Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°108
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1
juin 2006
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Sommaire : | ||||||||||
Un an après le rejet du TCE, Changer la vie par les luttes ou par le bulletin de vote | ||||||||||
Discussion autour du manifeste : Mondialisation de la concurrence entre les travailleurs et renaissance du mouvement ouvrier | ||||||||||
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Un
an après le rejet du TCE,
Changer la vie par les luttes ou par le bulletin de vote
Double anniversaire
cette semaine, de la victoire du Non au TCE le 29 mai 2005
et de la réponse
de la bourgeoisie et de Chirac pour faire payer cette gifle, l'arrivée
de Villepin, dont les postures n'ont jamais caché qu'il était
là pour poursuivre et accentuer les attaques contre les travailleurs.
Un an après, du côté du non, c'est aussi persiste et signe !
Le sondage paru mardi dans Libération, montre que 98 % revoteraient
non aujourd'hui. Les défenseurs du oui peuvent ironiser sur les divisions
des partisans du non, l'heure est toujours au rejet de l'offensive patronale
et gouvernementale.
Il est vrai qu'ils peuvent s'appuyer sur le décalage entre les préoccupations
électorales pour 2007 d'une partie des forces regroupées autour
du non de gauche, et celles du monde du travail : comment lutter contre les
licenciements et le chômage, résister à la précarisation
de toute la société, à l'exclusion de la jeunesse des quartiers
pauvres, dont les affrontements à Montfermeil sont un révélateur
supplémentaire.
La victoire du non, l'action des collectifs, auraient pu être un point
d'appui pour contribuer à changer le rapport de forces, en aidant la
préparation d'un mouvement d'ensemble dont la manifestation du 10 mars
2005 et la lutte des lycéens contre la loi Fillon indiquaient la nécessité
et la possibilité.
Ils sont restés, pour beaucoup, prisonniers de l'illusion que le bulletin
de vote pouvait changer les rapports de forces et, qu'en conséquence,
le prolongement du succès du Non se situait d'abord et avant tout sur
le terrain électoral. De ce fait, les collectifs ne se sont pas donné
les moyens de contribuer à l'unité pour les luttes ou de jouer
un rôle dans le mouvement contre le CPE et la loi égalité
des chances dans le sens de l'extension du mouvement. Ils étaient prisonniers
des préoccupations électorales des principales forces politiques
de la gauche du Non, d'abord le PC.
Les réunions qui ont eu lieu à l'occasion de cet anniversaire
du 29 mai montrent leur faiblesse, conséquence de ce qu'ils sont devenus
essentiellement des cadres de négociations entre ambitions présidentielles
rivales mais
unitaires, bien que le collectif national ait décidé,
lors de la réunion des collectifs le 13 mai, de ne pas s'engager dans
ce débat en tant que tel. Il y a là un échec préjudiciable
au mouvement social qui mérite discussion tant il est évident
que, loin de se laisser capter par l'horizon 2007, les forces militantes s'engagent
dans la résistance contre les attaques, contre les licenciements avec
en ligne de mire l'horizon de la préparation d'un mouvement d'ensemble.
Et leur intervention dans les élections ne peut avoir d'autre objectif
que d'y contribuer, d'armer les travailleurs et les jeunes, de les aider à
se regrouper.
Le débat
entre anticapitalisme et antilibéralisme prend son contenu concret. Il
ne s'agit pas d'une querelle de mots, mais de savoir quels sont les moyens pour
changer le rapport de forces : les luttes ou les élections ? Et la question
de l'unité en découle : alliance électorale ou unité
pour les luttes ?
La lutte de classes lève les illusions et montre pourquoi l'antilibéralisme
ne peut être efficace que s'il est conséquent, c'est-à-dire
s'il s'en prend aux causes mêmes des problèmes, le capitalisme
et la politique des classes dirigeantes.
Le débat se poursuit dans les discussions et sur le terrain. Beaucoup
de militants, notamment au Parti communiste, jurent ne pas vouloir recommencer
l'union de la gauche. Certainement, mais dans les faits, à partir du
moment où ils ne voient pas d'issue hors des élections et des
combinaisons parlementaires, ils restent sur le même terrain que le PS
: les institutions, la voie électorale, un bon gouvernement de gauche
Et c'est bien ce que dit M-G. Buffet quand elle défend le rassemblement
de " l'ensemble des forces de gauche ", en voulant jouer des rapports
de forces pour que le programme ne soit pas le social-libéralisme du
PS. Mais la question du rapport de force ne se pose pas qu'avec le PS mais principalement
entre les travailleurs et le patronat. Là est la vraie discussion.
Pour faire bouger les choses, il faut changer par les luttes sociales et politiques
le rapport de force entre les classes populaires et les classes dominantes.
Pour le PS, il ne saurait en être question. Les choses sont claires, Hollande
rendant hommage au " capitalisme familial " de Michelin déclarait
: " il y a comme une leçon : le capitalisme, quand il est maîtrisé,
organisé, fidèle à son pays, voire même à
sa région, peut aussi réussir à l'échelle du globe,
sans pour autant être inhumain, oublieux des principes ". Oui, il
parle d'Edouard Michelin, qui en septembre 99 annonçait 20 % d'augmentation
des bénéfices et 7500 licenciements, devant lesquels Jospin s'était
déclaré impuissant.
Pas de faux semblant chez les sociaux-libéraux : Strauss-Kahn se veut
le champion de la compétitivité et du " leadership de la
France ", Royal admire Blair. Chérèque de son côté
se dit prêt à discuter avec le Medef de la remise à plat
des contrats de travail.
Alors, faire pression sur eux ? Nous partageons cet objectif, mais comme face
à Villepin il a fallu faire pression pour qu'il retire le CPE, comme
face à un patron pour s'opposer aux licenciements, imposer une augmentation.
Quelles autres armes avons-nous, que celles de la lutte de classe pour imposer
les exigences du monde du travail à ceux qui détiennent les commandes
de l'économie ?
Depuis 25 ans, les voies du parlementarisme et des alliances électorales
avec le PS n'ont été que le chemin des reculs. Il faut en tirer
jusqu'au bout les leçons.
La bourgeoisie est à l'offensive. Pour alimenter la Bourse, satisfaire
les actionnaires, prévenir les krachs, il lui faut toujours davantage
baisser le prix de la force de travail : licencier, précariser, casser
les droits acquis. EADS veut jeter à la rue les milliers de salariés
travaillant pour la Sogerma, Dim licencie 404 salariés, à la suite
d'Hewlett-Packard, Ford et tant d'autres. Parisot s'entretient avec ses partenaires
sociaux pour préparer le " livre blanc " des réformes
économiques et sociales souhaitées par le Medef. Les profits eux
explosent : 30 milliards de dividendes pour les actionnaires du CAC 40 pour
l'année 2005, et qui vont retourner gonfler un peu plus la bulle financière.
Le capitalisme engendre la catastrophe sociale qui plonge le monde du travail
dans la misère et ouvre la voie à l'extrême droite.
Face à cette offensive, il est urgent de se regrouper pour faire échec
à Sarkozy, à la montée du populisme de droite et d'extrême-droite.
Mais pour mener cette bataille politique et sociale, il ne faut pas oublier
que la gauche et ses capitulations leur ont préparé le terrain,
que les cinq années de gouvernement Jospin ont amené Le Pen au
deuxième tour de la Présidentielle, puis au vote de la gauche
pour Chirac, présenté comme le sauveur de la république.
L'urgence, pour cette bataille, est de se dégager des illusions électorales
qui lient les mains, pour affirmer les intérêts et les exigences
des salariés, des chômeurs, des jeunes, des précaires. C'est
de défendre un programme anticapitaliste, des mesures d'urgence pour
imposer le partage du travail et des richesses, sous le contrôle des travailleurs.
Les élections ne sont qu'un instrument pour populariser ce programme,
travailler à donner confiance à tous les exploités.
Franck
Coleman
Discussion
autour du manifeste :
Mondialisation
de la concurrence
entre les travailleurs et renaissance du mouvement ouvrier
Les années 90 ont marqué un nouvel approfondissement de l'exploitation
du salariat à l'échelle mondiale. Dans les pays comme la Chine
ou l'Inde qui émergent comme puissances industrielles, un nouveau prolétariat
surexploité, sans droits, s'est développé. En Europe centrale
et orientale, dans les pays du Maghreb ou des Caraïbes autour du Mexique,
les investissements des multinationales, transforment des millions de paysans
et travailleurs pauvres indépendants en prolétaires, rejetés
par millions sur le marché du travail, mis en concurrence avec les salariés
des pays riches, eux-mêmes soumis aux délocalisations, aux restructurations
et à la sous-traitance.
Baisser toujours plus les coûts du travail pour élargir les marges
de profits, dégager de nouvelles plus-values, telle est la course sans
fin des financiers et des multinationales qui dominent le marché mondial.
Cette fuite en avant semble sans limite, intégrant toujours plus de pays
" à bas coût de main d'uvre "
dans la production capitaliste.
Le phénomène de prolétarisation qui a été
à l'origine du capitalisme à la fin du XVIIIème et au XIXème
siècle en Angleterre en mettant des millions de paysans ruinés
à la disposition des capitalistes et qui fait qu'aujourd'hui dans les
pays comme la France 90 % des travailleurs sont des salariés, s'étend
maintenant à toute la planète. La mise en concurrence d'un nombre
toujours croissant de prolétaires intégrés à la
production capitaliste mondiale ne cesse de creuser les inégalités
entre pays riches et pays dits en développement ou du " Sud "
comme au sein des pays riches eux-mêmes.
La nécessité de faire obstacle à la concurrence que les
capitalistes entretiennent entre les salariés fut à l'origine
de la lutte pour le droit de se " coaliser ", de la construction
des premières organisations ouvrières.
Comment aujourd'hui les travailleurs du " Nord " et du " Sud "
peuvent-ils imposer des limites à la logique de fuite en avant du profit
qui exacerbe la concurrence entre eux ? Ces limites peuvent-elles prendre
la forme d'une régulation du système qui interdirait les zones
de " non-droit ", d'exploitation forcenée des travailleurs ?
Les déclarations des organisations internationales ne manquent pas dénonçant
la rapacité des multinationales exploiteuses, pollueuses, destructrices,
mais comment imposer les droits des salariés et des populations avant
celles du profit et des multinationales ?
Ce débat nous place au cur de la discussion sur les moyens de répondre
aux attaques de la bourgeoisie contre les droits sociaux et démocratiques
conquis par les luttes, qui sapent les bases matérielles du réformisme
dans les pays riches, et contraignent les opprimés à trouver de
nouvelles réponses.
La prolétarisation et la mise
en concurrence des salariés à l'échelle mondiale, un produit
de la mondialisation capitaliste.
Les multinationales, poussées par la concurrence exacerbée sur
le marché mondial, ont joué un rôle clé dans la mise
en concurrence des travailleurs d'un bout à l'autre de la planète,
ces vingt-cinq dernières années.
Leur offensive sur le marché mondial remonte à la fin des années
70, quand la bourgeoisie, confrontée à une baisse des taux de
profits, a dû trouver des solutions. Alors que la concurrence faisait
rage sur le marché mondial, elle n'a pu renverser la tendance qu'au prix
d'une offensive contre les salariés et les peuples, mettant en uvre
une politique visant à abaisser le coût du travail. Cette politique
s'est traduite dans les pays industrialisés par les attaques auxquelles
les salariés sont confrontés depuis plus de vingt ans : des
millions de licenciements, l'aggravation des conditions de travail dans les
entreprises pour augmenter la compétitivité des salariés,
les attaques contre le droit du travail qui ont conduit à la précarisation
et à l'exclusion.
En même temps que la bourgeoisie procédait dans les pays riches
à des vagues de licenciements, à des attaques en règle
contre les droits du travail et les protections sociales, la logique de la concurrence
la poussait à jouer sur les différences entre les coûts
du travail et de niveaux de vie entre régions, pays et continents, déréglementant
la finance, le commerce, la production et le travail, et mettant en concurrence
les travailleurs du monde entier en les intégrant dans une production
mondiale sortant du cadre restreint des Etats nationaux.
La stratégie des multinationales repose sur le recours à la sous-traitance,
aux délocalisations et aux investissements directs dans les pays pauvres,
pour abaisser toujours plus leurs coûts de main d'uvre. Elles ont
contourné les législations du travail dans les pays riches en
faisant appel à des sous-traitants utilisant des salariés peu
protégés et précaires. Elles ont parallèlement développé
la sous-traitance dans les pays pauvres où les coûts de main d'uvre
sont dérisoires comparés à ceux des pays industrialisés.
Dans les années 2000, le salaire d'un travailleur mexicain de l'habillement
s'élevait à 1,6 dollar quand un salarié américain
touchait 8,7 dollars. Les multinationales ont aussi développé
une vaste politique d'investissements directs et de délocalisations d'entreprises
ou d'ateliers dans les pays pauvres, y transférant une partie non négligeable
de leur production, principalement dans les secteurs de l'électronique,
les communications, l'automobile, le textile ou l'industrie de l'habillement.
La part représentée par les investissements internationaux orientés
vers ces pays a ainsi augmenté de 41 % de 1989 à 1994 puis de
19 % jusqu'en 2000.
Cette politique des groupes industriels se combine avec le développement
de zones franches, " maquiladoras " en Amérique du
Sud ou " zone économique spéciale " en Chine.
Dans ces zones, les capitalistes cherchent à faire régner l'absence
totale de droit du travail et les conditions d'exploitation les plus dures.
L'industrialisation dans les pays pauvres ne se limite plus aujourd'hui à
de l'assemblage ou à des productions peu qualifiées. Les impératifs
de productivité imposent, y compris dans ces pays, des technologies avancées
et des producteurs qualifiés. Volkswagen-Skoda a ainsi choisi de consacrer
la production exclusive de ses modèles haut de gamme Audi TT à
son usine de Györ, en République Tchèque
L'usine de
production de Renault en Slovénie est considérée comme
l'une des plus performantes du groupe.
Cette politique expansionniste des multinationales dans le cadre de la déréglementation
du commerce et de la finance rejette dans les rangs du salariat des masses grandissantes
de paysans et de petits producteurs indépendants des pays non industrialisés.
Pour faire face à la concurrence, gagner de nouveaux marchés,
les multinationales sont engagées dans un élargissement de la
production qui intègre ces masses pauvres au prolétariat. Un prolétariat
d'autant plus exploité et sans droit que la lutte pour les marchés
fait rage. Dans l'Angleterre des XVIIIème et XIXème siècle
au début de son industrialisation, l'industrie capitaliste avait ainsi
ruiné des millions de petits paysans qui ne pouvaient faire face à
la concurrence, les contraignant à vendre leur force de travail, les
arrachant à la campagne et les réduisant à vivre dans le
surpeuplement misérable des quartiers industriels des grandes villes.
C'est ce même phénomène qui se produit aujourd'hui à
une échelle bien plus vaste, celle de l'ensemble de la planète.
Des millions de paysans d'Inde, d'Asie, d'Amérique latine ou des périphéries
de l'Europe sont de même ruinés par la concurrence des firmes multinationales
de l'agriculture capitaliste et de l'agro-alimentaire, rejetés dans les
rangs du prolétariat, contraints de vendre leur force de travail pour
des salaires de misère.
La " marchandisation du monde ", c'est d'abord et avant
tout la marchandisation accrue de la force de travail à une échelle
inégalée. C'est la logique même du capitalisme, de la concurrence,
qui pousse au développement anarchique des forces productives, à
l'intégration de masses grandissantes dans le camp des prolétaires
et à leur mise en concurrence. Comme en Angleterre il y a deux siècles,
comme à chaque étape du développement du capitalisme, s'opère
la prolétarisation de millions d'hommes et de femmes, arrachés
à leur condition de paysans, de producteurs indépendants des campagnes
et des villages pour rejoindre les rangs des prolétaires dans les bidonvilles
des Mégalopoles à Shangaï, Calcutta, Mexico ou Rio de Janeiro
Mais en développant la production capitaliste hors des métropoles
industrialisées, les capitalistes y développent les moyens de
communication, les transports, les infrastructures des villes, où se
concentrent, dans des conditions dramatiques, des millions d'hommes et de femmes,
arrachés à la campagne et venus grossir les périphéries
des grandes villes du Tiers-Monde.
Mise
en concurrence les salariés à l'échelle mondiale et régression
sociale et démocratique.
Dans le rapport de forces actuel, défavorable aux travailleurs, leur
mise en concurrence à l'échelle du monde divise, individualise.
Cette politique pèse sur les salaires dans les pays riches, les conditions
de travail, sur les lois et les protections sociales, et aussi sur les droits
démocratiques.
Le développement d'un marché mondial du travail n'a pas cessé
depuis plus de 25 ans de peser sur le chômage, la précarité
et les salaires. Les transferts de production sous quelque forme que ce soit
ne sont plus un phénomène marginal. Dans l'ensemble de l'industrie
américaine de l'habillement, 740 000 emplois avaient été
supprimés entre 1970 et 1998, soit une baisse de 53 %, et le phénomène
continue, les délocalisations s'accélérant en particulier
vers le Mexique et d'autres pays des Caraïbes. C'est aussi le cas dans
l'automobile où les grosses firmes concurrentes ont concentré
leur capital à travers de gigantesques fusions-acquisitions et restructurent,
implantent dans les pays à bas coûts de main d'uvre des usines
ou des unités de production. La mise en concurrence mondiale des salariés
crée un alignement par le bas des conditions des salariés des
pays riches. Les menaces aux délocalisations, que n'hésitent pas
aujourd'hui à brandir de nombreux industriels, pèsent fortement
sur le niveau des salaires. Mais c'est aussi la concurrence directe des produits
importés massivement des pays pauvres, comme par exemple le textile chinois,
marocain ou tunisien qui, en imposant un effondrement des prix, pèse
sur les salaires des travailleurs des pays industrialisés. Quant au droit
du travail, il est menacé par les projets du type Bolkestein. Elle s'applique
dans les faits dans de nombreux secteurs des transports ou de la construction
navale.
La
mondialisation capitaliste crée un prolétariat moderne unifié
à l'échelle du monde
Loin de disparaître, comme certains s'étaient plu à le répéter,
le prolétariat ne cesse de grandir et de se renforcer.
" La société se divise de plus en plus en deux vastes
camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposés :
la bourgeoisie et le prolétariat " écrivait Marx.
Aujourd'hui cela est devenu une réalité à l'échelle
planétaire.
Un nouveau prolétariat, intégré à la production
capitaliste mondiale, émerge dans les pays pauvres, qui tend à
bénéficier des mêmes technologies, qualifications, culture
et moyens de communication que celui des pays riches. Car, dans leur fuite en
avant pour développer la production, rester les plus compétitifs,
les capitalistes qui transfèrent leur production vers les pays plus pauvres
transfèrent les savoir-faire, les technologies et dans les usines modernes,
hautement compétitives, en particulier dans les secteurs de l'informatique,
l'électronique ou des communications, ils ont besoin de travailleurs
qualifiés, formés, cultivés. Ce ne sont pas seulement des
usines de production que développent les firmes dans les pays pauvres,
mais aussi des centres de formation pour l'automobile en Argentine et dans les
pays de l'Est, l'électronique en Thaïlande ou en Malaisie, ou encore
l'informatique en Inde. Les technologies et les modes d'organisation du travail
transféré dans les pays pauvres étant de plus en plus évolués,
les écarts de coûts des salaires avec les pays riches sont aujourd'hui
beaucoup plus élevés que ceux des écarts de productivité.
Travailler aux Etats-Unis, en France, en Roumanie, en Chine ou au Mexique, pour
les mêmes multinationales, sur les mêmes chaînes et les mêmes
postes, crée un nouveau prolétariat unifié à l'échelle
du monde, pour lequel l'internationalisme prend un contenu et devient une réalité
concrète. La logique folle de la concurrence capitaliste dans sa phase
de mondialisation libérale impérialiste crée les bases
d'un nouvel internationalisme.
Construire
une nouvelle conscience de classe
Les bourgeoisies ont aggravé la concurrence internationale entre les
salariés sous la pression de leur propre concurrence. Cette concurrence
mondialisée sape les bases du compromis social qui assurait la relative
stabilité des grandes puissances, les profits tirés de l'exploitation
des pays pauvres ne permettant plus d'entretenir dans les pays riches cette
" aristocratie ouvrière " dont parlait Lénine.
Même si le niveau de vie des travailleurs des pays riches reste encore
nettement supérieur à celui des pays pauvres. Ce compromis social
basé sur les concessions que pouvait faire la bourgeoisie à une
fraction du prolétariat des pays riches, a fait long feu.
Quelles réformes sont aujourd'hui possibles quand depuis plus de 25 ans,
la bourgeoisie ne maintient ses profits qu'au prix de l'offensive qu'elle mène
contre les travailleurs et les peuples ? La bourgeoisie n'est plus en capacité
de concéder. Elle a au contraire en 15 ans, en France comme dans les
autres pays d'Europe, regagné 10 % du PIB au détriment du
salariat.
Le réformisme est né au début du siècle dernier
de l'intégration par la bourgeoise des organisations issues de l'activité
autonome des travailleurs à ses institutions. Tous les anciens équilibres
sociaux, juridiques, étatiques, découlant de cette période
sont aujourd'hui remis en question, ouvrant la voie à la construction
d'une nouvelle conscience de classe qui s'appuie sur les bouleversements en
cours dans le cadre de la production mondialisée et de la constitution
d'une classe ouvrière unifiée à l'échelle mondiale.
La concurrence entre salariés anglais et français, au XIXe siècle,
avait poussé les prolétaires à s'unir pour la combattre.
Elle avait fait avancer la conscience d'appartenir à une même classe,
aboutissant à la création de l'Association Internationale des
Travailleurs. Aujourd'hui, la mise en concurrence sur le marché mondial
contraint les salariés à trouver de nouvelles voies d'organisation
et de lutte. Les nouvelles organisations, ou le renouveau des anciennes, naîtront
de l'activité autonome des travailleurs au moment où disparaissent
les possibilités d'intégration, pour en finir avec la concurrence
et organiser la coopération des peuples.
Catherine
Aulnay