Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°130
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7
décembre 2006
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Sommaire : | ||||||||||
Le clivage s'estompe entre la gauche et la droite, pas entre les classes | ||||||||||
Le soutien populaire à Chavez n'efface pas les limites de son anti-impérialisme | ||||||||||
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Le
clivage s'estompe entre la gauche et la droite,
pas entre les classes
Tandis que Bayrou
-l'homme du centre qui cherche " un autre chemin "- prétend
rassembler " les meilleurs " de tous bords, la course
entre Royal et Sarkozy est bel et bien partie. L'une tente de garder l'avantage
en prenant au Moyen Orient une stature de futur chef d'Etat porte parole des
intérêts de la bourgeoisie française tandis que l'autre
essaie de policer son image et de rassembler son camp autour de la " rupture
tranquille "
Le journal Les Echos du 6 décembre écrit " les
deux candidats UMP et PS à la présidentielle cherchent à
faire " exploser le clivage gauche droite ", selon l'expression
de Nicolas Sarkozy, en n'hésitant pas à chasser sur les terres
électorales de l'autre ". Chacun ratisse vers le centre, à
la recherche d'une base électorale plus large, proposant ses " idées
neuves "
dans un contexte de tension des rapports sociaux, d'exacerbation
des attaques contre le monde du travail dans le cadre de la mondialisation capitaliste.
C'est ce que Bayrou appelle " faire vivre ensemble les valeurs
de la gauche, de la droite et du centre ", telles que " le
goût de l'ordre " ou " l'esprit d'entreprise "
Des
terres de l'extrême droite à la " rupture tranquille "
Mettant fin à un suspense insoutenable, Sarkozy s'est donc déclaré
candidat à la candidature. " Ma réponse est oui ",
a annoncé dans la presse régionale celui qui veut " créer
une nouvelle relation avec les Français ". Pour faire face
à la " dynamique Ségolène " et se remettre
dans le jeu, il tente non seulement de forcer l'allure mais il se recadre au
centre, soucieux de se faire un profil plus rassurant après avoir chassé
sur les terres de l'extrême droite.
Sarkozy prétend non seulement tout changer mais " parler à
tous les Français, et spécialement ceux qui pensent que ce n'est
jamais pour eux ". Finie pour le moment la brutalité, l'heure
est à la rupture tranquille. Il veut " faire de cette campagne
un moment de rencontre, d'écoute, de dialogue "
pour mieux
mener l'offensive et vanter une société où il suffit de
vouloir pour pouvoir, " où ceux qui veulent construire leur destin
pourront le faire ", glorifiant le " mérite ",
" l'effort ", " le travail ".
Il n'hésite pas à dénoncer la hausse des prix en écho
à Royal qui pourfend la vie chère, ou à se faire le défenseur
inopiné des enseignants
pour mieux remettre en question le temps
de travail : " Je vous propose qu'au lieu de critiquer les enseignants
qui font du soutien scolaire pour compléter des revenus trop faibles,
nous augmentions la rémunération de ceux qui accepteraient des
missions complémentaires ". Car au moment où les travailleurs
subissent de plein fouet les conséquences de la course au profit, les
plans de licenciements, la précarité généralisée,
Sarkozy promet le " libre choix ". Et pour permettre à
ceux qui " voudront mettre du beurre dans les épinards "
de le faire en travaillant plus, il promet aux patrons une exonération
des cotisations sociales sur les heures supplémentaires !
Après avoir cherché à attirer les voix de l'extrême
droite à coups d'agressions brutales -ce qui n'a fait que nourrir les
idées de Le Pen qui, en toute logique, est aujourd'hui en hausse dans
les sondages- Sarkozy entend désormais parler au nom des " valeurs
communes ".
Gauche
populiste et populisme de droite
Ces valeurs communes sont revendiquées par les candidats de l'UMP comme
du PS. Les discours de Sarkozy et de Royal témoignent chaque jour de
cette convergence. Tous deux veulent " remettre la société
en mouvement " : quand Sarkozy appelle à s'ouvrir
aux idées nouvelles, Ségolène invite à ne pas avoir
peur des idées neuves
Ordre juste, encadrement militaire de la
jeunesse, remise en cause du temps de travail
les deux rivaux surenchérissent
l'un sur l'autre, contraints d'utiliser les mêmes mots, les mêmes
phrases creuses pour masquer une politique bien réelle : la remise en
cause de tout ce qui témoigne de rapports de forces issus des luttes
de la classe ouvrière, les garanties collectives, l'ensemble des droits
sociaux et démocratiques.
La mondialisation exige du personnel politique de la bourgeoisie une seule et
même politique : que l'Etat se mette tout entier au service des profits,
qu'il " accompagne " avec les deniers publics en subventionnant
et en exonérant et que, pour les besoins de la concurrence libre et non
faussée, il détruise tous les " archaïsmes ",
les " privilèges " qui génèrent les "
frilosités ". " N'ayez pas peur des idées
neuves " répète Ségolène Royal en se disant
prête à discuter de tout.
Royal et Sarkozy surfent sur les mêmes préjugés. Le populisme
du candidat de l'UMP et les dérives de celle du PS répondent à
une même nécessité au moment où la crise du capitalisme
exige pour la bourgeoisie une nouvelle offensive contre les droits du monde
du travail, où il s'agit de rompre les solidarités, briser les
réflexes collectifs pour faire l'apologie de la volonté individuelle,
du libre choix et de la liberté d'entreprendre.
La logique de cette politique, si elle ne rencontrait pas d'opposition du côté
des travailleurs, ne pourrait que renforcer les idées d'extrême
droite, qui que ce soit qui les représente demain. La combattre nécessite
de rompre avec la logique du système, avec l'illusion qu'on peut résister
dans le cadre des institutions.
Les capitulations désarment
L'expérience récente nous a largement démontré que
nous ne trouverons aucune protection contre la montée de l'extrême
droite sur le plan institutionnel.
Le souvenir du deuxième tour des présidentielles de 2002 est vif
dans bien des mémoires. Au nom de " faire barrage à l'extrême
droite " les partis de la gauche plurielle se sont rangés comme
un seul homme derrière Chirac, d'autant plus empressés qu'il s'agissait
pour eux de faire oublier leur propre déroute au premier tour. Le résultat
de ce chantage dont ont été rendus prisonniers bien des salariés,
bien des militants, c'est que le gouvernement Chirac Raffarin Sarkozy a été
élu majoritairement avec des voix de gauche. Cela n'a pas été
sans conséquences. Ce chantage et son résultat (82 % des
voix à celui qui en rassemblait à grand-peine 19 % au premier
tour, et qui quelques années plus tôt parlait " du bruit
et de l'odeur " des travailleurs immigrés) a paralysé,
désarmé les travailleurs, et donné l'avantage à
nos pires ennemis qui se sont réclamés en toute logique de la
" légitimité " des urnes.
La bataille contre l'extrême droite est une bataille de fond, c'est une
bataille d'idées, une bataille sociale qui ne peut en rien se mener sur
le terrain institutionnel.
Le Pen se nourrit aujourd'hui de la démagogie sécuritaire de Sarkozy,
de tout ce qu'il a semé depuis des années. Comme il s'est aussi
nourri et continue à se nourrir, dans le contexte de crise sociale permanente,
des capitulations de la gauche.
Le monde du travail et ses militants ne peuvent faire reculer l'extrême
droite et ses idées que par leur propre combat social et politique. Cela
ne peut se faire qu'en gardant notre indépendance non seulement vis-à-vis
de ceux qui enfilent les habits populistes mais plus largement vis-à-vis
de tous ceux qui voudraient maintenir les travailleurs sur le terrain institutionnel.
L'unité
pour la lutte et l'exigence de nos droits fondamentaux
Battre la droite et l'extrême droite, rejeter les brutalités sécuritaires,
la loi du plus fort, la morale réactionnaire du " qui veut peut
" qui ne sert qu'à légitimer l'oppression, le mépris
des pauvres, ne peut se faire qu'en affirmant les exigences du monde du travail
avec autant de détermination, de confiance, que la bourgeoisie en a pour
faire entendre ses propres exigences et donner ses ordres aux gouvernants quels
qu'ils soient.
Nous avons besoin de préserver toute notre indépendance pour combattre
la cause du mal, la soumission de toute la vie sociale et économique
aux intérêts d'une poignée de multinationales et de leurs
actionnaires. Faire respecter l'intérêt collectif contre la logique
capitaliste pose le problème de qui décide, qui dirige la société
et remet en cause la propriété de la bourgeoisie et le pouvoir
qu'elle s'est arrogée.
Cela nécessite de ne pas laisser dévoyer notre révolte,
de garder toute notre lucidité face à ceux qui appellent aujourd'hui
à " battre la droite " et qui demain, aux postes de responsabilité
dans l'appareil d'Etat de la bourgeoisie, ne pourront avoir d'autre politique
que celle que leur dicteront les multinationales.
Bien au contraire, l'heure est à travailler à l'unité des
militants pour peser sur le terrain social, exercer notre pression en unissant
nos forces pour préparer les luttes, mener les résistances aujourd'hui
éparpillées : luttes contre les plans de licenciements, les fermetures
d'usines, pour les salaires, pour les droits démocratiques, contre la
délation organisée par les lois sécuritaires de Sarkozy
ou contre la répression, telle celle des quatre militants syndicaux de
la Rochelle. Une unité pour donner confiance dans la légitimité
de nos exigences et nous préparer, avec toute la liberté nécessaire,
à faire face aux attaques déjà annoncées, quel que
soit le gouvernement.
Carole
Lucas
Le
soutien populaire à Chavez
n'efface pas les limites de son anti-impérialisme
Chavez vient de
remporter les élections pour la douzième fois depuis 1998 et obtenir
sa réélection jusqu'en 2013. Il a recueilli 7 millions de voix,
plus de 60 % des votes, avec 30 % d'abstention. Dans l'immédiat,
il contrôle le système politique et a déjà annoncé
qu'il se propose de réformer la constitution en 2010 pour assurer sa
réélection sans limites. L'opposition bourgeoise a reconnu sa
défaite et a promis de respecter le jeu institutionnel.
Néanmoins, les résultats ne sont pas ceux qu'attendait Chavez
qui s'était fixé l'objectif de 10 millions de voix. Il en a obtenu
7. Malgré l'enthousiasme populaire pour sa candidature, l'opposition
a atteint ses buts. Elle est arrivée, unifiée derrière
Rosales, à obtenir un résultat proche de 40 % des voix, soit 4,3
millions, alors qu'elle en escomptait 30 %, soit 4 millions. Elle peut maintenant
essayer de jouer la carte de la division à l'intérieur du gouvernement
tout en recherchant un accord national dans le cadre de la possible normalisation
des relations avec Washington.
La victoire de Chavez est une nouvelle défaite de Bush et sanctionne
sa débâcle en Amérique Latine -comme dans le reste du monde.
Elle implique une redéfinition de la politique de l'impérialisme.
La politique d'agression contre le Venezuela devra se combiner avec la recherche
d'un accord comme le laissaient entendre les déclarations des autorités
américaines au lendemain de la victoire de Chavez.
Le
chavisme et ses perspectives
L'ambiguïté du résultat électoral découle aussi
du fait que Chavez n'a présenté aucun programme de mesures à
mettre en place s'il gagnait. Il a simplement demandé un plébiscite,
en toute logique au regard de la nature de son régime. La fonction des
masses est d'appuyer leur chef, et leurs organisations doivent éviter
la discussion.
Ses longs discours donnent des indications. Il a placé ses interventions
de la campagne électorale sous le signe du " socialisme
du XXIe siècle " à la Bolivar. On peut comprendre
que Bush et la bourgeoisie ne soient pas très contents de cette référence,
mais Chavez a indiqué qu'après les élections " il
n'y aura pas de changements importants dans l'économie, où l'économie
privée s'est beaucoup développée " et " de
même que nous ne voulons pas la dictature du capitalisme, nous ne voulons
non plus la dictature du prolétariat chère à Marx. Nous
voulons la démocratie, le socialisme. " Il a indiqué
aussi, dans le même temps que Raoul Castro, qu'il était prêt
au dialogue avec les États-Unis (déclarations à la presse
du 6 décembre).
C'est clair que le " socialisme " de Chavez se situe ailleurs
que dans le long combat international de la classe ouvrière et des exploités.
C'est une version du nationalisme, d'une opposition et d'un affrontement limités
avec l'impérialisme. Par ailleurs, en Amérique Latine et dans
le monde, ce n'est pas le premier dirigent nationaliste qui agite le drapeau
du socialisme.
La longue marche du chavisme a commencé en 1992 avec son soulèvement
militaire. Ce dernier avait été précédé par
le " caracazo " de 1989, cette vigoureuse révolte
populaire contre les sociaux-démocrates, Andres Pérez, sa politique
néolibérale et les accords avec le FMI, au prix de centaines de
morts. La révolte de 89 a eu pour conséquence le discrédit
et la fin du régime politique de grands partis.
C'est une longue crise qui s'inscrit dans un cadre international, l'échec
des politiques dites " néolibérales " menées
autour du consensus de Washington : effacement de l'État, privatisations,
libre circulation des capitaux, déréglementation du marché
de la force de travail. La décennie de 1990 est à la fois le point
culminant de l'emprise de ce néolibéralisme et son déclin,
l'apparition d'une série de soulèvements populaires et de crises
politiques. Soit ces crises auront, dans cette période historique, une
réponse révolutionnaire avec des mouvements de masses et des partis
anticapitalistes, soit elles vont traîner en longueur dans l'instabilité,
avec des mouvements nationalistes et des régimes réformistes,
" antilibéraux " et d'" unité nationale ",
avec des issues qui pourraient être dramatiques. On sait aussi que la
réalité concrète est toujours plus complexe que les hypothèses
théoriques. Chavez et son socialisme sont une variante de régimes
nationalistes instables, même si les affrontements avec l'impérialisme
et la bourgeoisie ont été très durs (tentative de coup
d'État en 2002, grève pétrolière 2002-2003, menaces
militaires de Bush).
Une comparaison entre le castrime de la période révolutionnaire
des années 60 et le chavisme est significative. Le castrisme a mis en
oeuvre un programme d'expropriation générale de la propriété
impérialiste et bourgeoise, y compris dans la paysannerie. Les Forces
Armées et l'armature de l'État de la dictature ont été
démantelées. En Amérique Latine, le castrime a essayé
de fédérer un ensemble de mouvements nationalistes révolutionnaires,
contre les régimes bourgeois réactionnaires. Cuba a été
expulsée de l'OEA (Organisation des États Américains).
Le chavisme, de son côté, n'a aucun programme d'expropriation de
la propriété capitaliste, même dans une perspective purement
nationaliste ; il maintient la continuité des institutions de l'État
bourgeois et en Amérique Latine, son programme est l'alliance avec les
régimes bourgeois, y comprit Lula et Kirchner, malgré leur politique
au service du grand capital et des impératifs de Washington. Le programme
d'unité économique latino-américain de Chavez, l'ALBA,
a fini par prendre forme dans les accords du MERCOSUR. Au lieu d'avancer la
perspective des États-Unis d'Amérique Latine comme cadre de l'émancipation
nationale et sociale, il défend une perspective nationale et bourgeoise
dans le cadre de la concurrence capitaliste entre le grand capital impérialiste,
les États, les autres fractions capitalistes.
La
redistribution de la rente pétrolière et l'État
Dans une large mesure, la politique de Chavez s'appuie sur l'énorme rente
pétrolière. Il faut savoir que, d'une manière générale,
le coût d'extraction du pétrole est de 7 dollars le baril. Le Venezuela
a des coûts encore plus bas. Actuellement, les pays consommateurs accaparent
65 % du surplus pétrolier. Chavez a réussi à ce que l'État
garde maintenant une partie significative de cette rente. Cela ne s'est pas
fait sans affrontements. Il y a eu une tentative de putsch et la grève
de PDVSA qui a fait perdre 20 milliards de dollars. La rente pétrolière
était énorme aussi dans les années 70 mais elle servait
alors à alimenter la corruption. Chavez essaie de créer un État
fort pour redistribuer une partie de la rente et développer des programmes
sociaux. Il s'agit de renégocier les liens avec l'impérialisme,
le rapport de force, sans les rompre. C'est une réponse au déséquilibre
et à la crise créés par le libéralisme.
Entre 1990 et 2005, la part de la dépense publique dans le PIB a augmenté
de 5,4 points et la dépense sociale de 3,9 points. La dépense
sociale par habitant a augmenté de plus de 50 %. En même temps,
le " secteur privé " continue son développement
et la Bourse a connu une hausse de 130 % en 2005. Les analystes favorables à
Chavez, mais qui ne sont pas des apologistes, reconnaissent que le " secteur
social connaît un développement qui est encore très limité ".
(Juan Torres Lopez, Rébelion, 5 décembre). On peut faire
les mêmes constatations pour la réforme agraire. On a " récupéré "
3 millions d'hectares sur les 10 prévus, dont bénéficient
160 000 familles sur les 3 millions de paysans pauvres. En plus, une fraction
importante des nouveaux propriétaires va reproduire les relations capitalistes
et l'arriération. Le Frente Nacional Campesino Ezequiel Zamora est très
critique vis-à-vis de la politique agraire du gouvernement et de ses
bureaucrates. Dans les dernières 5 années, 170 dirigeants paysans
ont été assassinés (Gladys Martinez Lopez, Rébelion,
27 novembre).
Lutter
pour l'indépendance ouvrière
Les affrontements entre Chavez et l'impérialisme, sa politique, y compris
sa politique sociale, soulignent la nécessité d'une expression
politique indépendante de la classe ouvrière, socialiste et anticapitaliste.
L'organisation ouvrière, les comités, la mobilisation contre la
bourgeoisie et les politiques du gouvernement, contre la corruption et la bureaucratie,
sont encore plus nécessaires parce que le pays traverse une longue période
de convulsions. C'est la mobilisation populaire qui peut défaire la bourgeoisie
comme on l'a vu en avril 2002 avec le coup d'État ; c'est le programme
socialiste qui peut faire avancer vers l'émancipation nationale, l'unification
continentale et l'indépendance vis-à-vis de l'impérialisme.
Au Venezuela, les militants et tendances favorables à cette orientation
sont encore très minoritaires, faibles et dispersés. Les élections
étaient une opportunité pour ces tendances et militants de se
regrouper, d'apparaître dans la lutte politique pour l'indépendance
ouvrière. Il ne fallait pas appeler à voter Chavez. Par contre,
sur des formes tactiques que seuls les militants engagés sur place pourraient
déterminer, il fallait lancer l'appel pour un programme indépendant
de la classe ouvrière.
Il y avait d'autant plus de raisons à militer pour une candidature indépendante
de Chavez que l'objectif de 10 millions de voix était pour Chavez l'expression
de son besoin de discipliner les masses et leurs organisations pour imposer
son programme et ses manoeuvres politiques sans discussion possible.
Des intellectuels et militants d'extrême gauche de différents pays
ont publié un court manifeste sur le titre " Si nous étions
Vénézueliens, nous voterions Chavez ". Ce manifeste
a été un très mauvais service pour les militants et organisations
révolutionnaires du Venezuela.
Le document dans sa brièveté est un condensé des erreurs
politiques à ne pas commettre. Il met en valeur la contribution de Chavez
au " processus révolutionnaire ", " malgré
le maintien d'une structure étatique héritée de la démocratie
bourgeoise " (sic) quand ce maintien est un obstacle central à
la mobilisation de masses. C'est pourtant bien là le seul critère
qui permet de dire qu'un processus est révolutionnaire. L'appel identifie
la politique internationale de Chavez à une opposition sans concession
à l'impérialisme comme si tout affrontement était révolutionnaire.
Le monde est plein de régimes qui s'affrontent avec l'impérialisme,
sans pour autant représenter la lutte pour l'émancipation sociale
et politique. Les soutenir dans cet affrontement n'implique nullement de tomber
dans l'apologie. Finalement, et sans surprises, le document appuie les régimes
de l'alliance latino-américaine de Chavez, Lula et Kirchner entre autres,
c'est-à-dire avec des gouvernements aux orientations réactionnaires.
On ne doit pas renoncer à l'indépendance ouvrière pour
quelque raison que ce soit. Préserver cette indépendance est la
seule façon de pouvoir peser afin que les travailleurs et les masses
populaires puissent intervenir pour leur propre compte.
Sophie
Candela