Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°151
03 mai 2007

Sommaire :
Pour battre Sarkosy et sa politique, reprendre le drapeau de mai 68
1995, 2002, 2007, vers un parti des travailleurs


Pour battre Sarkozy et sa politique,
reprendre le drapeau de mai 68

 

Bataille de personnalités à la veille du second tour " titrait Le Monde avant que ne commence le débat Royal-Sarkozy. Il est clair qu'il s'agissait plus pour chacun des protagonistes de donner de lui une image médiatique susceptible d'attirer l'électeur moyen supposé centriste que de discuter de programmes politiques réellement différents. Le débat n'a fait que souligner les convergences entre le candidat de l'UMP et celui du PS d'autant que Royal était tout aussi déterminée à montrer sa pugnacité que Sarkozy à faire le dos rond chacun voulant prouver qu'il n'est pas celui ou celle que l'on croit…
Jeu de dupes à l'image de cette démocratie tronquée où l'électeur ne décide de rien puisqu'au final, chacun l'a dit et répété, " il faut relancer la croissance ". Le maître mot est là, la croissance. Et la croissance, c'est quoi ? La compétitivité, la rentabilité financière, les profits… Tout dépend donc du patronat, des gros actionnaires, de ceux dont il n'a pas été question mercredi soir d'autant plus absents du débat qu'ils le dominent et y imposent leurs propres intérêts, leur propre logique. Ceux qui attendaient de Ségolène Royal des engagements resteront sur leur faim. Sur les 35 heures, " si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord, il n'y aura pas de généralisation des 35 heures ", donc ce sont les patrons qui décideront. Sur les salaires, la réponse de Royal à Sarkozy est pour le moins surprenante : " Laissez les gens libres, ne leur imposez pas de travailler plus pour gagner plus ", il faut " un travail payé à sa juste valeur ". Tout au plus, elle s'engage sur une conférence sur les salaires. Sur les retraites, elle s'aligne sur les volontés du patronat, comme Sarkozy, poursuivre la réforme.
Elle s'est engagée sur la création d'un service public de la petite enfance mais sans rien de précis. Elle a déclaré vouloir revenir sur la suppression des 5000 postes d'enseignants prévue à la rentrée, c'est un minimum mais cela ne suffira pas pour avoir des classes de 17 élèves qu'elle a dit souhaiter.
Royal avait, la veille à Charléty, défini sa façon de voir sans ambiguïté : " le but ultime du profit, ce doit être le progrès humain " pour conclure en prédicatrice d'un nouvel âge, " Prenons nous la main, aimons-nous les uns les autres, construisons ensemble ".
Le problème est bien là, l'idéologie, les idées, la politique de Royal sont sur le même registre que celles de Sarkozy, dans la continuité d'ailleurs de celles défendues et mises en œuvre par Mitterrand puis Jospin.
Loin de s'opposer à la dérive droitière, réactionnaire de tous les partis et appareils politiques, Royal y participe. Loin de représenter un contre-poids à Sarkozy elle lui prépare le terrain auprès de ceux qu'elle-même influence.
Alors, bien sûr, le 6 mai, nous serons aux côtés de ceux qui veulent battre Sarkozy et n'ont qu'une seule façon de le faire, voter Royal.
Mais cette défaite de Sarkozy, que nous souhaitons, ne sera pas une victoire des travailleurs ni des idées de progrès et de démocratie.
Ce combat, il se mène ailleurs et avec d'autres armes.
Mai 68 a été remis à la une de l'actualité par Sarkozy lors de son meeting de Bercy. Tant mieux car cela indique sans ambiguïté ce que craignent Sarkozy et les siens, la mobilisation des travailleurs et des jeunes hors du cadre parlementaire et institutionnel. Ils ont raison car c'est bien la seule façon de débloquer les situations, de faire éclater les verrous conservateurs, de libérer les énergies, d'ouvrir la voie au progrès, de faire vivre la démocratie.
Je veux tourner la page de mai 68 une bonne fois pour toutes ", clame Sarkozy. Il se fait le champion de l'ordre moral, " La morale, après 68, on ne pouvait plus en parler " et aveuglé par sa haine, il perd les pédales : " Voyez comment le culte de l'argent roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portées par les valeurs de mai 68 " ! La haine et la hargne rejoignent vite la stupidité.
Lui répondant à Charléty, Royal a voulu faire l'éloge de 68 comme elle a fait l'éloge des combats à l'origine de la fête du 1er mai. Elle l'a fait pour donner à son propre combat une grandeur et une portée qu'il n'a pas, pour s'approprier une histoire dont elle n'est en rien la continuatrice, façon, dans le même temps, d'effacer leur véritable signification, portée historique, révolutionnaire. Ce qui en fait leur actualité.
Elle en fait l'éloge pour mieux en regretter les excès et se présenter comme garante de " l'harmonie " se faisant fort de " protéger la paix civile ".
Elle s'adresse aux conservateurs pour leur dire, avec Sarkozy vous prenez le risque des désordres, de mouvements sociaux, avec moi, vous aurez la paix sociale. " Je veux une France qui se réforme, je veux la paix civile dans mon pays ".
Loin de comprendre les leçons de l'histoire du Premier mai, de l'histoire des luttes du mouvement ouvrier pour la démocratie et le progrès, l'histoire de mai 68 - les classes populaires n'ont jamais rien obtenu que par leur luttes - elle prétend l'inverse, prône la réforme pour tenter d'anesthésier la colère que, dit-elle, elle sent monter comme en mai 68.
Nous voulons, nous, armer cette colère, cette révolte lui donner confiance en elle, en sa légitimité, lui permettre de s'exprimer sur le plan politique pour exercer sa propre pression contre les préjugés réactionnaires qu'au nom de la morale flattent, chacun à leur façon, Royal et Sarkozy.
Le parallèle avec la situation d'avant 68 mérite que l'on s'y arrête. Aujourd'hui comme avant 68, la société est bloquée, c'est-à-dire que les progrès scientifiques, techniques, culturels ne peuvent bénéficier à l'ensemble de la population parce qu'ils se heurtent à des structures sociales réactionnaires, inadaptées, qui vont à l'encontre de ces progrès. Pire, la logique du système les pervertit, entraînant une véritable régression sociale.
En 68, il fallait faire éclater le carcan du gaullisme qui avait remis en selle la bourgeoisie française en réconciliant la résistance et le pétainisme pour mettre le pays au travail et mener les sales guerres coloniales pour défendre son empire en ruines.
Seules l'irruption de la jeunesse sur la scène politique, dans la rue, et la grève générale ont été capables de briser ce carcan. Si dès les élections de juin 68, la droite gaulliste l'emportait sur le terrain institutionnel, le vent de la contestation ne s'est pas éteint pour autant. Les progrès nécessaires du fait de l'évolution sociale dont Mai 68 portait l'exigence s'imposaient pour une part du moins, à la droite elle-même, parce que la jeunesse et les travailleurs continuaient d'exercer leur pression politique. Et, 40 ans plus tard, Sarkozy peste contre les soixante-huitards !
Cette leçon, nous ne l'avons pas oubliée. Si Sarkozy l'emporte, ce qui est le plus probable vu la façon dont Royal prétend le combattre, il ne manquera pas de dirigeants de gauche pour dramatiser la situation afin de mieux camoufler leur propre incurie, leur incapacité à offrir aux aspirations des jeunes et des classes populaires une perspective. Mais, que ce soit Sarkozy qui l'emporte ou Royal, les forces qui travaillent la société, en profondeur, continueront leur œuvre. La rupture entre les partis institutionnels, de droite ou de gauche, et les classes populaires continuera de s'approfondir, cherchera les voies et moyens de s'exprimer. Elle porte en elle la possibilité qu'émerge un parti du monde du travail, anticapitaliste.
Les blocages auxquels se heurtent aujourd'hui le progrès et la démocratie touchent au cœur même du système, à l'exploitation capitaliste, au mécanisme de production du profit et c'est bien l'ensemble du système qu'il faut remettre en cause.
Royal nous invite à " faire le choix de l'audace " mais voter pour elle contre Sarkozy ne sera, au mieux, qu'un frein contre l'emballement du système qui conduit à une catastrophe sociale.
L'audace sans laquelle rien ne bougera ne peut être que de reprendre le drapeau de 68, le drapeau rouge de la contestation, de la révolution.

Yvan Lemaitre

 

1995, 2002, 2007,
vers un parti des travailleurs

On ne peut que se féliciter que l'extrême gauche ait été capable de réunir deux millions de voix (5,4 %) sur les candidatures d'Olivier Besancenot (1 498 581, 4,08 %) et d'Arlette Laguiller (487 857, 1,33 %), malgré la pression du vote utile et les craintes d'un 2ème 21 avril 2002.
Ce résultat atteste l'existence d'un courant profond au sein du monde du travail et de la jeunesse, qui s'était manifesté pour la première fois en 1995 quand Arlette Laguiller avait obtenu 1,6 millions de suffrages (5,3 %).
Si beaucoup ont souligné un recul par rapport à 2002 (2,8 millions de voix, 10 %, pour O.B. et A.L.), il faut le ramener au changement de situation. 2002 sanctionnait cinq années de gouvernement de gauche, alors qu'aujourd'hui, la candidate du PS dans l'opposition bénéficie de la volonté de sortir Sarkozy.
Le résultat de 2007 affirme la continuité depuis 1995 d'un courant qui se renforce, prend confiance en lui-même, se reconnaît dans le programme des anticapitalistes et dans son indépendance vis-à-vis de la gauche gouvernementale et des institutions. Nous voulons revenir dans cet article sur les étapes à travers lesquelles l'extrême gauche a commencé à émerger sur le plan électoral et les transformations auxquelles elles correspondent au sein du mouvement ouvrier.
Comprendre ces étapes nous permet aussi de débattre des problèmes politiques que nous avons à surmonter pour que ce courant électoral puisse déboucher sur la construction d'un nouveau parti des travailleurs, anticapitaliste et unitaire. Le problème est posé depuis 1995 et prend une toute autre dimension aujourd'hui, il s'agit bien de discuter des réponses concrètes à apporter pour regrouper ceux qui se retrouvent dans le camp des travailleurs : anticapitalistes divisés ; militants du PC confrontés à l'effondrement de leur parti ; d'autres face au choix entre antilibéralisme et anticapitalisme ; nouvelles générations militantes, dans la jeunesse venant de la lutte contre le CPE ; dans les entreprises avec de nouvelles sections syndicales qui se montent pour la lutte ; mais aussi militants syndicaux révoltés par des directions confédérales qui sortent aujourd'hui à peine de leur silence.

1995-2002 : l'extrême gauche, expression de la remontée des luttes et des premières ruptures face à la gauche plurielle
Au moment où le capitalisme entrait dans une nouvelle période qu'il prétendait triomphante, suite à l'effondrement de l'URSS en 1991, la contestation sociale allait renaître contre lui, en marge des partis de gauche. Mitterrand finissait son long règne, la sale besogne accomplie. Dans cette période de recul, un nouvel espace s'ouvrait pour la contestation en 1995, permettant à un renouveau politique de s'exprimer, avec les résultats d'Arlette Laguiller, et un renouveau des luttes, avec le mouvement massif de novembre-décembre 95.
L'indépendance de LO vis-à-vis de la gauche, la continuité de l'affirmation d'une politique s'adressant à l'ensemble des travailleurs depuis 1974, fondent alors son succès électoral, et donnent du crédit à la campagne qui met en avant pour la première fois " un plan d'urgence ". Le résultat d'Arlette Laguiller exprime clairement la sanction des quatorze années de gauche au pouvoir et de cohabitation avec la droite.
Pour la première fois, un courant s'exprime qui dépasse largement les résultats habituels de l'extrême gauche, hérités de mai 1968. Une fraction nouvelle du monde du travail se reconnaît dans ce programme qui encourage les luttes, seules capables de l'appliquer. LO sent cette nouvelle situation, en lançant un appel à un nouveau parti… qui reste sans suite, ne dépassant pas le communiqué, tant cette perspective remet en cause la routine et un fonctionnement auto-centré et fermé.
Le lien est évident entre ce résultat électoral et le mouvement de novembre-décembre 1995, qui mobilise pendant plusieurs semaines des centaines de milliers de salariés contre le plan Juppé, " tous ensemble ", commençant à retrouver confiance. Dans ce creuset, commencent aussi à changer les rapports entre les militants révolutionnaires et ceux du PC qui ne peuvent plus les marginaliser, voire les exclure, comme pendant les heures fortes du stalinisme et jusque dans les années 80. Ils sont obligés de discuter avec les militants d'extrême gauche et beaucoup les regardent d'un autre œil.
1995 marque clairement le début d'une nouvelle période pour le mouvement ouvrier : de nouvelles possibilités apparaissent pour les révolutionnaires, en même temps que des limites, héritées de la période précédente. LO vient de faire la démonstration qu'il est possible de trouver un écho très large chez les travailleurs mais elle ne croit pas en son propre appel qui reste sans suite. La LCR ne sort pas de la confusion " dans la gauche de la gauche ", après avoir appelé à voter indifféremment pour Arlette, Voynet et Hue.
Deux ans plus tard, les petits jeux parlementaires de Chirac redonnent le pouvoir à l'union de la gauche, pour cinq ans, avec la participation, sans rupture, du PC. Le nouveau label " gauche plurielle " masque la conversion, sans aucun fard et définitive, de la gauche au libéralisme. La loi des 35 heures est la plus emblématique de la cassure entre la gauche gouvernementale et les militants ouvriers. Au sein des syndicats, c'est la crise, puisque les directions ont apporté leur soutien à cette loi qui aggrave la condition des travailleurs. Quant à la stratégie du PC, un pied dans le gouvernement, l'autre dans la rue, elle contribue à révéler, a contrario, que la lutte des classes oblige chacun à choisir son camp.
Dans cette situation, l'extrême gauche renforce son influence à une échelle large. Elle est la seule opposition de gauche pour les militants ouvriers face au gouvernement. Elle s'engage dans les luttes des sans papiers, des chômeurs, contre les licenciements, contre la guerre dans l'ex-Yougoslavie. Et elle offre la possibilité que s'exprime politiquement la rupture avec la gauche, en 1999, avec la liste commune LCR-LO aux élections européennes où seront élus cinq députés révolutionnaires.
Cette rupture ouvre de nouvelles possibilités pour discuter de la construction d'un nouveau parti, crée un point d'appui pour offrir un cadre de regroupement à la fraction des travailleurs et des jeunes qui ont rompu avec la gauche, qui est disponible pour poursuivre sur un terrain militant la politique défendue en commun pendant la campagne. Malheureusement, ni la LCR ni LO ne voudront prendre appui sur l'élection de cinq députés révolutionnaires au parlement européen pour tracer cette perspective en mettant en œuvre un rapprochement pratique, militant, des deux organisations.

2002-2007, les nouvelles responsabilités de l'extrême gauche, au cœur du renouveau des luttes
La présidentielle de 2002 est une sanction sans appel du gouvernement de gauche sortant, Jospin et ses alliés perdent trois millions de voix, payant leurs cinq années de politique libérale. La rupture du monde du travail est claire, avec aussi près de 13 millions de personnes qui se sont abstenues.
Les révolutionnaires ont recueilli les suffrages de 2,8 millions d'électeurs. Mais le problème du vote du 5 mai illustre les difficultés à se dégager des pressions institutionnelles pour formuler une politique leur donnant des perspectives. LO refuse de céder au front républicain pour Chirac, mais se coupe brutalement de la révolte légitime de la jeunesse et des travailleurs contre Le Pen. La LCR, en phase avec la mobilisation de l'entre deux tours, ne réussit pas à se démarquer de la gauche. Un front des révolutionnaires aurait sans doute permis de débattre pour élaborer une position indépendante, et donné la force de la faire entendre, en appelant à se regrouper dans une nouvelle force politique tous ceux qui voulaient donner une suite à leur vote pour Arlette et Olivier.
Ces 10 % de voix réunies par les deux candidats sont le résultat des expériences accumulées au sein du mouvement ouvrier. Envers le PS, la plupart des illusions sont tombées. Le crédit qui lui reste, c'est d'être " le moins pire ". Son succès électoral en 2004, et le recul de l'extrême gauche, n'effacent pas le fait que le quinquennat Chirac est celui d'une profonde maturation politique dans le camp des travailleurs, stimulée par les luttes.
De la mobilisation dans la rue contre Le Pen entre les deux tours, à la lutte contre le CPE en 2006, en passant par le mouvement anti-guerre en 2003, les grèves lycéennes contre la loi Fillon et la révolte des banlieues en 2005, une génération nouvelle, jeune, a fait une expérience politique déterminante, secouant profondément une fraction importante du monde du travail.
Alors que, en juin 2003, le mouvement contre la casse des retraites s'arrêtait aux portes du Parlement, les directions syndicales refusant de pousser plus loin les manifestations parce que la loi était votée, le mouvement étudiant de 2006 se lançait contre une loi déjà adoptée et obtenait son retrait partiel. Il fait la démonstration publique que la légitimité, ce n'est pas l'Assemblée, les institutions, mais bien la mobilisation démocratique de la jeunesse pour ses droits.
Dans la même période, les luttes amènent à mettre en place des cadres démocratiques, dépassant la routine et la division syndicales : assemblées interpros, collectifs, assemblées générales de lutte… Pour une fraction grandissante des militants syndicaux, elles révèlent à quel point les directions confédérales sont engagées dans le " dialogue social ", y compris avec la droite, à quel point elles sont gênées par les luttes, et craintives du débat démocratique où une autre orientation que la leur peut gagner de l'influence.
Pendant la bataille contre le TCE, des milliers de militants reprennent en main le débat politique et font l'expérience d'un front unique qui n'exclut pas les divergences. Le problème du choix entre politique antilibérale et anticapitaliste, c'est-à-dire entre réforme et révolution, commence à se discuter, à devenir concret pour des militants, de plus en plus largement.
Au cœur de toutes ces transformations, l'action des militants révolutionnaires, dans la jeunesse et les entreprises, a été déterminante, pesant sur les débats, les revendications, la façon de mener ces batailles. Et les problèmes politiques posés se sont de fait retrouvés dans la campagne. Pendant ces cinq années, des forces profondes ont travaillé, transformant les consciences.

2007, la perspective concrète d'un nouveau parti
L'élection de 2007 est une nouvelle étape du mûrissement de ceux qui se reconnaissent dans l'extrême gauche anticapitaliste au moment où le courant antilibéral est en situation d'échec.
Résistant à la logique institutionnelle du prétendu vote utile, deux millions d'électeurs ont voté Olivier Besancenot et Arlette Laguiller pour faire entendre dans l'élection le renouveau des luttes, la contestation du 29 mai 2005, et pour maintenir leur indépendance avec le PS, alors que de leur côté, Marie George Buffet et José Bové, ont tout au long de la campagne ouvert des portes vers lui, tout en le critiquant.
Cet échec, sur le fond, de l'antilibéralisme, indique qu'une nouvelle force politique ne peut défendre réellement les intérêts des travailleurs que sur les bases de l'anticapitalisme, de l'indépendance totale vis-à-vis de l'Etat et des partis acceptant de gérer le capitalisme.
Au sein du courant anticapitaliste, le recul de Lutte ouvrière met en lumière les conséquences de son repli sur soi qui se s'est exprimé en particulier à l'occasion du 2ème tour de 2002 ou lors du référendum en 2005, son scepticisme face aux transformations en cours au sein du mouvement ouvrier, n'y voyant que le recul. A l'inverse, la campagne d'Olivier Besancenot a bénéficié de sa capacité à exprimer la continuité du courant anticapitaliste depuis 1995, au-delà de la LCR même, la rupture vis-à-vis de la gauche, y compris antilibérale, mais aussi la capacité à mener le débat avec elle, pour contester ses thèses, sans sectarisme ni concession. Elle donne une nouvelle impulsion au mouvement.
Le résultat des deux est un point d'appui qui donne une nouvelle dimension, concrète et à l'échelle de l'ensemble du mouvement ouvrier, à la perspective d'une nouvelle force politique pour les travailleurs, dont le débat entre les anticapitalistes, et leur unité, sont un élément déterminant.
Les problèmes sont posés largement. Des points d'appui existent, parce qu'une base militante est là, parmi les travailleurs et la nouvelle génération militante du mouvement anti-CPE, et parce que les révolutionnaires ont su formuler avec le plan d'urgence les exigences posées par les problèmes immédiats du monde du travail. Des éléments de réponse sont formulés et apparaissent dans la situation, comme la nécessité d'être unitaire dans les luttes tout en défendant de façon indépendante une politique révolutionnaire, comme aussi l'unité des anticapitalistes. LO avait lancé son appel en 1995 tout en refusant de discuter avec les autres courants dont la Ligue. Olivier Besancenot a une démarche unitaire en appelant au regroupement pour construire une nouvelle force anticapitaliste. Cela change la donne autant il est vrai qu'aucune organisation ne peut prétendre par elle-même avoir les réponses à l'ensemble des problèmes posés au mouvement révolutionnaire. Les réponses sont dans les têtes de tous ceux qui sont partie prenante de cet engagement pour un nouveau parti. Plus que jamais, il s'agit d'ouvrir le plus largement possible le débat sur cette perspective pour la faire vivre atour des axes politiques défendus par Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, les mesures d'urgences sociales et démocratiques pour les mobilisation posant la question du pouvoir dans la perspective d'une transformation de la société pour en finir avec la propriété privée capitaliste.

Franck Coleman