Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°71
28 juillet 2005

Sommaire :
Villepin et Sarkozy préparent leur rentrée, préparons la nôtre…

Avec le Parti communiste, front unique pour imposer les revendications du monde du travail… et plus s'il y a lieu

1905 en Russie, La longue marche de la révolution Russe

 

Villepin et Sarkozy préparent leur rentrée, préparons la nôtre…

Tenant, mercredi dernier, à l'occasion de ses 60 jours de Premier ministre, une conférence de presse, Villepin s'est réclamé d'un " véritable patriotisme économique ". Cherchant à s'imposer comme le patron du gouvernement, il prétend mobiliser les énergies, jette de la poudre aux yeux pour tenter de faire oublier l'échec de la droite et masquer les divisions qui menacent de faire éclater le sommet de l'exécutif.

Il ne lui reste que 40 jours pour prendre la main, " restaurer la confiance ", tenter de convaincre les siens que la crise est évitable… Il pose à l'homme intègre qui ne connaît que l'intérêt général, capable d'unir la droite… Et la lutte contre le terrorisme lui offre l'occasion de chasser sur les terres de son rival pour caresser l'espoir de neutraliser, au nom de l'union sacrée, une opposition pourtant déjà bien absente.

Villepin entend tourner la page mais sans céder au zèle de Sarkozy. Il n'avait pas l'air trop mécontent d'annoncer que le jour de Pentecôte resterait chômé. Sans doute ne regrettait-il pas de se démarquer ainsi de son prédécesseur en essayant de faire croire que lui et Raffarin n'avaient plus grand chose en commun.

Il a en fait le même souci que Sarkozy, prendre ses distances avec ceux qu'il s'agit de désigner à l'opinion comme responsables des échecs et du mécontentement. Il est devenu à la mode dans les hautes sphères de la majorité et du pouvoir de se démarquer des battus en espérant ainsi, sinon devenir populaire, du moins conjurer le risque de la dégringolade dans les sondages… Villepin fait dans la nuance à coté de Sarkozy, éternel Monsieur plus de la majorité dans la démagogie libérale ou sécuritaire ou contre… le chef de l'Etat.

Chirac est tellement affaibli qu'il se laisse publiquement ridiculiser par son ministre de l'Intérieur qui l'a comparé à l'occasion du 14 juillet à Louis XVI bricolant les horloges alors que " la France gronde… "

Au-delà des petites scènes de ménage au sommet du pouvoir, la crise est bien réelle et profonde. Pour Sarkozy, " 2007 ne se traduira pas par un désir d'alternance, mais par une volonté de rupture. " Sarkozy, en concurrence avec Villepin, aurait, lui, compris le mécontentement qui agite l'opinion populaire, il veut incarner un changement politique en rupture avec Chirac, l'homme de la cohabitation droite-gauche, en flattant les préjugés réactionnaires au nom d'un populisme qui se veut au-dessus des partis et des classes.
Villepin le suit en faisant appel au patriotisme lui qui, il y a peu, jouait les hommes de progrès pro-européens…

Désavoué par l'opinion, rejeté, ce petit monde s'affole dans les surenchères réactionnaires. Il gouverne à courte vue, s'enflamme devant les rumeurs d'OPA sur Danone, privatise ou plutôt brade les autoroutes, plafonne la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée - nouveau cadeau au patronat - et multiplie les attaques contre les salariés et les classes populaires. Après les ordonnances, ce sont les mesures contre les chômeurs menacés de sanction, la baisse du taux du livret A. Et Sarkozy se vante de collaborer avec les gouvernements socialistes anglais, allemand, espagnol pour organiser des charters européens, des " vols groupés " pour expulser des sans-papiers.

Toute leur politique vise à intimider, à agresser, à faire taire pour prévenir l'explosion du mécontentement qui gronde. A réprimer aussi. Les sanctions inacceptables qui ont frappé les postiers de Bègles-Bordeaux ne font pas oublier, bien au contraire, les attaques, les menaces de licenciements dont sont l'objet de nombreux militants syndicalistes.

A défaut de créer la confiance, Villepin-Sarkozy veulent empêcher que le mécontentement qui s'est exprimé le 29 mai ne s'exprime dans une nouvelle montée des luttes. Ils savent que la situation créée par la victoire du Non est lourde de menaces pour eux et les patrons. Villepin sait qu'il gagnera ses galons d'éventuel futur chef d'Etat s'il est capable d'empêcher le mécontentement social de s'exprimer, d'exploser.

Lui et les siens savent que ce qui s'est passé lors de la campagne du référendum peut se reproduire sur le terrain des luttes. Les directions syndicales ont été désavouées, le PS est incapable de canaliser la colère sur le terrain électoral en entretenant l'illusion qu'une fois au gouvernement, il changerait la vie… C'est contre eux que le Non a gagné parce que les travailleurs ont saisi l'occasion qui leur était donnée de dire leur ras-le-bol. Rien n'a changé, au contraire, tout empire.
Le gouvernement n'est pas dupe du calme apparent qui a suivi le 29 mai. Il sait la situation grosse d'une crise sociale et politique.

Certes, les réactions des syndicats après que Villepin leur a présenté ses ordonnances ont été d'une grande prudence, se contentant d'annoncer " une manifestation unitaire " à l'occasion de l'échéance des cent jours, le 12 septembre. Aucune politique concrète n'est mise en œuvre, rien n'est discuté avec les militants comme avec les travailleurs. Et il y a tout lieu de penser que les directions syndicales ne feront pas plus en septembre qu'elles n'ont fait après les puissantes manifestations du 10 mars.
Mais ce qui s'est passé à l'occasion du référendum peut se passer sur le terrain des luttes. Comme les travailleurs ont su s'emparer du Non, le porter, ils peuvent s'emparer de leurs revendications, les porter, les imposer.

Le mouvement syndical laisse l'initiative au patronat et au gouvernement mais il n'est pas dit que les militants et les travailleurs fassent de même.
Tous ceux qui ont su militer, chacun à son niveau, pour le Non, peuvent militer pour leurs revendications, s'engager dans un large travail d'explication des mesures du gouvernement, de sa politique, montrer qu'il est possible de profiter de la faiblesse du pouvoir affaibli par les luttes, par le mécontentement…

De l'argent il y en a. Plutôt que de le dilapider dans des aventures financières, il doit servir à satisfaire les besoins de la population.
Oui, il y a urgence pour interdire les licenciements, exiger la répartition du travail entre tous. Il y a urgence à imposer une revalorisation de l'ensemble des salaires.
La campagne du Non a pris plusieurs mois, elle a connu des rythmes, marqués par les luttes. S'ouvre maintenant une campagne autour des exigences du monde du travail. La victoire du Non n'est pas oubliée, elle est un point d'appui pour donner confiance, construire de nouveaux liens militants. Les expériences accumulées depuis 2003 seront source d'idées, d'initiatives, de démocratie. Elles aideront à formuler une politique, à discuter des moyens d'entraîner de nouvelles couches de travailleurs dans la mobilisation, de gagner de nouveaux militants du mouvement…

Une large discussion, entre tous les militants du mouvement syndical, par delà les divisions d'appareil, s'engage. La préparation de la journée prévue par les syndicats est un premier objectif, dès le retour des congés. Mais elle ne peut être qu'une première étape.
Il s'agit de remettre les organisations syndicales au service de la lutte de classe, de se les réapproprier pour qu'elles reconquièrent toute leur indépendance politique et morale vis-à-vis du patronat et de l'Etat, leur liberté d'action et de mouvement, l'autonomie nécessaire à une politique de classe.

Il n'est plus possible de s'adapter à la politique du patronat, comme le font les directions syndicales, acceptant par avance sa domination et la logique de l'économie de marché comme horizon indépassable. Le moment est venu de prendre l'initiative au nom d'une autre logique, celle de la défense des intérêts du monde du travail.

Yvan Lemaitre



Avec le Parti communiste,
front unique pour imposer les revendications du monde du travail… et plus s'il y a lieu


" Et maintenant, oui… à la fête ". Un énorme " oui " occupe le milieu de l'affiche du PC annonçant la prochaine fête de l'Humanité. Clin d'œil publicitaire après le " non à la constitution européenne" pour lequel le PC a fait campagne, mais qui ne sonne pas très bien au moment où le PC tente de se rabibocher avec la gauche du Oui. Le PC est empêtré dans ses calculs électoraux. Il craint - s'il rallie trop ouvertement le PS - d'être ramené au score de Robert Hue en 2002, lequel avait fait moins de voix et qu'Arlette Laguiller et qu'Olivier Besancenot. Il veut cependant " prendre le pouvoir " à travers un " rassemblement majoritaire antilibéral " pour lequel il faut faire " bouger la gauche ", comme ne cesse de le répéter Marie-George Buffet. Et c'est bien toute sa politique qui est un clin d'œil… au " oui " de gauche.

La crise du PS, sous l'effet de la pression du mécontentement social

Une délégation du PC a rencontré, à sa demande, la direction du PS le 13 juillet dernier. Le PS qui avait prévu de ne répondre à cette sollicitation qu'à la rentrée, a finalement avancé la rencontre, soucieux de ne pas laisser prise aux accusations de Fabius qui avait laissé entendre qu'il était en train de changer d'alliance, abandonnant ceux de ses partenaires de l'ancienne gauche plurielle qui ont combattu le traité constitutionnel européen, pour les centristes de Bayrou.

C'est que le PS, si quelques-uns de ses dirigeants se revendiquent, plus ou moins ouvertement, de la politique incarnée en Grande-Bretagne par Blair - " la gagne ", pour Ségolène Royal, un " discours de vérité et de responsabilité " pour le maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel -, voudrait bien se défaire de son image libérale à l'occasion de son prochain congrès à la mi-novembre, pour préparer les échéances électorales de 2007.

Le " réformisme de gauche ", formule lancée par Hollande au précédent congrès, serait abandonné pour… " le socialisme ". Même Strauss-Kahn se voudrait radical, se déclarant pour un " socialisme de la production " capable de " combattre les inégalités à la racine ".

D'autant que la position de Fabius, d'Emmanuelli, de Mélenchon et des autres partisans du Non est évidemment plus forte après le 29 mai qu'avant. Et que les candidats potentiels à la candidature pour la présidentielle de 2007 se bousculent même si trois seulement pour l'instant - Lang, Strauss-Kahn et Fabius - se sont déclarés ouvertement. Pas moins de 18 contributions sont attendues pour le prochain congrès, dont certaines émanent de la majorité (Glavany, Aubry, la fédération des Bouches-du-Rhône) en dépit de la conviction affichée par Hollande qu'il saura " rassembler " le parti. Lui-même y croit tellement peu qu'il a réduit ses ambitions de la présidence de la république au secrétariat général du parti.
Sous la pression du mécontentement et de la contestation sociale qu'il n'a pas réussi à étouffer, le PS gauchit son discours, ce qu'a anticipé d'une certaine manière, Fabius dont un éditorialiste du journal Les Echos décrit ainsi la manœuvre.

" Sentant que la dynamique à gauche était dans le camp du néo-communisme [le terme employé par Cambadelis désigne communistes, altermondialistes et extrême gauche], l'ex-Premier ministre ne s'est pas contenté de récupérer le mouvement. Il l'a accompagné dans son " non " en espérant, le moment venu, le dominer et le circonscrire comme Mitterrand l'avait fait avant lui avec le communisme. Mais, outre que l'histoire ne se répète jamais, cette stratégie conduit pour le moment Fabius à élaborer un projet sans relief et très conservateur. Dans le discours qu'il a prononcé le 2 juillet à Rouen et qui marque le début de sa pré-campagne présidentielle, il distribue les gages sur son flanc gauche - remise en état des services publics, revalorisation des salaires, interventionnisme étatique - tout en veillant à ne pas se laisser trop déporter : " Les finances publiques sont malheureusement exsangues. " C'est terriblement classique… "

Et pour ce journaliste, plein d'admiration pour Blair, qui a intitulé son article " Gauche : gare au conservatisme ! ", très archaïque. Très archaïque pour le Medef dont il adopte les vues, et ses serviteurs qui crient haro sur tout ce qui limite encore l'avidité insatiable de la finance, les rigidités de la Fonction publique, le Code du Travail, les systèmes de protection sociale…

Rendre le NON et le OUI compatibles pour 2007…

Il n'empêche, le point de vue n'est pas sans fondement. Non que Mitterrand ait jamais eu une politique favorable aux intérêts des travailleurs - bien au contraire, c'est lui qui, en se servant de l'appui du PC, a engagé l'offensive libérale que menaient Thatcher en Grande-Bretagne et Reagan aux Etats-Unis - mais parce qu'il n'y a plus les mêmes illusions réformistes dans le monde du travail.

Ce que le PS craint, et ce qu'essaie de contourner Fabius, c'est une réédition du 21 avril, la désaffection des couches populaires qui s'est à nouveau manifesté le 29 mai.
C'est bien pourquoi d'ailleurs, Fabius a tant besoin de Mélenchon qui veut, lui-même " trait d'union " entre la gauche et le mouvement social, " l'union des gauches " et de Marie-George Buffet qui veut, elle, " faire bouger toute la gauche " vers une ligne antilibérale. Et les uns et les autres de rêver d'accrocher Olivier Besancenot à leur entreprise, jusqu'à lui faire dire qu'il serait favorable à une participation gouvernementale, comme la presse écrite et audio-visuelle l'a ressassée après son intervention à l'université d'été du PRS (le mouvement de Mélenchon), à Arles, quand il affirmait qu'il y a deux gauches incompatibles, et que si la question d'un gouvernement favorable aux intérêts de la population se posait, les conditions n'en étaient pas réalisées.

L'Humanité du 15 juillet commentait ainsi la rencontre entre le PC et le PS qui avait eu lieu deux jours auparavant : du côté du PC, " on se félicitait avant la rencontre que le PS choisisse finalement de répondre dès juillet […] Mais on prenait grand soin d'écarter toute interprétation donnant au PS le statut de partenaire privilégié en rappelant, dans un communiqué, l'inscription de cette démarche " dans le cadre des échanges entre les organisations de gauche et la situation politique nouvelle ". Et de lister les rencontres qui ont déjà eu lieu " avec le MARS et la LCR en juin, et avec les Verts et Convergence citoyenne pour une alternative de gauche au début du mois de juillet ",[…] Aussi, au cours de l'entretien, a-t-on insisté sur la nécessité " que la gauche se rassemble dans toutes ses composantes, sans exclusive ", et qu'elle travaille " en co-élaboration " avec les forces politiques mais aussi associatives à " des contenus d'émancipation du libéralisme ". Le PS n'a rien contre. Encore estime-t-il souhaitable de donner toute sa place à la politique, la co-élaboration populaire devant être " complétée par des discussions entre partis ". Il est aussi sceptique sur l'extrême gauche : " Il faut savoir si certains, qui jusqu'à présent ont refusé la participation au pouvoir, voudraient maintenant y venir ", a lancé Hollande ".

Le PC revendique une indépendance à l'égard du PS mais, au cours de cette réunion, Marie-George Buffet l'a invité, ni plus ni moins, à " co-organiser " l'assemblée des délégués des forums citoyens que le PC projette pour la fin novembre, le priant d'y accepter aussi toutes les forces de la campagne du Non dont l'extrême gauche.
Le PC garde ainsi deux fers au feu, en prévision de l'issue du congrès du PS qui aura eu lieu dix jours auparavant. Il croit pouvoir surfer sur la victoire du NON, mais le seul résultat en est, qu'après avoir dit NON au social-libéralisme au cours de la campagne, il finit par dire OUI au PS, et lui permettre de retrouver une auréole de gauche. Et, en prime, se propose de domestiquer l'extrême gauche et de la diviser.

… ou rassembler les forces pour une contre-offensive du monde du travail

Ce qui est nécessaire, à la rentrée, en septembre, c'est d'unir toutes les forces qui veulent sérieusement s'opposer à la politique du gouvernement et ne sont donc pas paralysées par une solidarité quelconque avec les dirigeants sociaux-libéraux, politiques et syndicaux. Il s'agit essentiellement de militants syndicaux, de l'extrême gauche et, s'il en fait le choix, ce que nous souhaitons, du Parti communiste.

La lutte pour faire reculer le gouvernement sur les attaques actuelles (contrat nouvelle embauche, décrets contre les chômeurs…) ne pourra être menée que si nous mettons en avant les solutions du monde du travail contre le chômage et la misère, l'interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous et l'augmentation générale des salaires. Il faut une telle perspective pour faire que se sentent concernés par la lutte tous les travailleurs, qui ont un emploi ou pas, la jeunesse salariée et scolarisée. Il faut une campagne unitaire pour mettre en discussion et populariser un plan de mesures d'urgence sociales et démocratiques, préparer et organiser la mobilisation.

Voilà la perspective commune que nous proposons au Parti communiste, à ses militants, et au-delà à tous ceux qui ont été partie prenante de la campagne pour rejeter la constitution européenne.

Pour un gouvernement des travailleurs

Mais nous disons aussi que le débouché politique des luttes viendra des luttes elles-mêmes et non des combinaisons parlementaires. Seul un gouvernement issu de ce front unique pour imposer les exigences du monde du travail pourrait agir pour empêcher tout retour en arrière en institutionnalisant le contrôle des travailleurs et de la population sur la marche de la société. Marie-George Buffet affirme souvent que le PC ne veut pas revenir à une nouvelle Union de la gauche de 1983, qu'il faudrait obliger le PS à refermer ce qu'elle-même et d'autres appellent la" parenthèse libérale " ouverte en 1983 lorsque le gouvernement Mauroy imposait le " tournant de la rigueur ". Mais les deux premières années du septennat de Mitterrand n'ont fait que préparer et commencer à mettre en œuvre cette offensive dictée, au lendemain de la récession de l'économie mondiale en 1980-81, par les besoins de la bourgeoisie. Il n'y a pas, quant au fond, de différence entre le gauche de 80 et celle de 83, si ce n'est les choix… de la direction du PC qui quittait le gouvernement en 84… Ce que Reagan et Thatcher ont fait aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, c'est Mitterrand qui l'a fait en France et il y a été aidé, à l'époque, par la participation des ministres communistes au gouvernement.

Le PS a été le maître d'œuvre de cette offensive, en alternance ou en cohabitation avec la droite pendant 20 ans, parce qu'il n'y avait pas d'autre politique pour la bourgeoisie. Il va sans dire qu'il n'y en a pas d'autre aujourd'hui et qu'un gouvernement, quelle qu'en soit la composition, se situant dans le cadre des institutions et le respect de la propriété privée capitaliste, mènera la même politique hostile aux intérêts de la population. L'exemple du Brésil est assez parlant.

Oui, la question d'une alternative de pouvoir se pose, face à la crise d'une société minée par un capitalisme décadent, par le parasitisme de la finance, mais il n'y a pas de retour en arrière possible. L'histoire ne connaît pas de parenthèses.

Le seul cadre dans lequel des partis se réclamant du monde du travail peuvent gouverner dans le sens des intérêts de la population, c'est une profonde mobilisation sociale au cours de laquelle les travailleurs imposent directement leur contrôle sur l'économie pour transformer la société.

Lutter réellement pour les revendications du monde du travail s'inscrit dans la perspective d'un gouvernement issu du front unique pour les imposer. Sans doute, cette question fait-elle désaccord entre les révolutionnaires et la direction du PC, elle mérite d'être mise en discussion publiquement et largement.
Mais nous n'en faisons pas un préalable pour engager dès maintenant, la campagne de mobilisation nécessaire pour faire reculer le gouvernement et le patronat et imposer les revendications vitales du monde du travail.

Galia Trépère

1905 en Russie
La longue marche de la révolution Russe


A peine quelques semaines avant la Révolution de Février 1917, Lénine présente un " Rapport sur la révolution de 1905 " devant de jeunes ouvriers en Suisse où le dirigeant bolchevik vit en exil. Douze années, jour pour jour, après le " Dimanche rouge ", le 9 janvier 1905, qui marque le début de la Grande Révolution, Lénine souligne l'importance de cette première révolution à " caractère prolétarien " de l'époque impérialiste ; elle est " le prélude de l'imminente révolution européenne " insiste-t-il. Dans son Histoire de la Révolution russe, Léon Trotsky défend la même idée : " Les événements de 1905 furent le prologue des deux révolutions de 1917 - celle de Février et celle d'Octobre . "

Prélude ou prologue : la révolution de 1905, autant par les questions qu'elle soulève qu'à travers les réponses apportées par le mouvement de masse - à commencer par la grève de masse et les soviets - préfigure incontestablement celle de 1917. Et les révolutionnaires russes, Lénine d'abord, Trotsky ensuite, en ont alors assimilé tous les enseignements.

Lénine conclut son " Rapport sur la révolution de 1905 " sur les perspectives d'une révolution qu'il ne conçoit que mondiale : " Nous, les vieux, nous ne verrons peut-être pas les luttes décisives de la révolution imminente. Mais je crois pouvoir exprimer avec une grande assurance l'espoir que les jeunes, qui militent si admirablement dans le mouvement socialiste de la Suisse et du monde entier, auront le bonheur non seulement de combattre dans la révolution prolétarienne, mais aussi d'y triompher . " Dix mois plus tard, les bolcheviks accèdent au pouvoir. Pendant douze années, ils se sont préparés à cet affrontement inévitable, tirant profit des forces et faiblesses de la mobilisation des ouvriers et des paysans en 1905.

La victoire du prolétariat russe sur l'autocratie de Nicolas II et sur la bourgeoisie en 1917 tire ses sources de la Grande Révolution dont les partisans de Lénine sortent convaincus qu'une période révolutionnaire s'est ouverte en Russie, et ce au-delà des effets immédiats de la défaite de l'insurrection armée de décembre 1905 et de la contre-révolution qui frappe à sa suite les prolétaires des villes et des campagnes. Loin d'être abattu par la répression qui éclaircit les rangs bolcheviks et la démoralisation qui gagne la classe ouvrière jusqu'en 1910, Lénine trace le chemin : il aboutit douze ans seulement après le " Dimanche rouge " à la prise du palais d'Hiver. À la fin du mois de décembre 1905, bien peu au sein même du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) en sont pourtant convaincus.

À un siècle de distance, revenir sur la Grande Révolution et ses suites n'a pas qu'un intérêt historique. Actualité de la révolution, indépendance de classe, parti révolutionnaire de masse, démocratie ouvrière : nombre des problèmes rencontrés et discutés alors éclairent ceux d'aujourd'hui.

Serge Godard

Camarades et ami(e)s lectrices et lecteurs, vous pourrez poursuivre la lecture de cet article qui clôt la série écrite sur la révolution de 1905 en Russie dans le cadre de notre rétrospective sur l'année 1905 en vous reportant sur notre site. Accéder à la totalité de l'article.