Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°118
|
14
septembre 2006
|
||||||||
|
||||||||||
Sommaire : | ||||||||||
Pour que les travailleurs viennent bousculer la donne et les ambitions électorales | ||||||||||
|
||||||||||
Pour que les travailleurs viennent bousculer la donne et les ambitions électorales
La journée
de grève et de manifestations du 12 septembre contre la privatisation
de GDF n'a pas été l'échec annoncé par une partie
de la presse. Certes, après le terrain perdu ces dernières années,
les travailleurs ne se sentent pas aujourd'hui la force d'engager réellement
la bataille, mais bien que les confédérations syndicales aient
fait une publicité plutôt discrète pour appeler aux manifestations
(la CFDT, elle, soutient le gouvernement toute honte bue), les travailleurs
ont fait entendre leur voix, celle de la rue, de la lutte, donnant par cette
journée le ton de la rentrée sociale.
Les gaziers et électriciens se sont invités dans le " débat "
contre la fusion GDF-Suez, manifestant par différents moyens leur hostilité
aux projets du gouvernement. Au même moment, le PDG de GDF annonçait
un bénéfice net record de 1,7 milliard d'euros au 1er semestre,
en hausse de 44 %, une " excellente opportunité pour
ses collaborateurs, ses clients et ses actionnaires ", regrettant
toutefois un " manque à gagner de 331 millions à
cause de l'encadrement des prix "
qui n'ont certes augmenté
que de 26 % en moins d'un an.
94 % des salariés de GDF et 81 % de la population sont opposés
à la fusion GDF-Suez, ce qui n'empêche pas Villepin de considérer
que les jeux sont faits : l'essentiel de sa majorité, hier réticente
face au discrédit, s'est rallié bon gré mal gré
et il compte aller au bout, prêt à utiliser le 49-3, si nécessaire,
en prenant prétexte des 137 449 amendements déposés
par la gauche
Bien dérisoires. Comment accorder le moindre crédit
à ceux tel Fabius ou DSK qui, lorsqu'ils étaient au gouvernement,
préparaient eux-mêmes la privatisation d'EDF et GDF ?
Les militants dans la rue mardi ont montré qu'ils comptaient sur eux-mêmes
et leurs luttes, faisant leur propre campagne politique, s'adressant à
la population, aux autres salariés par tracts. Et Thibault s'est senti
obligé d'expliquer qu' " il ne suffit pas que le Parlement
vote une loi pour que les choses soient réglées "
ajoutant que les syndicats " envisagent d'autres étapes ",
c'est un " processus de longue haleine ".
Bien des militants syndicaux et des salariés ont en tête la démonstration
faite par la jeunesse au printemps dernier qui s'est invitée sur la scène
sociale et politique en construisant l'unité dans les AG, en allant aux
portes des entreprises, en invitant largement à unir les forces pour
contester l'exploitation, en toute indépendance des institutions, faisant
reculer le gouvernement et annuler le CPE voté par le Parlement.
Comment aider à ce que l'expérience de cette lutte soit aujourd'hui
un point d'appui pour tous ceux qui aspirent à se regrouper pour faire
ravaler leur arrogance aux Sarkozy, Villepin et Parisot et créer les
conditions pour renverser le rapport de forces ?
Offensive
du patronat et du gouvernement
Un des problèmes essentiels pour le monde du travail est celui des salaires,
bloqués depuis des années alors que les prix flambent (gaz, loyers,
essence
). La part des salariés au SMIC n'a jamais été
aussi forte et toute la politique du Medef et du gouvernement vise à
baisser le coût du travail. Chaque jour de nouvelles usines licencient,
délocalisent pour augmenter la productivité et accroître
les profits. Ce qui n'empêche pas le gouvernement d'annoncer une baisse
du chômage, obtenue par des radiations en masse.
Parallèlement, le " marché " des chômeurs
devient une affaire très rentable pour 17 " agences de placement
privées " choisies par l'Unedic. Parmi elles, des boîtes
d'intérim telle Adecco ou des Chambres du Commerce et de l'Industrie.
Chacune va toucher entre 3000 et 6000 euros par personne " suivie ",
soit trois fois plus que l'ANPE pour des résultats identiques d'après
le directeur de l'ANPE.
Pour le patronat et le gouvernement, hors de question de lâcher quoi que
ce soit aux travailleurs. L'augmentation de la prime pour l'emploi et le chèque
transport annoncés par Villepin sont des aumônes dérisoires.
La vague promesse faite par Larcher d'une " conférence sur
les salaires " n'engage à rien
Par contre, Breton
a pris sans tarder des mesures concrètes et chiffrées pour le
patronat : exonérations des cotisations sociales des salaires au
SMIC pour les entreprises de moins de 20 salariés, gel de l'impôt
pour les PME si la masse salariale augmente de 15 % pendant 2 ans, mesures
qui s'ajoutent aux 3,4 milliards d'allègements supplémentaires
déjà annoncés pour l'ensemble des entreprises en 2006 (dont
la réforme de la taxe professionnelle, cadeau de 2,7 milliards).
Quant aux retraites, Fillon annonce la couleur : les régimes spéciaux
sont une nouvelle fois menacés.
Leur
dialogue social : " concilier l'inconciliable "
Borloo et Larcher viennent de finir une série de " consultations "
sur le dialogue social, recevant les représentants des confédérations
syndicales et du patronat, à l'image de l'université d'été
du Medef dont le thème était " Concilier l'inconciliable "
Université où Chérèque (CFDT), Mailly (FO), Voisin
(CFTC) ou Van Craeneyst (CFE-CGC) sont doctement allés " discuter ",
la CGT refusant l'invitation.
Sarkozy y a donné la mesure de l'enjeu, promettant la remise en cause
du droit de grève " pour en finir avec la dictature de certaines
minorités ". Et il a éclairé sa conception
du dialogue et de ceux avec qui il souhaite le mener : " Le
problème de la France n'est pas d'avoir des syndicats trop puissants,
mais pas assez puissants [
] quand on est petit, on a tendance à
faire la politique des plus durs, des plus sectaires "
Celui
qui vante la " démocratie américaine " aux
côtés de Bush, dont la loi de prévention de la délinquance
en débat au Sénat vise à ficher et stigmatiser les pauvres,
cherche des partenaires responsables
ce qui n'est pas sans rappeler les
propos de Ségolène Royal pour un " syndicalisme de masse "
faisant référence à l'adhésion obligatoire.
Pour l'heure, après le " diagnostic partagé ",
le ministère propose aux partenaires sociaux un " agenda partagé "
pour la concertation
que les syndicats font semblant de prendre au sérieux,
demandant sans rire à être consultés par le gouvernement
avant toute annonce.
C'est de toute évidence également sans " concertation "
que le gouvernement a annoncé en juin la suppression de 15 000 postes
dans la Fonction publique en 2007, trois fois plus qu'en 2006. Et on ne peut
que regretter qu'alors que les enseignants seront en grève le 28 septembre
contre ces mesures, les directions des fédérations de la Fonction
publique aient jugé bon de ne pas se joindre à cette journée.
Elles ont préféré " menacer " Jacob
de grève
plus tard, si le ministre n'ouvre pas de négociations
d'ici fin septembre.
Le
PS fait du vent pour masquer l'identité du fond
L'empressement du gouvernement et sa volonté de passer en force, coûte
que coûte, témoignent paradoxalement de son peu d'assurance et
de sa crainte des réactions des salariés et de la population.
Il peut cependant compter sur le PS pour donner le change et défendre
les institutions.
C'est le sens de la " bataille parlementaire " menée
par la gauche plurielle au nom de l'intérêt national
Les
mêmes qui ont, entre autres, privatisé Air France, France Telecom,
mis en place RFF, tentent de jouer les utilités en s'offusquant sur les
bancs de l'Assemblée. Une Assemblée à laquelle la jeunesse
a ôté une bonne part du vernis il y a quelques mois, opposant la
démocratie de la rue à cette pseudo démocratie institutionnelle.
Le Parti socialiste ne peut masquer le peu de différence de son programme.
Service civil, encadrement des jeunes par l'armée, sa candidate continue
sa surenchère sécuritaire et, pour ne pas être en reste
face à Sarkozy, se prononce pour la suppression de la carte scolaire
Construire à la base la convergence des résistances et des luttes
Il est une évidence que les travailleurs, les chômeurs, ne peuvent
compter que sur eux-mêmes, sur l'union de leurs forces et de leurs résistances.
Gaziers et électriciens, enseignants, salariés en butte aux licenciements,
expulsés de Cachan, sans papiers, militants RESF
l'heure est à
la création d'un front des luttes et des solidarités.
Les réseaux militants existent : ce sont eux qui, tout l'été,
ont permis la résistance contre les expulsions de sans papiers et exigé
le droit à un logement pour tous. Les familles expulsées de Cachan
et leurs soutiens ont gagné la bataille de l'opinion par leur détermination
et leur dignité, en osant contester la " légalité ",
en s'organisant, en s'adressant largement à la population, aux élus,
en affirmant leurs droits fondamentaux de travailleurs. De même le mouvement
RESF, à l'initiative de quelques militants, s'est construit devant les
écoles, dans les salles de profs, parmi les enseignants, les parents
d'élève, les jeunes, qui ont su trouver de l'aide et mettre chacun
devant ses responsabilités.
Ces différents réseaux commencent à se rencontrer, se coordonner.
Le besoin est grand de faire le lien entre les différents combats, ceux
pour les droits démocratiques comme ceux contre les licenciements, pour
les salaires, d'aller à la rencontre les uns des autres. C'est ce qui
se passe à la base, loin de la mousse des appareils, mais en profondeur.
Le sentiment de solidarité se développe au sein du monde du travail,
sur la base des acquis des luttes récentes, du mouvement de la jeunesse
du printemps, dont la jeunesse étudiante qui va bientôt reprendre
le chemin des amphis. Des amphis où se sont tissés une multitude
de liens militants, qui ont été des lieux de démocratie,
de contestation de la société, de débats permettant de
mesurer les rapports de force, d'agir sur le cours des choses, en toute indépendance
par rapport aux appareils et aux institutions.
Dans
les élections, être la voix des travailleurs
C'est cette aspiration à l'unité, acquis des mouvements, que dit
vouloir exprimer la " gauche antilibérale ". Elle
appelle au rassemblement de toute la gauche pour " battre la droite
et l'extrême droite ", " constituer une majorité
de gauche en 2007 pour une politique de réel changement ".
Les ambiguïtés, des incompréhensions qui existaient depuis
la campagne référendaire se lèvent, et la réunion
des collectifs pour des candidatures unitaires qui a eu lieu le 10 septembre
(dont les militants et responsables PCF composaient une part significative de
l'assistance) a fait apparaître clairement les différences d'orientation.
Le texte qui y a été adopté laisse bien des portes ouvertes.
Son objectif est " la constitution d'une majorité et d'un
gouvernement de gauche qui mènent une politique de rupture avec le libéralisme ".
Formule bien vague
" Toute personne normalement constituée
comprend que le texte exclut une nouvelle gauche plurielle " a
affirmé Claude Debons, animateur du collectif national. Sauf qu'il n'en
exclut pas
une nouvelle mouture, et c'est bien normal puisque le PCF ne
pense qu'à ça, sous un autre nom bien sûr. A Bordeaux où
Juppé veut revenir à la mairie, le PCF a choisi de faire une liste
" unitaire " en tête à tête avec
le PS, avec comme seul objectif de ne pas perdre ses 2 conseillers municipaux.
Cela n'empêche pas Pierre Laurent, polémiquant avec la LCR dans
l'Huma du 12 septembre, d'affirmer à propos des collectifs :
" leur ambition dérange, elle ne cadre pas avec les schémas
préétablis. Elle bouscule manifestement les visions d'un bipartisme
triomphant, flanqué de deux extrêmes durablement marginalisés
et écartés des responsabilités "
Passons sur l'amalgame avec l'extrême droite, sans doute un reste de vieux
réflexes
Quant à ce que P. Laurent appelle la " marginalité ",
c'est en fait le choix d'une perspective politique indépendante des institutions
qui n'entend pas sacrifier les intérêts du monde du travail et
de la population dans une nouvelle alliance avec le PS. Loin d'être marginalisés,
nous voulons, dans les élections qui viennent comme à tous les
niveaux, faire entendre la voix des travailleurs, aider à faire le lien
entre les résistances, les initiatives militantes quotidiennes et le
combat politique.
Nous voulons aider au regroupement de tous ceux qui se battent pour défendre
le droit fondamental de chacun à un emploi, un revenu décent,
un toit, des papiers, l'accès à la santé, aux services
publics. Un regroupement unitaire sur des bases de classe, anticapitaliste,
indépendant des appareils et des institutions, pour contester aux actionnaires
et aux multinationales leur droit de décider de la vie ou de la mort
de régions entières, en s'en prenant à leur droit de propriété
et en leur contestant le pouvoir économique et politique.
Carole
Lucas