Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°121
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5
octobre 2006
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Sommaire : | ||||||||||
Immigration " choisie ", " concertée " ou " décentralisée " Ségolène Royal marche dans les pas de Sarkozy | ||||||||||
Elections à Berlin : un épisode significatif sur la politique du Linkspartei, " parti antilibéral " | ||||||||||
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Immigration
" choisie ", " concertée "
ou " décentralisée "
Ségolène Royal marche dans les pas de Sarkozy
Sarkozy a fait
de l'immigration le thème premier de sa campagne. Déclarations
d'hostilité, provocations, agression contre les sans papiers... il n'a
pas d'autre politique que celle d'agresser, de se retourner contre les victimes
de ses choix libéraux, les travailleurs, les pauvres, et les plus exploités
d'entre eux, les travailleurs immigrés. Cette démagogie qui aboutit,
aujourd'hui, au drame de Cachan.
Si le PS dénonce les surenchères de Sarkozy, il n'a pas, quant
au fond, d'autre politique à proposer, lui-même s'adaptant au capitalisme
libéral. Ségolène Royal exprime cette situation avec tellement
de naturel qu'elle en devient caricaturale et finit par emboîter le pas
à son concurrent.
Bien malin qui pouvait distinguer les différences de discours des deux
candidats rivaux au Sénégal, la semaine dernière, où
en visite électorale éclair à deux jours d'intervalle,
ils ont fait mine de s'affronter sur leur politique d'immigration.
Sarkozy est venu concrétiser la politique d'immigration " choisie "
qui lui est chère, en signant avec le président Abdoulaye Wade
du Sénégal un accord pour freiner le flux d'immigrés venus
de toute l'Afrique embarquer pour les Canaries, depuis les côtes du Sénégal,
devenu le carrefour de la misère et de la fuite vers l'Europe. En contrepartie
de quelques promesses de crédits, de visas pour un nombre restreint d'étudiants
et d'aide policière, le Sénégal s'engage à apporter
sa collaboration pour empêcher ses citoyens de tenter de fuir la misère.
Sarkozy veut une immigration " choisie ", c'est-à-dire
un quota de travailleurs-marchandises sans droits qu'on exploite et qu'on jette
en fonction des besoins du patronat. Une immigration jetable qu'il voudrait
faire approuver par les gouvernements du pays d'origine des immigrés.
" Ni l'Europe ni la France ne peuvent recevoir tous ceux qui rêvent
d'un eldorado, a-t-il déclaré. Une ouverture générale
des frontières entraînerait en peu de temps une déstabilisation
des sociétés européennes et l'arrivée au pouvoir
de partis xénophobes. Cela, personne ne le souhaite. ".
Ses propos démagogiques cherchent à justifier une politique qui
vise à rejeter les affamés des pays pauvres hors des frontières
des pays riches. " Les charters de Sarkozy vont, sous peu, reprendre
du service ", commentait Le Quotidien de Dakar.
Ségolène
Royal, une même politique
Ségolène Royal n'a rien d'autre à proposer. Elle a déclaré
qu'il y avait " des choses pas mal ", " positives ",
dans cet accord, que Sarkozy avait même " repris "
plusieurs idées qu'elle défend, en particulier les visas à
entrées multiples, c'est-à-dire la sélection pour un temps
limité d'un nombre limité d'entrants, intellectuels, main d'uvre
qualifiée, correspondant aux besoins des patrons.
Il n'y a pas de différence entre l'immigration " concertée "
de Sarkozy et l'immigration " décentralisée "
de S. Royal.
Confrontée à Dakar à Magdiguène Cissé, ancienne
porte-parole des sans papiers de Saint-Bernard, elle a plaidé la politique
du cas par cas contre la régularisation de tous les sans papiers... au
point que Magdiguène Cissé l'a appelée par erreur " Madame
Sarkozy "
un lapsus bien compréhensible !
Par rapport à la loi Sarkozy votée en juillet 2006, qui aggrave
les conditions d'obtention de papiers et celles du regroupement familial, Ségolène
Royal ne s'engage qu'à revenir aux 10 ans de séjour pour être
régularisé, qui ont été supprimés par la
loi. Elle s'oppose de la même façon au regroupement familial en
proposant " une immigration temporaire de travail "
pour empêcher la venue des familles. Elle qui se veut le fer de lance
de la politique de la famille refuse aux travailleurs immigrés ce droit
élémentaire de vivre avec les leurs, avec leurs proches.
Sarkozy comme S. Royal parlent tous les deux de " co-développement "
comme alternative à l'immigration, c'est-à-dire d'une coopération
économique entre les pays industrialisés et ceux d'Afrique qui
permettrait de faire régresser le flux de l'émigration en élevant
le niveau de vie de la population. Sarkozy a signé au titre du " co-développement "
un crédit de 2,5 millions d'euros pour des " microprojets "
censés dissuader les pauvres de quitter le pays. Il faut " donner
les moyens aux jeunes de rester dans leur pays " a déclaré
S. Royal en proposant de son côté un projet dérisoire de
financement de réchauds solaires pour les femmes et d'aide à des
associations
On ne sait lequel des deux l'emporte dans le cynisme de ces
propositions ridicules
Ils prétendent que la coopération économique réduirait
les inégalités, mais c'est cette coopération économique,
sous le colonialisme et aujourd'hui sous la domination post-coloniale des groupes
industriels français qui dirigent et pillent le pays, qui produit la
misère et plonge les populations dans le dénuement, obligeant
la jeunesse à risquer sa vie sur des embarcations de fortune à
destination de l'Europe, à la recherche de moyens pour vivre.
Continuité
des politiques de gauche sur l'immigration
S. Royal, sur le terrain de l'immigration, se situe dans la continuité
des politiques que la gauche a menées sous tous les gouvernements. Après
être revenue au pouvoir en 1997, la gauche se vante d'avoir régularisé
80 000 sans papiers. Un chiffre bien minime par rapport aux 170 000
demandes, qui a maintenu 90 000 travailleurs dans la situation précaire
de sans papiers sans droits, menacés à tout moment d'expulsion.
" La régularisation de tous les immigrés sans papiers
n'a jamais été la politique des socialistes " a
déclaré Jospin.
Malgré ses promesses de candidat en 1997, les loi Pasqua-Debré
qui durcissaient les conditions de séjour et permettaient de poursuivre
toute personne apportant de l'aide aux sans papiers, n'ont jamais été
abrogées. Certains aspects ont même été durcis avec
la loi Chevènement, comme l'allongement de la rétention administrative
de 10 à 12 jours pour faciliter les expulsions. La gauche n'est jamais
revenue sur l'abandon de donner automatiquement la nationalité française
aux enfants nés en France, sous prétexte que cela aurait incité
les parents à la demander pour eux-mêmes. Chevènement affirmait :
" Les tenants des papiers pour tous auraient tôt fait de
ruiner les acquis sociaux de notre pays tout en poussant la population vers
l'extrême droite. " Bien au contraire, ce sont les renoncements
de la gauche qui renforcent la droite et l'extrême droite.
Sarkozy comme S. Royal font campagne sur le même terrain, celui de la
" gestion des flux migratoires ", c'est-à-dire
des expulsions en masse et de la fermeture des frontières aux dizaines
de milliers de pauvres qui affluent tous les jours aux portes de l'Europe dans
l'espoir d'y trouver un travail. L'un en proposant des accords de police, l'autre
des réchauds solaires pour sortir l'Afrique de la misère. Hérisser
de barbelés les frontières de l'Europe, contre les pauvres, c'est
la politique de Schöengen, approuvée par la gauche et la droite
dans le cadre de la cohabitation.
Lutter
ensemble pour la régularisation de tous les sans papiers
Aujourd'hui, la politique d'agression du gouvernement contre les travailleurs
d'origine immigrée avec ou sans papiers est symbolisée à
Cachan par les 300 personnes et leurs enfants qui campent toujours dans le gymnase
depuis presque six semaines sans solution de relogement acceptable, dans des
conditions sanitaires qui font craindre pour leur santé. Après
plus de 40 jours de grève, deux des grévistes de la faim ont dû
être hospitalisés. Face aux provocations de Sarkozy et à
sa politique de répression, les propositions de Ségolène
Royal ne peuvent apporter de solution à la détresse et aux conditions
inhumaines d'exploitation imposées aux travailleurs immigrés.
La mobilisation de cet été qui a fait reculer Sarkozy sur plus
de 6 924 régularisations d'adultes sans papiers, parents d'enfants scolarisés,
remet au premier plan l'exigence de la régularisation de tous les sans
papiers. Pour l'imposer, il ne faut pas compter sur cette gauche qui n'a même
pas le caractère de se dégager du conformisme de droite et se
plie aux préjugés que cette dernière répand et conforte.
La mobilisation nécessaire pour le respect des droits des travailleurs
immigrés avec ou sans papiers concerne tous les travailleurs, tous les
militants. C'est la lutte de tous les travailleurs, français et immigrés
ensemble, pour la défense de leurs droits, face à un patronat
qui aggrave l'exploitation de tous.
Catherine
Aulnay
Election
à Berlin :
un épisode significatif sur la politique du Linkspartei, " parti
antilibéral "
Il y a un an, le
Linkspartei, coalition électorale entre le PDS -héritier du Parti
communiste d'Allemagne de l'Est-, et la WASG -dirigée par l'ancien ministre
social-démocrate Oskar Lafontaine-, faisait un score inattendu aux élections
fédérales en Allemagne, avec 8,7 % des voix et 54 élus
au Bundestag.
Cette percée électorale avait une double signification : une condamnation
à gauche de la politique menée par la Social-démocratie
au pouvoir, mais une condamnation que ne trouvait à s'exprimer que sur
un terrain électoral, alors même que les dirigeants de cette coalition
expliquaient à qui voulait les entendre qu'une alliance avec le SPD n'était
nullement exclue dans l'avenir au niveau fédéral.
Les élections qui ont eu lieu le 17 septembre dernier aux parlements
régionaux de Mecklembourg-Poméranie et de Berlin éclairent
si besoin les limites de cette coalition antilibérale qui a pourtant
suscité bien des espoirs du côté de l'extrême gauche,
en Allemagne comme en France.
Sa principale composante à l'Est, le PDS, empêtré dans son
alliance avec le SPD dans ces deux régions, où il a dû assumer
une politique d'austérité particulièrement dure contre
les classes populaires, a fait les frais de ses compromissions, reculant notablement
dans le Land de Mecklembourg-Poméranie, et plus encore à Berlin,
passant de 22,6 % des voix en 2001 à 13,4 % cette année.
Dans le Land de Mecklembourg-Poméranie, les " néo-nazis "
du NPD ont fait une véritable percée avec 7,3 % des voix
et 6 députés au parlement régional dans une région
où le taux de chômage est le plus élevé d'Allemagne.
A Berlin, le NPD a fait un score moindre. Par contre, l'opposition de la section
locale de la WASG à toute alliance avec le PDS, contre l'avis de sa direction
nationale, a créé un petit événement malgré
son score modeste (2,9 % des voix) et a permis que s'exprime à gauche
une opposition à la politique du PDS et du SPD.
Le
Linkspartei divisé, l'extrême gauche aussi
Les péripéties de cette campagne jettent une lumière crue
sur les perspectives, comme sur le fonctionnement du Linkspartei, qui de coalition
électorale devrait se transformer sous peu en un nouveau parti, par la
fusion de ses deux composantes, la WASG et le PDS.
La direction de la WASG berlinoise a été destituée en mai
2006 par la direction nationale parce qu'elle rejetait le projet de liste commune
avec le PDS. Pas question, en effet, pour le parti d'Oskar Lafontaine, de gêner
les négociations en cours avec le PDS, un arrangement au sommet qui ne
prévoit même pas, pour l'instant, la tenue d'un congrès.
Pourtant la direction berlinoise a été réintégrée,
suite à une action en justice, ce qui lui a permis ensuite d'aller jusqu'au
bout de sa démarche.
L'opposition à Berlin est due pour une grande part à l'initiative
de la SAV, une organisation trotskyste liée au CIO et au Parti socialiste
(ex-Militant) en Angleterre. Mais son choix n'a pas fait l'unanimité,
puisque l'autre courant trotskyste présent à Berlin, Linksruck,
une organisation liée au SWP qui anime en Angleterre la coalition électorale
" Respect ", a choisi de se désolidariser publiquement
de ce qu'elle considère comme une " aventure ", en
se ralliant sans état d'âme à la direction nationale.
L'ISL, l'une des deux fractions publiques de la IV° internationale qui milite
dans la WASG, a soutenu l'initiative de la SAV, en appelant à la tenue
d'une " conférence de l'opposition de gauche " afin
de porter le débat au sein de toute l'organisation, même si l'un
de ses dirigeants a eu une position beaucoup plus en retrait. Le RSB, l'autre
fraction publique de la IV° Internationale qui ne milite pas dans la WASG,
a choisi de rester extérieur à cette discussion, n'appelant pas
à voter pour la liste de la WASG à Berlin.
Une
bataille électorale nécessaire, mais insuffisante
Le choix des militants de la WASG berlinoise de s'opposer au PDS et à
la direction nationale de leur parti est un pas en avant qui méritait
d'être soutenu, quels que soient les désaccords par ailleurs.
Il a permis aux travailleurs de faire un geste -même simplement électoral-
en condamnant la politique menée par le gouvernement en place, plutôt
que de laisser le monopole de la contestation dans les milieux populaires à
l'extrême droite.
Il a permis également d'ouvrir le débat dans toute l'Allemagne
sur la nature réelle du Linkspartei qui n'a rien d'antilibéral,
sinon par référence à un vague programme keynésien,
en cultivant la nostalgie et l'illusion d'un capitalisme plus humain. La réalité
des prix est sans appel, et sans attendre une éventuelle alliance au
niveau fédéral. D'ores et déjà au niveau des régions,
où existent de vrais gouvernements avec de vrais pouvoirs à la
différence de la France, la politique libérale de la Social-démocratie
a été mise en uvre sans état d'âme par le PDS.
Et c'est cette politique que la direction nationale de la WASG a demandé
de soutenir !
Cette opposition a eu en même temps d'évidentes limites. Au niveau
du programme, les militants de la WASG berlinoise ont beaucoup critiqué
les privatisations, les jobs à 1 euro, et les coupes sombres dans les
services publics et les dépenses sociales. Mais ils n'ont guère
insisté sur les solutions alternatives et surtout sur les moyens d'y
parvenir. Il fallait voter pour la bonne liste, mais sans perspectives et sans
propositions pour changer le rapport de force au niveau des luttes !
L'autre limite concerne la portée du débat qui a démarré
au niveau du Linkspartei. Le débat existe de fait à l'échelle
de toute l'Allemagne, même si ce n'est pas à une échelle
de masse. Mais les militants berlinois ne l'ont guère assumé,
insistant plutôt sur l'aspect local de la confrontation avec le PDS. Pour
ces camarades, comme pour tous les militants d'extrême gauche investis
dans la WASG, la perspective reste toujours de construire loyalement le Linkspartei
dans l'espoir de le gauchir dans un sens vraiment antilibéral
Pourtant, à moins de minimiser l'ampleur des divergences qui se sont
exprimées à l'occasion de ces élections, il est évident
que la perspective d'un parti réformiste, antilibéral, est un
songe creux. Il n'y a plus guère de marge pour une politique qui romprait
avec les logiques capitalistes actuelles sans aller à la confrontation
avec la classe capitaliste, sans que des millions de travailleurs en lutte ne
s'y impliquent. Ou sinon, c'est une politique de renoncement qui ne permettra
même pas de satisfaire les besoins élémentaires des travailleurs.
Pour les révolutionnaires, il est plus que jamais nécessaire de
défendre d'autres perspectives, pour la construction d'un parti des luttes,
sur un projet de rupture avec le capitalisme et ses institutions. La tâche
est sans doute immense, en particulier en Allemagne, mais pas plus qu'ailleurs,
il n'y aura de raccourci via le Linkspartei.
Jean-François
CABRAL