Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°128
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23
novembre 2006
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Sommaire : | ||||||||||
" Imaginer " l'avenir pour le prendre en main | ||||||||||
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" Imaginer " l'avenir pour le prendre en main
" Rassemblez-vous,
mobilisez-vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays
Nous devons unir la gauche dans toutes ses diversités et rassembler une
majorité de Français dans un même désir d'avenir
Imaginer la France, c'est la tâche nouvelle que je propose aux Français
"
a lancé Ségolène Royal après sa désignation.
A en croire Hollande, une " dynamique de victoire "
serait engagée et les sondages lui sont aujourd'hui favorables.
La campagne vient de franchir une étape et s'accélère.
Même s'il y avait bien peu de suspens auparavant, la désignation
de la candidate du PS a clarifié la situation et amené depuis
une semaine ses concurrents à prendre position, dans la perspective d'un
futur gouvernement de gauche.
Le " désir d'avenir " de Ségolène Royal
et du Parti socialiste est transparent
Ils postulent et se préparent
à revenir aux affaires au sommet de l'Etat, à prendre toute leur
place dans la gestion des intérêts de la bourgeoisie alors même
que celle-ci accroît son offensive dans un contexte de concurrence exacerbée.
Pour les travailleurs, face à la dynamique " pour battre la
droite " et la perspective d'un nouveau gouvernement de gauche, l'heure
est à garder toute notre lucidité et notre indépendance
pour défendre nos propres intérêts.
La nette victoire de Ségolène Royal n'est pas due à on
ne sait quelle qualité, mais simplement au fait qu'elle s'est imposée
comme étant la mieux à même de porter l'évolution
du Parti socialiste, totalement acquis et intégré au libéralisme.
Son discours se veut simple : " Le monde a changé,
la France a bougé, alors la politique doit changer. Je veux non seulement
incarner ce changement profond mais le construire avec vous "
Elle se veut ouverte à toutes les propositions et a annoncé une
campagne participative, à l'écoute du " peuple français "
sur l'insécurité, l'éducation, la vie chère, l'environnement
" pour construire les réformes que nous ferons demain ".
Celle qui promet " l'ordre juste " en surfant sur
la démagogie sécuritaire appelle à ne pas avoir " peur
des idées neuves ", des idées ni de droite ni de
gauche, qui tiennent compte des " réalités des gens "
et du " monde qui change "
Visant une large fraction des électeurs, la candidature de Ségolène
Royal n'a fait qu'accentuer et révéler un peu plus la crise dans
le camp de la droite. Règlements de compte et petites phrases, sifflets,
réunions boycottées, les rivalités s'affichent. Villepin
et M. Alliot-Marie, bien que totalement discrédités depuis le
CPE ou le scandale Clearstream, font planer le doute sur leur propre candidature.
Même Bernadette Chirac a fait savoir, en connaisseuse, que " la
messe n'est pas dite "
Sarkozy a beau marquer son territoire
et tenter de faire accélérer sa propre désignation par
l'UMP, ses rivaux marquent leurs distances avec celui qui cherche ses voix à
l'extrême droite et dont les provocations, l'arrogance et la soif de pouvoir
posent des problèmes dans son propre camp. Mais que Sarkozy arrive ou
non à faire taire ses rivaux, il occupe l'espace et se prépare.
Une
seule politique pour la bourgeoisie face à la mondialisation libérale
A droite comme à gauche, l'heure est au débat qu'on nous dit sans
tabou. Au lendemain du succès de S. Royal, Sarkozy a salué une
" personne de qualité " et appelé au
" débat dont je souhaite qu'il soit utile pour les Français,
qui doit être le débat de la modernité, un débat
qui aille au fond des choses ".
Le contenu de ce débat de la modernité, c'est celui de la politique
nécessaire à la bourgeoisie pour faire face à la mondialisation
capitaliste, à la concurrence exacerbée et non faussée
C'est le débat sur comment imposer de nouveaux reculs aux classes populaires,
baisser le coût du travail, imposer les restructurations industrielles,
les plans de licenciements exigés par les actionnaires, supprimer les
garanties collectives, et pour cela tenter de désorganiser, d'anesthésier
les travailleurs et de désarmer les militants.
Le débat de la modernité contre " le conservatisme "
c'est celui du dialogue social, de la sécurisation des parcours professionnels
prônés indistinctement par Sarkozy et Chirac, la patronne du Medef
ou S. Royal
qui emploient un même langage mensonger " moderne "
et en appellent au bon sens commun pour préparer les mêmes attaques
telle la remise en cause de la durée légale du temps de travail
revendiquée par Sarkozy à laquelle fait écho l'allongement
du temps de travail des enseignants prônée par la candidate socialiste.
Celle qui veut " voir les choses comme elles sont "
a déjà largement montré qu'elle est prête à
un tel débat et à sa mise en pratique. Et la bourgeoisie n'a non
seulement pas à craindre un retour de la gauche au gouvernement, mais
c'est, pour une part, son intérêt.
Dans les années 80, après des décennies de gouvernements
de droite disqualifiés, c'est la gauche plurielle qui a initié
en France l'offensive libérale exigée par la bourgeoisie face
à la mondialisation capitaliste
25 ans et plusieurs combinaisons
politiques de gauche, de droite et de cohabitation plus tard, la situation n'a
cessé de se dégrader. L'offensive de la bourgeoisie pour faire
payer sa crise aux travailleurs s'accentue et le patronat peut espérer
que la gauche au gouvernement soit plus à même d'imposer de nouvelles
remises en cause à la classe ouvrière.
A
la recherche de la quadrature du cercle
Le Parti communiste, tout en prenant acte que la désignation de Ségolène
Royal " peut peser lourd sur la réalité future de
la gauche "
ne s'en situe pas moins dans la perspective
d'un nouveau gouvernement de gauche.
Lors du Conseil national extraordinaire du 20 novembre, Marie-George Buffet
a ainsi déclaré : " Ce qui nous importe, à
nous, communistes, c'est que les élections présidentielle et législatives
de 2007 permettent, comme nous ne cessons de le dire, de battre la droite et
de réussir à gauche. C'est qu'elles permettent de construire une
nouvelle majorité à gauche et un gouvernement de gauche déterminé
à combattre véritablement les souffrances imposées à
notre peuple ".
" Construire " à gauche de la gauche "
en excluant de fait la majorité du peuple de gauche serait passer à
côté de l'essentiel, à côté de ce qui peut
ouvrir l'espoir et créer une dynamique majoritaire "
Les collectifs pour des candidatures unitaires n'ont pas d'autre politique,
quelles que soient par ailleurs les dissensions sur le nom censé sortir
de la réunion nationale du 10 décembre.
Lors du meeting de Montpellier, Bové a expliqué " Nous
avons décidé de passer de la résistance au pouvoir. On
ne pourra pas continuer à résister sans gagner pour changer la
logique libérale " ajoutant " quand nous disons
que nous allons gagner et que le PS sera obligé de se désister
pour nous au deuxième tour, on ne nous croit pas, mais c'est comme cela
que ça se passera
". Une affirmation pour le moins
déraisonnable
mais nécessaire pour justifier le fond de
la politique des collectifs unitaires antilibéraux que Mélenchon,
qui vient d'y faire son retour pour le compte du PS, a expliqué tranquillement :
" Il n'y a pas de contradiction à vouloir cette candidature
commune et à vouloir l'unité de toute la gauche. Que le peuple
arbitre entre les différentes composantes de la gauche, et que, après
cet arbitrage, la gauche se rassemble "
Cela a le mérite
de la clarté. Et Hollande y a de suite fait écho : " si
nous gagnons les législatives, j'appellerai les Verts, les communistes,
les radicaux, les amis de J.P. Chevènement et d'autres encore à
gouverner avec nous. Seule cette union sur la base d'un contrat de gouvernement
nous permettra de réussir "
Penser
l'avenir pour le préparer
Face à la perspective d'un retour de la gauche au gouvernement, il est
crucial pour les militants du mouvement ouvrier, les travailleurs, de préserver
notre liberté pour agir en fonction de nos intérêts, ceux
de la classe ouvrière. La question n'est pas de savoir s'il y a ou non
" un boulevard électoral " suite à
la désignation de la candidate socialiste comme l'a déclaré
Claude Debons, un des porte-parole du collectif unitaire, mais de se donner
tous les moyens, dans la campagne et après, d'exprimer et de défendre
les exigences du monde du travail.
Notre problème n'est pas de faire obstacle à la gauche. Que le
parti socialiste et ses alliés convainquent les électeurs de voter
pour eux
mais nous ne leur faisons aucune confiance. " Battre
la droite " ne se fera pas dans les urnes, en votant pour " l'ordre
juste " et des " idées neuves ".
Cela ne peut se faire qu'en combattant la politique de la droite et de l'extrême
droite sur tous les terrains, en imposant par les méthodes de la lutte
de classe un autre rapport de forces entre le monde du travail et les multinationales
de l'industrie et de la finance. Contre les licenciements, la baisse des salaires,
l'allongement du temps de travail, la violence sociale quotidienne du capitalisme,
et cela quel que soit le gouvernement qui sera issu des élections de
2007.
Défaire la droite dans les urnes ne nous protègera pas. Sarkozy
attendra en embuscade que la gauche au gouvernement lui prépare le terrain,
lui qui veut regrouper la droite et l'extrême droite dans un grand parti
populiste après la fin de Chirac et de Le Pen.
Il n'y a qu'une seule politique possible pour la bourgeoisie. Au nom de la concurrence,
elle impose ses exigences à l'ensemble des gouvernements, comme elle
les impose dans les exécutifs régionaux ou municipaux qui, quelle
que soit leur majorité, s'y plient en accordant exonérations,
subventions et aides de toute sorte. Le retour de la gauche au gouvernement,
ce sera l'annonce de nouvelles attaques sous anesthésie face auxquelles
il faudra avoir gardé toute notre lucidité pour nous battre.
Face à cela, il nous faut encourager les travailleurs à anticiper,
prévoir la suite, et garder toute leur liberté face au chantage
électoral. Nous avons besoin de prendre la mesure des évolutions
en cours, des politiques de chacun, de la réalité des rapports
de forces.
Le problème n'est pas de construire ou reconstruire la gauche de la gauche
mais de participer à l'émergence d'un nouveau parti des travailleurs,
en rupture avec tous ceux qui se situent sur le terrain électoral et
institutionnel pour domestiquer les luttes sociales.
Nous voulons contribuer, à travers la campagne autour de la candidature
d'Olivier Besancenot et bien au-delà, au regroupement des anticapitalistes,
des révolutionnaires, de tous les militants qui se retrouvent dans les
luttes, les résistances et ne comptent que sur les mobilisations de la
classe ouvrière, de la jeunesse, des exclus pour contester le pouvoir
économique et politique à la bourgeoisie et changer la société.
Carole Lucas