Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°144
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15 mars 2007
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Sommaire : | ||||||||||
Bayrou, enfant des convergences et du discrédit de la droite et de la gauche | ||||||||||
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Bayrou,
enfant des convergences
et du discrédit de la droite et de la gauche
La campagne électorale
connaît un nouveau tournant à travers lequel s'exprime, dans la
confusion, la défiance vis-à-vis des grands partis institutionnels.
C'est le scandale des parrainages, tentative de censure de la part de ces derniers.
Aidé par le silence du PS sur la question, Sarkozy en a profité
pour faire un geste vis-à-vis du FN en déclarant vouloir " se
battre " pour que Le Pen et
Olivier Besancenot aient leurs parrainages !
Manuvre plus que grossière dont le seul but était de séduire
l'électorat le plus réactionnaire tout en essayant de nous déstabiliser.
Malgré ces manuvres, les militants de la LCR imposeront la présence
d'Olivier Besancenot à la présidentielle, pour porter la révolte
des classes populaires contre Sarkozy et le Medef, en rupture avec tous les
partis institutionnels qui cogèrent depuis plus de 20 ans l'offensive
contre le monde du travail.
" Présidentielle : la défiance au cur
du vote " titrait le Monde à propos d'un sondage
révélant que 61 % de la population déclare ne faire
confiance ni à la gauche ni à la droite pour gouverner le pays.
Parmi les sympathisants socialistes, 44 % seulement font confiance à
la gauche !
Dans ce contexte, Bayrou parvient à faire une percée dans les
sondages où il est annoncé entre 21 % et 24 %, talonnant
Sarkozy et Ségolène Royal. Ce vieux politicien, ministre de bout
en bout des gouvernements Balladur et Juppé, tente de passer pour le
candidat au-dessus de la droite et de la gauche, " en dehors du
système " et profite paradoxalement de la méfiance
envers les partis institutionnels
dont le sien fait pourtant partie.
Il s'appuie surtout sur les convergences entre la droite et la gauche dont ils
se prétend lui-même l'expression. Il s'attaque aux " deux
candidats prétendument rivaux [
] Ils ne sont pas un duel, ils sont
un duo " et il propose de les
réconcilier dans un
" gouvernement d'union nationale ". Il a même
un modèle de 1er ministre : Delors, celui-là même qui
a mené une politique d'austérité contre les travailleurs
sous Mitterrand
Tout un programme.
Du coup, il déstabilise Sarkozy comme Royal et les oblige à se
repositionner. Alors qu'il posait lui aussi à l'homme au-dessus des partis
tendant la main aux travailleurs déçus de la gauche, Sarkozy est
contraint de se déporter à droite. Annonçant sa volonté
de créer un " ministère de l'immigration et de l'identité
nationale ", il reprend à son compte, autour de l'identité
nationale, de la France des croisades et de la chrétienté, tous
les préjugés réactionnaires de l'extrême droite.
Du côté du PS, DSK a lancé un appel pour obtenir le désistement
de Bayrou en faveur du PS au second tour, en promettant : " Ségolène
Royal l'a dit : tous ceux qui rejoindront le "pacte présidentiel"
auront vocation à rejoindre le gouvernement et la majorité présidentielle " !
Quant à la soi-disant opposition de Fabius à cette évolution,
Bartolone en a précisé la fonction : " Fabius
tient un discours de premier tour, il donne des marqueurs de gauche. DSK, lui,
tient à Bayrou un discours de second de tour, en lui disant : C'est
à vous de choisir clairement "
Un partage des rôles
pour une même politique !
Tous
sur le même terrain défini par le Medef
Si " l'effet Bayrou " est certes étonnant, son discours
sur " le dépassement des vieux clivages "
s'appuie sur une forte réalité politique. Les convergences entre
la droite et la gauche social-libérale sont un fait depuis longtemps
au sein des institutions, à travers la cohabitation, dans les gouvernements
successifs, dans les cogestions de régions, de départements, etc.
Dans leurs projets politiques, tous se positionnent de fait dans le cadre du
Medef et de la " bonne marche des entreprises ",
c'est-à-dire, la bonne santé des profits. Et Bayrou prétend
tout simplement incarner cette convergence inscrite dans la réalité
politique du pays depuis deux décennies en reprenant à son compte
ce qui en est le ciment politique.
Ainsi, face au chômage qui plonge dans la misère de plus en plus
de travailleurs, tous proposent une grande nouveauté : davantage
de subventions pour le patronat ! Sarkozy, reprenant les revendications
du Medef, avait déjà annoncé le non paiement de charges
patronales sur les heures supplémentaires ainsi que le contrat unique
pour assurer au patronat la liberté de licencier. Bayrou, très
innovant, propose lui d'exonérer de charges pour cinq ans deux emplois
nouveaux par entreprise, quelle que soit la taille de celle-ci. Il estime même
la mesure à près de 4 milliards d'euros
autant de moins
pour le financement de la sécu ou des retraites. Quant à Ségolène
Royal, face au chômage des jeunes, elle veut créer des emplois-tremplins
en subventionnant les PME : " les 65 milliards d'euros d'aides
aux entreprises seront redéployés, pour supprimer les effets d'aubaine
et les concentrer sur les PME qui innovent et qui exportent ".
Elle reprend à son compte la politique du Medef qui déclare que
pour créer des emplois, il faut baisser le coût du travail.
La revendication patronale de la baisse des " charges ",
qui sont une part du salaire de l'ensemble des salariés, est remise en
avant également avec la question de la " TVA sociale ".
Au nom de la création d'emplois, il s'agirait de remplacer tout ou partie
des cotisations sociales employeurs par une hausse de la TVA, qui serait supportée,
elle, par l'ensemble de la population. La mesure vient d'être appliquée
en Allemagne par le gouvernement de la grande coalition avec une augmentation
de 3 % de la TVA. Elle est reprise aujourd'hui par Sarkozy et Bayrou. DSK,
qui se fait plus discret sur la question, en était également un
chaud partisan !
L'affaire d'Airbus a également révélé ces convergences,
entre Bayrou qui explique qu'il faut laisser faire les industriels et Ségolène
Royal qui ne veut surtout pas toucher à la privatisation décidée
par le gouvernement Jospin. Par contre, les trois candidats se retrouvent sur
la même conception de l'intervention de Etat : apporter des capitaux neufs
à l'entreprise, pour que les actionnaires puissent continuer de prospérer.
Ces convergences entre les grands partis institutionnels se retrouvent au niveau
européen, comme en Allemagne ou en Autriche, où des coalitions
de partis de droite et de gauche mènent ensemble l'offensive contre le
monde du travail.
En Allemagne, il y a quelques mois, un dirigeant de la CDU annonçait
ainsi la couleur, lors de la mise en place de la grande coalition entre la CDU-CSU
et le SPD : " Une grande coalition peut aborder les questions
délicates que la politique n'a pas trouvé le courage de résoudre
dans les quinze dernières années ". Et ces fameuses
" réformes " se négocient aujourd'hui entre
la droite et la gauche allemandes : privatisation des chemins de fer, baisse
du taux d'impôts sur les sociétés qui doit passer de 38,6 %
à 29,8 % et vote tout récemment de la loi de relèvement
de l'age de la retraite de 65 à 67 ans par cette " grande coalition " !
La même évolution a lieu en Autriche, où vient de se constituer
une grande coalition entre le PS et le Parti populaire, le même qui avait
fait coalition avec l'extrême droite de Jörg Haider en 1999.
Elle s'inscrit dans la collaboration droite-gauche au niveau européen,
où les différences d'intérêts nationaux jouent bien
plus que les étiquettes. Ainsi, la circulaire Bolkestein s'est élaborée
au sein d'une telle alliance, célébrée par Cohn Bendit
comme " l'illustration de l'omniprésence de la grande coalition
allemande CDU-SPD au Parlement européen ". Rien d'étonnant
à ce que le même en appelle aujourd'hui à un " partenariat
présidentiel Bayrou-Royal-Voynet " !
Face
aux libéraux de droite de gauche ou du centre, le camp des travailleurs
Paradoxalement, la montée de Bayrou a lieu sur la base d'un rejet du
" système ", de cette alternance de partis gouvernementaux
de droite et de gauche qui cogèrent les affaires de la bourgeoisie. Mais
ce calcul risque lui aussi de faire long feu, tout comme celui de Sarkozy de
poser à la " rupture tranquille " ou de Ségolène
Royal à la candidate " proche des gens ". Les effets
et les poses médiatiques ne parviennent pas à masquer le bilan
de leur politique qui a conduit à développer le chômage,
la précarité et à appauvrir une partie grandissante des
travailleurs alors que les entreprises du CAC 40 viennent de réaliser
encore une année record en 2006 (+10 % par rapport à l'année
dernière) avec près de 100 milliards de bénéfices !
Face à tous ceux qui se soumettent à la dictature des actionnaires,
il faut opposer le camp des travailleurs, celui de la rupture anticapitaliste.
Ce terrain, n'est pas institutionnel car ce n'est pas par les élections
que le monde du travail peut inverser le rapport de force vis-à-vis de
la bourgeoisie et de son Etat. Mais les élections sont un moyen de préparer
les luttes pour y parvenir, une tribune.
Il s'agit de donner confiance, c'est à dire convaincre que la seule façon
pour les travailleurs et les classes populaires de peser sur la vie sociale
et politique est d'agir en fonction de leurs propres intérêts de
classe, en toute indépendance des partis institutionnels.
Pour se battre consciemment, en toute indépendance, le monde du travail
ne doit pas être dupe de la comédie qui se joue dans ce théâtre
d'ombres des institutions. Le rôle de cette comédie est de détourner
la population de la défense par elle-même de ses propres intérêts.
Les partis institutionnels trouvent un appui dans l'attitude des directions
syndicales, qui cherchent à éviter tout conflit, respectueuses
qu'elles sont de l'ordre établi. Ainsi, alors que la question des salaires
et des licenciements se pose directement pendant la campagne, que le mécontentement
sourd de partout, elles ne prennent aucune initiative pour tenter de regrouper
les luttes au risque de bousculer la routine électorale. Elles invitent
les candidats " engagés dans une démarche gouvernementale
", comme le dit Chérèque, à débattre.
Dominées par le " dialogue social ", certaines demandent
même à rencontrer Sarkozy, qui mène ouvertement une campagne
politique au service du Medef pour préparer les nouvelles offensives.
Airbus en est également la limpide démonstration. Face au parasitisme
de cette aristocratie financière qui licencie pour faire monter le cours
de ses actions, est posée la question de l'interdiction des licenciements
mais aussi celle de l'expropriation de ceux qui détiennent ce privilège
exorbitant de pouvoir engranger les fruits du travail grâce à un
simple titre de propriété. Mais les directions syndicales restent
sur le terrain de la " marche de l'entreprise " et
on a même pu voir les différents candidats des partis gouvernementaux
de gauche comme de droite venir parader au nom de la " défense
de l'industrie française ", jouant la carte dangereuse
de la concurrence entre salariés français et allemands.
La classe ouvrière a besoin d'un programme, pour se battre consciemment
pour ses propres intérêts. Les élections seront le moyen
de populariser ce plan d'urgence pour les luttes, cette perspective d'une autre
répartition des richesses produites par notre travail et du contrôle
démocratique sur la marche de la société.
Denis
Seillat