Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°116
27 juillet 2006

Sommaire :
" De Gaza à Beyrouth, un seul peuple contre l'occupation ! "
Horizon 2007…



" De Gaza à Beyrouth,
un seul peuple contre l'occupation !
"

(Slogan scandé en arabe et en hébreu
lors d'une manifestation à Tel Aviv le 24 juillet)

Mercredi 26 juillet, alors que la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice arrivait à Rome pour la conférence des grandes puissances sur le Liban, les médias annonçaient la mort de quatre soldats observateurs des Nations unies, tués par des bombardements de l'armée israélienne au Sud du pays. Certains médias et Israël ont parlé de bavure, tandis que Kofi Annan dénonçait des frappes délibérées, appuyé par l'Union européenne qui s'est indignée d'attaques inacceptables contre le personnel de l'ONU. Bavure ? Provocation d'Israël ? Quoi qu'il en soit, comment même parler de bavure quand les bombes et les tirs israéliens anéantissent tout sous leur passage. En 13 jours, la guerre a déjà fait 374 morts dont 327 civils et elle a fait déplacer 700 000 civils. Des milliers d'entre eux n'ont plus accès à l'eau ou aux médicaments à cause du blocus maritime, aérien et terrestre imposé au pays par Israël. Les dizaines de tonnes de bombes larguées sur le pays ont déjà détruit les principales routes, de même que les ponts ou les centrales électriques, coupant de tout les populations prises au piège.

La brutalité de l'offensive israélienne, l'incompréhension et l'émotion qu'elle suscite dans l'opinion, ont obligé Condoleezza Rice à cette opération de diversion qu'a été la conférence de Rome, simulacre de négociations et de prise en compte de la situation humanitaire. Elle avait déjà dû se déclarer, lors de son passage éclair à Beyrouth lundi 24, " profondément préoccupée par la situation du peuple libanais et ce qu'il subit. Et… évidemment, inquiète de la situation humanitaire ", apportant dans ses valises 30 millions de dollars d'aide américaine, une aide ridicule face aux destructions perpétrées par l'armée israélienne et aux besoins des populations.

Hypocrisie et cynisme. La conférence de Rome a réaffirmé les exigences américaines et israélienne. Pas de cessez le feu. L'impérialisme américain reste sur sa politique : il veut imposer un accord global préalable incluant le retrait du Sud Liban des milices du Hezbollah, leur désarmement, et la restitution des trois soldats israéliens, continuant d'accréditer la thèse de l'agression terroriste du Hezbollah et du droit à la défense d'Israël. Les exigences du Hezbollah sur la libération des prisonniers sont un minimum mais il n'est pas question pour l'impérialisme de la moindre concession à ceux qui sont le prétexte de sa croisade contre les peuples.
Il est clair que l'enlèvement de ses trois soldats n'a fait que servir de prétexte à Israël pour une nouvelle offensive contre les peuples palestinien et libanais. Sa politique s'inscrit dans l'offensive que mène l'impérialisme au nom de la lutte contre le terrorisme lancée à l'échelle de la planète.

Condoleezza Rice a clairement affiché ses objectifs lors de sa visite au premier ministre israélien Ehoud Olmert à Jérusalem, mardi 25 : " Il est temps de construire un nouveau Moyen Orient. …La solution durable sera celle qui consolide les forces de la paix et de la démocratie dans la région ". Mais à l'inverse de la paix et de la démocratie que les dirigeants impérialistes promettaient au monde avec la victoire de l'économie de marché, leur politique sème partout dans le monde la guerre et la misère. Ils imposent les intérêts de la minorité possédante par la guerre " permanente ", la guerre " préventive ", celle des grandes puissances contre les travailleurs et les peuples, pour les soumettre, briser leur résistance. " Il est temps de dire à tous ceux qui ne veulent pas d'un nouveau Moyen-Orient que nous allons l'emporter, a précisé la secrétaire d'Etat américaine… Nous ne pouvons pas retourner au statu quo antérieur lorsque les extrémistes pouvaient décider à tout moment de prendre la vie d'otages innocents et utiliser leurs roquettes et leurs capacités ". C'est bien un redéploiement de l'ordre impérialiste dans la région que veulent imposer les dirigeants des USA et ceux d'Israël visant en particulier la Syrie et l'Iran, quel qu'en soit le prix, quelles qu'en soient les conséquences dont ils n'ont pas le contrôle. Et c'est bien la violence des possédants, leur terrorisme d'Etat qui rendent impossible toute issue démocratique, sèment la haine et créent le terrain pour les intégristes religieux et les dictatures.
Israël apporte une nouvelle démonstration que sa politique au service des plans américains, loin d'assurer la paix pour son peuple ne peut conduire qu'à une guerre sans fin.

La violence appelle la violence. Il ne peut y avoir d'issue que par l'intervention des peuples eux-mêmes. Le week-end dernier des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Stockholm, de Genève, de Paris ou de Londres pour demander l'arrêt des massacres, l'arrêt des bombes et le retrait d'Israël du Liban. Vendredi 21, ils étaient aussi des milliers dans le monde arabe au Caire, à Amman, à Tripoli ou à Khartoum à dénoncer l'agression d'Israël et la complicité des Etats-Unis et de l'Europe, affirmant " Oui à la résistance, non à la soumission ! ".

Et c'est aussi une partie de la population israélienne elle-même qui a osé défier le climat belliciste entretenu par l'armée et les extrémistes religieux en se mobilisant pour la paix, contre les massacres perpétrés par l'armée au Liban et dans la bande de Gaza. Après une première manifestation samedi 22, 6 000 manifestants sont redescendus le lundi 24 dans les rues de Tel Aviv, refusant d'être associés au massacre d'un peuple et de continuer à être victimes de l'Etat de guerre permanent dans lequel les maintient le gouvernement israélien depuis des dizaines d'années, demandant le retrait des troupes du Liban et scandant " Nous ne mourrons pas et nous ne tuerons pas au service des Etats-Unis ".

La contestation et la révolte que peuvent susciter la politique impérialiste sont seules susceptibles de rompre l'escalade guerrière et ses conséquences dramatiques. Cette politique sème partout dans le monde les guerres et la misère. Elle a transformé le Moyen Orient en champ de bataille, mais c'est aussi l'Afghanistan, l'Irak... Partout dans le monde, elle plonge dans la détresse et le dénuement des millions de travailleurs et de paysans qui, fuyant la guerre ou la misère sont contraints de s'arracher à leurs régions d'origine pour tenter de survivre en rejoignant les mégapoles des pays pauvres ou en venant s'échouer aux frontières des pays riches. Elle fait aussi la guerre à " ces gens " qui, comme le disait Chirac avec cynisme dans son discours du 14 juillet, parlant de l'Afrique, " lorsqu'ils seront deux milliards en 2040-2050, inonderont le monde ".

Impuissants à apporter la moindre solution aux drames que sa domination engendre, le capitalisme globalisé est engagé dans une guerre sans fin contre les peuples et les travailleurs pour perpétuer les immenses privilèges d'une petite minorité.

L'instauration de rapports démocratiques entre les peuples, condition d'une paix véritable, sont impossibles dans le cadre des rapports de domination impérialiste. Elle ne peut venir que de la lutte des peuples et des travailleurs pour s'en débarrasser.
La révolte et la contestation des peuples sont seules susceptibles d'imposer, à long terme, une paix démocratique au Moyen Orient et, aujourd'hui, de mettre en échec la politique de guerre d'Israël et de ses alliés impérialistes.

Halte à l'agression israélienne !

Catherine Aulnay

 

Horizon 2007…

A l'heure des départs en congés, pour ceux qui en ont, alors que ceux qui n'ont pu partir rêvent d'un moment de fraîcheur, avant que Débat militant ne prenne aussi quelques vacances, nous voudrions revenir sur les enjeux qui marqueront la rentrée et alimentent non seulement la chronique politique mais bien des débats au gré des rencontres ou retrouvailles estivales. Horizon 2007…

L'horizon 2007 capte le regard du petit monde politicien, après avoir quand même pris cinq minutes pour s'alarmer des morts de la canicule, de la situation d'urgence dans les hôpitaux et des conditions de travail sous ces chaleurs. Royal multiplie les visites régionales pour obtenir les ralliements des uns et des autres. Sarkozy cherche à se dépêtrer face à la mobilisation contre les expulsions de sans papiers. Et bien malin qui pourrait dire ce qui les différencie réellement, tant leur convergence est grande : même posture " humaine et républicaine " disent-ils, mélange d'attaques libérales, de démagogie sécuritaire et de mesures vaguement caritatives en guise de programme social.

Et la situation internationale tragique est là pour souligner à quel point la convergence est totale entre tenants de la " rupture libérale " à l'UMP et du social-libéralisme au PS. Jack Lang déclarait à propos du Liban : " nous soutenons la politique menée par les dirigeants français ", réclamant " une force d'imposition de la paix, dotée, comme l'a dit Jacques Chirac, de moyens de coercition ". Hollande a tenu à le souligner après la réunion convoquée par Villepin à Matignon, la droite comme la gauche raisonne du même point de vue, celui de la défense de l'ordre libéral et impérialiste.

L'horizon 2007, pour nous, est tout autre.
Face à tous les partis institutionnels qui défendent " l'ordre ", les luttes et les résistances des travailleurs, comme la campagne électorale, seront autant d'occasions pour affirmer une opposition ouvrière et populaire, socialiste et communiste, démocratique et révolutionnaire.
Cette perspective se nourrit de toutes les évolutions qui ont eu lieu à travers les luttes sociales et politiques depuis 1995 et résulte de leurs convergences.
La décennie Chirac s'achève, dans une fin de règne ridicule. Pour le mouvement ouvrier, elle aura été riche d'expériences qu'il s'agit aujourd'hui de capitaliser et de faire fructifier.

Riche d'abord par le renouveau des luttes face au recul social : mobilisations d'ensemble contre la casse de la sécurité sociale, des retraites, de l'éducation, de la santé, contre le CPE et la précarité, auxquelles il faut ajouter les résistances plus isolées des travailleurs contre les licenciements, des grèves pour les salaires. Et bien d'autres catégories sont aussi entrées en lutte pour leurs droits : paysans, pêcheurs, pilotes d'avion, lycéens, jeunes des cités pauvres, et même une grève dans la gendarmerie ! Les mobilisations alter mondialistes et contre la guerre en Irak en 2003 ont contribué à ce renouveau.
Bien sûr, les reculs et échecs ont été nombreux. Ils pèsent, mais sont autant d'expériences pour les luttes suivantes. A travers ces étapes, nous reconstruisons notre unité, celle du monde du travail pour défendre ses droits, et affirmer ses propres revendications, comme les 37,5 annuités pour tous défendues dans la rue en 2003, alors que les confédérations syndicales acceptaient les 40 annuités, et que le PS expliquait qu'il fallait bien réformer les retraites.

Car un des acquis de cette période, c'est bien une nouvelle indépendance de classe, vis-à-vis des directions syndicales et des partis de la gauche gouvernementale, bornés à l'horizon capitaliste et au " dialogue social " avec le patronat.
Cette indépendance s'est construite et renforcée par la mise en place de cadres démocratiques dans les luttes. Répondant d'abord au besoin de dépasser les cloisonnements, les collectifs interpros de 2003 ont permis d'unir mobilisation des secteurs public et privé, lutte des enseignants et des autres salariés pour les retraites. Ils sont devenus les lieux de discussion et de décision, tissant des liens qui ont servi à plusieurs reprises dans les batailles suivantes. Avec la lutte contre le CPE, la jeunesse a franchi une étape avec les assemblées générales d'auto organisation du mouvement, pour mener sa bataille jusqu'au bout, imposant pour la première fois depuis longtemps un recul important au gouvernement.

Autre acquis, le respect du parlementarisme recule et, avec lui, l'illusion que l'on ne peut changer les choses que par les élections. Après les leçons de 2003, quand la mobilisation n'avait pu se poursuivre au-delà du vote de la loi sur les retraites, laissant la gauche jouer sa comédie des amendements, la jeunesse de 2006 a là aussi fait un pas en avant, en se mobilisant pour faire retirer une loi déjà adoptée par cette prétendue " représentation nationale ".

Affirmation de nos droits, unité et auto organisation dans les luttes, indépendance vis-à-vis de l'Etat et des appareils intégrés au système, pour les travailleurs et ceux qui aspirent à exprimer politiquement leurs intérêts, ce sont ces acquis qu'il s'agit de capitaliser et de faire fructifier dans la perspective de construire un parti pour les luttes, porteur d'un projet socialiste et communiste.
Ces expériences éclairent l'actualité de nos idées. Non seulement, elles ne sont pas condamnées à être minoritaires, mais elles expriment les besoins du plus grand nombre et deviennent une force dans la lutte de classe.

Les transformations en cours sont indissociables de l'action des révolutionnaires plongés au cœur de ces batailles, contribuant à ces évolutions. Le plan d'urgence défendu par la LCR et LO, parfois ensemble, programme pour les luttes, encourage les mobilisations, contribue à la légitimité des revendications ouvrières face au patronat et à l'Etat. Et les luttes des travailleurs et de la jeunesse donnent plus de crédit à notre programme. L'interaction est évidente, dont les résultats électoraux sont un reflet. Les 5,3 % à la Présidentielle de 1995 et les 10,5 % en 2002 sont impossibles à séparer des luttes de cette période.

Mais ces transformations bousculent aussi les organisations d'extrême gauche, sortant d'une période où la censure imposée par les appareils réformistes et staliniens les avait coupés de la classe ouvrière. De là viennent les difficultés à concrétiser les opportunités nouvelles, à articuler présence électorale, influence dans les luttes et organisation des travailleurs, difficultés dont nous avons besoin de discuter, de faire les bilans pour les surmonter.

Tous les raisonnements et conceptions antérieures ont été bousculés en 1995 et depuis. Lutte ouvrière craignant de s'élargir pour s'ouvrir au débat démocratique a été dans l'incapacité, au lendemain de l'élection présidentielle de 1995, de donner à l'appel à construire un parti des travailleurs un contenu autre que celui d'un communiqué de circonstances. La LCR est, alors, restée prisonnière d'un schéma abstrait, le parti " à gauche de la gauche " sans délimitation programmatique, pour, cette même année, appeler indifféremment à voter Hue, Voynet, et Laguiller. Dans cette crise, notre courant est né à partir de la volonté de donner un contenu concret et vivant, dynamique, à l'appel à construire un parti des travailleurs, ce qui a valu aux militants qui sont à son origine d'être exclus de LO en 1997. Cette volonté implique de partir des rapports de forces et des réalités militantes pour œuvrer au regroupement des révolutionnaires, des anticapitalistes tout en menant une politique unitaire pour et dans les luttes. La fusion-intégration avec la LCR en 2000 a participé de cette démarche qui a ainsi démontré sa faisabilité, son apport dynamique et démocratique.

Mais le regroupement des anticapitalistes dans la perspective d'un parti démocratique des travailleurs dépend surtout de nos capacités à refonder le projet révolutionnaire dans le cadre de la nouvelle période que nous vivons pour définir une stratégie pouvant associer l'ensemble des anticapitalistes.

L'expérience du mouvement ouvrier s'est enrichie depuis 1995, celle des révolutionnaires aussi, par la défense de leur programme d'urgence de façon populaire ; par les campagnes militantes comme celle autour des listes unitaires LCR-LO en 2004 ; par l'expérience du front unique contre le Traité constitutionnel européen en 2005 ; et bien sûr par la participation à toutes les luttes des travailleurs et de la jeunesse.
Il s'agit d'intégrer ces expériences, les évolutions en cours dans une compréhension générale de la période qui permette d'anticiper, d'avoir un projet, de solides fondations pour construire.

Le projet d'un parti des travailleurs large et anticapitaliste fait son chemin. L'ensemble de ces expériences le rend concret parce qu'il correspond à l'activité de milliers de militants, ceux d'extrême gauche bien sûr, mais au-delà, tous ceux pour qui les droits sociaux et démocratiques du monde du travail passent avant tout, et qui peuvent se reconnaître dans ce projet, qui ont envie d'en débattre, de s'en rapprocher parce qu'ils veulent donner une perspective politique cohérente à leurs luttes.
Avec la campagne qui commence autour de la candidature d'Olivier Besancenot, l'enjeu est de confirmer et d'amplifier le mouvement en cours depuis 1995, de donner à chacun la force et la confiance nécessaires pour pouvoir prendre sa place dans le combat collectif pour l'émancipation humaine.

Nous savons que nous nous retrouverons, dans les luttes comme dans les élections, au coude à coude avec nos camarades de Lutte ouvrière pour faire entendre la voix des travailleurs, solidaires mais aussi divisés.
L'incapacité dans laquelle a été l'extrême gauche depuis 1995 à sortir des rapports de concurrence et de rivalités pour créer un cadre collectif, militant, démocratique, ouvert à tous ceux qui se tournent vers nous, pour tenter, ensemble, de répondre au défi de la période, pose aujourd'hui avec une acuité encore plus grande la question de l'unité des anticapitalistes.

Encore une fois, cette unité ne saurait reposer que sur la seule volonté unitaire. Les déboires des candidatures unitaires en sont la démonstration. Elle dépend de nos capacités à formuler un projet politique permettant de regrouper tous ceux qui entendent défendre les intérêts sociaux et politiques du monde du travail en toute indépendance des partis institutionnels dans la perspective d'en finir avec la domination de la propriété privée capitaliste.

Affirmation des droits des salariés, unité et démocratie dans les luttes, indépendance politique : la campagne est l'occasion de capitaliser ces acquis en appelant à s'organiser tous ceux qui ressentent la nécessité d'un parti pour des mesures d'urgences et l'unité démocratique dans les luttes dès maintenant, un parti qui prépare pour demain le pouvoir des travailleurs, la rupture révolutionnaire vers une société socialiste et communiste, pour en finir avec les guerres, l'exploitation et la misère.

La campagne qui commence sera une large discussion sur les perspectives du mouvement ouvrier et populaire. Nous voulions, avant de souhaiter de bonnes vacances à tous ceux qui en ont, bien du courage pour les autres, y apporter notre contribution, et rendez-vous début septembre…

Franck Coleman