Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°114
13 juillet 2006

Sommaire :
Face aux convergences de la gauche et de la droite, aider à la convergence des luttes pour défendre les droits des travailleurs
Discussion autour du manifeste : L'enjeu du manifeste, définir une stratégie participant de l'organisation et de l'émancipation des travailleurs par eux-mêmes



Face aux convergences de la gauche et de la droite,
aider à la convergence des luttes
pour défendre les droits des travailleurs

Un récent article du journal la Tribune du 3 juillet notait non sans pertinence : " on relève dans l'esquisse des premiers projets de la gauche et de la droite pour 2007 des similitudes sur plusieurs propositions ", et de conclure : " Le risque pour le PS est que les électeurs de gauche soient déstabilisés par le manque de différenciation entre les deux projets. "
Le programme du PS se donne comme objectif de " réguler le capitalisme et cantonner le marché à la sphère économique ". Dans ce cadre là, au-delà des grandes déclarations creuses, il n'y a pas beaucoup de politiques différentes possibles. Et les propositions concrètes du programme du PS ne diffèrent guère, sur le fond, de celles de l'UMP.
Ainsi cette mesure phare du projet du PS, la hausse du Smic jusqu'à atteindre 1500 euros bruts mais pas avant la fin de la législature, a reçu récemment l'assentiment de... Chirac. Celui-ci a en effet parlé lors d'une intervention télévisée de poursuivre une politique de " coup de pouce " du Smic comme celui accordé au 1er juillet par Villepin pour parvenir, en cinq ans à un salaire minimum de… 1500 euros.
De même l'instauration d'une " sécurité sociale professionnelle " est un thème repris à la fois par le PS et par l'UMP. C'est même pour eux un des fondements de leur programme électoral, les uns et les autres ne jurant plus que par le modèle danois de la " flexisécurité ", qui est censé allier " la souplesse pour les entreprises et une sécurité accrue pour les salariés ". Si ni le PS ni l'UMP ne détaillent vraiment ce nouveau concept, l'exemple des 35h est là pour rappeler que " plus grande souplesse pour les entreprises " signifie plus grande précarité pour les salariés.
Et même sur la question des 35 heures qui est censée être le point de divergence entre le PS et l'UMP, les différences sont nettement moins fortes que ne le laissent entendre les discours. Le PS prône une généralisation prudente, " par la négociation entre les partenaires sociaux ", la loi n'intervenant qu'en dernier recours, en cas d'échec des négociations. Quant à l'UMP s'il tire à boulets rouges sur la réforme socialiste, il exclut de revenir totalement dessus, ne proposant que de nouveaux aménagements renforçant la flexibilité et ouvrant la possibilité d'allonger le temps de travail.
Cette similitude des programmes des deux grands partis institutionnels qui postulent à gérer les affaires de la bourgeoisie n'a finalement rien de surprenant. La mondialisation libérale ne laisse pas beaucoup d'espace pour envisager différentes politiques… Il n'y en a même fondamentalement qu'une, menée par tous les gouvernements d'Europe, de droite comme de gauche : remettre en cause, au nom de la modernisation indispensable pour faire face à la concurrence mondiale, tous les acquis sociaux des périodes précédentes en terme de droit du travail ou de protection sociale.

Ségolène Royal et Sarkozy, une démagogie populiste pour faire accepter des orientations convergentes
Cette convergence des programmes de la droite et de la gauche se retrouve d'ailleurs dans les surenchères démagogiques de leurs probables futurs candidats, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, qui multiplient depuis plusieurs semaines les déclarations sur le terrain du populisme le plus crasseux.
Faisant écho à la démagogie réactionnaire de Sarkozy, Ségolène Royal a multiplié les déclarations sur l'encadrement militaire des jeunes, sur le fait de " reconduire systématiquement hors de France, à leur sortie de prison, les délinquants dangereux ", sur l'insécurité pour ne se situer finalement que sur le terrain d'un populisme moralisant : " Il faut rétablir un ordre juste par le retour à la confiance, par le retour de repères clairs, par le bon fonctionnement des services publics, par des règles d'honnêteté (...) valables pour tous ".
Cela permet d'ailleurs à Patrick Devedjian, le conseiller politique de Sarkozy, de déclarer que Ségolène Royal incarne " la gauche moderne " et, non sans ironie, " qu'elle a raison de critiquer les 35 heures, qu'elle a raison de dire que la question de la sécurité est très prégnante. Elle devrait d'ailleurs dire qu'elle approuve Nicolas Sarkozy sur ces thèmes-là ".
Entre la droite qui parle de moderniser l'économie pour justifier ses attaques contre les jeunes et les salariés et cette gauche " moderne " qui veut masquer sa conversion au libéralisme au nom de la rupture avec les " clivages du passé ", il y a une profonde convergence qui est tout simplement due à la situation créée par la mondialisation libérale. L'offensive que la bourgeoisie mène depuis plus de vingt ans contre le monde du travail ne laisse guère de choix pour les partis qui défendent ses intérêts. Il n'y a aujourd'hui qu'une seule politique possible dans le cadre de cette mondialisation qui a sapé les bases du réformisme.
Le jeu politique institutionnel repose de plus en plus sur un bipartisme qui permet une alternance régulière sans que fondamentalement la politique menée par les gouvernements qui se succèdent ne change. Mais pour justifier les nouvelles attaques, les nouvelles remises en cause des législations sociales, les nouvelles privatisations, les nouveaux cadeaux aux patrons, les uns et les autres se livrent à une surenchère sur les thèmes du sécuritaire, du " patriotisme économique ", de la morale bien pensante qui vise à culpabiliser les classes populaires.

Face aux partis institutionnels au service des classes dirigeantes, défendre un plan d'urgence social et démocratique
C'est pour cela que face à ces politiques défendues par la droite réactionnaire comme par la gauche convertie au libéralisme, il nous faut opposer une politique se situant résolument sur le terrain des luttes, indépendante de la logique des appareils politiques et donc du terrain institutionnel.
Il s'agit d'aider tous ceux qui n'ont plus confiance dans les partis institutionnels dont ils n'attendent plus rien, à retrouver la confiance dans leur capacité à intervenir directement par leur mobilisation, par leurs luttes pour peser sur la situation.
Pour faire prévaloir les intérêts de la population sur ceux de la finance, pour imposer les mesures d'urgence sociale et démocratique qui seules pourraient mettre un coup d'arrêt au recul social et politique, il faudra inverser le rapport de forces sur le terrain de la lutte des classes.
Depuis une dizaine d'année, depuis les grèves de 95, le mouvement social s'est développé à travers une série de luttes dans lesquelles de nouvelles générations militantes ont accumulé une riche expérience d'organisation démocratique, de contournement des blocages des appareils syndicaux et politiques, de confrontation avec les institutions. Dans le même temps, l'audience de l'extrême gauche s'est considérablement élargie tant sur le plan électoral que dans le cadre même du mouvement social où il est désormais possible d'exercer une influence politique sur les militants notamment du Parti communiste.
Pour aider à la préparation du mouvement d'ensemble nécessaire pour inverser le rapport de forces, il nous faut œuvrer au regroupement de tous ceux qui résistent et militent pour les luttes et leur généralisation, dans leurs syndicats, dans les associations, sur leurs lieux de travail. Un tel regroupement ne pourra se faire qu'autour de la défense d'un plan d'urgence sociale et démocratique, conçu comme un programme pour les luttes. Car seules les luttes pourront imposer l'interdiction des licenciements, le retour aux 37,5 annuités pour tous, l'annulation des privatisations et l'extension des services publics, une augmentation des revenus de 300 euros, le droit au logement pour tous ou la régularisation de tous les sans papiers. Seules les mobilisations les plus larges pourront faire vivre une réelle démocratie en permettant à la population d'exercer son contrôle sur la marche de l'économie et de l'Etat.
C'est dans cette perspective que s'inscrit la candidature d'Olivier Besancenot pour une campagne unitaire et anticapitaliste qui s'adressera à toutes celles et ceux qui aspirent à mener ce combat pour œuvrer à la construction d'un front social et politique à même d'aider aux mobilisations contre le patronat et le gouvernement. Ce sera en même temps un point d'appui pour jeter les bases d'un regroupement des anticapitalistes, d'un parti pour les luttes du monde du travail et de la jeunesse.

Charles Meno

Discussion autour du manifeste :

L'enjeu du manifeste, définir une stratégie participant
de l'organisation et de l'émancipation
des travailleurs par eux-mêmes

Le mouvement de la jeunesse du printemps 2006 a remis au premier plan la question de l'auto organisation dans la lutte. Comment organiser les assemblées ? Qui décide des revendications et des moyens d'action ? Faut-il voter à main levée ou à bulletin secret ? Pourquoi élire des comités de grèves, une coordination nationale ? Quels rapports avec les syndicats ? Les étudiants en lutte ont fait partager ces problèmes pratiques et politiques qui visent à résoudre l'équation entre les moyens et les buts d'un mouvement. L'auto organisation s'est imposée comme une nécessité, ce qui ne signifie pas spontanément, pour aller jusqu'au bout des possibilités du mouvement, agir en fonction du rapport de force réel, de la volonté de ceux qui luttent. Elle est la condition pour surmonter les obstacles des appareils bureaucratisés et intégrés, pour permettre à chacun de participer consciemment au mouvement, de faire son expérience dans un cadre collectif.
De cette question découle de nombreux problèmes. Marx notait que " Parfois, les ouvriers triomphent ; mais c'est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs. ". Et il complétait, confiant dans les forces du monde du travail, " Cette organisation du prolétariat en classe, et donc en parti politique, est sans cesse détruite de nouveau par la concurrence que se font les ouvriers entre eux. Mais elle renaît toujours, et toujours plus forte, plus ferme, plus puissante "(1) . En écrivant le Manifeste, Marx incluait le programme et l'activité des révolutionnaires comme éléments de ce processus.
Nous nous situons dans la même démarche. Comment les révolutionnaires peuvent-ils contribuer à l'organisation démocratique et à la politisation des salariés ? Pourquoi le mouvement ouvrier a-t-il besoin d'un programme politique, y compris pour militer sur le terrain syndical ? Quel lien établissons-nous entre les syndicats, le parti révolutionnaire, et les assemblées de luttes ? Comment l'organisation des travailleurs peut-elle contribuer à leur propre émancipation ? Dans le cadre de la discussion sur le Manifeste, nous voulons apporter quelques éléments de réponses, qui ne peuvent prendre leur contenu que par notre capacité à les confronter à la réalité, les éprouver dans la lutte, en faisant l'expérience collective qu'" être révolutionnaire, c'est agir pour qu'ensemble les opprimés prennent en main leur destin "(2) pour conquérir le droit à jouir librement des richesses qu'ils produisent.

Ni fétichisme ni rejet, la continuité du mouvement
Ces tâches impliquent de se libérer des modèles tirés du passé qui ont longtemps dominés l'extrême gauche. " Le fétichisme de la forme d'organisation représente, si étrange que ce soit au premier regard, une maladie très fréquente précisément dans les milieux révolutionnaires. "(3) écrit Trotsky . C'est particulièrement vrai sur la question du parti, longtemps dominée par des caricatures construites par les révolutionnaires eux-mêmes, tirant de Que faire ? LE modèle d'un parti de militants professionnels, vision élitiste que beaucoup ont rejetée ensuite… en l'attribuant à Lénine, alors qu'elle est à l'opposé de ses conceptions.
On peut comprendre aujourd'hui que les révolutionnaires de la deuxième moitié du 20ème siècle ont trouvé des ressources dans ce texte écrit sous la dictature tsariste, alors qu'ils étaient eux-mêmes coupés de la classe ouvrière par l'hégémonie et la brutalité staliniennes. Ces conceptions étaient dans les conditions militantes, dans le cadre des rapports de forces politiques de la Russie, la seule façon de ne pas faire de l'auto-organisation une phrase creuse et vide de sens. Le stalinisme, lui-même, a imposé aux révolutionnaires des méthodes de combat face à la censure de la démocratie au sein du mouvement ouvrier qui ne correspondent plus aux besoins du moment.
Depuis l'effondrement de l'URSS, la domination des appareils s'est relâchée, et les révolutionnaires ont une plus grande latitude pour renouer avec la philosophie de Que faire ? (pas calquer une " méthodologie " !), la comprendre et s'en saisir pour agir dans la nouvelle période : construire un parti au cœur de la classe ouvrière, qui ne va pas lui apprendre ce qu'elle sait déjà, mais s'efforcer d'apporter une compréhension politique de la lutte de classes et de faire le lien avec la perspective révolutionnaire. En contestant la séparation des luttes syndicale et politique, en défendant au contraire l'unité des questions sociales et démocratiques, Lénine donnait les armes théoriques pour agir au cœur des évolutions du monde du travail, faisant le lien entre ses luttes immédiates et la conquête du pouvoir à venir.

Penser l'organisation comme l'œuvre des travailleurs
Nous nous inscrivons dans la continuité de cet engagement des bolcheviks, " ceux qui mettent l'agitation politique parmi tout le peuple, à la base de leur programme, de leur tactique et de leur travail d'organisation. "(4) .
Ce n'est qu'en étant partie prenante des résistances quotidiennes et des luttes des salariés que les révolutionnaires peuvent se renforcer, sur le plan organisationnel et théorique. Chaque acte militant, chaque campagne peuvent nous faire progresser, si on se donne pour but d'associer les travailleurs, d'expérimenter collectivement nos réponses, leur utilité pratique dans la lutte, pour que chaque pas en avant construise une conscience politique remettant en cause le pouvoir d'Etat et la propriété privée.
Comment une grève, pour les salaires, contre une injustice, peut donner naissance à des convictions anticapitalistes profondes, à l'engagement pour construire un parti révolutionnaire ? Cela dépend des capacités des révolutionnaires à discuter simplement de la compréhension des travailleurs de leur propre lutte pour faire le lien avec le fonctionnement global de la société d'exploitation, à rendre vivante l'idée de Marx que " Toute lutte de classes est une lutte politique "(5). C'est montrer qu'on peut transformer les rapports politiques autour de soi, et que c'est un point d'appui pour transformer le rapport de forces. Goûter ensemble à la liberté de la lutte collective qui émancipe du respect des autorités pour mieux les combattre. Faire vivre pratiquement au quotidien la démarche transitoire définie par Trotsky dans le Programme de transition.
Etre acteur des processus pour transformer les consciences, c'est aussi être convaincu de la nécessité de se transformer nous-mêmes, d'affiner notre programme, de renforcer nos capacités démocratiques et organisationnelles, parce que le parti révolutionnaire ne sera pas le simple grossissement des organisations existantes, mais le produit de leur dépassement, en associant largement les salariés et les jeunes, les nouvelles générations avec qui nous menons ces luttes, pour que le parti devienne pleinement le leur.

Une seule et même stratégie dans l'activité syndicale
Cette compréhension s'applique à toutes les formes d'organisations du mouvement ouvrier, à commencer par celles qui restent les plus larges aujourd'hui, malgré leur intégration aux institutions, les syndicats.
Face à un syndicalisme d'avocats qui font à la place des salariés, méfiant, voire hostile, à la construction de réels rapports de forces, il s'agit de se saisir de toutes les occasions pour agir ensemble, appeler les travailleurs à prendre en main leur résistance, à contrôler leurs organisations, à s'organiser pour que le cadre syndical soit le plus large, ouvert, unitaire et démocratique.
Gagner des salariés à mener avec nous la lutte syndicale implique de donner aux syndicats un visage radical, indépendant des institutions et des patrons, recherchant le contrôle des salariés, ce qui n'est réellement possible qu'avec une perspective de rupture avec le capitalisme, sinon on reste prisonnier du chantage patronal au nom du réalisme économique... et des routines qui vont avec.
Alors, il s'agit bien de défendre nos conceptions politiques dans les syndicats, dans le respect des autres positions. C'est bien aussi ce que défendait Marx, lorsqu'il écrivait " Jusqu'ici, les syndicats ont envisagé trop exclusivement les luttes sociales et immédiates contre le capital. Ils n'ont pas encore compris parfaitement leur force offensive contre le système d'esclavage du salariat et contre le mode de production actuel. … Il faut que les syndicats apprennent à agir dorénavant de manière consciente en tant que foyers d'organisation de la classe ouvrière dans l'intérêt puissant de leur émancipation complète "(6) .
Défendre nos perspectives politiques passe par la défense des revendications du plan d'urgence comme l'interdiction des licenciements, dans une démarche transitoire qui explique que la lutte syndicale ne peut réellement être victorieuse que si elle est prête à aller jusqu'au bout, c'est-à-dire à s'intégrer à une lutte de classes d'ensemble qui remet en cause la société d'exploitation.
On nous répond qu'on fait de la politique, qu'on touche à la question du pouvoir à laisser aux partis… mais l'exploitation salariée n'est-elle pas politique ? Il s'agit de mener ces débats, vaincre les préventions, montrer que refuser de poser les problèmes jusqu'au bout, c'est préparer l'échec, la négociation des reculs, à la manière des Thibaut et Chérèque.
Cette lutte quotidienne se tend au moment des conflits. Les mœurs bureaucratiques sont réticentes à l'intervention des travailleurs qui ne respectent pas les autorités " représentatives " installées. A chaque occasion, a fortiori dès qu'il y a grève, il nous faut agir pour que les travailleurs se saisissent de leurs propres affaires, décident eux-mêmes, ne se laissent pas déposséder. La démocratie et le contrôle dans la lutte sont les conditions et l'école pour apprendre à diriger nos propres affaires aujourd'hui, à construire les embryons du pouvoir démocratique et révolutionnaire de demain.

Notre stratégie, les assemblées démocratiques des travailleurs, des luttes… au pouvoir
Collectif, comité de grève, assemblée de quartier, de ville, soviet… le niveau de la lutte pose le problème de l'organisation qui y correspond. Dès qu'un groupe de salariés engage une bataille, l'organisation nécessaire est l'assemblée démocratique de ceux qui sont en lutte.
Ces assemblées sont indispensables pour organiser et diriger la lutte. Mener la bataille pour les construire, c'est faire ensemble les expériences nécessaires pour préparer les étapes suivantes. Mais, par elle-même, une assemblée ne garantit rien. Combien a-t-on vu d'assemblées où les militants syndicaux se contentaient d'une simple information aux salariés, venant pour faire entériner leur politique ? Il s'agit de militer aussi pour que les travailleurs s'approprient l'intégralité de leur combat, décident de leurs revendications, des moyens de les conquérir… et de se battre au sein des assemblées pour gagner la majorité à une politique pour que le mouvement aille au bout de ses possibilités, fasse l'expérience la plus utile pour l'organisation de l'ensemble de la classe ouvrière.
L'expérience du mouvement ouvrier montre que ce sont ces assemblées qui peuvent se transformer dans le cours de la lutte en instrument de pouvoir face au pouvoir de l'Etat de la bourgeoisie. La confrontation, poussée au niveau le plus élevé, peut amener ces assemblées à décider de se transformer en instrument de conquête et de renversement du pouvoir. Elles sont aussi les structures démocratiques qui permettent d'engager l'extinction de l'Etat, par l'action organisée des travailleurs eux-mêmes, assumant les tâches législatives et exécutives, sans séparation, organisant aussi les tâches de défense, de justice, etc.
Les ouvriers parisiens en ont fait la formidable démonstration en partant " à l'assaut du ciel " pendant la Commune de Paris, en 1871, la première expérience du pouvoir de la classe ouvrière. Ils ont payé un terrible prix de ne pas avoir pu mener jusqu'au bout l'affrontement pour briser l'Etat bourgeois.
Le prolétariat et les paysans pauvres russes ont poursuivi ce combat en s'organisant dans les soviets, des organes de luttes qui sont devenus entre février et octobre 1917, des instruments pour conquérir le pouvoir, et en s'emparant au cours de la révolution de la politique du seul parti prêt à " oser " cette conquête, pour reprendre l'expression du Rosa Luxembourg, le parti bolchevik.

Un manifeste pour être acteur de ces perspectives
" C'est à la tendance bolcheviste que revient le mérite historique d'avoir proclamé dès le début et suivi avec une logique de fer la tactique qui seule pouvait sauver la démocratie et pousser la révolution en avant : 'Tout le pouvoir aux masses ouvrières et paysannes, tout le pouvoir aux soviets' … C'est ce qui explique également pourquoi les bolcheviks, au début minorité calomniée et traquée de toutes parts, furent en peu de temps poussés à la pointe du mouvement… C'est là ce qui est essentiel, ce qui est durable dans la politique des bolcheviks. En ce sens, il leur reste le mérite impérissable d'avoir, en conquérant le pouvoir et en posant pratiquement le problème de la réalisation du socialisme, montré l'exemple au prolétariat international, et fait faire un pas énorme dans la voie du règlement de comptes final entre le Capital et le Travail dans le monde entier. En Russie, le problème ne pouvait être que posé. Et c'est dans ce sens que l'avenir appartient partout au bolchevisme "(7) écrit Rosa en 1918, c'est-à-dire à ceux qui veulent préparer consciemment cette étape, en construisant un parti prêt à mener jusqu'au bout les batailles démocratiques dans la classe ouvrière.
C'est cela que nous retenons du " bolchevisme ", de la philosophie de Lénine, certainement pas une conception élitiste, extérieure au monde du travail, mais un engagement plein et entier au sein même de la population, partageant sa vie, et ses luttes, tirant sa capacité à oser une perspective d'émancipation de l'affranchissement même de travailleurs conscients de l'utilité sociale de leur travail et qui, loin d'être dupes de l'exploitation qui en est faite, agissent quotidiennement avec professionnalisme dans l'intérêt de la collectivité.
La mondialisation capitaliste crée les conditions pour que les idées du socialisme et du communisme puissent féconder la lutte de classe de l'intérieur à un niveau jamais atteint par le passé. La phrase du Manifeste de Marx et Engels " les communistes n'ont point d'intérêt qui les séparent de l'ensemble du prolétariat " prend un contenu bien plus étendu qu'en 1847. Son contenu est au cœur de notre démarche.

Franck Coleman

  1. Manifeste du parti communiste
  2. Proposition de réécriture du projet de Manifeste de la LCR présentée par Cabral, Galia, Serge G. et Yvan
  3. Histoire de la Révolution russe, Octobre, chapitre Les bolcheviks et les soviets
  4. Que faire ?
  5. Manifeste du parti communiste
  6. Résolution sur les syndicats, 1er congrès de l'Association internationale des travailleurs, 1866
  7. La révolution russe