Les
directions syndicales laissent les mains libres
au gouvernement qui accentue ses attaques
Regroupons ceux qui en ont assez des reculades
Villepin et Sarkozy
provoquent et attaquent. Profitant de la capitulation des directions des confédérations
syndicales refusant d'organiser la suite du 4 octobre et de l'échec de
la SNCM, ils entendent marquer des points sans tarder. Ainsi, tandis que Breton
introduit EDF en Bourse et annonce 12 % de hausse des tarifs du gaz, Villepin
vante un " Etat moderne " où on soit " libre "
de " travailler plus pour gagner plus "
et
Sarkozy franchit une nouvelle étape dans sa fuite en avant populiste,
insultant la jeunesse des quartiers pauvres traitée de " racaille "
contre laquelle il envoie 17 compagnies de CRS et 7 escadrons de gendarmes mobiles.
Un
" Etat moderne "
continuité d'une politique
Villepin a annoncé la couleur lors de sa conférence de presse :
remise en cause des 35 h dans la Fonction publique par le " rachat "
des RTT (en même temps que Hewlett Packard " propose " à
ses salariés la suppression de RTT), déplafonnement des heures
supplémentaires, " intéressement " (!) en
échange de suppressions de postes. Il demande également l'extension
des heures d'ouverture des administrations le soir et le samedi, au moment où
les patrons du commerce repassent à l'offensive pour lever les limites
au travail les dimanches et jours fériés. L'heure est à
la déréglementation, la banalisation des horaires " atypiques ",
la suppression de toute législation freinant un tant soit peu l'exploitation.
Dans son offensive, Villepin a trouvé l'appui zélé de Fauroux,
ancien ministre socialiste de l'Industrie de Rocard entre 1988 à 1991,
qui est monté au créneau dans Libération contre
la Fonction publique et " les services de l'Etat inutiles ou pléthoriques ".
Dénonçant le retard pris à ces yeux par la " réforme
de l'Etat ", il insiste : " j'ai rencontré
de nombreux fonctionnaires très motivés pour mener des changements
importants. Quand je leur demandais ce qui bloquait, ils ne répondaient
pas 'les syndicats', mais 'les ministres qui se succèdent'
".
Chacun appréciera.
Alors que les plans de licenciements se multiplient (après l'annonce
de 414 licenciements à Ford-Blanquefort, Chronopost vient à son
tour d'annoncer 540 suppressions de postes), que le nombre de salarié(e)s
qui subissent un temps partiel imposé augmente, que la précarité
se généralise et que les radiations et les sanctions contre les
chômeurs se multiplient, Villepin après Sarkozy répète
qu'il faut " travailler plus " !
EDF
: privatisation préparée
et opération de blanchiment
politique
Ce cynisme et l'avalanche d'attaques provoquent chez bien des travailleurs à
la fois révolte et désarroi alors que les syndicats apparaissent
ouvertement l'arme au pied et que les partis de la gauche gouvernementale tentent
une opération de blanchiment.
La journée du 8 novembre contre la privatisation d'EDF contient de ce
point de vue bien des ambiguïtés. Il est bien sûr de l'intérêt
de tous les salariés qu'elle soit un succès, que les rassemblements
regroupent le plus de monde possible, que toutes les forces politiques qui prétendent
défendre les intérêts du monde du travail y soient présentes.
Toutes les initiatives qui peuvent aider à mobiliser les réseaux
militants sont autant d'encouragements à la lutte et à la résistance,
autant de pas faits permettant de tisser ou renforcer des liens pour préparer
l'offensive sur les lieux de travail.
Mais pour cela, mieux vaut se souvenir à haute voix des responsabilités
et des actes de ceux qui, aujourd'hui, jouent aux sauveurs sans crainte du ridicule...
Jospin en est la caricature, lui qui a présidé à Lisbonne,
main dans la main avec Chirac, à l'ouverture de l'énergie à
la concurrence. Fabius, lui qui en janvier 2002 - alors que la gauche était
au gouvernement - était pour l'" ouverture du capital "
d'EDF, en est paraît-il devenu un farouche adversaire. Quant à
Hollande, il a rappelé, dans un éclair de lucidité le 18
octobre : " On en aurait du travail si l'on avait à
renationaliser ce que l'on a nous-mêmes privatisé ! "
Mais cela n'empêche pas ce petit monde de crier au scandale et d'appeler
à ne pas se tromper en 2007
L'indignation du PS ne va quand même
pas jusqu'à appeler aux rassemblements du 8 ni au meeting de soutien
unitaire
Vaillant n'a pas apprécié d'être " convoqué "
a-t-il dit au nom du PS. On ne peut en effet pas être partout : Vaillant,
ancien ministre de l'Intérieur, vient d'appeler à voter le dernier
projet de loi de son confrère Sarkozy
au nom de l'antiterrorisme.
Quant au Parti communiste, si son langage est radical et s'il est partie prenante
des journées du 8 et du 19 novembre - et tant mieux -, il n'en
affiche pas moins ses ambitions pour 2007. " Nous voulons qu'ensemble
nous affirmions que la gauche au pouvoir rétablira EDF-GDF dans leur
statut antérieur et avancera vers la création d'un " pôle
public de l'énergie " réunissant EDF et GDF "
écrit-il dans son tract pour le 8 novembre. Mais faut-il oublier l'" ouverture
du capital " d'Air France orchestrée par Gayssot, le coup
d'envoi au démantèlement de la SNCF avec la création de
RTF, l'ensemble des privatisations réalisées par " la
gauche au pouvoir " quand Marie-George Buffet était ministre ?
Quant au journal L'Humanité, il annonçait le 26 octobre
à propos de la " campagne de communication publicitaire "
pour la mise en Bourse d'EDF : " L'Humanité, qui conteste
avec la plus grande fermeté ce projet de privatisation, publiera, comme
tous les journaux, ces pages de publicité "
au nom
du " débat citoyen pluraliste ". Vous avez
dit duplicité ?
Un
recul programmé
CGT et FO appellent le 8 novembre à la grève, ainsi que SUD. Souhaitons
que celle-ci soit l'occasion de rassembler largement contre les privatisations.
Mais la politique des confédérations syndicales à EDF est,
depuis plusieurs années, une longue suite de capitulations alors que
les salariés, aujourd'hui désorientés et se sentant pour
une bonne part impuissants, ont largement fait preuve de combativité
et d'initiatives.
En janvier 2003, la CGT d'EDF-GDF demandait aux salariés d'approuver
par référendum un " relevé de conclusion des
négociations " signé par la CFDT et la Direction
concernant la modification du régime de retraites : les travailleurs
votaient Non, prenant la CGT Energie à contre-pied. En 2004, la fraction
la plus décidée des grévistes réussit à imposer
des formes de lutte radicales contre le changement de statut. Mais malgré
leur combativité, ils n'ont pas réussi à dépasser
le cadre fixé par les directions syndicales qui ont canalisé la
combativité des grévistes dans des adresses aux élus et
une pétition pour
demander au gouvernement d'organiser un " grand
débat ". Isolés, malgré la sympathie et le
soutien de la population, les salariés n'ont pu empêcher l'échec.
Et aujourd'hui, après le refus des directions syndicales de tenter de
faire de la lutte de la SNCM une lutte nationale contre les privatisations,
dont celle d'EDF, la CGT fait signer une nouvelle pétition qui en appelle
cette fois à Chirac lui demandant " d'user de son autorité
pour stopper ce projet "
au nom de " l'intérêt
de la nation, des performances économiques du pays ".
On entend déjà ceux qui, après avoir désarmé
les travailleurs, ne manqueront pas d'expliquer qu'ils " ne veulent plus
se mobiliser " pour en conclure
qu'il ne reste plus qu'à bien
voter.
Il n'est pas dit que leur plan ne soit pas déjoué.
Se
regrouper pour l'action collective sur le terrain des luttes
En réponse à cela, l'heure est au rassemblement de ceux qui veulent
préparer la riposte dans les entreprises, les quartiers, les unions locales,
les collectifs, de tous ceux qui ne comptent que sur les luttes pour renverser
le rapport de forces, en opposition à tous les marchands d'illusions
qui cherchent à profiter du désarroi, jouant aujourd'hui aux sauveurs.
Ceux qui ont largement contribué à démoraliser et désorganiser
les travailleurs, les organisateurs des défaites, ne vont pas manquer
de présenter leur retour au pouvoir, le retour de la gauche, comme une
réponse aux revendications des classes populaires. Que pour se refaire
une crédibilité les partis de l'ex-gauche plurielle s'affichent
du côté des travailleurs et des luttes, qu'ils fassent jusqu'au
ridicule leur propre auto-critique est une leçon de choses pour les travailleurs.
Comment accorder la moindre confiance en ces gens-là ?
La préparation de la journée du 8, comme de celle du 19 novembre
pour la défense des services publics à Paris, sont, par delà
les ambiguïtés d'une partie de ceux qui y appellent, l'occasion
de regrouper les forces militantes, de s'organiser et de débattre.
Autant d'étapes vers le regroupement d'un parti pour les luttes pleinement
affranchi des manuvres politiciennes, tirant sa force de la démocratie
de l'action collective des travailleurs.
Carole
Lucas
Le
PCF propose " douze travaux " à l'ensemble de " la "
gauche
Un chantier ouvert jusqu'en 2007
Des
salariés de Hewlett-Packard à Grenoble, de Flextronics à
Laval, de Nestlé et de la SNCM à Marseille, de Virgin à
Paris, de Jourdan à Romans mais aussi des chômeurs et des mal-logés :
le Parti communiste français donnait " La parole à
celles et ceux qui luttent ", le 22 octobre, dans la halle des
sports Carpentier à Paris.
Ce rassemblement national du PCF a été l'occasion pour Marie-George
Buffet de rendre public " douze propositions pour répondre
aux aspirations et aux besoins exprimés dans les luttes, pour commencer
à changer la vie, douze travaux pour une gauche renouvelée ! ".
Et le parti communiste soumet ces mesures " au débat citoyen " ;
elles sont versées aux discussions " de la gauche ",
notamment celles " des collectifs du 29 mai ".
Mais la députée de Seine-Saint-Denis vise d'abord les mille forums
locaux et départementaux que le PCF organise cet automne et auxquels
sont conviés " toutes les formations de gauche ",
Parti socialiste inclus bien sûr. " La dynamique du référendum
doit se donner un nouvel objectif, celui d'une majorité à gauche
sur un programme de transformation sociale antilibérale ",
répète Marie-George Buffet depuis le soir du 29 mai. Un forum
national à Villepinte le 26 novembre marquera la " première
étape " d'un processus devant déboucher selon le
PCF à un accord électoral courant 2006.
Devant les mille huit cent militants rassemblés Porte-de-Choisy, le ton
de la secrétaire nationale du PCF se voulait radical, combatif, détaché
de l'échéance de 2007 et de ces préparatifs. Elle l'a martelé :
les " douze propositions phares " mises en avant
par les communistes seraient " capables de constituer les bases
d'un programme pour la gauche et immédiatement utilisables dans la lutte
contre la droite et le grand patronat ". À ces yeux, " Si
ces propositions sont empoignées et saisies face aux mauvais coups, on
pourra contrer aujourd'hui les mauvais coups de la droite ". " Faisons-le
sans attendre 2007 " tempête-t-elle sous un tonnerre d'applaudissements.
" Casse des retraites, casse de la santé pour tous, casse
du droit à l'énergie, casse de l'égalité républicaine,
casse du système judiciaire, casse du code du travail, casse des libertés,
casse des droits des migrants, casse de la démocratie
"
: Marie-George Buffet est vindicative. Le fonds du discours dessine lui
un tout autre chemin que celui des luttes. La perspective tracée par
la secrétaire nationale du PCF n'est pas la généralisation
des conflits, leurs unifications autour d'objectifs rassembleurs à même
de créer les conditions d'un " tous ensemble "
pour contenir les attaques de la droite et faire reculer le patronat.
À aucun moment, il n'est question de " grèves ",
d' " action de masse " et encore moins - évidemment -
d'une " grève générale " pour
contrer la politique gouvernementale - le mot " grève "
n'existe pas dans l'intervention de Buffet comme sa perspective du reste. L'unique
levier, ce serait " les élus ", à commencer
par les " élus communistes ". En bref, défaire
une fois revenu au pouvoir ce que la droite aura fait d'ici là. Voilà
la solution ! Attendre 2007 !
À cet égard, la façon dont la secrétaire nationale
du PCF aborde les privatisations en cours - dont celle d'EDF - est significative.
Elle fait simplement valoir que " des comités de défense
d'EDF ont été mis en place par les élus communistes et
républicains " et qu'elle écrira " à
toutes les forces de gauche " afin d'organiser " un
zénith pour la défense d'EDF ". Le clous final :
" Je le dis à ceux qui se préparent à investir
dans ces privatisations parce qu'ils y voient un nouveau moyen de s'enrichir :
ne vous précipitez pas, la gauche que nous voulons rendra dès
que possible au peuple les biens qui lui appartiennent ! "
Que ne l'a-t-elle fait dans un passé récent !
En réalité, la " gauche des luttes " qu'appelle
de ses vux la députée de Seine-Saint-Denis ne sort pas du
cadre des institutions. En somme : tirer parti des mobilisations ouvrières
pour relancer la gauche gouvernementale.
Les " douze travaux " l'attestent. " Ces
propositions sont antilibérales et elles sont anticapitalistes "
défend la secrétaire nationale. Pour autant, tempère-t-elle
immédiatement, " nous ne sommes pas dans le mot d'ordre ou
la surenchère, nous sommes dans la proposition réaliste, nous
sommes sur le court et le moyen terme, et nous savons dans quelle direction
nous voulons aller ". Évidemment
Et pour ceux qui
douterait encore où le chemin mène : " nous
voulons gouverner " ajoute-elle.
Et les fameuses " douze propositions phares " témoignent,
et plutôt deux fois qu'une, du modérantisme qui imprègne
le document du PCF. Arrêtons-nous sur les sujets clé que sont le
chômage et les salaires.
" Nous devons nous fixer l'objectif d'éradiquer le chômage ".
C'est un " objectif ", laissant grande ouverte la
question du moment où le chômage sera " éradiqué ".
Mais ne finassons pas
Quelles sont les mesures arrêtées ?
Buffet énonce " une véritable sécurité
d'emploi et de formation " calquée sur la sécurité
sociale - une idée chère à Paul Boccara, un économiste
du PCF. La référence à la sécurité sociale
est typique. Buffet propose un traitement social du chômage, pas son éradication
qui nécessiterait de s'en prendre à l'ensemble du système
qui l'engendre. Il n'est nulle part discuté de baisse du temps de travail
par exemple.
Et le sort des entreprises qui licencient ? " Le droit de
contester le bien-fondé des plans de licenciements, avec un droit de
saisine du juge, avec un moratoire déclenché par les salariés
eux-mêmes " est au cur du projet communiste. Mais
il s'agit d' " interpeller " les grands groupes,
jamais de les contraindre. Et la " commission de garantie de l'intérêt
général " qui comprendrait " la direction
de l'entreprise, des représentants du personnel, des élus des
différentes collectivités concernées, et tous les acteurs
économiques y compris les représentants des consommateurs "
et à laquelle Buffet attache tant d'importance, son pouvoir se limite
à faire des
" recommandations " !
Le compromis capital-travail relooké du PCF n'a pas plus d'avenir que
celui d'antan.
Les mesures concernant l'augmentation des salaires, retraites et, au-delà,
les revenus comme les minima sociaux, sont logées à la même
enseigne. " Le premier acte d'un gouvernement de gauche doit être
l'organisation d'un "Grenelle des salaires " ".
C'est la proposition communiste, une idée " phare "
empruntée à
Dominique Strauss-Kahn. Un signe ! À
aucun moment, l'augmentation des salaires n'est chiffrée. Une indication
néanmoins sur l'état d'esprit général qui préside
sur ces questions, comme sur d'autres, est apportée à travers
les minima sociaux sur lesquels l'ambition du PCF se fait plus précise :
" Portons le montant des allocations de solidarité et d'insertion
au-delà du seuil de pauvreté défini par l'Insee ! "
Chômage et salaires : ces deux points résument la philosophie
de l'ensemble. Et tout est à l'avenant.
Ne pas s'engager pour ne pas décevoir : telle est, en somme, la
politique du PCF. Et soumettre aux partenaires socialistes un tel document ne
devrait guère susciter de difficulté pour renouer une alliance
qui du reste n'a jamais été remise en cause.
C'est une tout autre orientation que les révolutionnaires doivent porter,
dans les luttes comme dans les forums dans lesquels ils sont invités
par Marie-George Buffet et la direction communiste. Nombre de militants du PCF
sont les premiers à rejeter une orientation qui vise à refaire
ce qui a été défait en 2002.
L'union proposée par la secrétaire nationale du PCF vise le retour
de la gauche au gouvernement pour gérer les affaires de la bourgeoisie,
une politique qui conduit à assumer les attaques au nom d'un moindre
mal, qui recherche un compromis impossible entre les intérêts ouvriers
et ceux du capital. C'est le sens de son projet. Et la situation en Île-de-France
lors des régionales de 2004 révèle crûment ce qu'il
adviendrait aux courants s'engageant dans la recherche de candidatures unitaires
sur la base d'une orientation ne tranchant pas avec l'expérience de la
gauche au pouvoir. Ce ne sont pas les communistes qui sont venus sur le terrain
de la " gauche radicale " mais bien l'inverse. Et
une partie de la " gauche de la gauche " s'est d'ores
et déjà coulée dans la nouvelle mouture d'union de la gauche
à laquelle on travaille ouvertement place du Colonel Fabien.
L'unité pour les luttes devient une voie vers l'unité pour les
élections. La stratégie de la direction du PCF s'appuie sur la
volonté unitaire s'exprimant à la base, mais elle conduit cette
légitime aspiration dans l'impasse électorale. Les candidatures
unitaires ne répondent pas au sentiment d'unité qui prévaut
sur le terrain des luttes ouvrières, mais à celui qui se diffuse
au sein de la gauche gouvernementale dont l'appétit se nourrit des victoires
électorales des socialistes en 2004. Elles se placent dans le cadre parlementaire,
et entendent rallier à la perspective de l'alternance - rebaptisé
" alternative " pour l'occasion - ceux-là
même qui s'en détournent depuis 1995 et l'émergence de l'extrême
gauche.
L'unité qui se renforce et que les luttes encouragent ouvre une autre
voie que celle du retour de la gauche au gouvernement, celle de la préparation
d'un mouvement d'ensemble pour imposer les exigences du monde du travail.
Et c'est bien là le fond du débat.
Serge
Godard
Lutte
pour la régularisation des élèves sans-papiers :
Solidarité et politisation
Le réseau
Education Sans Frontières s'est constitué au printemps 2004 dans
la région parisienne à partir d'établissements où
des collectifs d'enseignants avaient depuis des années des interventions
pour soutenir des élèves sans-papiers. Il s'est développé
à partir de l'automne 2004 dans la région parisienne et dans des
villes de région avant de rencontrer un écho national à
la rentrée 2005 autour des mobilisations pour empêcher les expulsions
de Guy (Seine-Saint-Denis), de Barbe Makombo et ses enfants en fuite (Auxerre-Sens)
ou de la famille Mekhelleche (Seine-Saint-Denis), pour prendre les cas les plus
médiatisés.
Dans un premier temps, ces collectifs étaient pour les enseignants qui
les constituaient, un prolongement de leur activité syndicale ou d'un
engagement militant anti-raciste. Défendre les conditions de travail
passe également par la défense des conditions d'existence des
élèves, et les enseignants sont relativement encore nombreux dans
les associations anti-racistes ou les comités de soutien aux sans-papiers
qui se sont étiolés ces dernières années du fait
de l'isolement et des difficultés internes du mouvement des sans-papiers
explosé par les attaques du gouvernement et l'absence de perspectives
politiques.
Collectifs de soutien et d'aide aux élèves sans-papiers, leur
spécificité a été de s'adresser aux élèves
et à l'ensemble des enseignants, pas seulement sur un cas particulier
d'élève, mais sur une question politique générale :
il n'est pas possible d'accepter qu'une partie des élèves soient
confrontés à la clandestinité et aux menaces d'expulsion.
Il faut construire une mobilisation pour imposer au gouvernement et aux préfectures
un règlement de chaque cas, c'est-à-dire, de fait, un changement
de la loi.
Des enseignants se sont donc mis à distribuer des tracts aux élèves
pour appeler à des réunions ou à des rassemblements devant
les préfectures. La question des sans-papiers est devenue un des sujets
discutés dans les salles des profs dans le cadre des heures d'informations
syndicales ou de réunions spéciales. Des réflexes de réactions
collectives ont commencé à se construire, comme par exemple rédiger
et faire circuler une pétition dans un établissement dès
qu'un élève est directement menacé suite à un refus
de régularisation, ou joindre une lettre des équipes pédagogiques
en appui à une demande d'un élève.
Jusque là, ce sont le plus souvent des enseignants qui avaient l'initiative
et proposaient aux élèves de s'y associer, mais la mobilisation
pour défendre Guy au mois de septembre dessine de nouvelles possibilités.
Cette mobilisation a été le résultat du travail réalisé
par le collectif pendant plusieurs mois en 2005 autour du cas de Guy et de plusieurs
autres jeunes lycéens. Mais l'année dernière ce sont surtout
les jeunes directement concernés et leurs camarades les plus proches
qui avaient participé aux rassemblements, ou fait circuler les pétitions.
Cette action avait rendu publique sur le lycée la question des élèves
sans-papiers en général, à travers les cas particuliers
de chaque élève. Du coup au mois de septembre, lorsque les élèves
du lycée ont appris que l'un d'entre eux, Guy, placé en centre
de rétention, était menacé d'expulsion, ils ont réagi
: débrayages, mobilisation de plusieurs dizaines de jeunes autour du
centre de rétention pendant tout le week-end et soutien par téléphone
du moral de leur copain. Ils étaient une trentaine le soir de l'expulsion
à Roissy à distribuer des tracts aux passagers pour les convaincre
d'intervenir et de refuser d'embarquer. Et bien évidemment le lendemain
de cette première victoire, les mêmes se sont retrouvés
devant le lycée pour appeler à la grève et à manifester
devant le tribunal où Guy devait être jugé pour refus d'embarquement.
Grâce à la médiatisation du rassemblement de plusieurs centaines
de lycéens au tribunal, le mardi la grève a commencé de
s'étendre à d'autres établissements environnants, provoquant
l'intervention de Sarkozy auprès de la préfecture pour accorder
un titre de séjour temporaire à Guy.
C'est l'intervention des jeunes qui a changé les conditions, provoquant
immédiatement un phénomène de contagion et ouvrant à
plus long terme des possibilités.
En effet, la victoire partielle (Guy a obtenu une année pour " passer
son Bac " dixit Sarkozy, mais " il devra ensuite
rentrer au Cameroun ") a montré deux choses : la légitimité
de la lutte des jeunes sans-papiers reconnue par le gouvernement de fait, et
l'efficacité de la lutte collective, de la solidarité et particulièrement
de l'intervention des jeunes. Du coup cela crée une situation nouvelle
: de nombreux jeunes osent parler de leur situation, des collectifs se créent
un peu partout où il n'en existait pas. Et dans les collectifs, des jeunes
sont partie prenante pour prendre en mains l'organisation de la lutte. Parmi
eux, certains sont des jeunes sans-papiers qui font l'expérience que
seule la lutte paie, d'autres des lycéens qui s'engagent par solidarité.
A travers la question des jeunes sans-papiers, de leurs conditions de vie, c'est
la situation politique qui est mise en débat : la politique du gouvernement
Villepin-Sarkozy, la mondialisation capitaliste qui crée les flux migratoires
et les politiques pour diviser les opprimés, comment les combattre ?
L'enjeu des mois à venir est la capacité militante d'accompagner
ses interrogations et de mettre en discussion les réponses des révolutionnaires,
en même temps que d'élargir la mobilisation pour obtenir d'autres
victoires, c'est à dire, la régularisation sans condition, ni
restriction pour Guy et tous les autres élèves sans-papiers.
A travers la solidarité, profs et élèves se retrouvent,
une nouvelle génération fait l'apprentissage de l'action collective,
politique, pour un autre monde, par delà les frontières et les
continents
Cathy
Billard
Congrès
CGT : Sécurité sociale professionnelle et statut du travail salarié
contre l'interdiction des licenciements
La
préparation du 48ème congrès de la CGT est l'occasion,
pour la direction confédérale, de mettre à nouveau en avant
ses " axes revendicatifs " : sécurité
sociale professionnelle et nouveau statut du travail salarié. Les mêmes
que lors du congrès précédent, en 2003, où ils faisaient
l'objet de la résolution sur les " conquêtes sociales ".
Présentant le nouveau statut du travail salarié, en mars 2002,
Maryse Dumas, secrétaire de la CGT, demandait : " La
CGT est-elle dans son rôle quand elle cherche par quelles revendications
et propositions favoriser les convergences des luttes et d'intérêts
entre les salariés de toutes les professions [
] ? "
(1)
Répondant par l'affirmative -qui aurait pu en douter ?-,
elle présentait " l'idée d'un nouveau statut du travail
salarié " comme le moyen d'arriver à cette convergence.
La convergence des luttes exige bien évidemment des revendications communes
à l'ensemble des salariés. Mais " les axes revendicatifs "
choisis par la CGT ont-ils une chance, comme elle dit le souhaiter, de favoriser
un " tous ensemble " à la hauteur de la crise
sociale qui nous frappe ? Ne s'opposent-ils pas, au contraire, aux revendications
qui se font jour parmi les salariés, à la recherche de la convergence
nécessaire pour se battre efficacement contre les attaques incessantes
du patronat et du gouvernement, les licenciements, les privatisations ?
Les
" axes revendicatifs " de la CGT
Présentée par Le Duigou comme une " utopie réaliste "
(2), la sécurité sociale professionnelle est la réponse
que la direction CGT dit vouloir apporter au problème des licenciements.
" Il n'est pas question, écrit-il, d'ignorer la contrainte
de compétitivité des entreprises. L'idée " d'interdiction
des licenciements " est de ce point de vue ni réaliste, ni
utopique. Sa mise en uvre se retournerait très vite contre les
salariés. Il faut être beaucoup plus ambitieux et créer
un droit d'intégration dans l'emploi ". Pour cela, la solution
consisterait à " combattre la notion même de licenciement ",
en faisant en sorte que la suppression d'emploi ne se traduise plus par la fin
du contrat de travail, mais que celui-ci se prolonge jusqu'à ce que le
salarié ait trouvé un nouvel emploi, à niveau de qualification
et de salaire au moins égal
Le nouveau statut du travail salarié serait une " nouvelle
garantie interprofessionnelle ", à travers laquelle chaque
salarié se verrait reconnu, dès son arrivée dans la vie
active, un certain nombre de droits que tout employeur serait tenu de respecter :
droit au travail, au déroulement de carrière, à la promotion
sociale, à la formation continue, à la validation des acquis professionnels,
droit à la protection sociale, à la retraite dès 60 ans
à taux plein, voire plus tôt
Droit également " de
se réaliser pleinement dans son travail, d'en faire évoluer le
contenu, de décider de son sens ". Et, pour faire bonne
mesure, ce bric-à-brac de droits serait " à compléter
de tout ce que nous revendiquons en matière de démocratie sociale
aussi bien concernant la gestion des entreprises et les droits des salariés
à ce sujet que plus généralement les droits syndicaux et
sociaux et le droit de la négociation collective "
(1).
Le statut du salarié en serait la déclinaison par branche :
on trouve un projet de statut du salarié de la construction ; ceux
des industries de la métallurgie, du commerce, etc., se discutent au
niveau des appareils, car, la direction de la CGT le reconnaît elle-même,
les militants du rang ne se sont pas précipités pour porter son
" projet revendicatif "
La CGT, conformément à ses engagements à remplacer la " contestation "
par des " propositions réalistes " a annoncé
comment elle voyait le financement du nouveau statut du travail salarié :
" 1) une autre utilisation des aides financières de l'Etat
à l'emploi, qui incitent à augmenter le volume et la qualité
des emplois, et surtout, qui incitent à la sécurité sociale
professionnelle. 2) l'utilisation des fonds de la formation professionnelle
continue (ceux provenant de l'entreprise, qui doivent être augmentés,
ou ceux provenant de l'Etat), dans l'optique du maintien du contrat de travail,
de la formation tout au long de la vie et de la Sécurité sociale
professionnelle. 3) Un pôle financier public pour promouvoir l'emploi "
(1). Comme on le voit, rien de bien utopique
Du
constat statistique de la dégradation de la situation sociale au " partage
de diagnostic " et à " l'exigence de négociation "
La direction de la CGT appuie ses propositions sur une analyse statistique de
la situation sociale qu'elle présente comme une " photographie
(partielle) du salariat d'aujourd'hui " : " la
mobilité des salariés augmente, la précarité se
développe, les grilles de salaires sont dégradées, un salariat
de plus en plus éclaté, des modes de vie qui évoluent
".
(1)
Une image réaliste certes, mais figée, en dehors de l'histoire,
isolée de ses causes. L'aggravation de la flexibilité du travail,
des fermetures " économiques ", l'exigence
accrue de mobilité des salariés, deviennent des faits contre lesquels
on ne pourrait rien, sinon tenter de trouver quelques palliatifs.
Concernant les licenciements, par exemple, un article de la Nouvelle vie
ouvrière du 11 janvier 2002 expliquait que les équipes syndicales
se heurtaient à la " difficulté de dégager
une alternative aux politiques de suppression d'emploi ". Déplorant
que " l'état de droit réduise trop souvent l'activité
syndicale à la gestion du plan social ", il concluait qu'il
fallait des droits nouveaux pour " favoriser l'intervention des
salariés et de leurs institutions sur les choix stratégiques de
l'entreprise "
sans remettre en cause, bien entendu, le
droit des patrons à licencier comme bon leur semble.
On est en plein dans la logique du " diagnostic partagé "
qui débouche tout naturellement sur " l'exigence de négociation ".
Maryse Dumas, qui nous présentait le nouveau statut du travail salarié
comme un moyen d'assurer la convergence des luttes, ne tarde pas à rassurer
ses lecteurs : " C'est en terme d'exigence de négociations
que nous voulons charpenter notre démarche revendicative autour du nouveau
statut du travail salarié ". Exit la convergence des luttes,
" au plan syndical, notre objectif est d'obtenir que le Medef reste
dans son rôle, celui d'être notre interlocuteur dans les négociations
interprofessionnelles ". (1)
Medef qui, pour sa part, ne semble pas fermé à une telle démarche.
Dans le Figaro économique du 30 août 2005, sa nouvelle présidente,
Parisot, écrivait : " Distinguons la protection de
l'emploi de celle des individus. Que le salarié bénéficie
de filets de sécurité et d'un service de l'emploi hyper performant,
oui ". Elle s'appuyait sur un rapport que le Medef avait intitulé,
parodiant la CGT : " Pour une sécurité sociale
professionnelle " et qui portait sur de nouvelles mesures contre
les chômeurs
Pourquoi pas, en effet, une " sécurité
sociale professionnelle ", si elle est compatible avec la " refondation
sociale " et financée, modérément, par les
fonds publics ?
Contre
le chômage et la dégradation sociale, interdiction des licenciements
!
Le plan revendicatif de la CGT, malgré son radicalisme apparent et les
ambitions qu'il semble porter, est dans la droite ligne du " syndicalisme
de proposition " et du " diagnostic partagé ".
L'attitude de la CGT lors du conflit de la SNCM, les mois passés sans
suite à la journée d'action du 10 mars, le 4 octobre bradé
au nom des " négociations ", le refus de faire
le moindre geste pour faire converger les luttes contre les privatisations de
la SNCM, d'EDF et des traminots marseillais, sont des illustrations éloquentes
de cette politique, alors que la révolte des travailleurs tente de s'organiser
malgré tout ce qui la freine.
Loin de s'appuyer sur les revendications qui se font jour au cours des luttes,
telles la revendication des 37,5 ans pour tous en 2003 ou l'interdiction des
licenciements, et d'en faire l'objet d'une véritable mobilisation, la
direction de la CGT déserte le terrain au faux prétexte d'" axes
revendicatifs " présentés comme plus ambitieux et
plus réalistes, dévoyant les luttes de leurs véritables
revendications pour en faire des points d'appui à la " revendication
d'ouverture de négociations " sans contenu.
Du point de vue des licenciements, avec la " sécurité
sociale ouvrière ", la CGT reconnaît aux patrons
la liberté de licencier, et prétend vouloir négocier sur
ce terrain. Mais il n'y a justement rien à négocier. Car il n'est
pas acceptable de reconnaître aux patrons le droit de disposer, en fonction
de leurs seuls intérêts, de la vie des travailleurs.
La contradiction fondamentale de classe est justement là : considérer
comme non négociable le droit des patrons à gérer leurs
entreprises comme bon leur semble ou considérer comme non négociable
le droit de tout individu de travailler, de participer à la production
collective des richesses et d'en vivre décemment.
C'est clairement la première option qu'a choisie la direction de la CGT :
entériner le droit pour les patrons de licencier, d'imposer précarité
et flexibilité, en échange, pour les salariés, d'une " sécurité
sociale " à peu de frais pour le patronat.
Les salariés soumis au chômage, à la flexibilité,
aux salaires de misère, savent qu'ils n'ont pas le même choix.
Il s'agit pour eux, et c'est vital, de trouver le chemin d'une véritable
convergence des luttes, autour de la revendication de leurs droits les plus
immédiats. Cela suppose avant tout le refus du chômage et cela
passe, inévitablement, par la revendication de l'interdiction des licenciements.
Au centre de la lutte des classes réelle, pratique et concrète,
loin des utopies fumeuses, il y a la contestation des droits de la propriété
privée capitaliste qui débouche sur la lutte pour sa fin.
Eric
Lemel
1-
Nouveau statut de travail salarié - Document de travail n°1 et 2
- Mars 2002
2- Analyses et documents économiques - N°98 - Février 2005