Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°161
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12 juillet 2007
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Sommaire : | ||||||||||
Face à l'offensive libérale et la faillite de la gauche gouvernementale, engageons la campagne pour construire un nouveau parti anticapitaliste | ||||||||||
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Face
à l'offensive libérale et la faillite
de la gauche gouvernementale,
engageons la campagne pour construire
un nouveau parti anticapitaliste
" L'ouverture,
je l'avais rêvée, je la mets en oeuvre. Dans les semaines et les
mois qui viennent, j'irai encore plus loin " a averti Sarkozy
au risque d'aggraver le mécontentement des prétendants de son
propre camp.
En accordant six portefeuilles à des personnalités de gauche qui
n'auront pas à attendre 2012 pour accéder aux affaires, Sarkozy
veut " donner l'image d'une France apaisée, réconciliée "
dépassant les vieux clivages politiques. Il voudrait donner à
sa politique toute acquise aux exigences du patronat, l'image du consensus et
du bon sens, dépassant les oppositions partisanes, rassemblant tous les
" talents ". Pris à leur propre piège,
les dirigeants socialistes qui s'étaient engagés dès le
soir des résultats à être une opposition " constructive "
et " utile " au nouveau gouvernement n'en attendaient
sans doute pas tant !
Même DSK, compétiteur malheureux à l'investiture du PS pour
la présidentielle, peut se prévaloir du soutien du président
pour sa candidature au poste de directeur du FMI ! Tout un symbole !
Il est vrai qu'en leur temps Chirac et Raffarin avaient déjà soutenu
un socialiste, Pascal Lamy, au poste de directeur général de l'OMC.
Mais Sarkozy voit les choses en grand. Il voudrait faire main basse sur l'opposition
en l'associant bien malgré elle à la mise en uvre de ses
réformes. L'ouverture plonge le PS dans la crise et Hollande assiste
impuissant à la manuvre. Tout au plus tente-t-il de faire bonne
figure et croit-il pouvoir reprendre la main
en désignant lui-même
ceux qui participeront aux commissions de l'UMP au parlement car, décidément,
" Nicolas Sarkozy ne peut pas décider de tout, en particulier
quand il s'agit de l'opposition " !
La gauche parlementaire fait, chaque jour un peu plus, la démonstration
qu'elle n'a pas d'autre politique à proposer. Sarkozy s'appuie sur l'adaptation
du PS au libéralisme pour étouffer toute opposition à sa
politique et passer à marche forcée les réformes annoncées.
Il se pose en homme du dialogue et du consensus. Il est vrai qu'il peut déjà
compter sur la complaisance des dirigeants syndicaux qui ont fait état
dès les premiers jours d'une " écoute mutuelle "
et pour qui il n'est pas question de " protester à priori ".
Il cherche à éviter l'affrontement avec les salariés en
associant les syndicats à sa politique et en les mettant au défi,
si besoin était, de contester le " verdict des urnes "
et de prendre le risque d'initier un mouvement qui échapperait à
leur contrôle.
L'image consensuelle que Sarkozy voudrait donner à sa politique est justement
à la mesure de sa crainte des mobilisations sociales. Le souvenir cuisant
de novembre-décembre 1995, des grèves de 2003, du mouvement contre
le CPE en 2006 est bien là. Conscient que la défaite de la gauche
institutionnelle n'est nullement celle des salariés qui ont gardé
toutes leurs capacités de résistance, il sait que l'ampleur des
attaques, de la régression que la bourgeoisie veut infliger aux classes
populaires est lourde de conflits. Les grèves qui ont émaillé
la campagne présidentielle sont autant d'avertissements et le signe que
bien des salariés sont conscients qu'il leur faudra prendre leur sort
en main pour obtenir satisfaction.
La
faillite des partis issus du mouvement ouvrier
Il faut bien se faire une raison : le feuilleton de l'ouverture n'a rien d'épisodique,
il signe au contraire l'aboutissement de décennies de collaboration de
la gauche et de la droite au service du patronat. Les travailleurs savent qu'ils
ne pourront attendre au mieux de la gauche institutionnelle que des gesticulations
parlementaires aussi convenues qu'inefficaces.
Ceux qui pensaient il y a encore peu que le match truqué des élections
servait encore à départager des options politiques fondamentalement
différentes sont bien obligés de reconnaître que ce jeu
de dupes ne pourra jamais changer la vie des classes populaires. Le PS s'est
adapté jusqu'au bout aux exigences du capitalisme mondialisé et
pour cette raison a perdu son ancrage dans les classes populaires. C'est bien
la faillite et le rejet de la gauche libérale qui a permis la victoire
de Sarkozy malgré 5 années d'offensive antisociale. La machine
de l'alternance s'est brisée tant la complicité entre la droite
et la gauche parlementaire est patente aux yeux des classes populaires. L'illusion
sur la possibilité d'un progrès social dans le cadre du capitalisme
qui faisait la force des partis de gauche s'est dissipée sous les coups
de plus d'un quart de siècle d'offensive libérale.
Les dirigeants antilibéraux ou ceux d'un PC exsangue en appellent bien
tardivement au " réveil " d'une gauche qui a déjà
capitulé devant la droite et que Sarkozy parvient à associer à
sa politique. Il s'agirait d'" empêcher la refondation social
libérale et la course au centre d'entraîner une majorité
de la gauche dans une impasse ". Autant vouloir arrêter
la course du temps. La conversion, l'adaptation totale de la social-démocratie
aux exigences de la mondialisation financière est déjà
un fait du passé.
Privé de perspectives, coincé entre le social-libéralisme
et l'extrême gauche, déstabilisé par l'évolution
de son allié dans les institutions, le PC s'enfonce dans une crise dont
il ne pourra sortir qu'en cessant d'exister.
L'expérience de plus d'un quart de siècle d'offensive libérale
qui a soumis toutes les forces issues du mouvement ouvrier à ses exigences
montre à quel point était illusoire l'idée d'un gouvernement
vraiment à gauche qui pourrait répondre aux besoins vitaux de
la population tout en respectant le cadre des institutions établies à
une époque où le capitalisme et le parasitisme de la finance prend
la visage de plus en plus odieux d'une guerre exacerbée et sans limite
contre les salariés et les peuples. Servir le capitalisme ou rompre avec
lui, il n'y a pas d'autre alternative.
Bien loin de la nostalgie de refonder une gauche " vraiment à
gauche ", ou une " vraie gauche " pour
gouverner dans le cadre institutionnel actuel, l'heure est à la construction
d'un nouveau parti anticapitaliste pour la transformation révolutionnaire
de la société.
La décomposition ou l'intégration des organisations traditionnelles
du mouvement ouvrier à l'ordre bourgeois appelle la construction de nouveaux
instruments pour la lutte pour une société débarrassée
de toute oppression et exploitation. Il n'y a pas d'autre solution pour assurer
les besoins vitaux des classes populaires, pour faire passer les intérêts
de la population avant ceux d'une minorité, que de contester un système
qui soumet tout aux intérêts du marché, à la loi
du profit, que de renouer avec le combat qui était celui du mouvement
socialiste et communiste à leur origine.
Vers
un nouveau parti anticapitaliste
Née de l'opposition au stalinisme et du combat contre l'adaptation réformiste
à l'ordre bourgeois, l'extrême gauche trotskiste a su maintenir
contre vents et marées la tradition du marxisme militant. Parce qu'elle
a résisté à toutes les capitulations réformistes,
nationalistes ou bureaucratiques qui tournent le dos aux intérêts
des travailleurs, elle est en capacité aujourd'hui d'être à
l'origine d'un nouveau projet révolutionnaire, d'un renouveau du mouvement
ouvrier autour des perspectives d'émancipation sociale.
L'accumulation des défaites, le recul social, les capitulations, la faillite
de la gauche convertie au libéralisme se sont accompagnés d'une
nouvelle conscience de classe. C'est cette prise de conscience qui a été
au cur des luttes depuis 95 et qui s'est exprimée la même
année avec la percée électorale de l'extrême gauche.
Depuis 12 ans, des millions de travailleurs, de jeunes, ont exprimé dans
les mobilisations et sur le terrain électoral leur rejet des politiques
libérales en votant pour LO ou la LCR et pour un plan d'urgence social
et démocratique mais sans trouver pour autant un cadre politique militant
à la hauteur.
12 ans après la percée électorale de l'extrême gauche,
la nécessité d'un nouveau parti est perçue comme un besoin
immédiat dans de larges milieux militants au moment où les partis
issus des luttes passées du mouvement ouvrier achèvent de s'adapter
totalement aux exigences du capitalisme mondialisé. La victoire de Sarkozy
qui domine sur les ruines de la gauche agit comme un accélérateur
des évolutions et des consciences. Des milliers de salariés et
de jeunes, de militants orphelins d'un parti, cherchent des réponses,
une issue, les moyens d'agir. En attestent non seulement les scores de l'extrême
gauche révolutionnaire mais aussi les milliers de travailleurs et de
jeunes qui ont pris contact avec la LCR et les centaines de nouveaux militants.
Fonder un nouveau parti pour les luttes d'aujourd'hui qui prépare les
luttes pour le pouvoir des travailleurs demain, tel est le défi et la
tâche de la période qui s'ouvre. Nos partenaires sont nombreux.
Des milliers de salariés et de jeunes sont prêts à cette
perspective. Ce sont non seulement les milliers de militants issus du PC qui
n'ont pas abdiqué de leurs idéaux, ceux dans les syndicats qui
refusent la politique des diagnostics partagés des sommets syndicaux
avec le gouvernement et le Medef, mais aussi tous les travailleurs et les jeunes
qui veulent résister et se battre, qui ont non seulement perdu leurs
illusions sur la politique des partis réformistes mais aussi sur la capacité
du capitalisme à assurer un avenir et à générer
autre chose que la barbarie, la pauvreté pour le plus grand nombre, les
désastres écologiques.
La base militante pour un nouveau parti existe et les éléments
de son programme sont posés dans le plan d'urgence social et démocratique
défendu et par Lutte Ouvrière et par la LCR : interdiction des
licenciements, partage du temps de travail jusqu'à résorption
complète du chômage, répartition des richesses et contrôle
des salariés sur l'économie, revendications transitoires posant
la question du pouvoir politique et économique, la question du gouvernement
des travailleurs pour en finir avec la propriété privée.
Rien ne pourrait justifier de ne pas uvrer ensemble pour construire un
cadre nouveau, dépassant les organisations existantes, au cur des
luttes et de toutes les résistances à l'ordre capitaliste.
S'atteler dès aujourd'hui à la construction de ce nouveau parti
est une tâche qui concerne tous les militants, forces et organisations
révolutionnaires. Ce débat n'est pas nouveau mais il s'est mené
dans des termes souvent hérités du passé et sans qu'il
soit nourri des points d'appui créés par l'évolution politique
et sociale.
Cette perspective suscite bien des interrogations, parfois des réticences
: les conditions sont t-elles réunies pour un tel projet ? Peut-il naître
du simple dépassement d'une organisation révolutionnaire ? Le
degré de combativité des salariés est-il suffisant pour
permettre l'émergence de cette nouvelle force ?
Nous pensons que oui mais les réponses à ces questions dépendent
largement de notre activité et de notre capacité à uvrer
à l'émergence de ce nouveau parti, à associer à
cet effort le maximum de travailleurs et de jeunes qui se reconnaissent dans
le programme de l'extrême gauche.
L'heure n'est pas au doute mais à l'audace. Il faut vaincre les scepticismes,
les sectarismes, engager une discussion large, publique, tourner toutes nos
énergies vers l'avenir pour construire ensemble ce parti ancré
dans les entreprises, les quartiers et la jeunesse.
Tel est le sens de la motion adoptée par la direction nationale de la
LCR pour un nouveau parti anticapitaliste qui sera au cur de notre prochain
congrès. Nous souhaitons dès maintenant ouvrir ce débat
avec l'ensemble des militants et courants qui s'inscrivent dans cette perspective.
Raymond
Adams