Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°165
30 août 2007

Sommaire :
Sarkozy " joue le jeu "… des patrons


Sarkozy " joue le jeu "… des patrons

Sarkozy a choisi l'Université d'été du Medef pour prononcer, jeudi 30 août, devant un parterre de patrons, son " grand discours sur la politique économique " de la rentrée et lancer ainsi ce qu'il appelle la " seconde phase " de ses réformes économiques.
Il est le premier Président de la République à honorer ainsi les patrons de sa présence. Parisot s'en est félicitée, tout comme elle dit " bravo à la réforme sur l'université, à la réforme sur l'impôt de recherche, à la possibilité de déduire du montant de l'ISF ce qui est investi dans les PME, bravo aussi au moindre coût des heures supplémentaires ". Et de poursuivre : " 
Parmi les réformes dans lesquelles nous sommes engagés, il y a la fusion opérationnelle ANPE-Unedic. Il faut aussi relever progressivement l'âge légal de la retraite à 61 ans puis à 62 ans et allonger le nombre d'années de cotisations ". Sans oublier bien entendu la réforme du contrat de travail : " L'employeur a besoin de moins d'incertitude sur le coût du licenciement et la durée d'une éventuelle procédure "…
Parisot veut une " politique économique de l'offre ", plutôt que " de la demande ", autrement dit encore un peu plus d'aides financières aux entreprises, tout en maintenant la pression sur les salaires et les revenus des consommateurs populaires.
La réponse de Sarkozy, empressé, ne s'est pas faite attendre. Le Monsieur plus du patronat veut aller " beaucoup plus loin dans l'assouplissement des 35 heures afin de redonner des marges de manoeuvre plus importantes à la politique salariale ". Il veut la rupture " avec l'idéologie de la fin du travail (?), avec cette idée fausse que pour donner du travail à tout le monde, il faut partager le travail, avec cette politique de dévalorisation du travail qui depuis 30 ans s'efforce par tous les moyens d'empêcher les Français de travailler, qui démoralise et qui appauvrit les travailleurs de notre pays ".
Il veut " aller plus loin dans la réforme fiscale [...] Si l'on taxe trop le travail, il se délocalise, si l'on taxe trop le capital, il s'en va. Dans le monde tel qu'il est, taxer directement les facteurs de production, taxer directement le travail et le capital c'est se condamner à moins d'emplois, à moins de production, à moins de croissance, à moins de pouvoir d'achat. ". Etc…
Question pouvoir d'achat, deuxième volet de sa réforme, il s'est insurgé contre ceux qui " se moquent du monde " en prétendant qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat en France. Comme remède, il compte sur les vertus de la concurrence et de la compétitivité des entreprises, censées induire la sagesse sur les prix… Concurrence et compétitivité qui ne peuvent se développer, c'est bien connu, que si les salaires, les charges sociales, les impôts sur les entreprises baissent, que s'il est plus facile de licencier… La boucle est bouclée !
Pour renforcer son effet d'annonce, Sarkozy avait lancé, dès jeudi matin, la commission pour " la libération de la croissance française ", présidée par le " socialiste " Attali, avec mission de rendre ses premières propositions d'ici un mois. Attali, qui s'est vu conseiller par le président de faire montre de " pédagogie " et de " beaucoup communiquer ", s'est complu à détailler sa stratégie dans la presse, expliquant entre autres la présence du psychiatre Cyrulnik dans son équipe par le fait que cela permettrait de mieux comprendre pourquoi les français ne sont pas gais…
Sarkozy annonce clairement la couleur : il n'a pas d'autre projet que de servir les intérêts des patrons en finançant ses cadeaux aux plus riches par la poursuite de ses attaques contre les salariés et la population laborieuse.
Pour cela, il entend bien continuer à profiter du vide politique crée par la débandade de la gauche, incapable de répondre aux exigences du monde du travail parce que, au fond, alignée elle aussi sur la défense des intérêt des classes privilégiées. La farce de l'ouverture dont l'organisateur finit par ressembler aux pantins qu'il prétend manipuler…
Loin de tirer les leçons de sa défaite, le PS persiste et signe. S. Royal, après s'être excusée d'avoir défendu un SMIC à 1500 euros bruts qui était, selon elle, irréaliste, est allée plus loin samedi dans son opération de rentrée en déclarant : " Est-on, nous socialistes, pour ou contre le marché ? [...]. Je vais vous choquer et je vais vous dire que le marché nous est aussi naturel que l'air que l'on respire ou que l'eau que l'on boit ", reprenant à son compte un slogan du SPD allemand : " le marché, chaque fois que cela est possible, l'Etat chaque fois que cela est nécessaire ". Tout un programme, que ne renierait aucun libéral, et qui montre la rupture irréversible de cette gauche avec le mouvement ouvrier dont elle était issue, il y a bien longtemps.
Sarkozy n'a aucun mal à enfoncer le PS dans sa propre défaite en offrant postes et missions aux " compétences " du PS… Dernier en date avec Attali, Rocard, à peine remis de son accident cérébral, vient d'accepter une mission auprès du ministre de l'Education nationale, Darcos, pour réfléchir à la " revalorisation du métier d'enseignant ". C'est que, dit-il, " le PS français n'est plus pour un paquet d'années en situation de gouverner "…
Fort de l'effondrement de ses prétendus adversaire, Sarkozy joue les Raffarin, s'efforçant de faire passer ses réformes en s'assurant le plus possible la complicité des " partenaires sociaux ". Les " rencontres " se multiplient, de nouveaux " diagnostics partagés " se discutent... Les dirigeants syndicaux participent à cette mascarade, se justifiant en disant qu'il faudrait attendre et voir… tandis que les mauvais coups pleuvent.
Invités à l'université d'été du Medef, Chérèque et Mailly ont accepté l'invitation, Thibault l'a refusée. Les trois ont trouvé qu'il n'était pas très juste que Sarkozy fasse son discours de rentrée devant les patrons. Le Président, grand seigneur, les a reçus à l'Elysée afin de les rassurer et de prendre leur avis… A sa sortie, Thibault a dit avoir demandé à Sarkozy que son discours aux patrons soit " très équilibré " et ne les " exonère pas de leurs responsabilités sur les sujets sociaux ", que " les efforts à faire ne peuvent pas être uniquement d'un seul côté et singulièrement du côté du salarié ", et qu'il craignait des décisions " en décalage important " avec les attentes des salariés…
Comme si on ne connaissait pas les intentions des patrons et du gouvernement, comme si Sarkozy n'avait pas assez clairement annoncé ses intentions, comme si les " 100 jours " écoulés n'avaient pas amené leur cortège de reculs sociaux !
Les salariés font leurs comptes. Les attaques contre les classes populaires ne s'arrêtent pas. La mise en place de la franchise médicale, ainsi que la hausse des prix, vont continuer à faire reculer durement le niveau de vie. L'annonce de l'augmentation de 6 à 8 % du prix du pain est la plus frappante, mais avec elle, ce sont des dizaines de produits alimentaires, des produits de première nécessité, qui vont augmenter.
Et cette fois, cela n'apparaît plus comme un mauvais coup des commerçants, comme au moment du passage à l'euro. La démonstration se fait que c'est bien la logique même du marché capitaliste qui dépouille la population. Le cours du blé a augmenté de près de 100 % en un an. Pour le justifier, la presse met en avant des récoltes moins importantes dans de nombreux pays. Mais c'est bien pour des raisons de profits que dans l'agriculture aussi, les méthodes du " zéro stock " ont été appliquées. Les réserves de sécurité ont été réduites au minimum depuis vingt ans, tant sur les céréales que sur les produits laitiers. Et la production est régulée pour suivre au plus près les variations du marché, sans marge de manœuvre, provoquant des hausses à la moindre baisse de production. De plus, le marché des produits agricoles est devenu, comme les autres, la cible des financiers, qui tablant sur la pénurie, ont vu que les prix allaient augmenter et ont spéculé dessus.
Cette hausse du blé se répercute sur de nombreux produits à base de farine, mais aussi sur les viandes, les produits laitiers, par le biais des coûts de l'alimentation animale, avec des hausses annoncées d'au moins 5 %. Contre cela, Fillon n'a rien à dire, sinon qu'il " ne croit pas du tout qu'il y aura beaucoup d'inflation dans les semaines et dans les mois qui viennent, et pour l'année 2008 "… et il a déclaré faire confiance à la concurrence pour resserrer les prix et attendre de la grande distribution qu'elle fasse pression sur les fournisseurs. Contre la logique du marché… il s'en remet au marché.
Face aux attaques, à cette dégradation du niveau de vie, le monde du travail ne peut compter que sur ses propres forces pour la riposte.
Pour cela, il a besoin de se donner les moyens de contester la politique du patronat et du gouvernement, de coordonner les mobilisations, d'utiliser tous les terrains pour unir les travailleurs autour de la défense de leurs propres intérêts, de se donner un parti qui lui soit entièrement fidèle.
Préparer les mobilisations, leur convergence, c'est s'engager pour construire à partir des forces existantes ce nouveau parti des travailleurs, en oeuvrant au regroupement des équipes militantes, issues des vieux partis faillis, des équipes syndicales qui voient de plus en plus que les directions confédérales sont des obstacles pour les luttes, mais aussi des jeunes, des travailleurs, tous ceux qui veulent apporter une réponse globale, politique, à la faillite de ce système qui conduit à la catastrophe sociale, une réponse anticapitaliste.
Il s'agit aussi d'œuvrer à l'unité des organisations révolutionnaires, des militants qui, à Lutte Ouvrière et dans d'autres organisations d'extrême gauche, en portent le projet depuis des décennies. Et, de ce point de vue, le fait qu'Arlette Laguiller, au nom de Lutte Ouvrière, dise accueillir avec sympathie la proposition faite par Olivier Besancenot au nom de la LCR de jeter tous ensemble les bases d'un nouveau parti est un encouragement pour la bataille qui s'engage.
Bataille dans laquelle la LCR appelle tous ceux qui veulent en être partie prenante à prendre toute leur place.

Eric Lemel