Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°75
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29
septembre 2005
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Sommaire : | ||||||||||
SNCM : libération des marins inculpés ! La révolte du monde du travail explose, le 4 octobre est l'occasion qu'elle s'exprime massivement | ||||||||||
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SNCM
: libération des marins inculpés !
La révolte du monde du travail explose, le 4 octobre est l'occasion qu'elle
s'exprime massivement
La révolte
du monde du travail est profonde, à l'image de celle des marins de la
SNCM qui refusent la privatisation de ce service public et d'être bradés
au " fonds d'investissement " Butler, prédateur qui
fait fortune sur le rachat d'entreprises qu'il " restructure "
avant de les revendre trois fois plus cher. Butler, ami personnel de Villepin,
passé par l'inspection des finances avant de participer à la privatisation
de TF1 puis de se lancer dans le " capital-risque ", a déjà
annoncé plusieurs centaines de licenciements.
Tentant de couper court à l'explosion de colère des marins, après
que le préfet de région ait fait lundi charger les CRS pour " rétablir
l'ordre républicain sur le port de Marseille "
c'est
l'armée qui est intervenue contre les travailleurs mercredi : 3
bâtiments de la marine nationale, 5 hélicoptères Puma, un
commando du GIGN et 200 CRS ont été envoyés contre les
30 marins corses qui avaient pris le contrôle d'un ferry, et contre des
centaines de salariés solidaires sur le port de Bastia. 4 marins ont
été incarcérés et risquent jusqu'à 20 ans
de prison ! Leurs camarades ont été relâchés
mais restent sous la menace de poursuites.
Cette répression violente est à l'image de la crainte du gouvernement
et du patronat face à la classe ouvrière, au mouvement qui s'approfondit
depuis le 10 mars dernier, malgré les obstacles. Ils veulent faire taire,
tentent d'intimider par leur cynique brutalité, comme ils ont déjà
essayé de le faire avec les 14 postiers de Bordeaux.
En osant faire face, en ne cédant pas au chantage et en comptant sur
leur force collective et la solidarité ouvrière, les travailleurs
de la SNCM montrent la voie. La journée de grève interprofessionnelle
et intersyndicale du 4 octobre est l'occasion de dire haut et fort, dans la
rue, notre solidarité et d'exiger la levée de toute sanction et
la libération des marins emprisonnés. Et elle est une étape
possible vers le mouvement d'ensemble dont chacun ressent la nécessité.
La grève des salariés de Total au Havre, qui bloquent la production
depuis une semaine pour une augmentation de salaire de 200 euros mensuel (alors
que Total vient d'annoncer 6 milliards d'euros de bénéfices) comme
celle des salariés de Hewlett Packard, dont beaucoup ont manifesté
ces derniers jours pour la première fois de leur vie, sont elles aussi
l'expression du mûrissement et de la profondeur de la révolte.
Il faut rompre le carcan de la politique d'adaptation et de négociation
à froid des directions syndicales, affirmer nos exigences, libérer
la révolte légitime et la combativité contenue de millions
de salariés. Le patronat et ses amis au pouvoir ont un plan pour imposer
leurs attaques dans le même temps qu'ils s'imposent au gouvernement, il
faut au mouvement ouvrier son propre plan pour organiser la riposte.
D'EDF à
la SNCM, du 10 mars au 4 octobre, la continuité d'un mouvement profond
Comme la lutte des marins de la SNCM fait écho à celles des travailleurs
d'EDF en 2004 contre la privatisation, les luttes en cours, la grève
du 4 octobre, s'inscrivent dans la continuité du 10 mars, des manifestations
du lundi de Pentecôte et du Non massif dans les urnes le 29 mai.
Malgré la passivité des appareils, tant ceux des confédérations
syndicales que des partis de la gauche de gouvernement, le mouvement a réussi
à trouver les voies pour s'imposer. Les salariés et les militants
ont exercé leur pression à la base pour faire de chaque occasion
une étape permettant au mouvement de s'exprimer, de prendre confiance
en lui, alors que les confédérations syndicales ne proposaient
aucune suite au million de travailleurs et de jeunes descendus le 10 mars dans
la rue. C'est sous la pression de la base que des manifestations ont été
appelées -au dernier moment- le lundi de Pentecôte, qui ont rassemblé
là où elles ont eu lieu bien plus de manifestants que celles du
1er mai. Comme c'est à la base, dans les cortèges, les syndicats,
les collectifs unitaires, que s'est construit en parallèle le Non du
29 mai, écho politique des luttes et vote de rupture, renouant avec le
21 avril 2002, tournant la page qui avait été ouverte par le vote
Chirac.
Les directions confédérales ont tout fait pour contenir la révolte,
l'étouffer, l'empêcher de déboucher sur un mouvement capable
de faire céder le gouvernement, en ne lui donnant aucune perspective.
Mais, au final, elles ont été obligées d'appeler à
la grève et à manifester le 4 octobre, sous peine de se discréditer
totalement. Le mouvement grandissant donne ses rendez-vous par dessus la tête
des directions, il mûrit, fait des forces, s'étonne même
de son audace, comme les travailleurs de la SNCM qui ont su créer l'événement.
L'offensive
de la bourgeoisie indique le niveau de la riposte nécessaire
Dans un contexte économique où la seule croissance est celle des
profits, de l'exploitation et des inégalités sociales, la bourgeoisie
mène la guerre pour baisser les coûts, gagner en productivité
et en rentabilité financière. Restructurations, fusions, délocalisations,
les annonces de licenciements se succèdent alors que les entreprises
viennent d'annoncer des profits semestriels records : 40,5 milliards d'euros
pour celles du Cac 40 (+ 34 % par rapport à 2004). Et le gouvernement,
tout en faisant mine de s'inquiéter des " aides "
perçues par les entreprises qui licencient, annonce de nouveaux cadeaux
au patronat : au nom de " l'emploi ", celui-ci va bénéficier
de plus de 2,2 milliards d'euros d'allègements de charge sociale ainsi
que de la baisse de 1,4 milliard de la taxe professionnelle. Pour faire face
à la baisse des recettes de l'Etat, 5100 postes de fonctionnaires vont
être supprimés et de nouvelles privatisations sont prévues.
Les hôpitaux, dont les trois quarts sont déjà au bord de
la faillite, vont subir de nouvelles restrictions.
Cette offensive frontale du patronat et du gouvernement n'empêche pas
le Medef d'affirmer, par la voix de Parisot, " nous sommes pour
le dialogue social, et au-delà le dialogue économique ".
Elle a ainsi invité à tour de rôle les dirigeants confédéraux...
qui ont tous fait bonne figure tel le secrétaire de FO trouvant son ton
" franc et direct ". Quant à Thibault, il
a noté chez son interlocutrice (avec qui il a accepté de poser
main dans la main, sourire aux lèvres) " une volonté
de montrer qu'il y a une nouvelle direction de l'organisation et sans l'avouer
explicitement, au moins dans la méthode, le constat d'un certain échec
de ce qui a pu être fait jusqu'à présent ",
tout en se sentant obligé d'ajouter " ne pas voir de motif
suffisant pour renoncer à la manifestation du 4 octobre "
Quel radicalisme ! Le même sans doute qui lui a fait demander mercredi
une entrevue à Villepin (que celui-ci s'est empressé de lui accorder
à moins que ce soit l'inverse). Thibault, qui a lui aussi trouvé
Villepin
" franc et direct ", est sorti en
expliquant : " J'ai demandé et obtenu qu'il y ait une
contre-expertise d'ordre juridique pour regarder quelles sont ou pas les contraintes
européennes qui s'imposeraient au gouvernement français s'agissant
de jusqu'où il peut aller et je pense qu'il a plus de marges de manoeuvre
que ce qu'il affirme aujourd'hui "
Et l'armée, c'est
l'Europe qui l'a envoyée ?
La réponse, les travailleurs de la SNCM et des ports de Marseille et
Bastia l'ont apportée en étendant la lutte, en faisant appel à
la solidarité de la population et en obligeant chacun à prendre
position face à leur combat.
Pour que le
4 octobre ne soit pas une journée sans suite, que la révolte ne
se laisse pas étouffer ni canaliser
Le décalage se creuse entre la dépendance des dirigeants syndicaux,
leur adaptation et la révolte des travailleurs, des militants, des marins
de la SNCM, des chômeurs, des travailleurs immigrés en proie aux
provocations et à la démagogie populiste de Sarkozy, des jeunes
à qui Villepin n'a rien d'autre à promettre qu'une plus grande
précarité et un service militaire adapté en guise de premier
emploi.
Face aux agressions et aux provocations, au mépris, à l'égoïsme
destructeur du patronat, la journée de grève du 4 octobre est
l'occasion d'exprimer la colère du monde du travail et sa solidarité.
Le fait que cet appel soit intersyndical et interprofessionnel encourage et
renforce le sentiment qu'ensemble, privé et public, petites et grandes
entreprises, nous sommes une force.
Et pour que cette journée ne soit pas sans suite, pour ne pas se retrouver
prisonniers de la passivité des syndicats, il est nécessaire que
les travailleurs, les militants s'en emparent, que nous la fassions nôtre.
Cette journée et sa préparation sont l'occasion de se regrouper,
d'élargir les réseaux militants, de donner confiance et d'appeler
chacun à être acteur, à prendre des initiatives, à
entraîner. Elle est l'occasion de discuter de la nécessité
de reconstruire le rapport de forces et, dès maintenant, de comment préparer
son prolongement, ses suites.
La lutte des marins de la SNCM, par son culot, son affranchissement, a d'ores
et déjà commencé à modifier le rapport de forces.
La répression dont ils sont l'objet n'empêchera pas la lutte de
s'étendre, elle lui donne au contraire plus de détermination.
Elle choque et indigne le plus grand nombre : tant d'hypocrisie et de cynisme
de la part des amis du patronat est insupportable.
Ces hommes avides de pouvoir n'ont d'autre légitimité que la force
du fric et des flics : ça suffit. Le moment est venu de le leur
dire avec toute la détermination nécessaire.
Carole
Lucas