Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°93
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16
février 2006
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Sommaire : | ||||||||||
Mettre en échec le gouvernement sur le CPE - Construire un tous ensemble contre le chômage et la précarité | ||||||||||
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Mettre
en échec le gouvernement sur le CPE
Construire
un tous ensemble contre le chômage et la précarité
Après
le vote par l'Assemblée nationale du CPE, sous la forme d'un amendement
à la loi sur l'égalité des chances, dans la nuit du 8 au
9 février, c'est l'ensemble de celle-ci que Villepin a fait passer sans
discussion, quelques heures plus tard, en utilisant le 49-3.
La loi a donc été " adoptée " par l'Assemblée
juste à la veille des vacances des parlementaires. A la rentrée,
le 21 février, les députés débattront de la motion
de censure déposée par le PS sur l'ensemble de la politique gouvernementale.
L'examen du projet de loi par le Sénat, initialement prévu le
28 février, a été avancé, sur la demande du gouvernement,
au 21 février. Passage en commission paritaire, recours probable du PS
devant le conseil constitutionnel, c'est à la mi-avril que, légalement,
la loi, si nous n'obtenions pas d'ici là son retrait, entrerait en application.
Au-delà du passage en force que constitue le recours au 49-3, c'est bien
un simulacre de démocratie qui s'est révélé, une
fois de plus, au Parlement.
Fort de cette petite ruse offerte par une constitution anti-démocratique,
Villepin qui a déclaré, en engageant la responsabilité
du gouvernement, " L'approbation du contrat première embauche
après une véritable discussion démocratique est une bonne
nouvelle pour l'emploi des jeunes dans notre pays. Je tiens à saluer
cette étape décisive dans la bataille pour l'emploi ",
croit pouvoir traiter la contestation des salariés et des jeunes par
le mépris.
La
jeunesse donne le ton
Mais cela, comme ses mensonges cyniques ou ceux de ses ministres qu'il a envoyés
prêcher la bonne parole de la " modernisation " auprès
des jeunes, n'a fait que renforcer la mobilisation des lycéens et des
étudiants qui réclament le retrait du CPE. La grève, les
blocages de facultés et les manifestations, se sont étendus après
Rennes, Toulouse, Lyon, et d'autres villes moins importantes, à Brest,
Nantes, Tours et La Rochelle, dans les académies qui ne sont pas encore
en vacances. Une grève active, avec l'objectif d'informer non seulement
les autres lycéens ou étudiants mais aussi l'ensemble de la population,
en occupant des gares, des carrefours ou les centres villes.
La loi sur l'égalité des chances, c'est aussi, entre autres, l'apprentissage
à 14 ans, et le travail de nuit dès 15 ans, le contrat de responsabilité
parentale avec la suppression des allocations familiales aux familles dont les
enfants seraient trop souvent absents à l'école ou " incivils ".
Un ensemble de mesures prises, aux dires du gouvernement, pour apporter des
solutions à la crise des banlieues, qui ne peuvent, en réalité,
avoir d'autre résultat que renforcer la ségrégation sociale
et la discrimination à l'égard des plus pauvres. Une loi qui crée
une autorité de lutte contre les discriminations dans le même temps
que sont déployées dans les banlieues 20 compagnies de CRS qui
ont pour mission de patrouiller, par petits groupes, et dont on sait quelles
humiliations, cent fois répétées, ils font subir aux jeunes,
en premier lieu, aux jeunes issus de l'immigration. Dans le même temps
aussi que le nouveau projet de loi de Sarkozy sur l'immigration " choisie "
prévoit d'aggraver comme jamais les conditions de séjour des travailleurs
étrangers en France, faisant d'eux d'éternels sans-papiers, d'éternels
sans droits. Un projet de loi dont Villepin a tenu à dire, dans une longue
interview donnée au Figaro le 13 février, qu'il avait " trouvé
un bon équilibre ".
D'autant plus grand prince avec son rival Sarkozy, Villepin, qu'il croit tenir
l'occasion de s'affirmer comme l'homme fort de la droite, en accélérant
le rythme des réformes libérales et, mieux encore, en venant à
bout de la contestation de ceux que Franz-Olivier Giesbert, l'éditorialiste
du Point appelle avec hargne, " le choeur des vestales du
statu quo et des marchands de bonne conscience ".
Front
commun contre le CPE et la politique du gouvernement
Jusqu'à présent, le gouvernement avait pu mener, pour le compte
du patronat, son entreprise de destruction des droits sociaux grâce à
l'inertie des partis de gauche et des directions syndicales.
Mais les uns comme les autres, aujourd'hui, s'affirment déterminés
à mener la lutte contre le CPE, et exigent son retrait. Non sans arrière-pensée
électorale pour un PS qui a bien besoin de se refaire une image de gauche,
par crainte du discrédit pour les directions syndicales. Mais tant l'appel
des partis de gauche issu de leur sommet du 8 février -tenu dans la perspective
des échéances électorales de 2007- que l'initiative d'une
grande journée de manifestation, le 7 mars, à l'appel des syndicats
de salariés et des syndicats et associations de la jeunesse, ouvrent
une possibilité de construire la mobilisation engagée par le 7
février et le mouvement étudiant et lycéen.
Construire la mobilisation car, pas plus que le 7 février, les directions
syndicales n'ont pour l'instant annoncé les moyens d'assurer le succès
du 7 mars. FO seule a d'ores et déjà indiqué qu'elle appellerait
à la grève, les autres réservent leur décision,
toutes d'accord, de surcroît, pour n'avoir d'autre mot d'ordre que ceux
centrés sur le CPE.
Il n'empêche, discuter et convaincre sur le CPE, ne peut se faire sans
discuter de la volonté du patronat et du gouvernement de précariser
davantage encore les travailleurs, et d'en finir, à travers le CPE comme
le CNE, avec le contrat à durée indéterminée pour
balayer les quelques droits qui empêchent encore les patrons de d'embaucher
et de licencier comme ils le veulent. C'est en réalité toute la
politique du gouvernement et du patronat qu'il s'agit de mettre en accusation.
L'appel unitaire issu du 8 février ne dit-il pas d'ailleurs : " Dans
quelques mois, si un coup d'arrêt n'est pas marqué maintenant,
la droite imposera son projet complet : le démantèlement
du code du travail avec la disparition du CDI " ? Aucune
mention de ce fait pourtant évident ne figure dans le texte des organisations
syndicales. Il faut dire que celles-ci sont déjà engagées
dans la concertation voulue par le patronat et le gouvernement pour réformer
le code du Travail, alors que Villepin n'a pas caché, de son côté,
son intention de consulter les " partenaires sociaux " sur
le contrat de travail.
Quoi qu'il en soit, ces deux appels se limitent à la dénonciation
de la politique du gouvernement sans s'engager ni sur les " solutions "
à la sauce du PS (emplois jeunes et autres variétés de
contrats précaires) ni sur les trouvailles de certains syndicats qui
s'adaptent par avance aux réformes libérales. Ils peuvent servir
de base à la mise sur pied de collectifs unitaires les plus larges possible
afin de mener une campagne politique, convaincre l'opinion qu'il est possible
de mettre le gouvernement en échec sur le CPE, faire du 7 mars, dans
l'immédiat, une journée de grèves et de manifestations
la plus massive possible.
Il s'agit, comme lors de la campagne contre la constitution européenne,
de mener la bataille d'opinion, dans les quartiers, les entreprises, les lycées
et les facultés, mais sur un sujet sur lequel, d'emblée, c'est
toute la population qui peut se sentir concernée, car c'est le problème
du chômage et de la précarité qui est en cause.
Une campagne encore plus populaire que celle sur la constitution européenne,
qui a heureusement dépassé les limites d'un appel des 200 marqué
par des raisonnements cantonnés à l'antilibéralisme et
par trop institutionnels.
Une
campagne unitaire, démocratique, contre le chômage et la précarité
Tandis que, dans la jeunesse, se confirme, après le mouvement lycéen
de l'an dernier, l'émergence d'une nouvelle génération
militante, nous pouvons aider à la constitution de collectifs militants,
unitaires et démocratiques, à travers lesquels militants, salariés,
chômeurs, jeunes, en discutant des problèmes de la mobilisation,
de ses suites, de ses mots d'ordre, peuvent tisser des liens solides et acquérir
une expérience précieuse.
Nous y défendrons la nécessité de préparer une contre-offensive
de l'ensemble du monde du travail, attentifs aux rythmes de la mobilisation
et aux transformations de conscience, nous y discuterons des solutions au chômage
et à la misère, de nos mesures d'urgence sociale et démocratique,
nous aiderons ainsi à la constitution de ce parti qui manque tant au
monde du travail, aussi fidèle à ses intérêts que
la droite l'est à ceux du Medef.
Mais pour l'heure,
faisons du 7 mars un succès, une démonstration de la force du
mécontentement, un pas décisif pour forcer le gouvernement à
reculer.
Galia
Trépère
48ème
congrès de la CGT :
un syndicat pour le renouveau de la lutte des classes
ou pour l'accompagnement des reculs ?
Le
48è congrès de la CGT se prépare alors qu'une crise profonde
traverse tout le mouvement ouvrier : échecs des luttes, faiblesse
des rangs syndicaux malgré un début de renouveau, absence de perspective
politique de changement.
Cette crise est particulièrement sensible dans la CGT, où de nombreux
militants sont inquiets face à l'impuissance des salariés, malgré
les luttes et la combativité, à mettre un coup d'arrêt à
la casse patronale dont l'offensive redouble en ce début d'année
avec la mise en place du CNE, du CPE et les attaques annoncées contre
le Code du travail.
De nombreux militants de la CGT, dont nous sommes, se posent des questions sur
la stratégie de leur Confédération qui semble plus soucieuse
de chercher des solutions " raisonnables ", d'accompagner
les reculs, sous prétexte de limiter la casse, plutôt que d'appeler
avec résolution à reprendre l'offensive pour reconstruire un rapport
de forces par la construction d'un mouvement d'ensemble.
Deux documents sont proposés à la discussion pour ce congrès
qui se déroulera en avril 2006 : le rapport d'activité (supplément
Le Peuple n° 1622 de décembre 2005) et le document d'orientation
(supplément Le Peuple n° 1623 de janvier 2006).
Nous voulons ici donner une appréciation critique sur ces textes et,
en regard, les propositions qu'il nous semble nécessaire de débattre
pour commencer de répondre à la situation.
Ce premier article abordera les conséquences de la mondialisation sur
le mouvement syndical, dont la question de l'internationalisme. Nous aborderons
la semaine prochaine la question du programme revendicatif et des luttes.
Combattre
la mondialisation capitaliste
ou s'y adapter ?
Le document d'orientation
analyse les résultats de la mondialisation sur la situation des salariés :
" Créé pour solidariser les salariés et les
rassembler sur leurs revendications communes, le syndicalisme est percuté
de plein fouet par les mutations du travail, l'importance du chômage et
de la précarité, les effets de la mondialisation ".
Effectivement, nous sommes confrontés dans les entreprises à une
situation nouvelle qu'il nous faut comprendre. Le texte ne nous y aide guère.
La mondialisation n'est pas un choix de tel ou tel gouvernement. Elle correspond
à une offensive généralisée contre l'ensemble du
monde du travail et des peuples, menée par les capitalistes pour maintenir
leur taux de profit, à partir des années 80.
En France : 10 millions de licenciements en 20 ans (de 1980 à 2000)
et généralisation de la précarité avec l'intérim.
Le patronat a utilisé le chômage à son avantage pour faire
payer au monde du travail la crise de son propre système.
Face à cette offensive, que dit le texte d'orientation - I 23, page 7-
? " la mondialisation est un défi majeur que le syndicalisme
doit relever afin qu'elle soit porteuse de progrès social, de paix, de
démocratie ".
Comme si le rapport de force n'existait pas ! Comme si la mondialisation
pouvait être " porteuse de démocratie "
quand la dictature du capital et du taux de profit ne supportent pas d'autre
politique que la démolition des rares acquis sociaux.
La mondialisation est une évolution du capitalisme lui-même qui
généralise à toute la planète la " concurrence
libre et non faussée " de la force de travail tout en ouvrant
de nouveaux marchés par des politiques de privatisations massives destinées
à fournir aux actionnaires de nouvelles sources de profits.
Pour alimenter le capital financier et les actionnaires, les entreprises doivent
dégager toujours plus de bénéfices d'une année sur
l'autre. Il faut donc baisser toujours davantage le coût du travail, par
tous les moyens : baisses des " charges sociales ",
licenciements, etc. C'est la logique même du système : pour
que le CAC 40 batte des records chaque année, il faut en permanence
la promesse de meilleurs profits au sein des entreprises, là où
se créent les richesses et la plus-value.
Face à cette offensive, le mouvement ouvrier n'a d'autres perspectives
que de défendre ses propres intérêts de classe jusqu'au
bout, au risque sinon de se retrouver dépendant des capitalistes et de
tous ceux qui expliquent que, face à la concurrence, il faut faire des
sacrifices.
Beaucoup nous parlent de " l'horizon indépassable "
du capitalisme, au nom du fait que l'URSS a disparu. Comme si le règne
de la bureaucratie issue du stalinisme avait quelque chose à voir avec
le socialisme ! La lutte de classe est toujours là, nous le voyons
tous les jours. Mais la lutte contre le capitalisme semble absente des perspectives
qui nous sont proposées !
Certes -on nous le dit souvent- le rôle du syndicat n'est pas de se substituer
au politique, puisque nous regroupons des salariés qui ont différentes
conceptions politiques, philosophiques...
Est-ce que, pour autant, sur le terrain qui est le nôtre, nous avons abdiqué
de la perspective de changer la société ?
Dans le contexte de la mondialisation financière, cela signifierait se
contenter d'aménager le recul.
Les capitalistes ont un projet pour mener leur propre offensive. Pour résister,
notre syndicat doit avoir le sien.
Cela n'apparaît aucunement dans les textes qui sont proposés au
débat.
En 1905, la CGT se prononçait pour l'abolition du salariat, pour la socialisation
des grands moyens de production. Aujourd'hui, nous devons dire qu'un autre monde
est possible, où les richesses serviraient à garantir à
tous l'emploi, la culture, la santé, l'environnement, à permettre
le libre accès aux services. Une société où la population
décide et contrôle l'application de ses choix
Page 14, du document
d'orientation, est abordée la question des relations entre le mouvement
syndical et les organisations politiques.
La CGT ne craint pas - I 127, page 14 - : "
dans ces débats,
d'assumer les convergences et les divergences avec quiconque
".
Le problème n'est pas seulement de débattre, mais de rechercher,
chaque fois que possible, toutes les convergences de lutte avec tous ceux, partis
politiques ou associations qui, se situant dans le camp des opprimés,
se battent pour des revendications sociales et démocratiques concernant
telle ou telle revendication du monde du travail.
C'est ce qui a été fait, par exemple, en Gironde, en créant
un Comité de Défense des Libertés, regroupant militants
syndicaux, politiques et associatifs, autour de la défense des postiers
de Bègles. Comme nos camarades des entreprises LU, qui, en 99, avaient
impulsé un regroupement large contre les licenciements et réussi
une importante manifestation à Paris. Manifestation, à laquelle
la CGT avait refusé de se joindre, pour ne pas mélanger, nous
a-t-on dit alors, le syndical et le politique.
De la même façon, c'est avec les mêmes arguments que B. Thibault
justifiait l'idée que la Confédération n'aurait pas à
donner de consigne de vote sur le TCE. Politique qui a été démentie
par la base de la CGT et les travailleurs eux-mêmes.
- I 128, page 14-
il est dit : " Sauf circonstances exceptionnelles, elle (la
CGT) ne donne plus de consignes de vote lors des échéances électorales. "
On comprend l'allusion aux débats qui agitent bien des militants à
la base, notamment ceux issus du PC ou membres de ce parti, qui n'ont pas oublié
le désastre occasionné à la CGT dans les années
80 par son soutien aux gouvernements de gauche !
Mais une telle affirmation ne nous protège de rien. A commencer par la
remontée des illusions électorales, face au sentiment d'échec
des luttes. Sentiment sur lequel surfent les organisations de gauche qui préparent,
pour 2007, une nouvelle version de gouvernement dont nous avons toutes les raisons
de nous méfier.
Le problème n'est pas celui des consignes électorales, mais de
notre indépendance syndicale totale vis-à-vis de tout gouvernement.
Celui d'aujourd'hui, comme ceux de demain. Et, de ce point de vue, les raisons
d'être inquiets pour bien des militants sont fondées, quand on
voit aujourd'hui le suivisme de toutes les directions syndicales, y compris
de la CGT, vis-à-vis du gouvernement actuel : diagnostic partagé
sur la Sécu, simulacres de négociations auxquelles on se prête
complaisamment malgré le redoublement des attaques, B. Thibault allant
" négocier " avec Villepin, pendant que nos camarades marins
de la SNCM subissaient l'attaque du GIGN
Une
internationale syndicale, oui, pour les luttes
La nécessité de reconstruire une internationale syndicale est
affirmée. Décision 5, I-104, page 12 du document d'orientation
:
" Le congrès approuve la démarche entreprise par
nombre de Confédérations de divers continents, dont la CGT, qui
se sont engagées dans la construction d'une nouvelle organisation syndicale
mondiale. "
Répondre aux défis de la mondialisation qui met tous les travailleurs
du monde, de l'Europe, en concurrence les uns avec les autres, nécessite
d'organiser la résistance, la lutte au niveau d'une arène plus
large dépassant les régions, les nations et frontières.
Face aux délocalisations, à l'alignement des conditions sociales
par le bas, il nous faut un programme de revendications au niveau de l'Europe
: SMIC européen, élévation des conditions du travail, temps
de travail, salaires, protections, vers les conditions les plus favorables.
S'il est proposé de renforcer les liens avec la Confédération
Européenne des Syndicats, pas un mot n'est dit sur le fait que cette
organisation accompagne la politique libérale des patrons.
Se servir de toutes les possibilités existantes de rétablir et
renforcer les liens internationaux entre les salariés est juste. Mais
pour quelle politique ?
On parle de " peser " sur les Etats, les Parlements, les
institutions, mais l'idée de renforcer la lutte des classes, de l'organiser
au niveau international, n'est jamais clairement affirmée.
Être partie prenante de la CES, pourquoi pas, mais à condition
de garder notre liberté de critique, de s'y battre pour un syndicalisme
de lutte de classe, contre le capitalisme, le libéralisme, pour l'organisation
des luttes au-delà des frontières.
On a pu voir à l'occasion du référendum sur le TCE combien
la CES se situe entièrement sur le terrain du libéralisme, comme
beaucoup de directions syndicales européennes, telle la CFDT en France.
C'est ce cours qu'il s'agit de combattre, et non d'y céder, comme était
prête à le faire la direction de la CGT, si la voix de la base
ne s'était pas imposée pour appeler à voter non.
Les débats lors de la discussion sur le référendum, et
le résultat du référendum lui-même, ont montré
que, dans les rangs ouvriers, dans la CGT, un nouvel internationalisme est en
train d'apparaître. Les luttes, ces dernières années, ont
souvent pris un caractère international, Renault Vilvoorde, transporteurs,
métallurgistes allemands et, tout récemment, dockers européens.
Des liens internationaux existent, entre les fédérations syndicales,
dans les trusts, entre les militants syndicaux de divers pays. Les manifestations
internationales, tant celles contre la guerre, que contre la directive Bolkestein,
le 19 mars 2005 à Bruxelles, permettent de se retrouver, de renforcer
ces liens. Il faut saisir toutes ces occasions pour renforcer le courant du
syndicalisme de lutte de classe.
L'unité
ambiguë des directions syndicales contre Bolkestein
Le 14 février vient de nous offrir une nouvelle occasion d'affirmer cet
internationalisme ouvrier et les perspectives d'une possible lutte commune,
au niveau de l'Europe contre les méfaits du libéralisme.
Nous étions 40 000 manifestants à Strasbourg, des milliers
dans plusieurs villes d'Europe, de plusieurs nationalités et syndicats,
à défiler pour dénoncer cette directive Bolkestein, qui,
relookée ou pas, imposerait de toute façon un grave recul social
de plus pour les travailleurs de toute l'Europe.
Mais, dans ces manifestations, si le refus des militants et des salariés
de l'alignement des conditions sociales vers le bas était bien visible,
apparaissait aussi toute l'ambiguïté des directions syndicales qui,
lors des prises de parole, évoquaient ensemble la perspective d'une amélioration
du texte plutôt que son abrogation pure et simple. Comme si on se préparait
à s'incliner devant le compromis en préparation au Parlement.
D'ailleurs, John Monks, président de la CES, en tête du cortège
de Strasbourg, a déclaré " Nous manifestons pour
des services pour tout le peuple, et pas pour des services seulement pour gagner
de l'argent " et " notre but était de créer
un barrage entre ce libéralisme excessif, contre cette foi quasi religieuse
dans le pouvoir du marché libre. " On voit que, s'il est
bien obligé d'infléchir son langage en fonction de la colère
des salariés qui s'exprime, il évoque surtout " l'excès
de libéralisme ", lui qui, il y a quelques semaines avait
appelé à voter oui au référendum sur le TCE.
Quelques semaines après la grève et la combative manifestation
des dockers de toute l'Europe qui a fait reculer le Parlement européen,
cette politique du compromis et du syndicalisme d'accompagnement affiche son
impuissance.
A l'heure de la mondialisation financière, le syndicalisme ne pourra
pleinement jouer son rôle que s'il renoue avec la lutte de classe sans
craindre de remettre en cause la propriété privée capitaliste.
Denis Seillat, Gérard Villa