Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°137
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25 janvier 2007
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Sommaire : | ||||||||||
La logique fort peu unitaire des contradictions de l'antilibéralisme | ||||||||||
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La logique fort peu unitaire des contradictions de l'antilibéralisme
La réunion
des collectifs unitaires anti-libéraux a donc décidé, le
week-end dernier à Montreuil, de proposer José Bové comme
" candidat de l'alternative à gauche ". Ce
dernier a dit oui mais donnera sa réponse définitive le 1er février,
réponse définitive qu'il se propose d'ailleurs de remettre en
question régulièrement en fonction de si ça marche ou pas
Le peuple sera-t-il au rendez-vous de la dynamique ? De toute évidence
le succès de la pétition ne semble plus une garantie suffisante
pour s'engager franchement.
Après l'implosion de la réunion de Saint Ouen, l'épisode
Wurtz candidat malgré lui, le candidat conditionnel
Bové, qui s'était déjà retiré une fois de
la discussion sur la candidature unitaire antilibérale possible et souhaitable,
dit maintenant oui mais joue les divas et veut que le peuple lui donne des garanties !
Cela ne l'empêche pas de demander à Marie-George Buffet et à
Olivier Besancenot de se retirer.
Quant aux bases politiques du nouveau candidat, ce sont celles adoptées
par les collectifs avant que le PC ne décide d'imposer Marie George Buffet,
c'est-à-dire, pour l'essentiel, le même texte " ambition
et stratégie " dont se revendique cette dernière
Voilà une clarté politique qui est bien à l'image du caractère
fort peu démocratique de la démarche de celui qui joue au sauveur
des collectifs.
Car de fait, le week-end dernier, Bové a fait une OPA sur le courant
politique qui, au sein des collectifs antilibéraux, ne se reconnaissait
pas dans Marie George Buffet. Il leur est apparu comme le candidat de la dernière
chance, le seul capable de continuer à faire vivre le mythe de la dynamique
unitaire et donc de masquer l'échec de la politique visant à unifier
les antilibéraux.
C'est une nouvelle étape dans l'effondrement du mythe selon lequel la
dynamique du 29 mai aurait pu porter, sur le plan électoral, une nouvelle
gauche susceptible de négocier un nouveau rapport de force avec le Parti
socialiste. Le succès du non le 29 mai était bien incapable d'effacer
les réalités politiques pour fonder une unité qui, au final,
s'est avérée n'avoir d'autre horizon qu'électoral.
Les
contradictions de l'antilibéralisme continuent leur uvre de
division au nom de l'unité
L'antilibéralisme regroupe tous ceux qui, à la gauche du PS, rêvent
d'une vraie gauche qui pourrait redonner crédibilité à
l'illusion qu'il est possible de changer la vie par les voies parlementaires
et institutionnelles sans rupture démocratique et révolutionnaire.
Il voudrait rompre avec la politique libérale du PS tout en ménageant
la possibilité de s'allier avec lui
Les uns soulignent l'importance de l'alliance, les autres veulent insister sur
la rupture avec le PS, mais ils restent dans le même cadre politique des
institutions.
Le PC, défendant les intérêts de son appareil et de ses
élus, se bat pour être " majoritaire à gauche ".
Les antibuffet qui se retrouvent aujourd'hui derrière Bové partagent
le même objectif mais sont plus libres de fustiger Ségolène
Royal et le social-libéralisme
La crise du courant antilibéral combine deux crises, celle du PC et celle
du mouvement altermondialiste. Elle pourrait se résumer dans la difficulté
voire l'impossibilité de faire vivre de réels partis réformistes,
au sens du mouvement ouvrier, à l'heure de la mondialisation libérale
et impérialiste.
Le PC, pour les besoins de la survie de son appareil, essaye de se reconvertir
en parti antilibéral, altermondialiste, mais sans pouvoir rompre avec
le PS, alors que le mouvement altermondialiste conteste le capitalisme, veut
en supprimer ou corriger les excès, mais sans avoir fait sienne la nécessité
d'une rupture anticapitaliste.
Le PC se heurte à la difficulté de sa reconversion et les altermondialistes
à la confusion politique inhérente à l'absence de stratégie
révolutionnaire.
Cette confusion et la crise qu'elle provoque dés que les altermondialistes
se confrontent à la question du pouvoir ont créé un terrain
favorable à l'homme providentiel, dont la forte personnalité de
petit Bonaparte se substitue à la volonté politique collective.
Est-ce
que l'aventure entre les collectifs unitaires et José Bové durera
? Sera-t-elle féconde du point de vue de la " dynamique unitaire " ?
Il y a bien des raisons de penser que non. Les collectifs se sont donnés
à José Bové mais il y a entre eux une contradiction forte.
Entre ceux qui ont rêvé d'une dynamique démocratique populaire,
d'un renouveau des luttes collectives, d'un nouvel essor du mouvement ouvrier
et social et le leader paysan rompu aux actions d'éclat de petite minorité
voire individuelle, il y a un quiproquo.
Si le combat de José Bové et de ses amis participe de la lutte
contre la mondialisation capitaliste, il se situe sur le terrain de la paysannerie.
Nous en sommes solidaires mais ce n'est pas le nôtre.
Aujourd'hui, chacun peut faire l'expérience des différentes politiques
qui se sont formulées dans les dix dernières années au
sein du mouvement social, des luttes, du mouvement altermondialiste. Et c'est
très bien, c'est le sens même de l'étape préparatoire
des élections que d'obliger aux clarifications politiques en mettant
les courants politiques qui se réclament du mouvement social au pied
du mur de la question du pouvoir.
Les contradictions en sont nécessairement exacerbées, tensions
et crise en résultent, c'est nécessaire, indispensable. Un parti
anticapitaliste ne peut se former qu'à travers cette confrontation des
différentes politiques comme de ceux qui les portent. C'est à
travers ces confrontations que se forgent les convictions, que se construit
une lucidité politique, que se regroupent les militants sur la base d'une
compréhension commune de la lutte.
Et l'on a du mal à imaginer comment des anticapitalistes peuvent se laisser
entraîner dans cette galère dont la confusion politique comme le
caractère fort peu démocratique ne participent pas de notre combat.
Il est d'ailleurs regrettable et préjudiciable au mouvement anticapitaliste
que pendant des mois bien des militants aient laissé planer des ambiguïtés
tant sur les personnalités que sur les idées autour desquelles
ils étaient prêts à se regrouper.
La clarté politique est une composante indispensable de la démocratie.
La confusion laisse le champ libre aux manuvres, celles du PC d'abord
puis celles de Bové aujourd'hui.
Nous verrons si José Bové ira jusqu'au bout ou non, la question
de fond n'est pas là. Elle est celle du programme et des orientations
et José Bové ne partage pas le nôtre. Se retrouver au coude
à coude dans des mobilisations est une chose, autre chose est l'orientation
sociale et politique dont chacun est porteur.
Au sein du mouvement altermondialiste comme au sein du monde du travail et de
la jeunesse nous nous voulons le parti de la lutte de classe. Nous pensons que
rien ne peut changer sans l'intervention directe des travailleurs, des classes
populaires pour décider de la marche de la société, c'est-à-dire
de leur propre sort et donc disputer le pouvoir à la bourgeoisie.
Le courant qui se retrouve derrière José Bové ne partage
pas cette conception, il se retrouve en fait sur la même orientation que
le PC
sans le PC, donc moins contraint à préciser ses alliances
futures.
Entre le PC et les anticapitalistes, il existe au sein du mouvement altermondialiste
une mouvance au contour flou qui croit pouvoir éviter la question du
pouvoir. Le PC la pose en terme de majorité parlementaire et gouvernementale,
c'est-à-dire d'alliance avec le PS. Nous la posons en terme de rupture
révolutionnaire et démocratique, anticapitaliste. Ceux qui croient
que l'on peut l'ignorer se trompent, elle rattrape tout le monde, et faute d'avoir
une politique, les rapports institutionnels plient les indécis à
leur logique.
Les anticapitalistes veulent porter ce débat sur la question du pouvoir
y compris dans la campagne électorale. Notre campagne avec Olivier Besancenot
ne vise pas à changer la majorité à gauche ou à
témoigner ou interpeller, elle vise à aider au regroupement de
tous ceux qui ont conscience qu'il s'agit de changer le rapport de force entre
le capital et le travail et que cela, seule l'organisation, la mobilisation
l'intervention directe des travailleurs sur le terrain social et politique en
sont capables. Elle vise à donner confiance en eux-mêmes aux opprimés,
aux exclus, pour battre la droite et sa politique soumise aux Medef et aux intérêts
des gros actionnaires.
Yvan Lemaitre