Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°167
13 septembre 2007

Sommaire :
L'indigne hypocrisie de Sarkozy…


L'indigne hypocrisie de Sarkozy…

 

A la sortie de son "sommet informel" avec Merkel, lundi matin, Sarkozy a déclaré : " On ne peut plus laisser quelques dizaines de spéculateurs mettre par terre tout un système international, emprunter dans n'importe quelles conditions, acheter à n'importe quel prix, ne pas savoir qui prête […] Nous voulons de la transparence. Nous voulons de la régulation. Nous voulons un capitalisme pour les entrepreneurs, et non pas pour les spéculateurs "…
Sarkozy et Merkel tentent de donner le change. Ces grandes déclarations sans portée s'accompagnent des attaques contre les régimes spéciaux de retraite, qualifiés d' "indignes" ! En s'attaquant à eux, Fillon et Sarkozy visent bien au-delà des économies qu'apporteraient leur suppression. Ils visent une victoire politique contre les travailleurs, imposer un recul qui pourrait en faciliter d'autres. Les déclarations de Sarkozy contre l'anarchie des marchés financiers ne sont que de la poudre aux yeux destinée à tromper l'opinion en espérant mieux faire passer les attaques.
Poudre aux yeux également, la réponse de Lagarde à l'annonce par l'OCDE, le mercredi 5 septembre, d'une baisse des prévisions de croissance (1,8 % au lieu de 2,2 %) pour 2007 : niant l'évidence, elle a maintenu ses propres prévisions à 2,25 %, tandis que Sarkozy affirmait : " La croissance, je ne l'attendrai pas, j'irai la chercher ".
Une rodomontade de plus, certes. Mais surtout l'annonce que les attaques en cours contre les travailleurs et la population vont se poursuivre de plus belle.
Le " plan de réformes économiques " de Sarkozy, qui s'était fixé pour but de " gagner un point de croissance ", est bien engagé. L'attaque contre les régimes spéciaux de retraite est un pas vers une attaque contre l'ensemble des travailleurs, le recul de l'âge de départ à la retraite que réclame Parisot. Les discussions sur la réforme du droit du travail, autrement dit sur la liquidation du contrat de travail à durée indéterminée, le CDI, viennent de démarrer. La TVA sociale, sujet électoral sensible, est mise au placard le temps que les municipales passent, mais reste " à l'étude "…
Et, dit Sarkozy, " si la croissance n'est pas assez forte, eh bien, j'irai encore plus loin dans l'allégement du coût du travail, dans la création des emplois de service et dans la réforme des 35 heures ".
L'annonce est claire. Sarkozy, en zélé serviteur des patrons, veut compenser leur manque à gagner consécutif à la baisse de croissance en " allant plus loin " dans ses attaques contre les salariés.

Subventionner les spéculateurs et les profits en faisant payer les travailleurs
La façon dont Sarkozy prétend juguler la baisse de croissance participe d'une politique qui, pour faire face aux conséquences de l'anarchie spéculative des marchés financiers... subventionne les spéculateurs avec l'argent pris sur les salariés et les classes populaires. Mais, en prenant sur les salaires pour maintenir à flot la machine à fabriquer les profits, elle aggrave toujours un peu plus les contradictions qui minent le système économique.
Cette logique conduit au krach, comme l'a montré l'effondrement boursier de début août, suite à la crise du marché immobilier américain à risque. Certes, l'intervention des banques centrales, dont la BCE, qui ont injecté des sommes considérables dans les marchés financiers, a permis de restaurer une certaine "confiance", qui s'est manifestée par la reprise des bourses.
Mais ces subventions à la spéculation, financées sur le dos des contribuables, ne règlent rien, bien au contraire.
Car le problème de fond, c'est le capitalisme lui-même. Pour que les capitalistes puissent vendre les produits qu'ils fabriquent, il faut que les consommateurs puissent les acheter. Aux Etats-Unis comme en Europe de l'Ouest, où la grande majorité de la population est salariée, la solvabilité globale du marché dépend essentiellement des salaires. Salaires que patrons et gouvernements n'ont de cesse de baisser afin d'améliorer leurs profits, tandis que fermetures d'entreprises et délocalisations maintiennent des millions de travailleurs au chômage et diminuent d'autant le pouvoir d'achat global de la population.
Les crédits accordés largement permettent, pendant un certain temps, d'entretenir une demande solvable minée par la baisse générale des salaires. Des "rachats de crédits" prolongent l'opération, accumulant les contradictions, jusqu'au moment où la mécanique s'enraye. La cause du krach boursier du mois d'août est l'irruption brutale des limites du marché solvable de l'immobilier aux Etats-Unis, masquées jusque-là par le crédit, transmise et amplifiée par les réseaux financiers mondialisés, règne du crédit et de la spéculation. Le même phénomène couve dans tous les autres secteurs de l'économie, gangrenés par l'endettement et la spéculation.
Les perspectives de croissance, aux Etats-Unis comme en Europe, en sont réduites, amenant l'économie de ces pays au bord de la récession, et c'est ce que les prévisions de l'OCDE mettent en évidence.
Tous les ingrédients d'une crise économique généralisée sont réunis. Crise qui trouve ses racines dans la contradiction entre un pouvoir d'achat global des salariés qui ne cesse de baisser, limitant le marché solvable, tandis que la production industrielle, poussée par la spéculation, ne cesse de croître. Crise de surproduction dont les effets risquent d'être d'autant plus destructeurs qu'ils pourront se répercuter à la vitesse de la lumière, et avec de grands effets amplificateurs, à travers des réseaux financiers mondialisés totalement impuissants à les contrôler.
La politique de Sarkozy pour aller chercher la croissance est le plus court chemin vers une aggravation de la crise.

La seule issue est dans notre riposte
Combattre les attaques de Sarkozy et du patronat, se battre pour les salaires et une autre répartition des richesses est une tâche d'urgence, afin de mettre un terme aux reculs de notre pouvoir d'achat et de nos conditions de vie.
C'est aussi la seule façon de se préparer à faire face aux menaces que fait peser la crise.
Depuis son arrivée au pouvoir, Sarkozy n'a trouvé face à lui aucune opposition. Les confédérations syndicales sont engluées dans la politique de " diagnostic partagé ". Le PS n'a, sur le fond, pas d'autre programme que celui de la droite. Il le confirme encore aujourd'hui : son secrétaire national à l'économie et à la fiscalité, Michel Sapin, vient en effet de déclarer que " désormais, le plan de rigueur est dans toutes les têtes " et " semble inéluctable ".
Mais un tournant de la situation politique est peut-être en train de s'opérer. L'hypocrisie et l'imposture se révèlent, mettant à nu la réalité de la politique du gouvernement, la réalité des rapports de classes. Le bluff, la poudre aux yeux, les mensonges apparaissent de plus en plus clairement comme les armes cyniques d'une politique de classe. Il n'est plus possible de ne plus voir la vérité en face ou de faire semblant. Les directions des confédérations syndicales sont obligées de changer leur discours.
La pression des salariés, du mécontentement, s'exprime, c'est une première condition pour que la riposte puisse s'engager.

Eric Lemel