Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°67
10 juin 2005

Sommaire :

L'urgence de Villepin... et celle des travailleurs

Rassembler au-delà du " oui " et du " non " de gauche - Buffet n'entend pas changer de cap

Après le 29 mai, la responsabilité des révolutionnaires

Textile chinois : la solution à la "crise" du textile n'est pas dans les "clauses de sauvegarde" protectionnistes


L'urgence de Villepin…
et celle des travailleurs

Villepin est pressé, il croit qu'il a rendez-vous avec l'histoire en " cette période exceptionnelle ", ou plutôt avec la candidature à la présidentielle. Seulement, comme celui qui l'a nommé Premier ministre pour lui adjoindre aussitôt son pire ennemi, il a plus d'ennemis que d'amis. Alors, il faut faire vite, décréter l'urgence, gouverner par ordonnances, tenter de jouer l'effet de surprise en se méfiant de faire dans la grandiloquence. " La bataille de l'emploi " exige des mesures concrètes… Et Villepin de sortir de son chapeau une escroquerie de taille. Il fallait une bonne dose de cynisme et d'hypocrisie pour inventer le contrat à durée illimitée de moins de… deux ans !Là est bien l'essentiel de tout le plan Villepin, saupoudrer à droite et à gauche, continuer la politique de privatisation et aggraver la précarité en permettant aux patrons d'embaucher pour 6 mois, 8 mois ou 16 ou 18 selon leurs besoins, continuer la politique d'exonération des cotisations patronales, obliger les chômeurs à accepter n'importe quel travail pour une prime de 1000 euros et… des menaces de sanction.
La seule urgence que connaît Villepin comme son patron, c'est la fuite en avant, droit dans le mur.
Ce n'est pas qu'il n'ait pas compris ce que les électeurs ont dit, mais il n'a comme réponse que les phrases creuses sur la mondialisation et les souffrances des démunis, juste quelques mots d'un semblant de compassion hâtive, et des mesures concrètes pour les gens de sa classe.
Leçon de chose convaincante : les droits des salariés sont incompatibles avec la défense des intérêts des classes privilégiés.
La bataille pour l'emploi " n'est qu'un slogan usé jusqu'à la corde pour répondre aux exigences du patronat qui réclame toujours plus de " fluidité ". Villepin entend la mener " sans tabous ", c'est-à-dire sans crainte d'afficher le mépris de sa classe pour le monde du travail.
Toiletter le code du travail " revendique Patrick Ollier, de l'UMP, pour " l'adapter aux réalités économiques et sociales ". C'est la prochaine étape de cette bataille, si Villepin passe le cap des cent jours. Lui-même n'en semble pas très convaincu. La chute de la cote de popularité de Chirac pourrait bien l'entraîner avec lui. Sarkozy, quant à lui, a déjà annoncé qu'il ne resterait pas plus d'un an pour être libre de mener sa campagne présidentielle… Et il vient de limoger le conseiller du préfet de police soupçonné de s'être mêlé d'un peu trop près des affaires de la famille Sarkozy… L'ambiance est au règlement de compte. Fillon et sa loi en font les frais. De Robien en a suspendu les décrets d'application sans revenir sur le fond ni arrêter les poursuites contre les jeunes lycéens.
Mercredi après-midi, au même moment où Villepin faisait son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale, le procureur de la république prononçait son réquisitoire contre les 47 prévenus dans le procès des marchés publics de l'Ile de France poursuivis pour " délit de corruption en bande organisée " au centre duquel se retrouvent Chirac, l'UMP et le PS. Il y dénonçait une " corruption institutionnalisée ".
Voilà qui définit bien la République parlementaire à l'heure de la mondialisation financière.
Voilà ce qu'ont rejeté les classes populaires en votant Non comme elles ont rejeté les politiques menées par la droite et la gauche depuis plus de vingt ans. Bien plus qu'un Non de gauche, c'est véritablement un Non de classe.
Villepin et les siens font semblant de prendre en compte ce mécontentement pour surenchérir, accentuer leur politique rejetée. Ils espèrent que le mécontentement ne trouvera pas les moyens de s'exprimer en comptant sur les directions syndicales qu'il invite au dialogue social et sur le légalisme de la gauche.
Leur mépris des classes populaires les aveugle, c'est d'elle que viendra la riposte.
Le mécontentement a porté les forces politiques militant pour le Non, il a créé la dynamique de la campagne, il a été contagieux. L'onde de choc est loin d'avoir épuisée son énergie, elle continue son travail. La journée de grève des cheminots, celle des métallurgistes, la mobilisation pour la défense des postiers de Bordeaux en sont le prolongement. La journée interprofessionnelle à laquelle appelle la CGT le 21 juin sera l'occasion d'unir les forces, de mesurer les évolutions accomplies à travers la campagne pour le Non et son succès.
Les collectifs peuvent aider à cette mobilisation, s'y associer, aider à construire l'unité du monde du travail.
Pourquoi les collectifs ne s'empareraient-ils pas de la défense des lycéens, de celle des postiers de Bordeaux, de la lutte contre les attaques contre le droit du travail ? Pourquoi ne pourraient-ils pas aider à l'unité des travailleurs autour de leurs exigences sociales et démocratiques dans la perspective de construire un véritable mouvement européen ? Pourquoi ne permettraient-ils pas de poser comme une même lutte, la lutte contre le chômage, la lutte pour une autre répartition des richesses et la lutte pour la démocratie, pour le droit pour les travailleurs et la population d'exercer leur contrôle sur la marche de la société ?
Ce sont les perspectives que défendent les révolutionnaires dans le même temps qu'ils proposent à tous ceux qui partagent leurs objectifs de se regrouper en un parti, un parti pour les luttes sociales et politiques, c'est-à-dire un parti pour le pouvoir des travailleurs.
Les classes populaires ont su dire Non dans les urnes, rompant avec l'opinion publique bourgeoise, c'est un point d'appui considérable pour construire une nouvelle conscience de classe, sûre de ses droits, prête à les faire valoir avec ses armes, lucide sur l'adversaire et ses alliés.
Les liens qui ont commencé à se tisser deviendront de nouveaux rapports militants dans la mesure où la fraction la plus active du mouvement saura exprimer au mieux la révolte, de la façon la plus radicale, en en exprimant les exigences sociales, démocratiques et de solidarité indépendamment des échéances électorales et des ambitions gouvernementales des anciens ministres ou partis de l'ex-gauche plurielle.
Le regain militant qui s'est manifesté à travers la campagne trouve aujourd'hui de nouvelles occasions de se mobiliser pour faire face aux attaques du gouvernement et du patronat. Il a pris l'habitude de discuter comme d'une seule et même question, la question sociale et la question politique. Pour nombre de militants, la séparation entre revendications sociales et lutte politique est caduque comme l'opposition formelle entre lutte syndicale et lutte politique.
Cette nouvelle conscience se combine avec le rejet des partis institutionnels qui prétendent d'une façon ou d'une autre faire le bonheur du peuple à sa place.
Il lui faudra certes du temps, de nouvelles expériences pour s'affirmer, devenir une nouvelle force mais de plus en plus nombreux sont ceux qui prennent conscience qu'aucun gouvernement ne pourra changer les choses dans le cadre du système et que seules leur mobilisation et leur organisation sur le terrain de la lutte de classe peuvent agir sur l'opinion, exercer la pression des classes populaires sur l'Etat, faire entendre leur droits.
Les idées de transformation sociale, de la lutte de classe, ont rendez-vous avec les travailleurs.

Yvan Lemaitre

 

Rassembler au-delà du " oui " et du " non " de gauche
Buffet n'entend pas changer de cap


Il y a comme un parfum d'union de la gauche ", assure Marie-George Buffet. La secrétaire nationale du Parti communiste français file l'idée depuis des mois. Et l'opposition entre tenants socialistes et écologistes du " oui " et partisans du " non " de gauche pendant la campagne référendaire n'entame nullement l'optimisme de la numéro 1 du PCF.
Mieux, le 29 mai au soir, à peine la victoire du " non " connue, Marie-George Buffet s'enflamme : " J'appelle à ce que se tiennent dans chaque commune de France, dans les jours qui viennent, des assemblées de celles et ceux, citoyennes et citoyens, élus et responsables politiques, organisations qui ont permis la victoire. J'invite de tout cœur à y prendre toute leur place les femmes et les hommes, les organisations de gauche qui, bien qu'ayant choisi le oui, voudront participer avec nous à l'aventure exaltante de construction d'une autre Europe, et d'une véritable alternative de gauche dans notre pays. ". " Forgeons ensemble à gauche l'Union populaire pour changer nos vies ", conclue-t-elle.
Significativement, tracts et affiches du PCF reprennent déjà, quasiment mot pour mot, le slogan " Changer la vie ", faisant écho au titre du programme de François Mitterrand et du PS adopté quelques mois avant la signature du programme commun en juin 1972. Le message est transparent. Et, avec lui, la perspective qui se cache derrière cette " Union populaire " promue dorénavant place du Colonel Fabien.
Le bras droit de Buffet, Patrice Cohen-Seat, en précise le sens sans ambages : " la droite peut être battue sur les orientations du 29 mai ", " y compris avec le PS ". Ses lourdes défaites à la présidentielle et aux législatives de 2002 semblaient éloigner le parti de François Hollande du pouvoir pour des années. Les succès cumulés des socialistes lors des régionales, cantonales et européennes en 2004 crédibilisent aux yeux des communistes la perspective d'un retour rapide d'une gauche rassemblée aux affaires.
Et la place occupée par le PCF dans la campagne référendaire ouvre l'appétit des notables communistes et ce, même si l'adition risque d'être salée.

Réduire une rupture avec les sociaux-libéraux…
Une énième fois, le PCF entend jouer les rabatteurs de voix pour une solution gouvernementale avec les socialistes quand bien même " Les premiers signes donnés par la direction du PS passent à côté du message envoyé par les Français ", dixit Patrice Cohen-Seat. " Ce n'est pas notre rôle que d'entrer dans les débats du PS ", se dédouane-t-il à bon compte.
L'équipe entourant Buffet refuse - évidemment ! - de précipiter la rupture avec le social-libéralisme qui s'approfondit au sein de la classe ouvrière et qui porte en germe la possibilité qu'émerge un mouvement ouvrier s'affranchissant du poids des appareils, politiques et syndicaux. Accompagner ce mouvement profond qui s'exprime depuis le grand mouvement de grèves de novembre-décembre 1995 sans trouver à ce concrétiser, ce serait pour la direction communiste une sorte de suicide… Et de cela, il n'est pas question place du Colonel Fabien !
Marie-George Buffet le répète inlassablement à tous ceux que la campagne référendaire - mais surtout vingt-cinq ans de politique antisociale sous gouvernement de gauche comme de droite - ont convaincu de l'incompatibilité entre la politique des sociaux-libéraux et les aspirations du monde du travail : " il n'y a pas deux gauches, mais une gauche ". Et elle enfonce le clou : " nous voulons faire bouger toute la gauche, nous voulons rassembler par delà le "oui" et le "non" tous ceux et celles, qui dans la situation nouvelle, avec les possibilités inédites qu'elle ouvre, veulent travailler dans cette direction ", martèle la dirigeante du PCF.
La direction communiste récuse l'idée des deux gauches, et pour cause : ce serait éloigner un retour au pouvoir à la faveur du désaveu de la droite que les élections régionales et européennes avaient souligné l'an dernier et que les 55 % de "non" au traité constitutionnel renforce encore ; et l'union PS-PCF en découle d'autant plus logiquement qu'il n'existe pas de majorité sans les socialistes, sinon à sortir du cadre institutionnel, à se placer sur le terrain d'une rupture radicale avec l'ordre établi.
Toute l'histoire du parti communiste depuis 1935 l'atteste : à chaque fois que le rythme de la lutte de classe s'est accéléré (1936, Libération, 1968), sa direction a misé sur la légalité républicaine et imposé un compromis favorable à la bourgeoisie, quitte à prendre le risque de se couper de l'aile marchante des mobilisations.
La saignée des rangs du PCF depuis 1981 et les expériences répétées d'union de la gauche, avec ou sans participation de ministre communiste, n'a jamais remis en cause la stratégie d'exercice du pouvoir à laquelle adhère Buffet et l'appareil du PCF. Au contraire, les années 80 et, plus encore, la décennie 90 ont vu la social-démocratisation du parti s'accélérer.
De 1997 à 2002, le PCF, au gouvernement et à l'Assemblée, a soutenu continûment l'entreprise de régression sociale mise en place par l'équipe Jospin à laquelle Marie-George Buffet a collaboré pendant cinq années. Jamais sous la Ve République, un chef de gouvernement n'aura eu la longévité de Lionel Jospin, aucun autre Premier ministre n'aura bénéficié d'une majorité aussi disciplinée. Les communistes ont tout laissé passé, s'abstenant à chaque fois qu'un vote négatif risquait de faire tomber le gouvernement. L'application du plan Juppé qui avait mobilisé des millions de travailleurs en 1995 n'a nullement été entravée par les parlementaires du PCF élus en 1997. Il en ira de même demain…
Place du Colonel Fabien, ce sont la préservation des 12 000 élus communistes et, le cas échéant, l'accroissement de leur nombre qui prévalent. Rompre avec le social-libéralisme, ce serait perdre les prébendes qu'assurent les majorités PS-PCF-Verts dans les municipalités, les départements et les régions.
En revanche, rassembler autour de lui l'essentiel des composantes qui participent à la campagne du "non" serait un atout supplémentaire pour négocier sur la base d'un rapport de force plus favorable avec les socialistes. C'est un des enseignements tiré par Buffet et son équipe lors des régionales puis des européennes 2004 où des listes communistes élargies à des représentants du mouvement social avaient vu le jour comme en Ile-de-France avec la Gauche populaire et citoyenne.
C'est à la tentative d'un dévoiement de la dynamique unitaire à laquelle il convient de se préparer.

…assumée par de nombreux militants communistes
L'orientation développée par l'équipe à la tête du PCF prend à contre-pied nombre de militants communistes actifs dans les comités unitaires depuis des mois, et qui souvent sont revenus à la politique à cette occasion, parfois après des années d'inactivité. L'état d'esprit aujourd'hui de ces militants n'est pas de renouer une alliance PS-PCF-Verts dont les résultats désastreux sont connus à l'avance : de retour au pouvoir la " gauche durable " mettra en place les solutions social-libérales qui ont déjà été les siennes pendant deux décennies.
Cette volonté de ne pas se faire imposer cette politique anti-ouvrière était perceptible lors du meeting du PCF au Gymnase Japy cette semaine à Paris.
La secrétaire nationale du Parti communiste achevait mercredi soir sa campagne là où elle l'avait commencée le 17 mars dernier, le jour même où pour la première fois le "non" était donné victorieux dans un sondage. À Japy, ce sont les interventions marquant l'opposition fondamentale avec les sociaux-libéraux, affirmant l'impossibilité de contracter avec eux un projet commun qui reçurent l'accueil le plus chaleureux. Marie-George Buffet était bien à la peine pour faire avaliser par une partie de la salle l'idée d'un dialogue avec les tenants socialistes du "oui".
Significativement, les rangs clairsemés de l'assistance témoignaient d'entrée que la dynamique de la campagne pouvait s'essouffler faute d'un débouché rompant avec les politiques conduites jusqu'alors. L'obligation pour la direction Buffet d'écourter son meeting suite aux départs rapides des militants présents le confirme amplement. Partant, cela conforte l'idée que beaucoup de choses vont se jouer d'ici l'été dans les collectifs.
Les révolutionnaires ont un rôle-clé à jouer, et d'autant plus important qu'à travers l'activité des militants de la LCR ces derniers mois et la place occupée par Olivier Besancenot parmi les porte-parole du "non", leurs idées ont acquis une audience décuplée. Ce crédit accumulé depuis la présidentielle de 1995 où Arlette Laguiller avait rassemblé 1 600 000 voix sur son nom est un point d'appui pour faire la démonstration à une échelle large de l'impasse dans laquelle la direction Buffet cherche à engager le mouvement.
Il est aujourd'hui possible de s'adresser aux militants communistes avec lesquels nous militons au coude à coude depuis des mois contre l'Europe libérale et que nous retrouvons au quotidien dans les luttes et de contester à la direction communiste son hégémonie politique. L'extrême gauche doit prendre toutes ses responsabilités.
Il n'y a rien à attendre de l'équipe Buffet comme de ses opposants huistes ou orthodoxes qui s'opposent uniquement sur des aspects tactiques conjoncturaux sans s'attaquer au cœur de la stratégie du PCF : sa volonté de participer à une nouvelle expérience gouvernementale dans le cadre bourgeois. Ce serait désespérer les militants du PCF que de laisser accroire qu'il pourrait en aller autrement, d'entretenir la moindre illusion.
La tâche qui est devant tous ceux qui veulent pousser au plus loin les ruptures à l'œuvre, c'est au contraire d'accompagner et renforcer le mûrissement des consciences ; c'est de chercher à leur fixer un autre objectif que 2007, celui des luttes sociales pour contrecarrer les plans de Villepin et Sarkozy, celui d'une nouvelle expression du monde du travail, un parti révolutionnaire des travailleurs.
À peine la campagne du "non" était-elle lancée que le PCF a cherché à mettre sa mainmise sur les initiatives unitaires. Il a le plus souvent réussi à imposer une unité factice autour de ses propres échéances auxquelles les autres formations étaient contraintes de se rallier. À Japy, mercredi soir, Olivier Besancenot n'était pas convié ; les communistes entendant choisir eux-mêmes l'orateur de la LCR… Aujourd'hui, la place du Colonel Fabien mobilise pour le 16 juin - dont elle revendique bien sûr la paternité - avec un matériel niant la cadre unitaire - " Les communistes proposent… " peut-on lire dans le tract national d'appel. Cela traduit toute l'attitude du PCF depuis le début de l'année.
Jamais depuis des décennies, l'extrême gauche n'a été en meilleure situation pour se faire entendre. Dans la mêlée, celle du référendum, celle des luttes sociales, les militants de la LCR comme ceux de LO ont acquis un crédit parmi des secteurs significatifs de militants communistes et au-delà des rangs du PCF. Il s'agit de fructifier ce capital. Avant que d'autres ne cherchent à le dilapider.

Serge Godard

Après le 29 mai, la responsabilité des révolutionnaires


La victoire électorale du 29 mai peut être un point d'appui utile à l'intervention des révolutionnaires et contribuer à renforcer leur influence.
C'est bien sûr une question d'appréciation sur la situation, mais pas seulement. A la différence des camarades de Lutte ouvrière et de sa Fraction, nous ne pensons pas que l'intervention des révolutionnaires doive se réduire aujourd'hui à la seule dénonciation des manœuvres politiciennes. Elles existent certes ! Mais comment faire pour s'adresser aux militants et aux travailleurs qui sont encore influencés par les partis de gauche et les convaincre qu'une autre politique est possible ? Sinon en proposant dès maintenant des objectifs communs qui permettent réellement de faire un pas de plus ensemble, sans attendre les échéances électorales de 2007 ?

Le bilan positif d'une campagne pour les révolutionnaires
Il faut insister : cette campagne électorale par bien des aspects est un peu hors norme. D'abord par son intensité, par la mobilisation non seulement des militants mais également d'un milieu plus large, par sa politisation et par la série de questions qui ont été largement mises en discussion dans tous les milieux, y compris dans les milieux ouvriers où les questions politiques depuis longtemps n'étaient plus au goût du jour.
Ensuite par son résultat : des millions d'électeurs de gauche (une majorité !) ont voté contre la politique défendue par le chef présumé de cette gauche où le Parti socialiste est hégémonique.
Le bulletin de vote a de fait agi comme un discriminant au sein du " peuple de gauche ". Parmi les électeurs qui ont voté "Oui", beaucoup ne l'ont pas fait simplement pour l'Europe ou pour ne pas se retrouver avec Le Pen. Ils l'ont fait aussi parce qu'ils sont restés sensibles au discours " réaliste " que nous sert la social-démocratie depuis qu'elle est régulièrement au pouvoir, sur les " contraintes extérieures ", sur la politique des " petits pas " et sur les " points d'appui ". C'est le même discours qui a servi à justifier les politiques libérales de la gauche au pouvoir et l'acceptation de ce traité constitutionnel. Et c'est justement ce que n'avait plus envie d'entendre une majorité d'électeurs de gauche qui ont voté " Non ". Ces derniers ont dit " Basta ! " au " réalisme de gauche ".
A ce geste (électoral) de défiance envers une partie de la gauche de gouvernement s'ajoute un autre élément essentiel de la situation : c'est l'effacement du traumatisme de 2002 qui a été jusqu'à présent terriblement pénalisant pour l'extrême-gauche. Désormais, il est possible à nouveau pour des électeurs de gauche (qui sont aussi parfois des électeurs d'extrême-gauche) de voter sans complexe contre Hollande (comme ils ont voté contre Jospin en 2002), quitte à mélanger leurs bulletins de vote avec ceux de Le Pen comme ce fut le cas dans ce référendum. Là aussi, l'importance de ce geste ne doit surtout pas être minorée.
Ce vote ne s'inscrit pas seulement dans la continuité des résultats du 21 avril 2002 qui avaient vu Jospin désavoué. Dans une large mesure, il l'amplifie puisqu'il passe outre la peur de faire le jeu de l'extrême-droite, tellement l'envie d'exprimer sa défiance envers le PS est grande. La période ouverte en 1995, période de contestation et de possibilités nouvelles pour l'extrême-gauche, est donc loin d'être refermée !

La nécessité de continuer à mener une politique unitaire
Il ne s'agit pas de négliger un certain nombre de problèmes : par exemple, un vote comme celui-ci renforce inévitablement un certain nombre d'illusions électorales et d'illusions sur les possibilités dans le cadre du système capitaliste de porter au pouvoir un gouvernement qui mènerait une " vraie politique de gauche ". Mais les révolutionnaires ne peuvent se satisfaire d'en rester à une posture de dénonciation qui ne convainc que les convaincus et se révèle finalement assez inefficace, sous prétexte de ne pas se mélanger avec d'autres.
La prise de conscience que c'est tout le système qu'il faut renverser par les méthodes de la lutte de classe a peu de chances de s'imposer d'un seul coup au sein du monde du travail et parmi les militants du mouvement ouvrier. Ce sera aussi le résultat d'une série de décrochages successifs et progressifs, y compris sur le terrain électoral, à la fois avec la gauche réformiste mais sans rompre non plus avec toutes les idées réformistes ni avec tous ses représentants d'un seul coup.
Cette compréhension a justifié et justifie encore la participation de la LCR à des comités unitaires, contrairement à l'abstention de LO sur ce terrain (qui a d'ailleurs très peu fait campagne). C'est un choix qui se justifie également parce que dans le cadre de cette campagne électorale, il n'y avait qu'un choix possible entre le "Oui" et le "Non", ce qui nous posait un sacré problème.
Car souvenons-nous : il y a six mois avec le débat sur l'entrée de la Turquie en Europe, c'est le pôle souverainiste et anti-européen qui aurait pu donner le ton à cette campagne. La percée du " Non de gauche " anti-libéral, internationaliste et capable de mette la question sociale au centre de tous les débats s'il a été porté par une remontée de luttes au début de l'année 2005, a été aussi le résultat d'un combat politique où la dynamique unitaire a incontestablement contribué à lui donner une visibilité suffisante pour inverser largement en notre faveur la campagne du " Non ". Et c'est tout le mérite de l'intervention politique des militants de la LCR d'y avoir contribué même si on peut regretter que nous n'ayons pas réussi à nous dégager des limites de l'appel des 200.
C'est sur cette dynamique que les militants révolutionnaires peuvent continuer à s'appuyer pour aller plus loin et transformer l'essai. Mais si nous ne voulons pas servir à accréditer et à renforcer les illusions nouvelles non seulement en Fabius mais aussi Mélanchon, Bavay et Buffet qui se présentent désormais comme les représentants d'une " gauche qui se bat ", il faut également qu'au sein des comités et à travers eux, les militants révolutionnaires rendent plus difficile l'atterrissage de ces politiciens qui nous préparent quand même une nouvelle mouture de l'union de la gauche.
Il faut que le plus grand nombre de militants et de sympathisants de gauche trouvent choquante leur préoccupation de préparer exclusivement l'échéance de 2007. Il faut qu'ils expriment dès maintenant leur défiance envers tous les rabibochages en préparation avec les politiciens partisans du " Oui de gauche ". Il faut surtout qu'en positif et immédiatement, de nouvelles perspectives d'interventions se dessinent avec force pour combattre dès maintenant le libéralisme, c'est-à-dire toutes les attaques anti-ouvrières du patronat et du gouvernement.
Les révolutionnaires doivent être à l'offensive dans ce Front unique de combat parce que c'est le meilleur moyen désormais d'enfoncer un peu plus profondément un coin entre les politiciens de la gauche institutionnelle et gouvernementale et une partie des travailleurs qui leur font encore confiance.

Une politique pour les luttes
Ce dont ont besoin les militants sincères des partis réformistes qui ont encore confiance en leurs dirigeants, mais qui sont échaudés par l'expérience de la gauche au pouvoir, c'est d'une intervention réelle dans les luttes, et que cette intervention ne soit plus subordonnée aux calculs et aux échéances électorales. Ce dont a besoin le monde du travail, c'est d'organiser sans attendre la résistance, car une fois passé le référendum, tous les sales coups vont tomber en rafale. Par conséquent, militer de façon unitaire pour rassembler le maximum de militants autour d'une politique qui n'a rien de révolutionnaire certes mais qui de fait, est défendue de façon conséquente par les révolutionnaires, et contribuer en même temps à émanciper les militants réformistes de l'influence des partis de gouvernement et des bureaucraties syndicales n'a rien d'antinomique.
C'est même très exactement cela une politique de Front unique : " Frapper ensemble et marcher séparément ", non pas pour figer les rapports de force entre les organisations réformistes et les révolutionnaires, mais pour contribuer à renforcer l'influence des révolutionnaires sur une partie des militants et des travailleurs encore influencés par les réformistes, tout en contribuant à renforcer le camp des travailleurs qui exige l'unité pour retrouver confiance en ses propres forces.
La politique que nous voulons défendre est une politique qui représente réellement les intérêts du monde du travail. Aujourd'hui plus que jamais, la question des luttes est la question politique essentielle. Pour mener cette politique, la LCR a désormais bien plus de moyens, elle occupe une place devenue incontournable. C'est donc sa responsabilité particulière de prendre une série d'initiatives, et de s'adresser ainsi à tous les militants sans exclusive et sans à priori, y compris à nos camarades de Lutte ouvrière et à sa Fraction qui n'ont pas jugé bon jusqu'à présent de militer dans ces comités unitaires.
Nous continuons en effet à penser que l'action commune avec les camarades de Lutte ouvrière est indispensable, pour peser ensemble et s'adresser avec plus d'efficacité aux militants du mouvement ouvrier et plus largement au sein du monde du travail, afin d'offrir une alternative aux illusions qui peuvent renaître dans une gauche gouvernementale soi-disant moins libérale incarnée par Mélanchon et Buffet. C'est d'autant plus indispensable qu'il ne serait pas crédible non plus de défendre la perspective d'un parti qui représente réellement les intérêts politiques du monde du travail en commençant par écarter à priori une partie des militants révolutionnaires de ce pays.
Cela exige bien sûr un effort de clarification, aussi bien à la LCR qu'à Lutte ouvrière et à sa Fraction. Mais cela ne devrait pas être non plus insurmontable, au vu des acquis de la campagne que nous avons su mener ensemble en 2004 !

Jean-François Cabral

Textile chinois : la solution à la "crise" de l'industrie textile n'est pas dans les "clauses de sauvegarde" protectionnistes

Depuis fin avril, un "conflit" oppose le gouvernement chinois au gouvernement US et à la Commission européenne à propos des importations de textile. Le prétexte en est une augmentation très importante des importations des produits textiles et d'habillement chinois - 1500 % pour certains, 700 % pour les chaussures - depuis qu'ont pris fin, en janvier 2005, les quotas imposés lors de l'entrée de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce, fin 2001.
On a ainsi vu monter au créneau Guillaume Sarkozy, président de l'Union des industries du textile, organisation patronale, qui a lancé, le 25 avril, une campagne, reprise par le gouvernement, afin d'obtenir de l'OMC l'application d'une " clause de sauvegarde " permettant de prolonger l'application des quotas pour certains produits. La Commission européenne a décidé de demander des quotas sur les importations de tee-shirts et de fil de lin. De la même façon, le gouvernement des Etats-Unis a, dès la mi-mai, imposé des quotas sur sept produits, tandis qu'il faisait pression pour que le gouvernement chinois revoie la parité de sa monnaie, accusée d'être surévaluée et de " fausser la concurrence ".
Le gouvernement chinois, lui, a louvoyé entre refus et concessions : refus de tout quota d'abord, puis annonce d'une taxe de 400 % à l'exportation de 74 catégories de produits, suivie quelques jours plus tard de l'annulation de cette mesure… Quant à la monnaie, il reconnaît qu'il doit la réévaluer mais affirme qu'il ne le fera que lorsqu'il jugera la situation favorable. Une attitude destinée, semble-t-il, à évaluer jusqu'où ses " partenaires économiques " entendent pousser l'affrontement, sachant bien que tous sont condamnés à s'entendre, tant les intérêts des uns et des autres sont imbriqués.
Mais quelle que soit la façon dont le " conflit du textile " se résoudra au niveau des Etats, cela ne peut en aucune façon offrir une perspective pour les salariés d'un secteur depuis bien longtemps soumis aux fermetures d'usines, aux délocalisations, aux licenciements, qui subit de plein fouet les conséquences sur le marché international de la libre circulation des produits fabriqués en Chine. Des millions de travailleurs sont menacés de perdre leur emploi, dans les pays industrialisés, mais aussi dans des pays dans lesquels s'était développée une importante industrie de sous-traitance, pays du Maghreb, Pakistan, Sri-Lanka, Turquie, Ile Maurice…
En France, les fédérations syndicales du textile et de l'habillement n'ont, pour l'instant, rien envisagé d'autre que d'exiger, comme les patrons, la mise en place de " clauses de sauvegarde ". Le temps, disent certains d'entre eux, que les industriels puissent développer des technologies innovantes, non encore exploitées en Chine… Une mesure " protectionniste " pour " attendre des jours meilleurs ", en quelque sorte, et dont chacun peut mesurer l'aspect dérisoire.
Car derrière la propagande des Etats et des petits patrons du textile qui tentent de faire croire que la Chine est responsable de la situation actuelle pour tenter de détourner la colère sociale de ses véritables causes, il y a les intérêts des grands groupes financiers qui mènent la lutte des classes à l'échelle mondiale, pour augmenter leurs profits en baissant la part des salaires.

L'entrée de la Chine à l'OMC, une politique pour les financiers
Pascal Lamy, PS, ancien commissaire européen devenu président de l'OMC, déclarait récemment : " Ce qui est en train de se passer n'est pas quelque chose de soudain et d'imprévisible ", et les règles en avaient été " négociées par les partenaires ".
En effet, lors de l'entrée de la Chine à l'OMC, le " risque " pour les pays producteurs de produits textiles était en effet parfaitement connu et accepté. La Chine possédait alors une industrie textile, certes technologiquement arriérée, mais très compétitive du fait d'une main d'œuvre très bon marché. Les importateurs occidentaux n'avaient d'ailleurs pas attendu 2001 pour sous-traiter leurs productions : la part de la Chine par rapport au total des importations de textile en Europe, qui était de 7 % en 1990, atteignait 12,2 % en 2002.
C'est pourquoi, pour éviter un brutal déséquilibre des marchés au détriment des industriels du textile américains et européens, des mesures avaient été prises, lui imposant de limiter à 7,5 % par an, jusqu'en janvier 2005, la croissance des exportations de 148 produits textiles vers les USA et l'UE. Et une " clause de sauvegarde " avait été ajoutée, permettant à l'OMC de prolonger, si besoin, les quotas sur tel ou tel produit jusqu'en 2008.
Cette période était censée permettre aux industriels US et européens de faire les " réformes structurelles " nécessaires pour être en mesure de faire face à la concurrence des produits textiles chinois, lorsqu'ils seraient " libérés " de leurs quotas. Concrètement, cela ne pouvait se traduire que par des attaques contre le coût du travail, des fermetures d'entreprises, des délocalisations, des licenciements, ce qui s'est effectivement produit. Et actuellement, c'est ce qui reste de ce secteur industriel " restructuré " et largement reconverti qui subit la concurrence des produits fabriqués en Chine.
La disparition des quotas de textiles a changé la donne du commerce international de ces produits ", ajoutait Pascal Lamy. Au profit des multinationales et du capital financier aurait-il dû préciser.
Car les mesures protectionnistes demandées par les patrons des industries textiles sont loin de faire l'unanimité dans les rangs du patronat : les importateurs et les actionnaires des multinationales ont tout intérêt, eux, à ce que les échanges soient " libres et non faussés " par des quotas. C'est ainsi que la FTA (Foreign Trade Association) qui regroupe les importateurs européens, s'est opposée aux mesures d'urgence envisagées par la Commission européenne.
Aux Etats-Unis également, les intérêts des producteurs locaux s'opposent aux multinationales du textile et de l'habillement. Lévi-Strauss s'est préparé à la disparition des quotas sur les produits chinois… en fermant, entre 1997 et 2003, toutes ses usines situées en Europe et aux Etats-Unis. Toute sa production, vendue essentiellement en Europe et aux Etats-Unis, est fabriquée dans les pays à bas coût de main d'œuvre, dont la Chine. D'après le Figaro, " près de la moitié de importations américaines en provenance de Chine correspondent en fait à des flux internes aux multinationales américaines ayant délocalisé leur production ".
La Chine constitue un marché aux perspectives immenses : des industriels européens du chocolat parlaient récemment de " 200 millions de consommateurs chinois (sur 1,3 milliard) exposés aux modes de consommation occidentaux ". " La consommation en est à ses débuts mais le potentiel est considérable " disaient-ils.
Elle dispose surtout d'une classe ouvrière que l'on peut, pour l'instant, exploiter sans limites, soumise qu'elle est, d'une part à la dictature de l'Etat qui lui interdit de s'organiser et la maintient en dehors de toute protection sociale ou juridique, d'autre part à la concurrence de plusieurs dizaines de millions de paysans obligés de quitter leur terre, candidats prolétaires se dirigeant vers les villes pour trouver du travail.
Voilà les raisons pour lesquelles la Chine a été accueillie à l'OMC, au grand avantage des multinationales et au mépris des effets collatéraux sur des secteurs comme les industries textiles des pays européens, des Etats-Unis et des pays sous-traitants.
Pour le capital financier international, le " changement de la donne du commerce international " des produits textiles se traduit par de nouveaux profits ; pour les salariés, par un recul social généralisé.

Une situation dramatique pour les travailleurs français, européens et surtout maghrébins du textile…
Le patronat du textile français n'a pas attendu les décisions de l'OMC pour commencer ses " réformes de structure ". D'après des chiffres de l'Union des industries textiles, le secteur employait, fin 2003, un peu plus de 112 000 salariés, dans 1150 entreprises. Ils étaient 200 000 en 1990, soit une perte de 43 % des emplois sur la période, une moyenne de 6400 postes supprimés par an. Ce qui n'a pas empêché le chiffre d'affaires du secteur de se maintenir, et les exportations d'augmenter de 32 %... Pour 2004, - avant la fin des quotas chinois - les pertes d'emplois dues à des fermetures d'entreprises ont atteint 11 %. Au cours du premier trimestre 2005, elles auraient atteint 7 à 8 %. Pour l'Europe qui comptait fin 2003, 40 000 entreprises du textile employant 1,1 million de salariés, 11 500 usines ont fermé en 2004, jetant à la rue 185 000 travailleurs.
Ces chiffres montrent à quel point les salariés du textile sont touchés depuis des années par les licenciements, et aussi que ces reculs n'ont pas attendu la fin des quotas chinois, même si cela a contribué à aggraver la situation. Le patronat du textile et de l'habillement qui s'insurge aujourd'hui contre l'entrée de produits chinois, délocalise et sous-traite depuis des années. Entre 2001 et 2003, tout un secteur industriel du textile s'est développé en Tunisie et au Maroc, à l'initiative des producteurs européens de textile. Actuellement, avec la concurrence des produits chinois, près de 100 000 emplois sur 215 000 sont menacés de disparition au Maroc. La situation est la même en Tunisie.
Un délégué syndical d'une entreprise vosgienne explique : " Nous sommes touchés au second rang. Il y a longtemps que la confection est partie dans le Maghreb, mais les fabricants de pantalons achetaient leur tissu dans les Vosges. […] Et pendant qu'ici on meurt à petit feu, le Maghreb, qui vit du textile, crève, lui, à grand feu, à cause des importations chinoises ".

… qui ne peut trouver d'issue que dans la défense, en toute indépendance, des droits des salariés
Comme on le voit, si le " changement de la donne du commerce international " du textile a des conséquences dramatiques bien concrètes pour les travailleurs de ce secteur, la responsabilité n'en revient pas à une nouvelle forme de " péril jaune ", comme le laisse entendre la propagande réactionnaire des patrons et du gouvernement. Aucune " clause de sauvegarde ", aucun repli derrière des frontières, fussent-elles européennes, ne peuvent s'y opposer.
Partout, et dans tous les secteurs, les travailleurs sont confrontés à la destruction massive d'emplois, aux bas salaires. Partout, ils n'ont pas d'autre choix que de se battre, avec leurs armes. Vendredi 3 juin, selon la presse, 4000 ouvriers chinois d'une entreprise du textile de la province de Canton, en lutte pour une augmentation de leur salaire, se sont affrontés avec la police. Un cas loin d'être isolé et significatif d'une classe ouvrière jeune et dynamique qui trouve le chemin des luttes malgré le poids répressif de l'Etat.
En France, les manifestations du 10 mars et du 16 mai, ainsi que le refus de la constitution par une large majorité des salariés, ont montré à quel point la conscience avance que seules nos incursions massives sur le terrain politique, avec nos armes de classe, sont capables d'inverser le rapport de force avec le gouvernement et le patronat. Le combat des travailleurs du textile contre la destruction de leurs emplois trouve sa place dans la nécessaire convergence des luttes, pour un plan d'urgence sociale, imposant l'interdiction des licenciements.
Et au-delà, la lutte contre la concurrence nécessite la mobilisation et l'organisation de la population pour être en mesure de contrôler la marche de l'économie.
La question est de savoir qui contrôle et dirige la marche de l'économie : les multinationales de l'industrie, du commerce et de la finance, ou les travailleurs.

Eric Lemel