Loft" et consort, image
véhiculée par les médias et les politiciens qui parlent
à sa place pour mieux l'encadrer et récupérer sa révolte.
A une nouvelle période sociale produit des bouleversements de la mondialisation,
de l'effondrement de l'URSS et de la transformation de la social démocratie
en social libéralisme correspond une nouvelle génération
qui, libérée des reculs passés, peut reprendre les aspirations
des générations révolutionnaires précédentes.
Les évolutions du capitalisme depuis une vingtaine d'années entraînent
une lente maturation de la jeunesse pour repenser l'avenir et remettre à
l'ordre du jour les idées de la transformation révolutionnaire
de la société.
La jeunesse ouvrière et scolarisée subit de plein fouet l'offensive
globale de la bourgeoisie contre le mouvement ouvrier et ses conditions de travail
et de vie. Pour alimenter une machine à profits toujours plus affamée,
les exécutants de la mondialisation impérialiste ont provoqué
une massification de la précarité dans la jeunesse. Le boom de
l'intérim, des petits boulots Mac Do, des contrats jeunes, précaires
mis en place depuis 20 ans par tous les gouvernements successifs, frappe en
premier lieu la jeunesse. C'est plus de deux jeunes sur trois qui au cours de
leurs études ou à la fin de celles-ci ne connaissent comme forme
de travail que la précarité pour une période de plus en
plus longue. Une des conséquences qui révèle cet état
de précarité est le recul de l'âge de départ de la
structure familiale. 22 ans en moyenne dans les années 80, cet âge
moyen passe à 24 ans dans les années 90 et la tendance continue
dans le même sens aujourd'hui. Mais la famille est parallèlement
de moins en moins un refuge car les parents sont eux aussi touchés par
les vagues de licenciements et la dégradation des conditions de travail.
Parallèlement à cette massification de la précarité,
un autre phénomène relativement nouveau influe sur la jeunesse,
c'est la massification de l'accès à l'enseignement. La démocratisation
de l'accès à la culture, réel progrès démocratique,
rentre en contradiction avec le profond recul social du développement
de la précarité. L'université n'est plus une bulle privilégiée
accessible à une minorité de jeunes dont l'avenir d'une situation
sociale stable est assuré. Sous les coups de l'offensive capitaliste,
l'université est devenue le lieu où se décide la réussite
professionnelle individuelle, de plus en plus synonyme d'avoir un emploi. Sur
fond de chômage et de précarité, l'échec scolaire
est vécu comme le début de l'exclusion.
La mondialisation capitaliste en combinant pour ses propres besoins, massification
de l'enseignement et de la précarité, a rapproché le monde
universitaire du monde du travail, imposant la nécessité de lutter
ensemble face à l'offensive de la bourgeoisie. " La galère
", repris dans de nombreuses manifestations de la jeunesse, est ainsi devenue
un thème commun de la jeunesse ouvrière des cités et de
la jeunesse étudiante, dont les conditions de vie communes dégagent
des intérêts communs.
Cette " galère ", véritable violence contre la jeunesse
trouve parfois comme réponse, dans les fractions les plus opprimées
de celle-ci, la violence individuelle et sans issue, faute de repères
sociaux pour donner sa pleine mesure à la révolte dans l'action
collective. Pour une partie de la jeunesse moins écrasée par la
violence de l'exploitation, le manque de références à la
lutte de classe collective peut se traduire par un repli dans des luttes humanitaires,
antiracistes, associatives
qui expriment une solidarité avec les
opprimés, mais avec les opprimés, non pas en tant que classe révolutionnaire,
mais en tant que classe dominée.
Ce désarroi comme ces illusions sont les produits des reculs du mouvement
ouvrier depuis une vingtaine d'années sous les coups des classes dominantes
alimentées par les trahisons du stalinisme et de la social démocratie.
Ces reculs ont laissé la place libre à une offensive idéologique
de la bourgeoisie. Une offensive sécuritaire, libérale, morale
et religieuse se développe pour réprimer et encadrer la révolte
de la jeunesse.
Les jeunes héritent du monde que leur ont laissé les générations
précédentes, ils héritent aussi des aspirations de leurs
parents ayant vécu la révolte de mai 68, comme des désillusions
qui ont pu suivre.
Mais la perte des illusions dans les partis parlementaires se succédant
au pouvoir sans que rien ne change, comme dans les institutions internationales
censées réguler un monde menacé par la misère, les
épidémies, les catastrophes militaires, écologiques et
sociales, pousse la jeunesse à retrouver les chemins de la lutte sociale
et collective. Une nouvelle contestation radicale et globale du système
émerge se retrouvant dans le slogan du mouvement altermondialiste: "un
autre monde est possible". Loin d'être résignée, tout
ce qui s'oppose à sa liberté, à son épanouissement
et à son avenir la révolte profondément.
Elle est donc plus libre dans les luttes, plus démocratique et plus résolue
face à un système qui ne lui offrant aucun avenir, ne peut être
que renversé. L'évolution des scores de l'extrême gauche
dans la jeunesse est significative de cette évolution. Chez les 18-24
ans, les votes pour l'extrême gauche sont passés de 8% en 1978
à 1% en 1993 pour remonter en 2002 à plus de 14%. L'abstention
aujourd'hui très majoritaire chez les jeunes traduit cette même
rupture avec les outils de domination de la bourgeoisie.
À travers les mouvements sociaux de ces dix dernières années,
se forme une nouvelle génération militante portée par la
remontée des luttes du mouvement ouvrier, en même temps qu'elle
constitue son aile la plus radicale. Les luttes de la jeunesse lycéenne
en 98 portant deux slogans: "68-98 la lutte continue" et "y
en a marre de la galère", exprimaient à la fois l'actualité
de la question sociale et la volonté de continuer et de dépasser
la révolte des générations précédentes. Depuis
cette génération a connu une accélération dans la
lutte de classe, irruption contre Le Pen dans l'entre-deux tours des élections
présidentielles de 2002 malgré la volonté des partis parlementaires
de limiter sa révolte dans un front républicain électoral,
prise de conscience des aspects les plus barbares de l'impérialisme dans
le mouvement contre la guerre en Irak, confrontation avec le gouvernement dans
les grèves de mai et juin 2003 et les luttes contre les réformes
libérales de l'éducation.
La jeunesse a pris à chaque fois toute sa place dans ces mouvements,
les a entraînés, radicalisés en cherchant à les dégager
des limites des directions réformistes syndicales et politiques. Cela
s'est traduit par des structures de lutte plus démocratiques : les collectifs,
coordinations et assemblées générales.
Un nouveau développement de la lutte des classes capable de faire basculer
le rapport de forces contre la classe capitaliste ne pourra se faire sans soulèvement
de la jeunesse.
Comme dans les luttes passées des opprimés, la jeunesse a aujourd'hui
une place essentielle à prendre pour actualiser les idées révolutionnaires
dans le combat moderne pour l'émancipation humaine.
En finir avec le productivisme capitaliste pour réconcilier l'homme avec la nature
Les problèmes
écologiques ont pris ces dernières décennies une ampleur
et une gravité nouvelle à l'heure de la mondialisation libérale.
Cette crise écologique prend des dimensions catastrophiques dans les
pays pauvres où la pollution de l'air, de l'eau, des sols, comme les
bouleversements climatiques mettent la vie de millions d'hommes en danger. Mais
cette crise touche aussi les populations des pays riches confrontées,
comme en France, au scandale de la " vache folle ", aux OGM, aux marées
noires de l'Erika ou du Prestige, ou à la catastrophe d'AZF.
Sous ces différents aspects cette crise est la conséquence d'une
même logique, celle d'une économie qui tend à transformer
en marchandises jusqu'à l'air, l'eau, les êtres vivants. Le productivisme
industriel et agricole ne se soucie guère des populations et encore moins
de l'environnement. L'économie capitaliste soumise au court terme des
marchés est incapable de prendre en compte les cycles naturels.
Ce n'est pas nouveau mais à l'heure de la mondialisation l'ampleur des
dégâts est telle qu'elle fait craindre des transformations irréversibles
pour l'ensemble de la planète.
Face à cette crise, les dirigeants des grandes puissances ont dû
faire mine de s'inquiéter. Les rapports et conférences se multiplient,
les problèmes sont connus de tous. Des solutions sont étudiées,
développées et proposées par nombre de scientifiques. Pourtant
les conférences internationales se succèdent et derrière
la mascarade des déclarations, la situation continue de s'aggraver. En
effet la mise en place de véritables solutions se révèlent
impossible parce qu'elles vont à l'encontre de toute la logique économique
libérale qui se développe avec la mondialisation capitaliste.
En ayant fait de l'écologie un problème à part, les mouvements
écologistes ne peuvent le plus souvent avancer que de fausses solutions
parce qu'ils ignorent ce lien fondamental entre la destruction de l'environnement
et la logique du profit capitaliste. Oublier ce lien a conduit certains de ces
mouvements à défendre des idées réactionnaires qui
reviennent à rendre les progrès de la science ou l'augmentation
de la population responsables de la crise écologique.
Pour réconcilier l'Homme avec la Nature, il y a urgence à en finir
avec cette folie destructrice de l'économie capitaliste.
Ainsi l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère en accentuant
l'effet de serre entraîne un bouleversement des climats. La catastrophe
est prévue, annoncée. Les solutions sont connues et simples, réduire
les émissions de CO2 en contrôlant la pollution industrielle et
en promouvant des énergies propres, réduire les transports individuels
au profit de transports collectifs efficaces et non polluants.
Mais comment mettre en place de telles solutions quand toute l'évolution
économique vise à laisser libre court à la concurrence
et aux lois du marché?
La sécurité industrielle comme la lutte contre la pollution exige
des mesures radicales, qui impliquent de retirer le pouvoir absolu aux actionnaires
pour permettre aux salariés et aux populations de décider et de
contrôler l'économie.
De même l'agriculture vitale pour des millions d'hommes est devenue un
enjeu pour les trusts de l'agroalimentaire comme Monsanto. La logique productiviste
de " l'agrobusiness " conduit à la généralisation
des engrais et des pesticides provoquant la pollution de l'eau, accentuant la
destruction des forêts et des terres arables. De plus, ces trusts de l'agroalimentaire
veulent utiliser les OGM, ces techniques encore mal maîtrisées,
pour imposer leur choix de produire toujours plus à moindre coût
et pour rendre les paysans encore plus dépendants d'eux.
Développer l'agriculture pour répondre aux besoins des populations
humaines, implique que les paysans et les populations aient la maîtrise
de l'eau, des terres, des semences ce qui ne peut passer que par la remise en
cause du pouvoir de ces quelques grands trusts de l'agro-alimentaire.
Enfin, sur la question cruciale de la maîtrise des sources d'énergie
ce ne sont pas les idées de solutions alternatives qui manquent. Si le
charbon et le pétrole sont responsables de la pollution atmosphérique,
l'énergie nucléaire qui nous est présentée, en France,
comme la solution alternative non polluante est en réalité porteuse
de risques bien plus grands, ne serait-ce qu'à cause du problème
du recyclage des déchets des centrales. Si l'État français
a fait le choix du nucléaire au détriment des autres solutions
alternatives (énergie solaire, éolienne
) c'est avant tout
pour favoriser les trusts français comme Areva et pour les besoins de
la course aux armements.
L'écologie suppose que la population se réapproprie tous les biens
communs comme l'eau, les transports, l'énergie
pour avoir la maîtrise
des grandes décisions économiques.
Quelles sources d'énergie utiliser sans polluer l'atmosphère comme
c'est le cas avec les énergies fossiles (charbon, pétrole) et
sans faire courir à l'Humanité des risques irrémédiables
comme c'est le cas avec l'énergie nucléaire ?
Comment nourrir les hommes par l'agriculture sans appauvrir les terres agricoles
avec le risque de les transformer en désert, et sans aggraver la déforestation
?
Comment développer toute une série d'industries chimiques importantes
sans aggraver la pollution de l'eau, de l'air et des sols ?
Tous ces problèmes se posent, ils n'ont certes pas de solutions simples
mais ce qui est sûr c'est qu'ils en n'ont pas du tout dans le cadre de
l'économie capitaliste qui n'est capable d'utiliser la science et la
technique que dans l'objectif du profit immédiat, sans la volonté
indispensable de prévoir à long terme.
Les conférences internationales évoquent l'idée d'une gouvernance
mondiale, tellement apparaît comme évident, la nécessité
d'organiser consciemment les activités humaines à l'échelle
de toute la planète. Mais cela ne reste que des formules hypocrites de
conférences impuissantes car chaque État est avant tout préoccupé
de défendre les intérêts de ses industriels, de ses trusts
dans la concurrence acharnée qu'ils se livrent sur le marché mondial.
Produire en fonction des besoins de l'Humanité à partir des ressources
disponibles sur Terre, tout en respectant l'Homme et l'environnement, implique
d'introduire la raison, la conscience dans l'économie au lieu de s'en
remettre, selon le credo du libéralisme, aux lois aveugles du marché
et de la concurrence.
La question écologique est partie intégrante du combat pour que
l'Humanité organise consciemment, démocratiquement sa vie sociale,
et puisse enfin se réconcilier avec la Nature.