Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°189
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21 février 2008
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Sommaire : | ||||||||||
Le pouvoir en difficulté | ||||||||||
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Avec seulement
36% de bonnes opinions, contre 58% de mauvaises, Sarkozy est en train de battre
un nouveau record, celui de l'impopularité pour un Président de
la République. Les médias ne manquent pas de pertinents observateurs,
zélés convertis à la politique people, pour décortiquer
les luttes de clans qui opposeraient les proches de Cécilia aux fidèles
du président, l'effet Carla, ou de vieux adeptes de l'analyse psychologique
pour voir dans le comportement de Sarkozy des traits de déséquilibre
Mais ce brusque effondrement de la cote de popularité de Sarkozy a des
causes bien plus profondes que le psychodrame de Neuilly ou les frasques de
sa vie privée. Cette crise qui mûrit depuis septembre, puis la
grève des cheminots qui avaient relevé le défi de la bataille
des régimes spéciaux et mis le gouvernement en difficulté,
est l'expression de la contradiction du populisme de Sarkozy, de sa démagogie
électorale, de la duplicité, du bluff, du mensonge qui est au
cur de toute sa politique. Pour subjuguer une opinion désemparée
devant une gauche à la dérive, Sarkozy a usé jusqu'à
la corde ses talents de bateleur démagogue. Sans idées personnelles,
sans force autre que la volonté de pouvoir, l'arrivisme, jouet de ses
conseillers et de sa propre agitation, il s'est en quelques mois isolé.
Et la mécanique qui semblait si bien marcher, la spéculation politique,
se brise sur la réalité, les faits.
"Ma conviction, c'est qu'une des questions centrales pour la France,
c'est celle du pouvoir d'achat des français. Les salaires sont trop bas,
les revenus sont trop faibles. Moi je veux parler à la France qui travaille
dur et qui trouve pourtant qu'on n'arrive pas à joindre les deux bouts"
déclarait le candidat à la présidence en mai 2007.
"Réduire le débat politique français à la
seule question du pouvoir d'achat, c'est absurde !" déclarait
le même devenu président lors d'une conférence de presse
le 10 janvier 2008. Celui qui affirmait l'année dernière "je
ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas"
se désavoue lui-même sans l'ombre d'une hésitation pour
envoyer les CRS contre les caissières de Carrefour à Marseille
en lutte pour leur salaire.
Et cela au moment où un trader zélé perd en quelques jours
plus de 5 milliards d'euros, où l'on apprend que les salaires des PDG
du CAC 40 ont augmenté de plus de 40 % et que les profits de leurs entreprises
dépassent les chiffres record de l'an dernier.
Le sentiment d'injustice grandit, l'exaspération, la révolte éclate
dans les grèves du privé, l'Oréal, Ford, la SNECMA
ou face aux licenciements, ceux de Gandrange par Mittal-Arcelor, de Kleber à
Toul en passant par Michelin ou des AGF, alors que les profits explosent.
Le mécontentement est profond dans tout le pays et, à l'approche
des municipales, les tensions s'aiguisent. La crainte de la sanction des électeurs,
les luttes d'ambition personnelle, les paranos que le pouvoir entretient, les
ressentiments à l'égard de la politique d'ouverture agitent la
droite. L'affaire Martinon qui a défrayé la chronique est un épisode
dans ces luttes d'ambition. La farce de Neuilly a agi comme un révélateur
des différents ingrédients politiques qui réagissent autour
du pouvoir, luttes d'ambition, népotisme, règlements de compte,
trahison, étroitesse, médiocrité de cette haute bourgeoisie
des beaux quartiers
Mais derrière la farce ridicule il y a plus.
Qu'il ait suffi que le parachuté du Président baisse dans un sondage
pour que Sarkozy le lâche en pâture à la bourgeoisie des
beaux quartiers ne relève pas du simple manque de sang-froid ou d'un
geste de folie comme se plaisent à le dire certains. Il est bien plus
probable que Martinon soit la première victime d'une mise au pas de tous
ceux qui ne se plient pas ou ne répondent pas aux attentes des caprices
de la politique présidentielle. Il y en aura d'autres après les
municipales.
Se préparent les règlements de compte au sein de l'UMP contre
tous ceux qui n'accepteraient pas de se plier au bon vouloir du petit homme,
et cela à tous les niveaux. C'est le sens du remaniement ministériel
annoncé pour après les municipales.
Sarkozy doit mettre au pas tout ce petit monde dont il a lui-même ouvert
les appétits dans le même temps qu'il les a humiliés au
jeu de l'ouverture, ce petit monde qui croyait la gauche liquidée et
un pouvoir sans limite entre leurs mains. Et tous les ministres sont sommés
de monter en première ligne au secours du chef. Fillon dénonce
"la chasse à l'homme", Wauquiez "le terrorisme
intellectuel", Karoutchi parle de "fascisme rampant"...
Pas une ou un ministre interviewés qui ne fasse constamment référence
au Président
Il n'empêche. Les députés UMP
ne cachent pas leur désarroi, les candidats aux municipales évitent,
eux, de se revendiquer de Sarkozy
La défaite annoncée les
tétanise. De nouvelles alliances semblent se préparer. Gaullistes,
socialistes, centristes se regroupent autour d'un appel "pour une vigilance
républicaine". Villepin y côtoie Chevènement, Delanoë,
Royal, Bayrou, Corine Lepage ou Mamère
D'une façon ou d'une autre la crise politique éclatera après
les élections municipales.
Le fond de la crise, c'est le mécontentement social, l'échec que
le gouvernement a connu avec la grève des cheminots, le mécontentement
et les grèves qui montent dans le pays. Le fond de la crise, c'est un
profond sentiment d'injustice et de révolte contre le sytème lui-même,
cette machine à concentrer toujours plus les richesses produites entre
les mains d'une minorité au détriment de la collectivité.
Sarkozy, par son zèle imbécile à prétendre tout
résoudre, s'est fait en quelques mois la cible de tous les mécontentements,
de tous les ressentiments. Les travailleurs, les classes populaires ont été
dupées, flouées par le prétendu candidat du pouvoir d'achat
alors que le patronat commence à se dire qu'au final Sarkozy n'a fait
qu'encourager les grèves, dans le même temps qu'une partie de la
droite est inquiète devant les frasques du Président
Sarkozy semble pour le moment avoir choisi de tenter de reprendre les affaires
en main en flattant cet électorat de droite pour sauver les meubles aux
municipales. C'est l'opération policière filmée en direct
contre la population de Villiers le Bel, la décision absurde de confier
à de jeunes enfants la mémoire d'autres enfants morts victimes
de la Shoah, le retour des leçons de morale à l'école,
la scandaleuse réforme du droit des affaires
Sarkozy multiplie
les initiatives destinées à flatter les préjugés
les plus conservateurs comme condamné à une fuite en avant dont
on ne voit pas l'issue alors qu'il s'est lui-même isolé au sein
de l'UMP au profit de Fillon.
A défaut du "choc de confiance" annoncé, Sarkozy n'a
d'autre choix que la fuite en avant, le choc des méfiances, la démagogie
réactionnaire, prenant lui-même à contre-pied sa politique
d'ouverture. Il lui faudra un nouveau gouvernement aux ordres et, surtout, tenter
de prévenir l'explosion sociale qui gronde. A moins, peut-être,
que, si la défaite électorale est trop importante, il ne fasse
le choix d'accentuer l'ouverture. Ce serait un recul politique qui ne pourrait
qu'encourager l'affrontement social.
Une confrontation d'ampleur est à l'ordre du jour.
Il nous faut nous y préparer, donner à l'anticapitalisme des travailleurs
et des classes populaires une expression politique qui porte les exigences sociales
et démocratiques c'est-à-dire conteste non seulement le pouvoir
politique de Sarkozy et de la droite, mais aussi le pouvoir des classes privilégiées,
des financiers dont il est le serviteur zélé.
Au cur de la crise qui mûrit, il y a la nécessité
d'un regroupement démocratique et révolutionnaire, d'un nouveau
parti du monde du travail.
Yvan
Lemaitre