Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°86
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22
décembre 2005
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Sommaire : | ||||||||||
Avec 2005 s'achève une décennie qui a créé les condition du renouveau du mouvement ouvrier | ||||||||||
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Avec
2005 s'achève une décennie qui a créé les conditions
du renouveau du mouvement ouvrier
2005 s'achève
sur deux évènements qui ont fait l'actualité internationale
de ces derniers jours : les décisions de l'OMC à Hong-Kong et
la victoire électorale d'Evo Morales en Bolivie. Ces deux faits indiquent
les tendances contradictoires de la décennie qui s'achève. L'accélération
de l'offensive libérale et impérialiste a bouleversé les
conditions de production, d'échange, d'existence des travailleurs et
des peuples et créé dans le même temps, les conditions même
de nouvelles luttes, de progrès démocratiques mais sans que les
idées de l'émancipation politique et sociale aient réussi
à fonder un projet animant des forces organisées significatives.
Sous les coups de l'offensive de la bourgeoisie, le rapport de forces entre
les classes s'est dégradé mais dans le même temps, avec
l'effondrement de l'URSS, le stalinisme qui étouffait toute vie démocratique
dans le mouvement ouvrier a perdu son emprise, libérant un large espace
pour un nouvel essor du mouvement ouvrier. Des évolutions de conscience
ont eu lieu, en profondeur, qui se sont traduites tant sur le plan électoral
par les scores de l'extrême gauche que sur le terrain social. Ainsi, de
nouvelles luttes ont commencé à émerger souvent radicales,
porteuses de nouveaux espoirs, de nouvelles aspirations même si elles
ont trouvé leurs limites dans l'absence d'un projet politique de transformation
de la société, permettant de lier la question sociale et la question
politique.
Cette décennie est donc une période de transition, à travers
laquelle les conditions objectives ont été profondément
transformées. Si l'évolution de la situation sociale et politique
a ruiné les bases matérielles du réformisme, dans un contexte
où le rapport des forces s'est dégradé pour la classe ouvrière
et en absence d'un projet révolutionnaire alternatif, les illusions réformistes
perdurent sous de nouvelles formes comme l'anti-libéralisme.
Ce sont donc ces
transformations profondes dont il nous faut, au-delà de leurs caractères
contradictoires, saisir toute la signification.
A travers elles, se créent les conditions d'un renouveau du mouvement
ouvrier qui peut être le cadre de l'émergence d'un parti des travailleurs.
C'est l'enjeu des années à venir, mais bien évidemment,
il n'y a pas d'automatisme, pas plus qu'il ne s'agit d'une simple question de
volontarisme. C'est le contenu même du débat politique de discuter
de ces conditions nouvelles, de comment les révolutionnaires peuvent
aider et armer les consciences en formulant une politique pour l'ensemble du
mouvement social.
Pour cela, il nous faut analyser la nature même du capitalisme aujourd'hui,
ce qui fonde notre anticapitalisme opposé au réformisme antilibéral
et les effets du développement libéral et impérialiste
sur le mouvement social, les rapports de forces politiques. Avoir une compréhension
globale de la décennie de transition qui s'achève permet de prolonger
la courbe pour anticiper sur les possibilités et les tâches.
La fuite en avant de la mondialisation financière et impérialiste
ruine les bases matérielles du réformisme
Depuis le début
des années 80, la bourgeoisie s'est lancée dans une vaste offensive
contre le monde du travail et les peuples pour diminuer leur part dans la répartition
des richesses. A travers cette offensive, toutes les barrières douanières,
tous les règlements financiers ont été levés pour
permettre la libre circulation des capitaux. Et en même temps, tout ce
qui pouvait limiter le droit des capitalistes à faire du profit, secteurs
publics, législation du travail, couvertures sociales, a été
remis en cause
Etape et consécration de cette offensive, l'effondrement de l'URSS et
des régimes d'Europe de l'Est, à partir de 1989, a semblé
annoncer définitivement " le triomphe de l'économie
de marché ".
La décennie qui s'achève a vu l'aboutissement de cette offensive
avec l'avènement de la mondialisation, c'est-à-dire la généralisation
au monde entier d'un nouveau capitalisme de libre concurrence caractérisé
par la domination du capital financier et l'exacerbation de la concurrence entre
les firmes multinationales et entre les nations.
Dans ce cadre, le monde est en train de se réorganiser autour de nouvelles
zones d'influences, en fonction de rapports de force économiques en transformation.
De nouvelles puissances en plein essor, au premier rang desquelles la Chine,
sont en train de conquérir une place dans la concurrence mondiale, bouleversant
les vieux rapports impérialistes.
Le mouvement international du capital redessine les rapports de force internationaux
et surtout étend et développe comme jamais à l'échelle
mondiale le rapport d'exploitation salariée.
La mise en concurrence des paysans sous la férule des multinationales
ruine des millions de petits producteurs.
Parallèlement à la concentration du capital - 2005 a été
une année particulièrement riche en fusions-acquisitions -, se
déroule un vaste processus de prolétarisation qui s'accompagne
d'une mise en concurrence exacerbée des prolétaires au niveau
du marché mondial.
Ainsi, la mondialisation
montre son vrai visage. L'essor des nouvelles technologies, bases d'une nouvelle
économie devant assurer une croissance sans fin, n'a abouti qu'à
une fièvre spéculative qui a fini en krach. Le libre marché
mondial devant apporter paix et prospérité est devenu le cadre
d'une concurrence effrénée entre les firmes multinationales et
entre les nations entraînant une montée des tensions internationales.
La lutte pour la domination du monde sous l'égide des Etats-Unis a provoqué
un essor sans précédent du militarisme et une nouvelle offensive
impérialiste.
Cette nouvelle phase du capitalisme combine la libre concurrence des capitaux
et des nations et la violence impérialiste pour la domination du monde
et le pillage des peuples. La mondialisation financière a entraîné
une mondialisation militaire qui crée un état de guerre permanent.
Toutes les bourgeoisies du monde sont entraînées dans une fuite
en avant sans fin qui exacerbe les contradictions fondamentales du capitalisme
à l'échelle de toute la planète.
C'est cette évolution même qui sape les bases matérielles
du réformisme. L'illusion en la possibilité d'un capitalisme régulé
par l'intervention d'un Etat est dissipée chaque jour à l'échelle
du monde par la rapacité de la bourgeoisie qui partout ravage la planète,
transformant tout en marchandise, en source de nouveaux profits, de nouvelles
spéculations. C'est la confrontation avec les conséquences mêmes
de la mondialisation libérale et impérialiste qui contribue à
transformer, à l'échelle du monde, les consciences, faisant émerger
la révolte contre l'ordre social, la nécessité de le combattre
pour le transformer.
La concentration du capital financier à l'échelle planétaire
dresse en face de lui une masse sans cesse accrue de prolétaires.
1995 : Un tournant dans la situation sociale et politique en France
En France, c'est
le gouvernement de gauche de Mitterrand-Mauroy, avec quatre ministres communistes
jusqu'en 1984, qui a pris l'initiative de mener l'offensive libérale.
Pendant 15 ans, les attaques se sont multipliées à travers des
plans d'austérité qui ont entraîné le blocage des
salaires, des réductions des dépenses publiques, dans un contexte
où se sont multipliés les plans de licenciements comme dans la
sidérurgie.
Devant ces attaques menées par les partis de gauche dont le PCF, avec
la complicité des directions syndicales qui ont muselé toute expression
de contestation dans leur rang, la démoralisation a gagné nombre
de militants ouvriers. Alors que le Front National, de groupuscule qu'il était,
gagnait une influence de masse, le nombre de salariés syndiqués
est passé de 23 % en 1973 à 9 % en 1995.
1995, marque une rupture.
Aux élections présidentielles d'avril 1995, Arlette Laguiller dépasse les 5 % sur la base d'une campagne autour " d'un plan d'urgence pour les travailleurs ". C'est la traduction sur le plan électoral d'une évolution des consciences d'une fraction de la classe ouvrière et de la jeunesse devant la dégradation de la situation sociale et du fait de l'écurement face à la politique des partis de gauche au gouvernement.
Le retour de la
droite au pouvoir, avec l'élection à la Présidence de Chirac
et la formation du gouvernement Juppé, libère nombre de militants
de la paralysie des années précédentes. L'annonce de la
réforme des retraites, déclenche un vaste mouvement de grève
en novembre-décembre 1995 contre le plan Juppé. Pendant plusieurs
semaines, les manifestations massives et dynamiques scandant " Tous
ensemble ! " se multiplient dans tout le pays, permettant aux
militants de se retrouver, de mesurer leur force, de reprendre confiance.
Malgré l'absence de politique des directions syndicales, le mouvement
remporte une victoire en faisant reculer provisoirement le gouvernement sur
les retraites. Des dizaines de milliers de travailleurs ont vérifié
dans la grève et dans la rue que l'action collective peut transformer
le rapport de forces. A travers cette grève, une nouvelle conscience
se forge dans la lutte contre les dégâts de l'offensive capitaliste.
La situation nouvelle ouverte par les luttes de 95 et l'accélération des ruptures des salariés avec la gauche transforment en profondeur le contexte social et politique
1997 : La gauche plurielle au gouvernement : approfondissement des ruptures
et développement des résistances
Deux ans seulement
après son arrivée au pouvoir, Chirac dissout l'Assemblée,
de nouvelles élections législatives donnent la majorité
à la gauche " plurielle " et ouvrent une nouvelle
période de cohabitation entre la droite, avec Chirac à la présidence,
et la gauche, avec le gouvernement Jospin auquel participent PC et Verts. Cette
situation accélère les ruptures en cours du fait de la multiplication
et de l'aggravation des attaques
Alors que de 1997 à 2001, plus de 1000 plans sociaux sont annoncés
chaque année, le gouvernement de la gauche plurielle poursuit l'offensive
libérale, au nom de la " modernisation sociale ".
Les lois Aubry sur les 35 h imposent annualisation et flexibilité,
remettant en cause au passage de nombreux droits. Allègre annonce qu'il
veut " dégraisser le Mammouth ", provoquant
un large mouvement dans l'Education. Guigou instaure le Pare contre les chômeurs
accusés de ne pas chercher de travail.
La lutte contre les licenciements devient alors la question sociale et politique
essentielle.
En 97, contre la fermeture de Renault-Vilvorde, 70 000 personnes ont manifesté
à Bruxelles. En décembre 1997, pour la première fois, les
chômeurs se mobilisent massivement pour dénoncer la situation qui
leur est faite et exiger, entre autres, des minima sociaux à hauteur
du Smic.
Les annonces de suppressions d'emplois en même temps que les augmentations
du cours des actions et des profits, donnent une légitimité de
plus en plus grande à l'idée d'interdiction des licenciements
défendue par Arlette Laguiller en 95. Le débat traverse les milieux
militants, la revendication est reprise bien qu'elle pose le problème
de la nécessité d'empiéter sur la propriété
privée pour pouvoir interdire les licenciements et contrôler les
comptes des entreprises.
En 2001, après le krach de la nouvelle économie, les annonces
de plans de licenciements se multiplient : Lu-Danone, Marks & Spencers,
Moulinex. Reflétant l'évolution de conscience d'une fraction des
militants, une manifestation rassemble, à l'initiative de l'Intersyndicale
LU en lutte contre un nouveau plan social, malgré le boycott des confédérations,
plusieurs dizaines de milliers de personnes pour exiger l'interdiction des licenciements.
Le chômage
pesant sur tous les salariés, la précarité, et les petits
boulots explosent, notamment parmi la jeunesse ouvrière. De nouvelles
luttes apparaissent parmi cette fraction la plus exploitée de la classe
ouvrière avec les grèves des précaires de chez MacDo, de
Pizza Hut, d'EuroDisney, ou les femmes de ménage immigrées du
groupe Accor
Parallèlement, témoin de la prise de conscience que cette évolution
est la conséquence de la mondialisation libérale, le mouvement
altermondialiste se développe à travers une série de grandes
manifestations qui mobilisent une fraction de la jeunesse à l'occasion
des sommets internationaux des puissances impérialistes en affirmant
qu'un " autre monde est possible ".
1999 - 2002 : Une possibilité d'émergence d'un pôle révolutionnaire
pour cristalliser les ruptures en cours
Ces évolutions
se traduisent sur le plan électoral dans la persistance des scores de
l'extrême gauche. Ainsi, aux Régionales de mars 1998, pour la première
fois, plusieurs élus de LO et de la LCR entrent dans les Conseils régionaux.
Et en 1999, la campagne commune LO-LCR aux élections européennes
permet, sur la base d'un scrutin proportionnel, d'envoyer cinq députés
révolutionnaires au Parlement européen.
Toute la situation sociale pousse au regroupement des révolutionnaires
pour formuler une politique en rupture avec la gauche gouvernementale
le succès électoral de la campagne européenne commune confirme
cette possibilité mais aucune des deux organisations n'a réellement
un tel regroupement comme perspective. Cette contradiction reflète la
difficulté pour les organisations révolutionnaires de prendre
la mesure de la nouvelle période, de surmonter leurs divisions héritées
des décennies précédentes où chacune a dû
se construire en marge du mouvement ouvrier réel, en luttant contre le
stalinisme, la difficulté pour formuler une politique dans la perspective
d'un dépassement de l'extrême gauche.
Les élections
présidentielles du 21 avril 2002 vont confirmer les évolutions
en cours.
Devant le refus de LO d'envisager une candidature commune aux Présidentielles,
la LCR décide de présenter Olivier Besancenot. Même désunie,
l'extrême gauche totalise plus de 10 %, ce qui reste un score inédit
pour les révolutionnaires. Mais la rupture qui s'est approfondie après
5 ans de gouvernement de la gauche plurielle se traduit surtout par l'effondrement
des partis de gauche, et notamment du PCF, entraînant la présence
de Le Pen au second tour.
Face au " séisme politique " provoqué par
Le Pen, l'extrême gauche divisée est incapable d'opposer un " Front
révolutionnaire " au " Front républicain "
qui se met en place de la droite à la gauche pour canaliser la colère
de la jeunesse et sa politisation.
Reflétant
les contradictions de la situation politique, ces élections où,
pour la première fois, l'extrême gauche a fait plus de 10 %,
où s'est exprimé le désaveu de la gauche social-libérale,
dans un contexte de forte mobilisation politique dans la rue, (il y aura ainsi
plus de 1,5 million de manifestants le Premier mai) se terminent par un plébiscite
pour Chirac !
Mai-juin 2003 : une nouvelle remontée des luttes
confrontée à ses limites politiques : l'absence d'un projet
de transformation sociale
Fort de la passivité
des directions syndicales et des partis de gauche qui ont appelé à
voter pour lui, Chirac peut amplifier l'offensive contre le monde du travail.
La " réforme " des retraites que la gauche
a préparée, est engagée, en y associant les syndicats qui
déclarent partager le diagnostic et la nécessité d'une
réforme.
Mais le mouvement contre la réforme des retraites et la décentralisation
qui éclate en mai-juin 2003 bouscule la donne. La mobilisation a démarré
contre l'avis des directions confédérales, alors engluées
dans la politique du diagnostic partagé, mais dès lors, la CGT,
FO, la FSU, l'UNSA doivent suivre le mouvement tiré en avant par de nouvelles
équipes militantes. De nouvelles formes d'organisation de démocratie
ouvrière se créent à l'initiative de militants d'extrême-gauche,
exprimant le besoin de la prise en main de la lutte par ses acteurs eux-mêmes
de même que des collectifs interpro qui affirment l'unité nécessaire
des salariés du public et du privé.
Si, au cours de la lutte, s'est exprimée une méfiance réelle
vis-à-vis des appareils syndicaux et politiques, en l'absence d'une direction
alternative, en absence de son propre projet social et politique, le mouvement
reste désarmé et marque le pas quand le texte de loi arrive devant
le Parlement.
2004 : Les limites de candidatures communes LO-LCR ne se situant que sur le
plan électoral pour porter la perspective d'un " parti des luttes
et des grèves "
Dans la continuité du mouvement contre les retraites, la LCR et LO présentent des candidatures communes aux élections régionales et européennes de 2004, sur la base d'un programme d'urgence sociale et démocratique en s'affirmant pour " le parti des luttes et des grèves ". Mais, l'accord reste limité au seul plan électoral. Aucune des deux organisations ne prend appui sur une campagne commune militante pour porter la perspective d'un regroupement des révolutionnaires en vue de la construction d'un parti des travailleurs à laquelle Arlette Laguiller avait appelé en 95, la LCR n'intégrant pas l'accord dans la perspective d'une force politique nouvelle et LO arguant des faibles forces, même unies, de l'extrême gauche.
Et sur le seul terrain électoral, c'est le réflexe du " vote utile " qui joue pour exprimer le rejet des attaques libérales de la droite, ce qui permet le succès électoral des partis de gauche. Mais les ruptures restent profondes et se traduisent sur le terrain social par des luttes qui se durcissent.
2005 : La possibilité d'une contre-offensive qui reste entravée
par l'absence d'une politique indépendante pour le monde du travail
Dans ce contexte, la victoire du Non au référendum est l'expression du rejet des politiques libérales, qu'elles soient défendues par la droite ou la gauche. Mais ce succès ne pouvait suffire à modifier le rapport de forces sociales ni entraver l'offensive du gouvernement.
Devant la multiplication
des attaques du gouvernement et du patronat, des luttes ont lieu, parfois marquées
par une nouvelle radicalité. Mais la plupart d'entre elles se traduisent
par des défaites. Ni les partis de gauche, ni les directions syndicales
ne veulent leur donner la perspective d'un mouvement d'ensemble du monde du
travail s'opposant à la politique de la bourgeoisie. La combativité
des salariés d'EDF ou de la SNCM ne peut compenser l'absence de perspectives
politiques, et leur lutte, en restant prisonnière des limites du syndicalisme
et du corporatisme, du fait de l'absence d'une politique unitaire de généralisation
des luttes, ne peut faire face à la détermination de la bourgeoisie.
La crise des banlieues de novembre 2005 est le reflet de la dégradation
de la situation sociale, et révèle la profonde rupture entre la
fraction de la population la plus touchée par la crise et tous les partis
gouvernementaux qui, de la droite à la gauche, soutiennent l'état
d'urgence, comme le manque de perspective.
Au cur des contradictions et des conflits, l'émergence d'un parti
des travailleurs
Malgré les échecs des dernières luttes, les conditions d'une crise sociale et politique s'accumulent. La moindre lutte sur le terrain social se heurte à la politique libérale de la bourgeoisie menée par les partis de droite comme de gauche. La situation pose donc comme une urgence cruciale la nécessité de l'unité pour préparer une offensive globale du monde du travail sur le terrain social et politique. La question de l'unité s'impose comme un besoin essentiel.
La construction
d'un mouvement d'ensemble passe par l'unité dans les luttes en dépassant
les corporatismes, les clivages public-privé, salariés-chômeurs,
et les divisions entre organisations syndicales et politiques, héritées
de la période précédente. Mais cette unité dans
et pour les luttes implique que, en toute indépendance des institutions
et des partis qui ne raisonnent que dans ce cadre, se formule une politique
pour l'ensemble du mouvement social.
La question de l'unité est indissociable de l'affirmation d'un projet
politique, d'un programme pour les luttes qui articule la question sociale et
une perspective politique. D'où l'importance de mettre en avant la nécessité
d'un plan d'urgence social et démocratique, non comme un programme gouvernemental
mais un programme autour duquel pourra se construire l'unité du monde
du travail. C'est à travers la discussion démocratique la plus
large, avec tous les militants, sur la nécessité de ne compter
que sur l'organisation des travailleurs pour imposer un tel plan, que les consciences
pourront s'armer, les ruptures s'approfondir, et le mouvement social se forger
son propre programme. C'est dans la confrontation avec le patronat mais aussi
avec l'Etat et les partis gouvernementaux, que ces évolutions de conscience
pourront aller jusqu'au bout des ruptures avec les illusions réformistes
pour se cristalliser en une nouvelle conscience de classe, révolutionnaire.
C'est pour cela que la question de l'unité du mouvement social doit s'articuler avec une politique unitaire pour regrouper autour d'un pôle anticapitaliste la fraction la plus consciente, qui est déjà gagnée à l'idée que la satisfaction des exigences du monde du travail ne peut qu'aboutir à une confrontation directe avec l'Etat et ses institutions, et qu'il s'agit de s'y préparer.
L'évolution de la situation, au cours de la décennie, a eu des répercussions sur l'extrême gauche qui a progressé sur le plan militant et électoral. Même si les organisations révolutionnaires restent minoritaires, jamais elles n'ont eu une telle audience, du fait essentiellement du changement de rapport de force vis-à-vis du PC. Mais jusqu'à présent, les progrès de l'extrême gauche sont plus le fait de la transformation même de la situation objective que le résultat d'une politique consciente de construction vers un parti révolutionnaire.
L'évolution
de la situation politique et sociale a rendu toute leur actualité à
la lutte de classes, aux idées du marxisme révolutionnaire face
à l'effondrement du stalinisme, à la faillite des illusions réformistes
et à la catastrophe sociale engendrée par le développement
de la mondialisation.
Une étape reste à franchir pour qu'un projet de transformation
révolutionnaire s'affirme au-delà du seul terrain électoral,
et devienne un axe de regroupement des militants en rupture avec les partis
de gauche, à la recherche d'une politique pour préparer la riposte
du monde du travail.
Cela implique de prendre toute la mesure de la situation nouvelle, des nouveaux
clivages qui se sont renforcés dans la dernière décennie
et d'oser se situer dans une perspective de dépassement des organisations
d'extrême gauche telles qu'elles sont aujourd'hui.
Il s'agit de concentrer les transformations et les acquis de ces dernières
en un projet politique pour l'ensemble du mouvement ouvrier.
La situation est
ouverte car, comme cela est apparu à chaque nouvelle mobilisation, des
réseaux de lutte existent depuis les grèves de novembre-décembre
1995, qui se sont développés, renforcés qui ont acquis
toute une expérience à travers des échecs et des succès.
Dans ces nouveaux réseaux militants qui dépassent les cadres corporatistes
et syndicaux, les militants révolutionnaires peuvent agir dans le sens
de l'unité, en ayant une politique pour accompagner, anticiper les évolutions
de conscience en cours, en construisant des rapports démocratiques, sur
la base d'engagement réciproque.
C'est à travers la consolidation et le développement de tels réseaux
militants sur la base d'une politique de classe clairement formulée,
que toute l'expérience accumulée depuis une dizaine d'années
peut contribuer à un renouveau du mouvement ouvrier.
Et l'enjeu, dans l'année ou les années à venir, est de
réussir à travers une telle politique, à formaliser en
un nouveau parti du monde du travail les potentialités qui se sont accumulées
durant la décennie passée.
2005 se finit, vive 2006 !
Charles
Meno