Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°115
20 juillet 2006

 


Halte à l'agression israélienne,
nouvelle étape dans la barbarie d'une " guerre sans limites "

L'offensive israélienne contre les Palestiniens et le Liban se poursuit, inexorablement, au prix de nouveaux drames humains et de destructions massives. La terreur s'abat à nouveau sur le Liban alors que continue le martyre de la bande de Gaza. Sûrs de la force de leur armée et du soutien des grandes puissances, les dirigeants israéliens poursuivent leurs objectifs, briser la résistance du peuple palestinien, dicter leur volonté au gouvernement libanais pour désarmer le Hezbollah. Ils sont engagés dans une escalade guerrière dont ils savent qu'elle risque d'entraîner une généralisation du conflit à l'ensemble du Moyen-Orient. Non seulement cela ne les gêne pas mais ils en assument les conséquences éventuelles. Leur stratégie s'inscrit dans celle des USA et des puissances européennes contre la Syrie et l'Iran. Elle pourrait donner l'occasion, sous couvert de lutte contre le terrorisme, d'un intervention militaire directe et à long terme des grandes puissances, au Liban, par la médiation de l'ONU. Elle est le début d'une nouvelle étape dans le redéploiement impérialiste engagé depuis le 11 septembre 2001, " une guerre permanente et préventive contre le terrorisme ".

Olmert, le chef du gouvernement israélien, a précisé à l'issue d'une rencontre à Jérusalem avec une délégation de l'ONU les conditions d'un éventuel cessez-le-feu : " Israël continuera de frapper les cibles de cette organisation [le Hezbollah] jusqu'au retour des militaires enlevés et que soit assurée la sécurité des citoyens israéliens. […] Israël exige la pleine application des principes établis par les membres du G8. Ces principes sont : la libération sans conditions des militaires enlevés et la pleine application de la résolution 1559, incluant le déploiement de l'armée libanaise à la frontière israélienne et le désarmement du Hezbollah ".

Il définit les objectifs d'un plan de bataille qui sont sans rapport avec de simples représailles ou des opérations militaires destinés à libérer les trois soldats israéliens prisonniers, un plan dont l'exécution pourrait provoquer des réactions en chaîne difficilement maîtrisables. Les dirigeants d'Israël comme ceux du G8 en ont pleinement conscience. Il apparaît même qu'afficher vis-à-vis de l'opinion publique mondiale qu'ils assument ces éventuels enchaînements qui impliqueraient la Syrie voire l'Iran fait partie de leur stratégie.

Et le fait que les pays de l'Union européenne ait refusé de mentionner ces deux Etats dans la déclaration du G8, contrairement à ce que souhaitaient les USA, ne change rien au fond. Ils s'alignent sur la politique de Bush, Chirac en premier et non sans zèle en se revendiquant des relations entre le Liban et la France.

" On est dans une vraie situation dangereuse, on est au bord du gouffre ", déclarait-il pour juger les réactions d'Israël " disproportionnées ". Réserves de pure forme, hypocrite façon de les légitimer.

Cette légitimité de l'ignoble agression perpétrée par Israël repose sur un mensonge officiel, défendu par tous les gouvernements des grandes puissances. " Israël a le droit de se défendre, a répété Bush, toute nation doit se défendre contre des attaques terroristes. C'est une nécessité du XXIéme siècle. "

Israël aurait le droit de se défendre mais pas les Palestiniens dont il nie le droit le plus élémentaire d'avoir une terre pour vivre.
Certes les attentats contre les civils prônés par les mouvements réactionnaires du Hamas ou du Hezbollah sont inacceptables et se retournent contre le peuple palestinien lui-même. Mais que dire de ce terrorisme d'Etat qui massacre les populations civiles, détruit les maisons ou les installations indispensables à la vie quotidienne.

Quel cynisme, quelle veulerie, que de justifier ce terrorisme d'Etat en dénonçant le combat désespéré des opprimés.
Les provocations ont été le fait d'Israël : 138 civils palestiniens, dont plusieurs dizaines d'enfants, ont été assassinés par les forces d'occupation au cours du mois de juin. Une telle escalade meurtrière ne pouvait pas rester sans réponse. Ce fut l'enlèvement le 25 juin du soldat Gilat Shalit.

Israël s'est refusé à toute négociation. Pire, son armée a arrêté un tiers des ministres du gouvernement palestinien, détruit des centrales électriques et des conduites d'eau potable. Cette escalade militaire ne pouvait qu'entraîner une réaction du Hezbollah. Ce fut le raid qui fit 8 morts du côté israélien et la capture de deux soldats.
Vengeance, crie aussitôt Israël, lui qui détient, hors de tout droit, prés de 10 000 prisonniers palestiniens et 2000 libanais.

Quoi que l'on pense par ailleurs de la politique des forces intégristes et religieuses, leur volonté d'obtenir en échange des soldats israéliens la libération de prisonniers palestiniens est pleinement légitime.

Le refus d'Isarël est dans la logique même de sa politique terroriste : nier aux Palestiniens le droit de se défendre parce qu'il nie leur droit élémentaire à avoir une terre pour vivre en paix. Il est pris dans l'engrenage sans fin de la loi du plus fort, obligeant le peuple palestinien à se soumettre à l'humiliation quotidienne de sa domination.

Tant que cette politique durera, il ne peut y avoir de " processus de paix ". Les négociations ne sont que l'occasion d'imposer de nouvelles concessions aux Palestiniens qui, aussitôt, servent de points d'appui pour une nouvelle offensive. C'est ce qui se passe une nouvelle fois, aujourd'hui. Et c'est cette politique d'oppression, d'humiliation qui pousse au désespoir du terrorisme et crée un terrain favorable aux intégristes religieux qu'Israël prétend combattre.

L'intégrisme islamiste est le complément de la politique de l'Etat religieux d'Israël en l'absence d'une intervention consciente d'un mouvement ouvrier démocratique. Celui-ci a été laminé par les politiques combinées des anciens partis staliniens et des nationalistes bourgeois.

Seule cette intervention consciente pourrait être en mesure d'offrir aux peuples une politique leur permettant d'unir leurs forces pour rompre la logique infernale du terrorisme et de la guerre en se retournant contre ceux qui les dominent, les oppriment et les embrigadent, chacun au nom de son dieu, comme au Moyen-âge.

" Il est urgent que la communauté internationale agisse pour faire la différence sur le terrain ", a déclaré Kofi Anan, souhaitant la mise sur pied d'un contingent doté d'un " concept opérationnel et des capacités différentes ". " Je compte sur des contributions de pays européens et d'autres régions ", a-t-il insisté pour préciser : " cette force sera plus importante, telle que je l'imagine, bien plus importante que la force de 2 000 hommes que nous avons là-bas ". Le mandat de la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban) expire le 31 juillet. Il est possible que l'ONU se propose pour faire la police au Sud-Liban après que l'armée israélienne aura accompli sa sale besogne. C'est la politique que soutient dès aujourd'hui la France, la droite et la gauche, en demandant le déploiement d'une force internationale au Liban sud, à la frontière avec Israël, force qui devrait avoir, selon Chirac, des " moyens de coercition ". Il semble aussi que ce soit le choix d'Israël que de laisser à l'ONU le soin d'occuper le Sud-Liban pour ne pas se piéger comme après 1982 dans une nouvelle occupation.

Une telle politique prétend " sauver le Liban ", si cher à Chirac, elle viserait surtout à l'associer, de gré ou de force, à la stratégie des USA et de son allié dans la perspective de construire un grand Moyen Orient entièrement soumis aux intérêts impérialistes.

Quels que soient les enchaînements à venir de la guerre, l'ONU semble vouloir aller plus avant dans l'alignement sur la politique américaine. Cette évolution est inscrite dans l'évolution politique internationale et rend encore plus dérisoires les vains appels à l'ONU ou à l'Union européenne. Ces dernières sont en fait alignées sur les positions de Bush, leurs dernières réticences sont en train de tomber d'autant que Bush pourrait bien laisser à l'Europe le soin d'assumer l'essentiel d'une éventuelle force d'interposition.

Les institutions internationales sont entièrement soumises à la défense des intérêts des grandes puissances, la seule pression pacifique et démocratique ne peut venir que des peuples eux-mêmes.

Dans les plans et calculs des dirigeants qui veillent à perpétuer leur domination, le sort du peuple israélien ne compte guère. Ils méprisent tout autant son droit à vivre en paix et en coopération avec ses voisins que celui des Palestiniens. Pour Bush et ses alliés, le peuple israélien est condamné à être un peuple guerrier pour des intérêts qui ne sont pas les siens, qui lui sont contraires et opposés.

La libre concurrence capitaliste s'impose par la force des armées, au mépris des peuples.

Une paix démocratique au Moyen-Orient ne sera possible qu'en brisant la tutelle des grandes puissances pour que les peuples reprennent aux armées le droit de décider de leur sort.

Cela ne saurait être la seule affaire des peuples du Moyen-Orient mais celle aussi des peuples dont les dirigeants participent à la domination du monde. Vivant au coeur d'une vieille nation coloniale toujours avide de prendre sa place au festin des puissants, nous sommes concernés au premier chef.

Halte à l'agression israélienne, solidarité internationale !

Yvan Lemaitre