Débat militant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°63
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15
avril 2005
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Sommaire : | ||||||||||
Le PCF presse " la " gauche de se rassembler après le 29 mai, Buffet ne dit pas non à Hollande |
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1978-2005, Karol Wojtyla, pape du triomphe de l'économie de marché |
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Note sur le Venezuela : rectificatif et arguments | ||||||||||
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L'effet boomerang en action, la crise mûrit, faisons campagne pour uvrer à la convergence des mécontentements
L'heure
est aux grand messes : sans crainte du ridicule, Chirac a commandé
la sienne sur mesure jeudi soir, sous les lustres de l'Elysée, avec gentils
animateurs, face à 80 jeunes pris en main depuis une semaine et triés
sur le volet. Deux jeunes militants de la LCR et d'Attac ont été
exclus de la sélection, une fois repérés
Le Show
était à mille lieues des préoccupations de la population,
de celles des jeunes présents aussi, qui, Chirac peut se rassurer, n'ont
pas peur et entendent bien exister pour lui dire non, non à ses mensonges,
non à la tromperie, non à cette Europe des classes privilégiés.
Au même moment où Fillon fait donner de la matraque contre les
lycéens, le show de Chirac traduit la panique du gouvernement et du " camp
du Oui ", de droite comme de gauche. C'est bien eux qui ont peur
de la gifle que la grande majorité de la population se prépare
à leur donner.
Dans l'autre camp, celui de la contestation et de l'avenir, la jeunesse lycéenne
a donné ces dernières semaines une leçon d'audace, de dignité
et de politique.
Le
camp de la contestation
Des lycéens ont continué par centaines à bloquer ou occuper
des lycées, des inspections académiques, des préfectures,
s'opposant physiquement aux forces de police. Avec le soutien solidaire et la
participation d'enseignants et de parents d'élèves, mais dans
le silence quasi total des directions syndicales, ils ont continué à
défier le Parlement et Fillon qui déclarait il y a quelques jours
" la loi a été votée, jamais je n'accepterai
qu'on remette en cause le travail du suffrage universel ". Les
syndicats comme les partis parlementaires sont restés indifférents,
paralysés face à la révolte de la jeunesse.
Cette nouvelle génération militante qui s'est forgée en
quelques semaines, a trouvé les moyens de peser sur la situation, elle
y imprime sa marque, tout en faisant une expérience politique accélérée.
Les salariés et la jeunesse ont fait basculer la situation. La démonstration
de force du 10 mars, malgré l'absence de perspectives des directions
syndicales, a changé le climat. Le monde du travail a retrouvé
confiance en lui, la conviction d'être dans son bon droit. La multitude
de luttes en cours en témoigne : la grève des salariés
de Radio France pour 270 euros par mois, qui a éclaté en pleine
agonie du pape et a su résister à de multiples pressions, comme
les nombreuses grèves sur les salaires ou l'emploi qui éclatent
dans le privé, ou encore les luttes qui se développent dans les
hôpitaux contre la baisse des budgets, contre une situation intenable
fruit de plus de 20 ans de reculs
Et dans toutes ces luttes, les jeunes
salariés sont souvent aux avant postes.
La volonté de rendre les coups, d'exiger notre dû, de leur dire
Non prend de l'ampleur, renforcée par la crise politique en cours et
la panique de tout le petit monde politicien.
Dérisoire
agitation politicienne
Au parti socialiste, la déconfiture est réjouissante. Chaque tentative
de montrer une différence ne fait que souligner que la gauche libérale
n'a pas d'autre politique que la droite. Dernier en date, Jospin, lançant
sa propre campagne, a expliqué que le rejet du traité " ne
changerait rien ni à la présidence de Chirac ni à ce gouvernement
ou à celui qui lui succédera " (on est prévenu),
ajoutant qu'il trouvait le climat " malsain " :
" les Français ont envie de dire merde à quelqu'un
ou à quelque chose "
sans blague !
Le plan de carrière de Hollande semblant quelque peu compromis, chacun
tente sa chance : Delors a ainsi fait son retour au congrès de la
CFDT. Venu supporter Chérèque, il a promis un " cataclysme
politique " si le Non l'emportait. Quant à Cohn-Bendit,
pris à partie lors d'un meeting, il s'en est pris avec sa grossièreté
naturelle aux " nervis trotskistes " : " La
dernière fois que j'ai été accueilli de cette façon,
c'étaient par les fachos chasseurs. Vous êtes de la même
espèce ".
Fabius, dans le " camp du Non ", a choisi cette semaine
les salons chics d'une banque de la Place Vendôme à Paris pour
faire campagne. L'ancien ministre des Finances s'est dit heureux de se " retrouver
dans un lieu qui n'est pas désagréable " devant
un parterre de patrons " créateurs des emplois de demain "
Quant à Emmanuelli, Mélenchon et consorts, qui se sont brutalement
découverts " anti-libéraux ", leurs
effets de manche ont du mal à masquer leur ambition électorale.
La majorité des partis parlementaires sont aujourd'hui discrédités.
Le Parlement apparaît plus que jamais en total décalage avec l'opinion
publique : alors que le Non domine dans tous les sondages, lors du débat
sur la Constitution à l'Assemblée il n'y a eu à la tribune
qu'une seule voix, celle de Buffet, pour s'exprimer pour le Non
Débattre
de la nécessité d'un plan d'urgence pour unifier les luttes
En rupture avec l'agitation des partis de gouvernement, nous menons une campagne
d'ensemble dans les syndicats, dans le mouvement social et politique, comme
dans les collectifs et les comités : une campagne pour aider à
la convergence des luttes, à leur généralisation, pour
regrouper autour des exigences que le monde du travail est en train de formuler,
une campagne qui s'appuie sur les expériences des mobilisations, aidant
à l'émancipation des idées réformistes, amplifiant
les ruptures en cours.
" Emploi, éducation, pouvoir d'achat
Ca va craquer ? "
interrogeait jeudi Le Parisien. Oui, probablement et c'est nécessaire
comme est nécessaire un plan pour unifier le monde du travail. Le patronat
a un plan pour mener son offensive, il faut aux travailleurs un plan pour mener
notre propre contre-offensive, pour unifier nos forces autour de nos revendications
et faire le lien entre la lutte sociale et politique.
Par delà le Non au traité, la campagne pour le Non permet de faire
ce lien, elle peut aider à renforcer la classe ouvrière, à
unir les forces pour les prochaines étapes de la mobilisation. Dans les
comités comme partout où nous militons, nous menons une politique
d'unité démocratique en mettant au débat avec tous les
militants le nécessaire plan d'action pour les luttes. Cette politique
que nous soumettons à tous, c'est une politique pour maintenant comme
pour après le 29 mai. La victoire du Non sera un encouragement, un coup
à l'adversaire, mais ce qui comptera c'est la mobilisation et l'intervention
des travailleurs.
La journée internationale du 1er mai est d'ores et déjà
un prochain rendez-vous du monde du travail, un nouveau succès annoncé
qui affirmera l'unité de la classe ouvrière. Et la pression des
militants, l'envie de marquer le coup le lundi de Pentecôte, de contre-attaquer
fait que la plupart des syndicats, malgré des hésitations, appellent
finalement à la grève pour ce jour là. La préparation
de cette journée, comme celle de ses suites, est l'occasion de discuter
largement de la politique nécessaire pour faire prévaloir les
exigences des classes populaires.
Carole
Lucas
Le
PCF presse " la " gauche de se rassembler après le 29 mai,
Buffet ne dit pas non à Hollande
" L'Europe
que nous voulons n'est pas celle des Chirac, Sarkozy, Seillière, Berlusconi
Non à la constitution Giscard " : le slogan s'affichait
en grand hier soir sur la scène du Zénith au meeting du PCF. Tony
Blair ? Gerhard Schröder ? José Luis Zapatero ? Oubliés
les tenants du social-libéralisme au pouvoir en Angleterre, Allemagne
ou Espagne.
Significativement, Marie-George Buffet a concentré le tir contre Chirac
et l'UMP. " C'est un traité de droite, c'est normal que
la droite se mobilise " a-t-elle martelé, alors que le
chef de l'État s'exprimait au même moment sur TF1. Autrement significatif,
ce " chut " d'une partie de la salle après
qu'une voix se soit étonnée : " Il est où
le Parti socialiste ? "
Un
" non de gauche " à la rencontre du " oui
de combat "
La secrétaire nationale du PCF a évidemment tancé les partisans
du " oui de combat " qui, à l'instar de François
Hollande, amalgament le " non " des Le Pen, Villiers et
Pasqua au " non de gauche ". Mais elle a d'abord
pris soin d'écarter l'idée d'un " schisme à
gauche " ou d'une " défaite en 2007 ".
Marie-George Buffet s'est employée ensuite à souligner les rapprochements
possibles entre les tenants du " oui de combat "
qui défendent, selon elle, le " compromis "
constitutionnel pour mieux le dépasser et ceux qui le rejettent à
gauche. Elle s'est bornée à remarquer qu' " il vaut
mieux se battre avant qu'il ne soit signé ", dégageant
ainsi la perspective pour les combats à mener en commun à l'horizon
2007.
Et pour ceux qui n'avaient pas encore compris que le temps des retrouvailles
avec les partisans du " oui " à gauche étaient
dans le calendrier du PC, la dirigeante communiste a conclu qu'avec la campagne
du " non " au référendum " une
porte s'ouvre sur l'espoir " et a promis - tonitruante -
un " accueil enthousiaste " aux partisans du " oui "
François Hollande dont le nom n'a été prononcé qu'après
deux heures trente de meeting appréciera l'invitation ! Toutes celles
et tous ceux qui militent pour un " non " de rupture avec
le social-libéralisme également !
La secrétaire nationale du PCF a fixé le cap. La majorité
des intervenants qui se sont succédé à la tribune ne l'ont
pas démentie. Nombre d'entre eux ont participé ou participent
à des coalitions avec le Parti socialiste dans les conseils municipaux,
généraux et régionaux ; Mélenchon comme Buffet
étaient du gouvernement Jospin ; les uns et les autres ont naturellement
vocation à rejoindre une énième mouture d'union de la gauche,
qu'elle soit labellisée gauche plurielle ou durable : l'ouverture
de Buffet ne pouvait les étonner.
On a vu ainsi Francine Bavay et Claire Villiers, toutes deux vice-présidentes
du Conseil régional d'Île-de-France qui cohabitent sans mal avec
les socialistes à la tête de la région, vilipender cette
Europe libérale approuvée et mise en uvre par les sociaux-libéraux
et leurs alliés gouvernementaux
Verts et communistes entre 1997
et 2002. Mais du bilan de la gauche plurielle, de son ralliement à l'Europe
capitaliste à Amsterdam en 1997, à Nice en 2001, à Barcelone
en 2002 il n'a jamais été question, sinon à travers une
allusion fugitive de Buffet à l'expérience Jospin qui " a
déçu même si la gauche a travaillé ".
Comble de l'ironie, la salle a applaudi à tout rompre Fausto Bertinotti,
secrétaire du Parti de la Refondation Communiste d'Italie et président
du Parti de la gauche européenne, qui s'apprête à s'allier
à Romano Prodi l'ancien président de la Commission européenne
de 1999 et 2004 et déjà président du Conseil italien entre
1996 et 1998.
Le leader du centre gauche italien avait endossé à la fin des
années 90 en Italie une politique de privatisations et de remise en cause
des acquis ouvriers, une orientation à laquelle souscrira Jospin et la
gauche plurielle en France pendant cinq ans. Tout un programme
social-libéral !
Et Romano Prodi est non seulement un partisan de la constitution européenne,
mais c'est un de ses principaux artisans : c'est sous sa présidence
que le projet de Traité a été concocté. " Voter
"oui" pour la Constitution, c'est aussi voter pour l'"Europe
sociale" et tous ses bienfaits " expliquait-il en juillet
dernier après son adoption en Conseil européen les 17 et 18 juin
2004.
Cela n'empêche nullement Bertinotti d'appuyer le retour aux affaires de
Prodi ou d'un de ses proches. Et cela ne gêne pas plus Buffet et consorts
d'envisager de revenir au pouvoir en 2007 avec les socialistes.
Apporter
une réponse révolutionnaire à la radicalité qui
s'exprime
Face aux meccanos qui se mettent en place pour rééquilibrer la
gauche au profit des communistes et de leurs partenaires du " non
de gauche ", l'irruption au Zénith de quelques dizaines de
lycéens le poing levé a témoigné du décalage
entre les objectifs gouvernementaux des directions réformistes représentées
à la tribune et les préoccupations des acteurs des luttes en cours.
" Vous avez une place dans ce meeting ; vous avez une place
dans la rue " ont lancé ces jeunes matraqués par
la police et lâchés par les appareils syndicaux. Pour briser l'isolement
des lycéens qui ne cèdent rien de leur combativité devant
l'autisme de Fillon, " la solution, c'est que les syndicats nous
rejoignent dans la rue ; c'est qu'ils appellent à la grève "
ont-ils fait valoir. Cette prise de parole des lycéens faisait écho
à l'intervention d'Olivier Besancenot, insistant sur les mobilisations,
et en particulier sur la possibilité de transformer le lundi de Pentecôte
en grève générale du public et du privé contre Raffarin
et sa politique.
L'influence du " non " se nourrit de cette poussée
du mécontentement et des luttes. Les premiers sondages donnant la victoire
au " non " coïncident avec la vague de manifestations
contre les effets de la politique de la droite et du Medef. À la différence
de 1992 où les souverainistes de droite et de gauche dominaient, cette
campagne pour le " non " est porteuse d'une rupture avec
le libéralisme de Chirac, Raffarin et Sarkozy comme avec celui de la
gauche gestionnaire qui s'y rallie ouvertement ou s'en accommode -à commencer
par le PCF de Marie-George Buffet ministre pendant cinq années de Lionel
Jospin. Mais elle peut pareillement déboucher sur une remise en selle
de formations qui se préparent à rééditer en 2007
ce qui n'a pas marché entre 1997 et 2002, et qui ne peut amener que de
nouvelles désillusions.
Ce potentiel qui se manifeste pour une rupture avec le social-libéralisme
et l'émergence d'un parti représentant les intérêts
des travailleurs et des jeunes en lutte s'exprime depuis le grand mouvement
de grèves de novembre-décembre 1995 sans trouver à ce concrétiser ;
et l'arrivée de la gauche plurielle au pouvoir en 1997 -moins de cinq
ans après sa déroute de 1993- rappelle que le risque existe que
ces aspirations à un changement véritable soient dévoyées,
détournées du terrain du combat contre la bourgeoisie, enfermées
dans le cadre institutionnel.
Il n'y a pas de solution gouvernementale sans rupture révolutionnaire.
Laisser accroire l'inverse en taisant les ambitions des Buffet et Mélenchon
serait la pire des choses aujourd'hui pour les partisans du " non "
anticapitaliste et révolutionnaire.
Aussi fortuite qu'elle soit, la concomitance de l'intervention télévisée
de Chirac et de ce meeting symbolise la place que le PCF a prise dans la campagne
du Non. Les révolutionnaires y défendent leurs propres positions,
sans taire la responsabilité de leurs partenaires des comités
pour le " non " qui ont été pendant vingt
ans au pouvoir et en étant de plain pied dans l'arène même
de la lutte pour gagner l'influence des travailleurs et des jeunes engagés
pour faire triompher le " non ".
L'extrême gauche a acquis un capital. Le faire fructifier, c'est dessiner
une alternative aux vieux appareils, s'appuyer sur la double campagne commune
LCR-LO en 2004 dont les meetings attestaient des attentes existant dans la classe
ouvrière combative pour un renouveau. S'engager ensemble dans la bataille
référendaire aurait du apparaître comme naturel. Ni l'une
ni l'autre des deux organisations n'a pris l'initiative d'une proposition unitaire
à même de déporter le centre de gravité de la campagne
du " non " des réformistes vers les révolutionnaires.
Affirmer
un Non de classe, internationaliste, débattre des perspectives
La direction Buffet entend poursuivre l'orientation qu'elle a inaugurée
lors des régionales en Île-de-France. Sa marge de manuvre
demeure réduite face aux oppositions internes des orthodoxes et des huistes,
mais elle est portée par le souffle du non au sein du PCF et par l'absence
au dehors d'une opposition des révolutionnaires à son projet.
Elle joue son va-tout.
La Gauche populaire et citoyenne représente à l'échelle
d'une région ce qu'il adviendrait si les militants d'extrême gauche
laissaient le terrain au partisans du rassemblement de " la gauche
de la gauche " - politique, syndicale et associative - sur des
bases réformistes.
Au cur de la mêlée, l'alternative révolutionnaire
se défend dans les réunions locales jusqu'aux meetings centraux.
Elle peut peser et rencontre un large écho de sympathie comme en témoignent
les applaudissements qui ont accueilli les propos d'Olivier Besancenot. Mieux,
le regain des luttes est un encouragement et une vérification. Les mobilisations
et la conscience de classe qu'elle aiguise sont un atout pour démontrer
le piège des solutions éculées que d'aucuns cherchent à
imposer et surtout ancrer dans le monde du travail une force nouvelle, démocratique
et révolutionnaire.
Serge
Godard
1978-2005,
Karol Wojtyla, pape du triomphe de l'économie de marché
C'est un fervent
défenseur de l'ordre social imposé par les classes possédantes
qui vient de disparaître, doublé d'un intégriste réactionnaire,
adversaire acharné de tous les droits que les luttes ont permis de gagner
là où elles ont fait reculer l'obscurantisme religieux, droit
au divorce et à l'avortement, contraception, liberté sexuelle.
Jean-Paul II, ce grand défenseur du " droit à la vie "
se sera permis de prêcher aux populations africaines, décimées
par le sida, l'interdiction du préservatif, il aura refusé le
droit d'avorter à des femmes qui avaient été violées
par des soldats lors de la guerre en ex-Yougoslavie.
Il se sera signalé également par la remise au pas de l'Eglise
catholique en Amérique latine, contaminée à ses yeux par
la théologie de la libération.
Mais les années de son règne, 1978 à 2005, sont d'abord
celles qui ont vu le développement d'une nouvelle phase de la domination
capitaliste, le libéralisme impérialiste. Ce sont les années
où le capitalisme a reconquis l'ensemble de la planète. C'est
pourquoi ils lui ont tous rendu hommage, tout ce que compte le monde, ou à
peu près, de chefs d'Etat ou de sectes religieuses officielles autres
que l'Eglise catholique. Solidarité bien comprise entre représentants
des classes dirigeantes tenant à saluer l'un des leurs, certes, mais
jamais auparavant, la mort d'un pape n'avait donné lieu, en autant d'endroits
du monde, à des manifestations officielles. Le Vietnam et la Chine ont
présenté leurs condoléances, Cuba a décrété
un deuil de trois jours.
" Pasteur universel ", comme l'a dit la presse, Jean-Paul
II ? Pape d'un capitalisme devenu universel, bien plutôt.
" Le témoin d'un monde qui bascule ", titrait
l'éditorialiste du journal Les Echos le 4 avril dernier. Son intronisation
comme pape, en 1978, coïncide avec les débuts de l'offensive de
la mondialisation capitaliste. Un an plus tard, Thatcher accédait au
poste de Premier ministre en Grande Bretagne et, en 1980, Reagan remportait
l'élection présidentielle aux Etats-unis. Il n'y a pas là
qu'une simple coïncidence de dates.
" N'ayez pas peur ! Ouvrez toutes grandes les portes pour
le Christ ! A son pouvoir salvateur, ouvrez les frontières des Etats,
les systèmes économiques et politiques, les vastes champs de la
culture, de la civilisation et du développement ! "
Les paroles qu'il prononce lors d'une de ses premières messes, à
Rome, prennent une résonance particulière, après vingt
ans d'offensive et de mondialisation capitalistes. Derrière le message
évangélique, c'est l'ouverture des économies qui échappent
encore au marché capitaliste et à la pénétration
des trusts que le nouveau pape prône.
Dit autrement, c'est la " lutte contre le communisme ",
une croisade que le nouveau pape mène, dès son élection,
en Pologne dont il est originaire.
" Lutte contre le totalitarisme communiste ", " lutte
pour la liberté ", la propagande de l'impérialisme
s'appuie sur le visage repoussant qu'offrent les régimes qui ont usurpé
le nom de communiste.
Cela fait longtemps déjà que la bureaucratie stalinienne, au terme
d'une véritable guerre civile à rebours, une contre-révolution,
a réduit les masses ouvrières et paysannes russes au silence et
impose à toute la population une dictature féroce pour préserver
ses privilèges. A l'échelle internationale, elle joue depuis le
milieu des années 30, un rôle consciemment contre-révolutionnaire.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, elle s'allie ouvertement aux
puissances impérialistes pour juguler les risques de révolution
en Europe, en particulier dans les pays de l'Est. C'est dans le cadre des accords
de Yalta que l'armée rouge occupe la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie
et y remet en selle les vieux appareils d'Etat d'avant-guerre. Et lorsque, la
situation s'étant stabilisée en Europe, l'impérialisme
y reprend l'offensive à travers le plan Marshall, c'est pour les garder
sous sa coupe et les isoler du marché mondial que la bureaucratie soviétique
étatise leur économie, élimine leur personnel politique
autre que les partis communistes dont elle s'assure l'obéissance à
coups de purges sanglantes. Rien à voir là-dedans avec le communisme,
qui, ne saurait, soit dit en passant, s'imposer par la violence militaire. C'est
toute la population qui subit ce terrorisme dictatorial, et à aucun moment,
la classe ouvrière de ces pays n'a ressenti ces régimes comme
les siens.
A la fin des années 70, en Pologne, la classe ouvrière a déjà
une longue tradition de luttes, elle s'est mobilisée et a ébranlé
le régime à plusieurs reprises, en 1956 et en 1970, deux ans après
une révolte de la jeunesse étudiante, puis en 1976. Mais il n'y
a, alors, guère d'autres perspectives que celles offertes par des forces
social-démocrate ou religieuse et la plupart des réseaux de résistance
composés d'ouvriers et d'intellectuels sont animés par des militants
catholiques.
Lorsque le pape, lui-même ancien archevêque de Cracovie, vient en
Pologne en 1979, il reçoit un accueil triomphal, véritable défi
au régime.
Un an plus tard, ce sont les grandes grèves démarrées aux
chantiers navals de Gdansk, dont Lech Walesa est le dirigeant le plus populaire.
Les travailleurs polonais, soutenus par l'ensemble de la population, font plier
le régime et lui imposent leurs revendications, ainsi qu'un peu plus
tard, la reconnaissance officielle de leur syndicat Solidarnosc. Mais en décembre
1981, c'est le coup d'état du général Jaruzelski, et la
répression s'engage contre les militants ouvriers et Solidarnosc.
L'oppression exercée par un régime stalinien dictatorial, les
luttes de la classe ouvrière polonaise ont pu dans ces années-là,
accréditer l'idée que la lutte contre le " communisme "
se confondait avec la lutte pour la liberté et le bonheur des peuples.
Vingt ans plus tard, les visées que poursuivait l'impérialisme
apparaissent au grand jour, la mainmise des trusts sur l'économie mondiale,
leur rapacité, l'exploitation des ressources naturelles et du travail
humain. Il fallait pour cela que soit rétabli le capitalisme en URSS,
la propriété privée, abattues les barrières érigées
par la révolution russe. C'est ce qu'a fait, non une victoire de l'impérialisme,
mais la bureaucratie soviétique elle-même, elle qui souhaitait
depuis si longtemps, sans l'oser, rétablir la propriété
privée.
Les innombrables voyages de Jean-Paul II à travers le monde ont accompagné
la progression de l'offensive du libéralisme impérialiste, il
en a été un des commis voyageurs les plus tenaces, savourant sa
victoire lorsqu'il a pu mettre le pied, en janvier 1998, à Cuba, dont
les dirigeants ont tenu à lui faire allégeance en décrétant
pour sa mort un deuil national de trois jours.
Il n'a eu de cesse, tout au long de son règne, de vanter l'" économie
de marché ", " un système économique
qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l'entreprise, du
marché, de la propriété privée et de la responsabilité
qu'elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité
humaine dans le secteur économique ".
Dans les années 90, depuis que se révèle dans toute sa
brutalité le capitalisme triomphant, Jean-Paul II n'a pas ménagé
pas les bonnes paroles contre le " capitalisme sauvage "
ou le " libéralisme excessif ", il a affiché
une volonté de trouver " des solutions au problème
de la dette extérieure " des pays pauvres, en se gardant
bien, toutefois, " de remettre en cause le principe selon lequel
un emprunt contracté doit être honoré ", comme
le rappelle La Tribune qui titre par ailleurs, toujours à propos
du pape : " Ni Adam Smith, ni Karl Marx ".
Celui qui avait été baptisé le " pape des
ouvriers ", Léon XIII s'était penché sur
la condition ouvrière dans une de ses encycliques, en 1891. Il s'agissait
pour l'Eglise de conserver une influence et une autorité sur les populations
ouvrières attirées par le mouvement socialiste en pleine croissance.
Jean-Paul II, lui, cherchait à se donner une allure altermondialiste,
pour continuer l'essentiel de son travail de porte-parole de la réaction,
à savoir prêcher la soumission, la résignation et le renoncement
au bonheur sur cette terre.
Galia
Trépère
Note sur le Venezuela : rectificatif et arguments
Une
erreur s'est glissée dans l'article de DM N° 61 sur le Venezuela
et il faut la corriger. Dans l'article, il est écrit :
" Mais quelle politique mène-t-il (le gouvernement Chavez)
concrètement depuis sa victoire à l'élection présidentielle
en 1998 et sa réélection en 2000 ? A-t-il nationalisé
le complexe pétrolier qui s'assure de juteux profit quand les masses
vivent dans la misère ? Il n'en défend pas la nécessité.
A-t-il exproprié les grands propriétaires terriens qui exploitent
et affament le prolétariat des villes et des campagnes ? Il refuse
de remettre en cause la propriété privée. "
Nous reviendrons dans les prochains numéros sur la " révolution
bolivarienne ", la politique de Chavez ou celle de Lula, leurs
rapports..., tant parce qu'il s'agit de problèmes centraux de la lutte
de classes que parce que ces questions politiques ont un lien, plus direct qu'il
ne peut apparaître, avec les débats sur la force anticapitaliste,
le regroupement de la gauche de la gauche et la construction du nouveau parti.
D'abord nous voudrions corriger les erreurs et donner quelques éléments
de réflexion.
Quels sont les faits, en résumé, sans tomber dans la propagande
du gouvernement ni dans des erreurs d'appréciation ? La propriété
des hydrocarbures a été nationalisée au Venezuela en 1976
et l'on a créé la même année PDVSA, entreprise étatique
de production, distribution, exportation et raffinement du pétrole et
du gaz.
Un conflit important a eu lieu à la fin 2002-début 2003 avec la
grève générale à PDVSA impulsée par l'opposition
bourgeoise, qui en réalité visait à une nouvelle tentative
de coup d'Etat. Le gouvernement Chavez a vaincu, a mis à la porte plusieurs
milliers de cadres de l'entreprise et a pris sa direction. Il a pu ainsi s'assurer
le contrôle, jusqu'à certain degré bien sûr, de la
" rente pétrolière ". Cette rente était
gérée par la bureaucratie de PDVSA, pour les affaires, la corruption
et " tercerisation ".
Chavez a changé ce mécanisme afin d'être en mesure d'utiliser
la rente, qui s'est accrue considérablement avec l'augmentation du prix
du pétrole, pour sa politique sociale. L'Etat dispose maintenant d'une
bonne marge économique de manuvre.
Cependant la politique pétrolière n'a pas changé. Comme
résume la CEPAL (Commission Economique de l'Amérique Latine de
l'ONU) dans son travail La inversión extranjera en América
Latina y el Caribe (2004)
" Les difficultés politiques du Venezuela, le pays qui dispose
des réserves de pétrole et gaz les plus importants de l'Amérique
latine n'ont pas empêché la réalisation de nouveaux investissements
des grandes entreprises transnationales ". La loi de 1999 a favorisé
ces investissements, entre autres ceux de Total de 4000 millions de dollars.
Une nouvelle priorité est l'exploitation de la Plateforme Del Tana pour
fournir les Etats-unis, avec l'intervention de Chevron Texaco, Conoco Philips
et Statoil, avec un investissement de 3 800 millions de dollars pour la période
2004-2009. (pp. 64-66).
En même temps, Chavez et PDVSA examinent un changement global de leur
activité : se détourner des investissements des Etats-Unis
et d'Allemagne, passer des alliances avec la Chine et la Russie, construire
des nouveaux oléoducs et gazoducs, structurer un nouveau schéma
d'exploitation du gaz du cône Sud avec la Bolivie, Petrobras (Brésil)
et Ennuager (Argentine) qui aura comme partenaire principal Repsol (la grande
entreprise espagnole et catalane avec une forte intervention de fonds de pension
des Etats Unis). Il n'y a pas dans l'ensemble de ces éléments
ce qu'on pourrait appeler une politique anti-impérialiste (ou anti-capitaliste)
d'exploitation du pétrole et du gaz. Par contre, cette politique provoque
des affrontements avec les gouvernements des Etats-unis et certains groupes
de pression pétrolier et un essai de réorganisation du marché
mondial.
Le contrôle ouvrier de PDVSA n'existe pas et, en réalité,
il est incompatible avec le régime politique actuel.
De ce point de vue, la dynamique du gouvernement Chavez ne ressemble pas à
celle de Castro entre 1959 et 1961 et elle est beaucoup plus proche de celle
des gouvernements nationalistes comme celui de Perón en Argentine en
1946 ou de Nasser en Egypte en 1956.
L'agression de l'impérialisme est bien réelle ; le gouvernement
Bush considère Chavez comme un " facteur de perturbation "
qu'il faut combattre et même comme un gouvernement qui appuie le terrorisme.
Une politique d'agression y compris militaire est mise en oeuvre. Nous dénonçons
Bush et manifestons notre solidarité avec le peuple vénézuélien
contre les agressions impérialistes et les coups d'Etat de l'opposition
bourgeoise, sans taire les désaccords avec la politique de Chavez.
Le gouvernement du Venezuela qui n'a pas avec l'impérialisme la même
relation que Lula, essaie aussi d'éviter un affrontement global. Cela
s'illustre dans, par exemple, ses relations avec la Colombie ou, de façon
plus générale, dans son régime politique et la préservation
de l'appareil de l'Etat.
L'affrontement avec l'impérialisme et les attaques du gouvernement contre
tel ou tel secteur de la bourgeoisie et même l'expropriation de certains
latifundios ou entreprises ne font pas de la " révolution bolivarienne "
une révolution prolétarienne, un processus de révolution
permanente, et de Chavez et son parti une direction révolutionnaire qui
s'approche du socialisme.
Une observation de Trotski sur les expropriations qu'effectuait la bureaucratie
stalinienne en Europe de l'Est peut nous aider à comprendre où
se situe l'axe de notre réflexion :
" Le critère politique essentiel pour nous n'est pas la
transformation des rapports de propriété dans cette région
ou une autre
mais le changement à opérer dans la conscience
et l'organisation du prolétariat mondial, l'accroissement de sa capacité
à défendre les conquêtes antérieures et à
en réaliser de nouvelles. De ce seul point de vue décisif, la
politique de Moscou, considérée globalement, conserve entièrement
son caractère réactionnaire et demeure le principal obstacle sur
la voie de la révolution internationale. " (L'Urss dans la guerre,
Coyoacán, septembre 1939.)
Marcelo
N.
1905, au début du siècle passé, l'année des ruptures
L'actualité,
les débats autour de l'islamisme politique et la question du voile et,
en conséquence, le débat sur la laïcité ont donné
une signification particulière à la commémoration du centenaire
de l'année 1905, année où la loi sur la laïcité
fut votée.
Un autre événement, celui-là dans le domaine de la science,
fait la une de l'histoire officielle et fait de1905 l'année où
Einstein révolutionna la physique. L'histoire du mouvement ouvrier et
des luttes d'émancipation retiendrait plutôt la première
révolution russe, la répétition générale
de 1917 ou le congrès de fondation de la SFIO. Mais plutôt que
de dissocier ces immenses progrès fruits de l'activité humaine,
du travail, il s'agit d'essayer de les saisir dans leur globalité, qui
fait le contenu de cette année du début du siècle dernier,
" année charnière " selon l'expression
de Michel Huguier .
Cette année charnière vit l'aboutissement des forces en développement
qui travaillaient la société tant sur le plan des techniques,
des sciences, des rapports sociaux que de la politique, l'art et la culture.
La conjonction de ces événements, révolution scientifique,
révolution politique et sociale, est loin d'être fortuite, elle
est la résultante d'une accumulation de progrès dans l'ensemble
de ces domaines, de transformations sociales qui s'opèrent dans le cadre
d'une crise, d'une mutation du capitalisme et aboutissent à un bouleversement
général, saut qualitatif, révolution dans tous les domaines
de la vie sociale, politique, intellectuelle.
" Le tournant d'un siècle à l'autre a été
vertigineux, écrit Victor Serge. Je me souviens de mon émerveillement
d'enfant à voir passer dans la rue les premières "voitures
sans chevaux". L'automobile naissait. J'ai été crieur de
journaux pendant le premier circuit d'aviation organisé en France ;
ce devait être en 1900. L'exploit de Blériot traversant la manche
en avion déchaînait l'enthousiasme. J'ai connu l'éclairage
des demeures au pétrole, puis au gaz, l'électricité ne
pénétrant encore que dans les intérieurs riches. J'ai guetté
le passage dans la rue d'allumeurs de réverbères, magique personnage
Les illustrés de ces temps lointains étaient pleins d'images de
roi et d'empereurs : l'empereur de Russie, l'empereur d'Allemagne, l'empereur
d'Autriche-Hongrie, l'impératrice de Chine, le sultan de la Sublime porte
Sur l'écran des premiers cinémas, des régimes défilaient
très vite, d'un pas saccadé, et ces images animées étaient
stupéfiantes. On parlait aussi des rayons X qui permettaient de voir
à travers le corps humain
"
Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine qui reste en dehors des
bouleversements. Les progrès techniques obligent à tout repenser,
y compris dans les choses de la vie quotidienne.
1905, c'est aussi l'année du premier
" code de la route "
réglementant entre autres l'usage du klaxon.
Une science nouvelle apparaît avec le développement de l'industrie
et des villes, les premiers gratte-ciel, l'urbanisme. Freud publie Trois
essais sur la sexualité qui révolutionne le regard que les
hommes porteront sur les enfants. La compréhension du temps et de l'espace
est radicalement transformée, comme celle que l'on a de la couleur, tant
du point de vue de la physique que de l'art. Le fauvisme poursuit la révolution
ouverte deux décennies plus tôt par les impressionnistes et qui
aboutira au cubisme...
Exprimant le contenu historique de la période où s'étaient
formées les contradictions qui convergeaient vers la crise et les bouleversements
de l'année 1905, Trotsky écrivait en juin 1905 : " Plus
d'un demi-siècle s'est écoulé depuis 1848, plus d'un demi-siècle
de conquêtes incessantes du capitalisme dans le monde entie ; plus
d'un demi-siècle pendant lequel la bourgeoisie a manifesté sa
soif démente d'une domination pour laquelle elle n'hésite pas
à se battre avec férocité.[...] En liant tous les pays
entre eux par son mode de production et son commerce, le capitalisme a fait
du monde entier un seul organisme économique et politique. De même
que le système moderne du crédit rattache des milliers d'entreprises
par d'invisibles liens et donne au capital une mobilité incroyable, qui
permet d'éviter beaucoup de petites faillites, mais est en même
temps la cause de l'ampleur sans précédent des crises économiques
générales, de même, les efforts économiques et politiques
du capitalisme, son marché mondial, son système de dettes d'Etat
monstrueuses, et les groupements politiques de nations qui rassemblent toutes
les forces de la réaction dans une sorte de trust mondial n'ont pas seulement
résisté à toutes les crises politiques individuelles, mais
également préparé les bases d'une crise sociale d'une extension
inouïe ".
L'année charnière était la résultante des forces
qui avaient façonné l'impérialisme et créé
les conditions qui firent du XXéme siècle, le siècle des
guerres et des révolutions, selon l'expression de Lénine. Elle
était une étape où se confrontaient les forces de progrès
et celles de la réaction. Les progrès accumulés dans le
cadre du capitalisme se confrontaient avec ce cadre de la propriété
privée devenu trop étroit tant pour les nouvelles techniques que
pour les progrès de la démocratie. Année de compromis entre
ces forces contradictoires, répétition générale
aussi comme l'écrivait Trotsky à propos de la première
révolution russe.
Un parallèle vient à l'esprit entre le début du siècle
dernier et les nouveaux bouleversements que connaît le monde aujourd'hui.
Les échecs du siècle écoulé comme la marche en avant
de l'humanité malgré les victoires de la réaction reposent
aujourd'hui, à un autre niveau, les problèmes que le développement
social avait posés alors. Ils s'étaient focalisés dans
le débat qui divisait le mouvement ouvrier, " Réforme
ou révolution ", selon le titre d'une brochure de Rosa
Luxembourg. Le débat retrouve toute sa pertinence.
" C'est la technique industrielle et scientifique du mode moderne
qui rompt brutalement avec le passé et met les peuples de continents
entiers devant la nécessité de recommencer la vie sur des bases
nouvelles. Que ces bases doivent être, ne peuvent être que d'organisation
rationnelle, de justice sociale, de respect de la personne humaine, de liberté,
c'est là pour moi une évidence qui s'impose peu à peu à
travers l'inhumanité même du temps présent ".
Ces lignes de Victor Serge sont d'une pleine actualité.
Débat militant se propose de revenir dans ses prochains numéros
sur les principaux événements qui ont fait 1905 : l'évolution
impérialiste du capitalisme, les progrès des sciences et des techniques,
la révolution russe, le congrès de fondation de la SFIO, la loi
sur la laïcité
Il nous est apparu très utile pour tenter de mieux saisir les transformations
qui s'opèrent et dont nous voudrions être les acteurs, de revenir
sur les mutations qui avaient ouvert les portes aux bouleversements qui ont
fait le siècle passé.
Il ne s'agit pas de procéder par simple analogie mais de chercher à
comprendre la courbe du développement de la société, et
de la lutte entre le capital et le travail. La compréhension du passé
éclaire les mécanismes en uvre aujourd'hui et peut nous
aider à en saisir la portée pour mieux définir notre projet
politique et intervenir au cur des luttes comme force motrice et dirigeante.
Yvan
Lemaitre