Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°157
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14 juin 2007
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Sommaire : | ||||||||||
Derrière la vague bleue annoncée se profile la vague du mécontentement | ||||||||||
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Derrière
la vague bleue annoncée
se profile la vague du mécontentement
" Ni
arrogance ni triomphalisme " prétend Sarkozy, " la
seule chose qui nous menace, c'est l'accusation de vouloir accaparer tous les
pouvoirs ". Au-delà de l'hypocrisie et des faux-semblants
dont Sarkozy est coutumier, la droite sait qu'elle aura, à plus ou moins
long terme, un réel problème avec l'écrasante majorité
parlementaire qui lui est annoncée. Après avoir des mois durant
semé la confusion, suscité des illusions, laisser croire tout
et son contraire, les pleins pouvoirs vont faire d'elle la cible du mécontentement
que sa politique de classe hostile au monde du travail provoque déjà.
La grève des salariés de Kronenbourg-Obernai contre les heures
supplémentaires obligatoires, alors que la direction venait de fermer
une autre usine, a contribué à dévoiler le mensonge du
" travailler plus pour gagner plus ". Elle a indiqué
que c'est bien sur le terrain de la lutte de classe que va se construire la
réelle opposition à cette politique. C'est ce terrain qui inquiète
le gouvernement. Juppé, à nouveau ministre, n'a pas oublié
que la mobilisation de novembre-décembre 95 avait eu raison de lui, alors
que la droite avait plus de 470 députés.
Cette inquiétude qui se combine à une volonté de revanche
explique que Sarkozy cherche à séduire les directions syndicales,
qui se complaisent dans les rencontres ininterrompues depuis l'élection
présidentielle. Le dernier épisode, avec la réception des
syndicats enseignants et les fédérations de parents d'élèves,
puis avec l'annonce de l'abrogation des décrets de Robien et la suspension
de l'apprentissage à quatorze ans, est révélateur de sa
méthode. Tout le monde sait que le projet annoncé est la réduction
des effectifs de l'éducation, aggravée par l'allongement du temps
de travail des profs. Mais avant l'offensive, Sarkozy fait des gestes vers les
directions syndicales, mais aussi vers certaines catégories d'enseignants,
pour les gagner à son projet politique pour l'éducation, dont
le discours prétendument pédagogique cache les réels objectifs :
élitisme, concurrence, et diminution des moyens. Il espère ainsi
affaiblir au maximum les résistances.
Sur un autre plan, en constituant des pôles de gauche et du centre dans
une majorité qui s'est déplacée vers l'extrême droite,
annonçant de nouvelles ouvertures après le deuxième tour,
il cherche à déconsidérer ceux qui se prétendent
opposants, montrer qu'il n'y a pas d'opposition qu'il ne saurait absorber.
Ces gestes d'ouverture, de concertation, de dialogue social de la part de celui
que la gauche présentait comme voulant l'affrontement ne sont pas que
des effets d'annonce à visée électorale. Ils expriment
la contradiction et la faiblesse de la nouvelle majorité. Populiste,
Sarkozy prétend être le président de ceux qui se lèvent
tôt, des classes populaires déçues par la gauche, tout en
flattant l'extrême droite, le tout pour mener une politique au service
des classes privilégiées, des gros actionnaires.
Avec la défiscalisation des heures supplémentaires, le cadeau
au patronat est conséquent, réduisant les cotisations des 900
millions d'heures supplémentaires (l'équivalent de 560 000
emplois à temps plein) qui sont déjà effectuées
chaque année. Qui peut croire que les salariés vont y gagner une
augmentation de leur revenu ? Au contraire, la mesure va vider un peu plus
les caisses sociales et aggraver la précarité, en favorisant les
embauches à temps partiel.
Avec la " TVA sociale ", rebaptisée aussitôt
" TVA antidélocalisation ", Fillon a annoncé
que la TVA grimperait de 19,6 % à près de 25 % en 2009,
ce qui frapperait durement l'ensemble des classes populaires. Par cette mesure,
il veut transférer le financement des caisses sociales, en exonérant
d'un côté les patrons de leurs cotisations sociales, et en taxant
davantage de l'autre la consommation des travailleurs.
Fillon avance clairement sa politique de classe, diminuer les cotisations des
entreprises et les impôts des plus riches avec le relèvement du
" bouclier fiscal ", et faire payer les pauvres.
Les attaques se combinent sur le salaire indirect pour baisser le prix de la
force de travail, et L. Parisot se réjouit de " la prise
de conscience collective d'un coût du travail trop élevé
qui pénalise l'entreprise comme le salarié ".
A cela s'ajoutent la franchise médicale, le non renouvellement des départs
en retraite dans la fonction publique, des mesures sécuritaires avec
les peines planchers, les arrestations et expulsions de sans-papiers, etc.
Ni la gauche, ni les directions syndicales n'attaquent ces mesures sur le fond.
Elles s'interrogent sur leur " faisabilité " et leur
coût, et n'envisagent aucune riposte sérieuse. D'ailleurs, Besson,
l'ex-conseiller de S. Royal, chargé par Fillon du dossier " TVA
sociale ", rappelle que le PS qui la dénonce aujourd'hui, avait
dans son programme des mesures similaires. En Allemagne, c'est le gouvernement
de grande coalition, avec un ministre des finances du SPD, qui l'a mise en place
depuis le 1er janvier, augmentant de 3 % de la TVA pour diminuer les impôts
des entreprises.
C'est bien cette convergence sur le fond des libéraux et sociaux-libéraux,
comme on l'avait vu au moment de la casse des retraites ou de la sécu,
qui empêche le PS d'être une réelle opposition, et qui continue
à le discréditer, offrant de fait une nouvelle victoire à
la droite, après celle de 2002. Il appelle maintenant à l'aide
les classes populaires pour le 2ème tour. Mais qu'ont fait ces députés
dans l'opposition durant les cinq dernières années ? Qu'ont-ils
fait au pouvoir les cinq années précédentes ? Ce serait
pourtant à eux de s'engager pour convaincre les électeurs qu'il
serait utile de voter pour eux au deuxième tour face à la vague
UMP. Même cela, ils en semblent incapables.
A l'approche du verdict, le PS se révèle plus politicien que jamais,
en proie aux batailles intestines. S. Royal est désavouée aujourd'hui
par la direction de son parti quand elle téléphone à Bayrou,
mais elle ne fait que mettre en uvre la " modernisation "
du PS que tous appellent, c'est-à-dire son adaptation encore plus poussée
aux intérêts du capital, en comptant sur le balancier de l'alternance
pour les ramener au pouvoir. En attendant, le PS est complètement déconsidéré
et la déroute électorale accélère sa crise.
La future assemblée va être tellement décalée par
rapport aux réels rapports sociaux et politiques, qu'elle sera l'incarnation
même du caractère antidémocratique de ce système.
Comment un parti ayant réuni dix millions de voix au 1er tour, moins
d'un quart des inscrits, peut-il détenir légitimement près
de 80 % de l'assemblée ? Le pouvoir prétend prendre
en compte le problème en envisageant une " dose "
de proportionnelle
pour la prochaine fois. Au-delà du communiqué,
il pressent bien les dangers d'un parlement qui ne permet pas au mécontentement,
à la révolte, bien réels, de s'exprimer dans le cadre institutionnel
pour être canalisés.
Du coup, les commentaires qui se félicitaient du " sursaut
démocratique " lors de la présidentielle, de la
spirale de l'abstention qui était enrayée, de la montée
du FN endiguée, du retour au classique affrontement gauche-droite, ont
laissé place à un silence gêné à propos de
l'abstention massive.
Tous ces faits accumulés, bousculant les vieux repères politiques,
sont autant de points d'appui pour poser les problèmes de l'urgence démocratique.
Une politisation profonde transforme les consciences. Le mécontentement,
malgré les pressions des partis institutionnels, parvient pour une part
à exprimer sa rupture avec eux. C'est ce dont attestent l'influence croissante
des idées défendues par les candidats révolutionnaires,
l'intérêt rencontré dans toutes les réunions de campagne.
C'est bien la question d'un nouveau parti, exprimant cette contestation, indépendant
du PS, qui est posée à une large échelle.
Les résultats des révolutionnaires témoignent qu'une fraction
importante du monde du travail conteste l'offensive du MEDEF et les politiques
libérales de l'UMP et du PS, veut affirmer les droits des travailleurs
et une perspective anticapitaliste.
En 2002, la LCR et LO obtenaient 622 451 voix et 2,47 % (LCR, 320 467 ;
LO, 301 984). En 2007, les candidats d'extrême gauche ont rassemblé
888 234 voix, 3,41 %, dont 533 711 voix pour la LCR, en progression
de 66 % malgré l'abstention. Avec un programme d'urgence sociale
et démocratique très proche, la LCR et LO enregistrent cependant
des résultats sensiblement différents. Le net recul de LO confirme
celui de la présidentielle et sanctionne sa politique par trop sectaire
et fermé, donneuse de leçons. La LCR marque des points pour n'avoir
jamais cessé d'affirmer la nécessité de l'unité
pour les luttes, en phase avec le mécontentement croissant. Il y a là
des éléments qu'il nous faut débattre et que les camarades
de LO ne peuvent pas esquiver en renvoyant systématiquement au recul
de la conscience de classe. La situation est plus complexe, et nos résultats
indiquent bien qu'il est possible d'élargir l'influence des idées
révolutionnaires, de s'ouvrir, de se servir des campagnes électorales
comme point d'appui pour encourager les luttes et l'organisation des travailleurs.
Mais cela suppose de ne pas craindre la démocratie et l'unité.
Au cur des luttes et des résistances, ceux qui prennent en main
leurs intérêts de salariés s'emparent des questions dont
dépend l'avenir : l'organisation pour la lutte, la nécessité
d'un mouvement d'ensemble, le contrôle démocratique des salariés
sur la société, la question d'un nouveau parti pour les luttes
et pour la transformation révolutionnaire de la société.
C'est au cur de ces luttes que nous amplifions, avec tous ceux qui nous
rejoignent, la campagne politique et militante qui a donné une très
large audience à nos idées pendant les élections, pour
travailler à la convergence des mobilisations et encourager l'émergence
d'un nouveau parti regroupant tous les anticapitalistes, s'ouvrant aux nouvelles
générations militantes, parmi la jeunesse et les travailleurs.
Franck Coleman