Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°129
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30
novembre 2006
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Sommaire : | ||||||||||
Les collectifs pour un rassemblement anti-libéral pris à leur propre piège | ||||||||||
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Les
collectifs pour un rassemblement
anti-libéral pris à leur propre piège
Le 23 novembre,
José Bové annonçait qu'il retirait " pour
l'heure " sa proposition de candidature à la présidentielle
dans le cadre des collectifs.
Alors que, depuis des mois, tous les candidats multiplient les déclarations
pour dire que le processus de désignation sera réellement unitaire
et consensuel, à l'approche de l'échéance, les vrais rapports
de rivalités s'expriment. Le PC a assuré qu'il jouerait le jeu
des candidatures unitaires, en faisant mine d'accepter une position d'égal
à égal avec des personnalités ou des groupes sans influence
un tant soit peu comparable à la sienne. Maintenant, comptant sur la
force de son appareil, il se retourne et cherche à imposer Marie George
Buffet sans dire ce qu'il fera si elle n'est pas retenue le 10 décembre.
Face à ces méthodes qui rompent avec le consensus, Bové
comme d'autres petits candidats à la candidature répondent par
un chantage politique, tout aussi peu démocratique. Dans sa lettre, il
dénonce les méthodes du PC qui " a multiplié
la création de collectifs qui ne représentent, localement, que
la sensibilité communiste. Il mène campagne de manière
autonome, en parallèle de quelques grands meetings unitaires. Il se livre
à des pratiques d'un autre âge en refusant, par exemple, de valider
le procès-verbal d'une réunion de notre collectif national au
cours de laquelle l'écrasante majorité des participants a fait
savoir que Marie-George Buffet ne pouvait pas incarner, sur le bulletin de vote,
la richesse de notre rassemblement ".
Il s'en prend également à la LCR qu'il accuse de pratiquer " l'unité
à la carte ", après avoir déclaré
qu'il ne pourrait être candidat que si la LCR revenait
pour faire
contrepoids vis-à-vis du PC. Mais il refuse toujours de discuter réellement
du fond politique : pour lui comme pour le PC, le débat est tranché
et la LCR " multiplie les arguments pour justifier un prétendu
désaccord de fond sur notre orientation commune ".
De même, une pétition circule demandant le retrait de la candidature
de Buffet avec, comme premiers signataires Yves Salesse et Clémentine
Autain, qui cherchent à profiter de la crise provoquée par Bové
pour valoriser leur propre candidature à la candidature
.
Tout comme Bové, la dite pétition réclame aussi le retour
de la LCR dans le processus mais sans un mot pour se démarquer de l'orientation
des collectifs qu'ils ont élaborée avec le PC et acceptée.
Les désaccords portent sur les questions de personne et d'ambitions,
même si les rivaux de Marie George Buffet n'hésitent pas à
flatter les réticences que suscite son passé d'ex-ministre de
la gauche plurielle. Salesse, lui, n'était qu'au cabinet de Gayssot,
ministre des transports dans le même gouvernement
Tous se situent sur le même terrain politique, à l'image de José
Bové qui explique dans sa lettre : " Je n'entends pas
m'engager pour autre chose qu'une démarche unitaire et populaire visant
à modifier durablement, à l'occasion de l'élection présidentielle,
la donne électorale à gauche ". Tout comme il revendiquait
la " gagne " au meeting de Montpellier : " Nous
avons décidé de passer de la résistance au pouvoir. On
ne pourra pas continuer à résister sans gagner pour changer la
logique libérale ".
Alors que les ambiguïtés se révèlent, que les contradictions
explosent, que le jeu de dupes entre le PC et les autres composantes des collectifs
se retournent contre ceux-ci, il nous faut maintenant poursuivre la discussion
à la lumière de l'expérience et des faits, en revenant
justement sur la question du fond politique. Les méthodes antidémocratiques
des uns et des autres rejoignent les questions de fond de la politique des antilibéraux.
Ces derniers disent s'opposer à l'orientation du PS pour mieux changer
le rapport de force en vue d'un accord
avec le PS. Leur démarche
est par elle-même antidémocratique.
A cela, les anticapitalistes opposent une démarche démocratique,
c'est-à-dire fondée sur la clarté des idées, des
objectifs et de la méthode, car leur seul souci est d'aider au regroupement
des travailleurs pour défendre leurs propres intérêts.
Antilibéralisme
et question gouvernementale
Alors que la possibilité d'une éventuelle victoire de la gauche
se précise, le contenu réel de l'orientation politique des collectifs
se révèle clairement. Marie-George Buffet, bien que " très
préoccupée " de la désignation de Ségolène
Royal, en appelle à la victoire de " toute la gauche ",
en se démarquant ouvertement d'une " gauche de la gauche "
qui ne créerait pas une " dynamique majoritaire ".
Si les autres composantes des collectifs s'en défendent, avec parfois
des phrases radicales, et flattent la méfiance vis-à-vis du PC
et de sa porte-parole, c'est aussi que leur propos engagent moins que ceux de
Marie George Buffet.
Mais leur démarche est la même, ils restent sur le terrain institutionnel
et électoral en accord avec le PC, et donc n'ont d'autre choix pour être
majoritaires dans ce cadre que de passer alliance avec le PS.
Ce faisant, les collectifs tournent le dos à la rupture qui s'était
affirmée le 29 mai, contre tous les partis gouvernementaux de droite
et de gauche, qui attaquent les travailleurs depuis des années et se
retrouvaient dans le camp du oui. Mais aujourd'hui, il ne s'agit pas d'un référendum,
mais d'élections pour avoir des élus et pouvoir participer à
des exécutifs. Cela est d'une toute autre nature et impose de ménager
la possibilité d'un accord avec le PS tout en se donnant les moyens de
négocier au mieux le rapport de force.
Seul le PC le dit, les autres maintiennent les ambiguïtés et les
camarades de la minorité de la LCR pris au piège de leurs illusions
sur les vertus de la dynamique unitaire ne veulent ni entendre ni voir la réalité
en face.
Pour évacuer la question du PS, les collectifs multiplient les grandes
déclarations sur la " gagne ", disant qu'il faut
voir grand, que l'on peut obliger le PS à changer, sans discuter des
rapports de force tels qu'ils existent. Pourtant, ces rapports de force existent
très concrètement. Ce sont déjà tous les exécutifs
régionaux, départementaux où PS, Verts et PC cogèrent,
votent les " délégations de services publics "
ou les emplois précaires. Demain, ce seront les vrais rapports de force
parlementaires sous la pression desquels le PC a été laminé
Quant à la formule du refus de participer à " un
gouvernement dominé par le social-libéralisme ",
son ambiguïté correspond à l'ambiguïté de cette
orientation d'une gauche anti-libérale qui cherche créer un rapport
de force pour négocier avec le PS une participation gouvernementale ou
des postes parlementaires.
D'ailleurs, Hollande n'a aucune réticence à se dire anti-libéral
en déclarant lors de la cérémonie de ratification de la
candidate : " Nous sommes des anti-libéraux, mais il
y en a qui veulent être plus anti-libéraux encore. Ils en ont le
droit, mais ils seront devant ce choix simple : est-ce qu'ils prennent
le risque de laisser les vrais libéraux cinq ans de plus au pouvoir ou
nous donneront-ils à nous, qui voulons maîtriser le capitalisme,
dominer le capitalisme, les moyens d'agir ? ". Et pour préciser
les choses, il rajoute : " Nous sommes les plus forts à
gauche. Nous devons donc être les plus humbles pour revendiquer l'union
et le rassemblement, tout simplement parce que nous ne gagnerons pas seuls l'élection
présidentielle et que nous ne gouvernerons pas seuls le pays. Nous avons
besoin de toute la gauche, de celle qui veut avec nous agir, réformer,
transformer ".
Montebourg, ex-défenseur du Non devenu porte-parole de Ségolène
Royal, fait déjà ses offres en déclarant : " Nous
allons nous donner la main, (
) le rassemblement se fera sans problème
entre les trois candidats à l'investiture (du PS), et ensuite entre toutes
les autres gauches ".
La question que pose la LCR est bien réelle et les antilibéraux
fuient le débat, comme ils l'avaient fui en septembre en ne mettant pas
au vote les amendements de la LCR sur les responsabilités des gouvernements
de gauche dans les attaques de ces 25 dernières années et sur
le refus d'une coalition gouvernementale ou parlementaire avec le PS. Ce débat,
nous le menons largement, car la démocratie commence avant tout par la
clarté politique, et nous le porterons pendant la campagne elle-même
: participer à un gouvernement avec le PS, pour soi-disant peser dans
un sens plus anti-libéral (avec le bilan que l'on sait) ou mener une
politique anticapitaliste, en cherchant à construire le rapport de force
politique sur le terrain de la lutte de classe pour revenir sur toutes les attaques
de la bourgeoisie et imposer le contrôle de la population.
Regrouper
sur des bases démocratiques dans les entreprises et les quartiers
Le sens du Non lors du référendum était l'affirmation d'une
rupture avec les partis gouvernementaux de droite et de gauche qui ont mené
l'offensive contre le monde du travail depuis une vingtaine d'années.
Ce vote était l'expression d'une dynamique anticapitaliste au sein du
monde du travail qu'il s'agit d'armer politiquement en lui donnant une perspective
politique de transformation de la société. C'est le sens même
de la candidature d'Olivier Besancenot.
Il s'agit de formuler une politique indépendante pour le monde du travail,
quel que soit le gouvernement en 2007. Reprendre l'offensive exige de se libérer
des chantages électoraux. Face à la bourgeoisie qui mène
son offensive tout azimut pour faire baisser le coût du travail, ce ne
sont pas quelques promesses électorales ou grandes déclarations
qui pourront changer quoi que ce soit. Le problème est d'inverser le
rapport de force avec la bourgeoisie, en ayant un programme politique pour les
luttes, c'est-à-dire un programme qui pose à la fois l'urgence
des luttes sociales et l'urgence démocratique, c'est-à-dire la
question du contrôle des travailleurs et de la population sur toute la
marche de la société.
Le texte programme " Ce que nous voulons " des collectifs
est de ce point de vue un catalogue de bonnes intentions électorales,
par en haut qui ne se pense pas comme un programme pour les luttes. Il parle
de " changer la donne ", mais sans jamais en indiquer
les moyens.
Du coup, la question des salaires est posée à minima, " Le
SMIC sera immédiatement porté à 1500 euros brut et rapidement
à 1500 euros net ". De même, la revendication des
300 € pour tous d'augmentation de salaires, qui nécessite justement
la convergence des luttes pour changer le rapport de forces en profondeur, n'est
pas reprise. A la place, le texte promet qu'une " conférence
nationale tripartite (patronat, syndicats, Etat) sur les salaires sera immédiatement
convoquée. Le nouveau gouvernement y pèsera en faveur d'une revalorisation
générale des salaires, de l'ordre de 300 euros "...
Tout doit rester dans le cadre bien huilé des institutions.
Sur la question de la lutte contre les licenciements, le texte discute longuement
surtout sur le " nouveau statut du salariat " et
la " sécurisation des parcours de travail et de vie ".
Quand il évoque l'interdiction des licenciements pour les entreprises
qui réalisent des profits, il en fait une mesure du type de l'autorisation
administrative de licenciement qui n'a jamais empêché grand-chose.
Au contraire, alors que les plans sociaux se multiplient, la revendication de
l'interdiction des licenciements est un objectif pour les luttes qui passe par
le contrôle, par en bas, des salariés sur la marche des entreprises,
sur leurs profits et sur les comptes souvent maquillés pour déclarer
des déficits.
L'urgence sociale exige de s'en prendre aux profits et à la propriété
privée, et du coup pose la question de quel type de gouvernement pourrait
faire cela. L'Etat n'est pas une machine qui peut servir tantôt les patrons,
tantôt les salariés. Il est là pour garantir et protéger
la propriété privée des actionnaires et des patrons. Pour
imposer aux capitalistes des mesures d'urgence, il est évident qu'il
faudra un rapport de force et des organes de contrôle, dans les entreprises
et les quartiers, pratiquant la démocratie directe. C'est par un tel
processus qu'un réel gouvernement des travailleurs peut devenir une réalité
et être un moyen de s'en prendre au pouvoir illégitime de la finance
sur la société.
C'est une telle perspective politique aux luttes et aux mobilisations que nous
voulons porter dans le débat, en travaillant à l'unité
des anticapitalistes.
Denis
Seillat