Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°73
14 septembre 2005

Sommaire :
La fête de l'Huma, vraies questions et mauvaises réponses :
L'unité pour les luttes, pas pour de nouvelles combinaisons parlementaires

 

La fête de l'Huma, vraies questions et mauvaises réponses :
L'unité pour les luttes, pas pour de nouvelles combinaisons parlementaires

La fête de l'Huma du week-end dernier a été un vrai succès mais aussi une première. Elle a été l'occasion d'un grand rassemblement populaire contre le gouvernement et sa politique, mais elle a été aussi le cadre d'un large débat non seulement sur les perspectives de la gauche mais plus largement sur les perspectives ouvertes par la remontée des luttes et leur expression dans la victoire du Non au référendum du 29 mai. Et cela est, en soi, positif.
En cette rentrée où la politique arrogante et agressive du patronat et du gouvernement avive les tensions, accentue les difficultés rencontrées par les salariés, attaque les chômeurs, où le populisme flatte les préjugés réactionnaires et racistes, le mouvement populaire a besoin de retrouver confiance en sa force, en lui-même pour reprendre l'offensive. Pour cela, il a besoin d'un large débat, libre et démocratique.
Et s'il est aussi positif d'entendre la direction du PC faire un retour critique sur la politique de la gauche plurielle, appeler les travailleurs à prendre la parole et à la garder, on ne peut que regretter que sa critique n'aille pas jusqu'au bout des enseignements de sa participation à un gouvernement gérant les affaires de la bourgeoisie, non seulement le gouvernement Jospin mais aussi le gouvernement Mitterrand.
C'est bien une nouvelle version de l'union de la gauche que Marie George Buffet a défendue dans son discours à la fête. L'union majoritaire populaire à laquelle elle invite n'est rien d'autre qu'une union de toute la gauche pour gagner les élections de 2007, la Présidentielle et les législatives, pour aller au gouvernement dans le cadre des institutions. Certes, elle dénonce, ce qu'elle appelle, les tendances au social-libéralisme qui travaillent le PS, c'est le moins que l'on puisse dire, mais pour aussitôt proposer à ce dernier l'union.
L'invitation de Laurent Fabius à la fête et au débat n'avait d'autre but que d'introniser ce dernier comme leader potentiel de cette union majoritaire. Que Laurent Fabius ait su prendre en compte le mécontentement populaire en appelant à voter Non au référendum, qu'il ait jugé que c'était pour lui et ses ambitions personnelles le meilleur calcul, n'en fait pas un porte-parole des classes populaires. L'accueil qui lui a été réservé par une partie du public est symptomatique du fait que nombreux sont ceux qui n'ont pas oublié son passé de Premier ministre. Et ils ont raison.
Il voudrait être l'homme capable de réunir à nouveau son parti, ceux du Oui comme ceux du Non et l'ensemble de la gauche pour revenir au pouvoir. Il prend tout naturellement sa place dans la politique de la direction du PC qui, elle aussi, veut réunir l'ensemble de la gauche, celle du Oui et celle du Non.
Une telle politique a-t-elle des chances de se concrétiser contre celle des Rocard qui préfèrent " la scission à la confusion ", nous verrons. Peut-être, le PC aura-t-il comme interlocuteur un PS unifié sous la direction des partisans du Oui. Là encore, nous verrons. L'essentiel n'est pas là. L'essentiel est ce que les militants défendent et discutent autour d'eux, le sens et les objectifs qu'ils donnent à leur travail, qu'ils cherchent à partager avec les travailleurs.
La tâche essentielle que les militants du mouvement ouvrier ont à se fixer est bien de redonner confiance à la classe ouvrière, confiance en elle et conscience que tout dépend d'elle, de son organisation, de ses mobilisations pour exercer sa pression politique, sociale, sur l'ensemble de la société.
La perspective du regroupement en vue d'une union majoritaire populaire ne va pas dans ce sens. Elle vise à convaincre les militants, les travailleurs déçus, désorientés que pour changer la vie, il faut s'allier avec ceux qui ont mené une politique qui était contraire à leurs intérêts et qui continuent de la mener dans les conseils régionaux. Elle vise à détourner sur le terrain des combinaisons parlementaires et gouvernementales, institutionnelles, l'aspiration à l'unité, le besoin de faire front pour résister, faire vivre la solidarité, avoir la force de se défendre, de contre-attaquer. Loin de tirer les leçons des échecs passés, elle entretient les mêmes illusions qui ont paralysé, désarmé les classes populaires, préparé le terrain au retour de la droite et à la montée populiste.
Dire cela est à l'opposé de la résignation. Contrairement à ce que prétend Marie Georges Buffet ne pas croire qu'il sera possible de faire basculer la machine électorale du PS dans le camp des travailleurs, n'est pas de la résignation, mais simplement de la lucidité. Prétendre l'inverse, c'est créer des illusions néfastes, c'est aller à l'encontre des appels à la lutte et à la mobilisation qui étaient par ailleurs au cœur de la fête.
Le réalisme, c'est regarder en face les bilans, faire les comptes.
C'est aider les travailleurs à tirer les leçons du passé pour se préparer à affronter les batailles que nous avons devant nous et pour lesquelles nous avons besoin d'unir les forces.
La campagne pour le Non a démontré que quand l'opinion populaire s'emparait d'une question elle était capable d'agir en pleine indépendance des partis gouvernementaux et institutionnels. Le Oui, largement majoritaire au Parlement a été rejeté par les classes populaires. C'est cette indépendance de classe qu'il faut étayer, armer, renforcer, amplifier. C'est d'elle que dépendent les mobilisations à venir pour lesquelles les militants du PC, comme nous, entendent agir.
Agir pour changer le rapport de force, c'est aider au mûrissement d'une nouvelle conscience de classe dégagée de décennies de collaboration de classes, de réformisme. Ce n'est pas par les élections que l'on pourra mettre un frein aux appétits sans limites des classes dominantes mais bien par l'organisation indépendante des travailleurs pour exercer leur pression avec leurs propres armes, mener leurs luttes, exercer leur contrôle sur la marche de la société.
Les élections sont des moments de cette bataille, le rôle des élus des classes populaires est d'aider à leur regroupement pour l'action pas d'aller au gouvernement gérer les affaires des classes dominantes à la tête de leur Etat.
Sans rapport de force, l'on ne peut rien. Les militants du Parti communiste le savent bien. Mais ce dont il s'agit, ce n'est pas de changer le rapport de force pour négocier avec le PS, mais de changer le rapport de force pour imposer les revendications du monde du travail, faire reculer les préjugés réactionnaires, faire vivre la démocratie. C'est cela que nous pouvons faire ensemble.
Oui, mais tôt ou tard, nous dira-t-on, se pose la question du pouvoir, du gouvernement. C'est vrai, mais le pouvoir pour changer, pour transformer la société, c'est-à-dire le pouvoir des classes populaires. Utopie ? Nous ne le pensons pas, mais nécessaire révolution qui mûrit au cœur même des rapports d'exploitation qui fondent cette société injuste et inhumaine.
N'est-ce pas cela le programme communiste ?

Yvan Lemaitre