Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°194
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1er mai 2008
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Sommaire : | ||||||||||
Pour faire face à la mondialisation de la crise, le nécessaire regroupement politique des travailleurs | ||||||||||
La réforme de la représentativité syndicale ou la politique du donnant donnant | ||||||||||
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Pour
faire face à la mondialisation de la crise,
le
nécessaire regroupement politique des travailleurs
Les émeutes
contre la famine qui ont secoué plus de trente pays, en Afrique, en Asie,
en Amérique Latine et dans les Caraïbes, sont la réponse
des prolétaires des pays pauvres aux conséquences dramatiques
de l'extension de la crise économique, de la flambée des prix
des matières premières alimentaires et des produits pétroliers,
là où les conditions du pillage des multinationales de l'agro-alimentaire
et de l'énergie sont les plus dures.
Elles s'inscrivent dans l'évolution d'une crise dont une des premières
manifestations a été l'explosion de la bulle spéculative
du crédit immobilier à risque aux Etats-Unis, en août dernier.
Prenait fin alors la période d'expansion, débutée en 2003
aux Etats-Unis, et qui s'était étendue au monde entier. Une expansion
qui s'est faite à crédit, soutenue par une logique de rentabilité
financière, et qui débouche sur un retournement de situation qui
touche, sous des formes multiples, par-delà les frontières, l'ensemble
des secteurs économiques.
Cette croissance s'est nourrie d'une offensive générale, dans
tous les pays industrialisés, contre les travailleurs et la population
en général, pour assurer les profits au détriment des salaires.
Course au profit qui s'est accompagnée d'une spéculation massive
sur les dettes, y compris des plus pauvres, profitant d'une période de
crédit bon marché.
Le fonctionnement à crédit généralisé de
l'ensemble de l'économie, la spéculation massive sur le marché
des "titres de dettes" est à l'origine d'une crise financière
permanente, une économie suspendue dans le vide, menacée en permanence
par l'explosion de bulles spéculatives constituées de capitaux
fictifs qui n'ont pas d'autre valeur que celle que leur attribuent les espoirs
de gains des spéculateurs. Il a suffi que la conjoncture change, comme
ça a été le cas dans le secteur des crédits hypothécaires
américains, pour que se révèle un monde de la finance miné
par l'accumulation de titres désormais sans valeur. La conséquence
en a été le début d'une crise du crédit, manque
de confiance des prêteurs dans la solvabilité de ceux à
qui on prête de l'argent.
La crise des crédits immobiliers a poussé les capitalistes, pour
compenser leurs pertes, à rechercher de nouveaux terrains de spéculation.
Ils se sont jetés sur les matières premières alimentaires
et le pétrole, profitant d'une demande relativement soutenue par la croissance
chinoise et indienne. Tandis que les profits des multinationales du pétrole
et de l'agro-alimentaire explosent (la société pétrolière
BP vient d'annoncer des résultats nets en hausse de 63 % sur un an, tandis
que ceux du géant de l'agro-alimentaire Monsanto augmentaient de plus
de 100 %), c'est l'emballement des prix. Inflation, qui, en plus de créer
les drames de la famine dans les pays pauvres, s'ajoute aux effets de la chute
des salaires et du durcissement du crédit dans les pays industrialisés
pour diminuer le marché solvable, débouché essentiel pour
les marchandises produites dans le monde entier. Cette baisse de la consommation
dans les pays riches aggrave d'autant la récession qui a débuté
aux Etats-Unis et risque bien de se généraliser à l'ensemble
de l'économie mondiale et de provoquer une véritable déroute
financière aggravant à son tour la récession mondialisée.
Les dirigeants politiques et des grandes institutions financières sont
bien obligés de reconnaître la réalité de la menace
mais pour mieux afficher leur impuissance.
Sarkozy, lors de sa dernière prestation télévisée,
faisant référence à la spéculation sur les matières
premières, a répété que " notre capitalisme
marche sur la tête, il doit être moralisé ", qu'il
fallait " mettre des règles "
La ministre
de l'Economie, Christine Lagarde, a présenté lundi un projet de
" loi de modernisation économique " (LME) qui devrait,
selon elle, en complétant la loi TEPA (Travail, emploi et pouvoir d'achat),
" stimuler la concurrence pour lutter contre l'inflation ",
et maintenir ainsi de la croissance, en pleine contradiction avec les prévisions
faites par la Commission européenne et le FMI. Elle n'hésitait
pas, à la sortie de la réunion du G7 le 12 avril, à prétendre
que " notre marché de l'emploi continue à être
dynamique, la consommation tient le choc, et l'immobilier n'est pas concerné
la l'affaiblissement Outre atlantique "
Alors que pour le
onzième mois consécutif l'indicateur du " moral des
ménages " continue de baisser ; que, selon le Figaro,
la " confiance des industriels français se met à
flancher ", du fait, justement, que " la consommation
des Français montre ses premiers signes d'essoufflement " ;
et que l'on observe, dans l'immobilier, une baisse de plus de 15,5 % des
demandes de permis de construire depuis le début de l'année.
Les banques centrales, en particulier la FED des USA et la BCE, jonglent depuis
le déclenchement de la crise, en août dernier, avec les taux de
crédits et les injections de capitaux frais sur les marchés, afin
de les " fluidifier ", en réalité réalimenter
la pompe spéculative, dans l'espoir de " restaurer la confiance ".
Des mesures qui, si elles retardent les échéances, s'avèrent
bien impuissantes à inverser la tendance.
Le G7, lors de sa dernière réunion, s'est attaqué, lui
aussi, à la " tourmente financière ".
Il a, selon la presse, " lancé un ultimatum ",
aux banques internationales
leur demandant de " moraliser "
leurs pratiques, de ne pas se laisser aller aux " effets de lucre ",
de pratiquer la " transparence " afin de " rassurer
les marchés " et de " restaurer la confiance ".
Les dirigeants de l'ONU, eux, tentent d'élaborer un " plan
d'action " contre la crise alimentaire, qui " si
elle n'est pas gérée (
) pourrait affecter la croissance
économique, le progrès social, et même la stabilité
politique à travers la planète ". Mais les moyens
d'action risquent bien de ne pas être à la hauteur de leurs craintes :
il s'agit d'" inciter la communauté internationale "
à fournir 755 millions de dollars au Fonds alimentaire mondial pour répondre
au premières urgences, d'appeler les Etats à " prendre
des mesures audacieuses pour garantir de la nourriture abordable, même
pour les plus pauvres des plus pauvres "
Méthode Coué, vux pieux et bonnes intentions impuissantes
Les dirigeants politiques et économiques qui gouvernent le monde n'ont
pas d'autre perspective, pour faire face à une situation qui leur échappe,
que de tenter de parer au plus pressé, tout en espérant un miracle.
Ils ne veulent, ni ne peuvent, s'en prendre aux véritables causes de
la crise, une logique économique basée sur le droit, pour une
poignée de parasites, sous prétexte qu'ils en sont propriétaires,
de disposer à leur guise de leurs capitaux, à seule fin d'assurer
leurs profits, quelles qu'en soient les conséquences.
La remise en cause de cette fuite en avant destructrice ne peut venir que des
opprimés, avec leurs propres moyens, ceux de la lutte, de la contestation
sociale. Les révoltes de la faim, dans lesquelles des populations entières
tentent d'imposer leur droit de vivre ; les grèves à travers lesquelles
un peu partout dans les pays industrialisés, anciens comme récents,
les salariés arrachent des augmentations de salaire, constituent le point
d'ancrage d'une autre logique, celle du contrôle de l'économie
par les prolétaires du monde entier.
La crise actuelle, en exacerbant les contradictions de classe, conduit à
la contestation des fondements mêmes de la société capitaliste,
à la question du pouvoir, de qui décide, entre une poignée
de grands actionnaires, et la grande majorité, qui produit toutes les
richesses. C'est la seule voie pour tenter d'enrayer la catastrophe économique
annoncée.
La logique capitaliste, parce qu'elle conduit à exacerber les injustices
sociales, aggravant la pauvreté et la misère à un degré
insupportable, tandis que s'affichent avec insolence les profits d'une minorité,
profits qui à l'évidence naissent de cette misère et de
l'exploitation, entraîne en retour une autre logique, celle du regroupement
des exploités pour défendre leurs intérêts.
En mondialisant comme jamais sa propre crise, le capitalisme donne toute sa
portée à l'idée de solidarité internationale des
travailleurs. Vive le 1er mai !
Eric
Lemel
La
réforme de la représentativité syndicale
ou la politique du donnant donnant
Alors que la population salariée est frappée par les coups redoublés
du gouvernement Sarkozy contre le niveau de vie, le droit du travail ou la Fonction
publique, sans aucune réaction d'envergure des organisations syndicales,
celles-ci, depuis plusieurs semaines, négocient un accord sur la "
représentativité syndicale " qui risque de changer, de façon
importante, pour les salariés et les militants, les conditions de la
lutte syndicale dans ce pays.
Dans la nuit du 9 au 10 avril, CGT et CFDT ont signé avec le Medef un
texte commun, plutôt inquiétant.
Le Medef s'en est aussitôt félicité. Le chef de file de
la délégation patronale a déclaré : "
Après l'accord sur la modernisation du marché du travail, ce projet
est le 2e texte très important en l'espace de 3 mois
il ouvre
plus d'espace pour le contrat, par rapport à la loi
"
Le ministre du travail Xavier Bertrand y voit un " gage d'efficacité
pour la conduite des réformes que le gouvernement entend mener
"
Dès l'annonce de ce texte commun, deux organisations minoritaires, parmi
celles qui risquent de faire les frais de l'accord, l'Unsa et la CGC, ont annoncé
leur prochaine fusion, ce qui n'ira, sans doute, pas sans problèmes,
la CGC étant proche de l'UMP, alors que l'Unsa l'est du PS. Ces deux
organisations ont également annoncé des pourparlers en vue d'un
rapprochement avec la CFTC, voire FO qui n'ont pas démenti.
C'est dire à quel point l'opération en cours, initiée par
le gouvernement et le Medef, avec le soutien tacite de la CGT et de la CFDT,
risque de bousculer tout le paysage syndical et poser aux militants et aux salariés
bien des problèmes nouveaux, dont on ne connaît pas aujourd'hui
toutes les conséquences. D'autant que de tels regroupements syndicaux,
souhaités par le pouvoir et le patronat -qui dénoncent l'émiettement
syndical, dont ils se sont longtemps servi- se heurteront, dans chaque organisation
à la réticence de leurs bases où le sectarisme d'appareil
est largement partagé.
FO comme SUD dénoncent également ce texte, qualifié par
cette dernière organisation de " petits arrangements entre
amis ".
Comme le note le Figaro, " L'idéal pour certains
serait de créer un "bloc réformiste" composé
de la CFTC, de la CGC, de l'Unsa et
de FO, pour damer le pion des deux
grands syndicats, CGT et CFDT ". " Ce serait assez
rigolo et ce serait un sacré boomerang à destination de la CGT
et la CFDT " note un cadre de la CFTC !
Un
accord favorable aux grandes confédérations
Le texte commun à la CGT, à la CFDT et au Medef prévoit
de mettre fin, mais seulement dans 5 ans, -au nom de la transparence et d'une
meilleure représentativité des salariés- à la " présomption
irréfragable de représentativité " qui apportait,
depuis 1966, aux 5 confédérations, le droit exorbitant de négocier
des accords, au nom de tous les salariés, quelle que soit la représentativité
réelle de chacun, et de bénéficier des prébendes
de l'État et du patronat qui en découlent.
La représentativité serait désormais accordée à
chaque section syndicale qui obtiendrait 10 % au niveau de l'entreprise
et aux syndicats obtenant 8 % au niveau de la branche, lors des élections
professionnelles, qui n'auraient plus lieu que tous les 4 ans (et non 2, comme
c'était encore, parfois, le cas). Il est prévu aussi de valider
tout accord de branche ou d'entreprise qui serait signé par un ou plusieurs
syndicats représentant au moins 30 % des salariés concernés
par l'accord. Étant entendu que de tels accords -ce qui est le but poursuivi,
depuis longtemps, par le patronat- pourraient être inférieurs à
la législation générale du travail ou aux accords de branche,
dans le cas d'un accord d'entreprise.
Autre avantage appréciable accordé au patronat : la possibilité
de négocier des accords d'entreprise, directement, avec des élus
du personnel non syndiqués. Ce qui était impossible, jusqu'à
présent. Véritable aubaine dans les petites et très petites
entreprises où les salariés isolés, sous la férule
du patron, se verront imposer des accords défavorables et inférieurs
à la législation générale et au Code du travail.
Contrairement aux belles affirmations démocratiques du Medef, reprises,
en partie, par la CGT et la CFDT, il ne s'agit, en rien, d'accéder à
une plus grande démocratie à l'entreprise !
FO, comme la CFTC ou la CGC dénoncent un texte qui bafoue la démocratie
et annoncent qu'elles ne le signeront sans doute pas. Étonnant de la
part d'organisations que l'on a connues peu soucieuses de démocratie
et qui ont usé et abusé de leur soi-disant représentativité
pour signer toutes sortes d'accords très défavorables aux salariés,
que patrons et gouvernements ont pu ainsi appliquer à tous !
L'Union Syndicale Solidaires dénonce, avec raison, un texte qui ne répond
en rien aux exigences de démocratie et qui prolonge, durant 5 ans, la
reconnaissance aux syndicats qui l'avaient déjà.
Le seuil de 10 % au niveau de l'entreprise et de 8 % au niveau national
est calculé pour permettre aux plus grandes confédérations
de préserver leurs positions actuelles.
Une clause, très restrictive, empêchera un syndicat n'ayant pas
2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, de se présenter aux élections.
Ce qui, avec les 4 ans d'attente entre 2 élections, pourra imposer jusqu'à
6 ans d'attente pour pouvoir se présenter.
Enfin, la validation des accords par un ou des syndicats représentant
30 % des salariés n'est en rien un moyen d'opposition ou de contrôle
pour les salariés mais au contraire la porte ouverte pour imposer des
accords qui leur seront défavorables.
Aucune avancée de la démocratie à l'entreprise, donc, à
attendre de ce texte pour les salariés du rang. Quant à la possibilité
d'accéder à la représentativité pour des syndicats
minoritaires comme Sud ou l'Unsa (objectif affiché par les initiateurs
du texte) les obstacles et restrictions prévus rendent cet accès
bien aléatoire, voire impossible.
Une
nouvelle étape dans l'intégration du syndicalisme à l'accompagnement
des réformes
A moins d'être dupe de ce soudain intérêt du patronat pour
la démocratie, il est nécessaire de comprendre les buts qu'il
poursuit. Il s'agit, pour lui, de se donner les moyens de mettre fin à
cette " exception syndicale française ", cette
turbulence des travailleurs, capables de descendre dans la rue, de faire des
grèves à répétition, de contraindre leurs organisations
à aller plus loin qu'elles ne le veulent, d'infliger des camouflets au
pouvoir -et à leurs propres directions syndicales- comme par le non massif
au TCE ou le rejet du CPE, par exemple.
Le patronat craint cet état de révolte permanent et son caractère
communicatif, dans une période où il s'agit d'entamer une nouvelle
offensive contre le Code du travail, les services publics et les retraites.
Paradoxalement, avoir les organisations syndicales les plus faibles de tous
les pays industrialisés, ne fait pas l'affaire du patronat. Comme le
dit un journal pro-patronal : " Naturellement, les délégués
du personnel et les comités d'entreprise sont des institutions utiles,
mais la question est de savoir qui peut s'asseoir en face de l'employeur pour
négocier avec lui au nom des salariés de son entreprise ".
Et : " C'est en effet le cur du dossier : faire
reposer la validation des accords sur des signatures syndicales représentatives
d'une majorité de salariés ".
Les patrons rêvent d'avoir, en face d'eux, des syndicats semblables à
ceux d'Europe du nord, puissants, avec de nombreux adhérents et totalement
intégrés à la gestion capitaliste. Christophe Barthélemy,
ancien chargé des relations au cabinet de Jacques Barrot, exprime leurs
doléances : " des organisations syndicales et patronales
diverses, divisées et à la légitimité d'autant plus
fragile, pour les premières, qu'elles représentent avant tout
le secteur public et qu'elles ne cessent de perdre des adhérents (35 %
de syndiqués dans l'après-guerre, moins de 10 % aujourd'hui... "
La réforme en cours vise à imposer aux deux plus grandes confédérations
une attitude conciliatrice et responsable et, sinon, de s'unir, du moins de
devenir ensemble les interlocutrices privilégiées du pouvoir,
capable de s'opposer aux résistances ouvrières et de faire contre-feu
à des syndicats radicaux comme SUD ou aux formes d'organisations de lutte
que les travailleurs pourraient mettre en place.
Patronat et gouvernement ont quelques raisons de penser que la situation leur
est favorable. La CGT, principal syndicat, réputé le plus remuant,
semble prête à franchir le Rubicon, participe à toutes les
négociations et donne bien des signes de son sens de la ''responsabilité''
-notamment, lors de cette rentrée, par l'abandon de tout appel sérieux
à la lutte- et de son désir, malgré une base très
contestataire, de s'aligner, encore plus, sur la politique d'accompagnement
du libéralisme des autres confédérations.
Sommes-nous devant une nouvelle période qui verrait la CGT s'aligner,
s'intégrer encore plus et balancer par dessus bord les quelques restes
de velléités contestataires qui faisaient, jusqu'à présent
son originalité ? Il ne fait pas de doute que c'est l'un des objectifs
que vise le patronat à travers les négociations en cours.
Pour celui-ci, l'enjeu est de taille. Il ne s'agit plus, comme dans les années
70, face à une CGT encore sous le contrôle du PCF, d'une politique
laissant, en grande partie, l'État négocier lui-même des
accords avec des syndicats ''amis'' -CGC, FO, CFTC- mais d'organiser la politique
sociale autour de négociations à jet continu, d'entreprises ou
de branches, avec deux organisations majoritaires -et si c'était possible,
avec une seule, ce serait encore mieux !- pour signer des contrats et des
conventions majoritaires. Patronat et gouvernement semblent prêts, dans
ce but, à lâcher quelque peu leurs alliés traditionnels
de la CFTC, de la CGC ou de FO, ou à les contraindre à se regrouper,
tout en se donnant les moyens de marginaliser une organisation comme SUD, jugée
bien trop radicale.
L'argument financier, agité par le patronat, dans le cours de ces négociations,
est un élément de chantage, visant à amener toutes les
confédérations -petites et grandes- à accepter ses exigences.
Comme le dit un journal patronal : " Ne faudrait-il pas limiter,
au strict minimum, les aides et les privilèges ? Cela est d'autant
plus nécessaire qu'il serait inconcevable de laisser subsister des "vaches
sacrées" alors qu'il faut réduire les déficits budgétaires
et sociaux. "
Ce qui ne veut pas dire couper le robinet. Comme le dit une note de la délégation
patronale : " le patronat envisage la possibilité de
fixer un seuil de cotisation en pourcentage du budget des organisations
"
visant à " favoriser les adhésions et à renforcer
le financement des organisations syndicales (chèque syndical, par exemple) ".
Pour
un syndicalisme indépendant du patronat et de l'Etat
Les nouvelles dispositions concoctées par le Medef et les grandes confédérations
ne vont pas sans provoquer de nombreux remous et interrogations parmi les militants
et les salariés.
Sans préjuger à l'avance de ce qui en sortira réellement,
on peut parier qu'une intégration plus grande de la CGT dans le syndicalisme
d'accompagnement nous mettra dans une situation nouvelle, rendra bien plus difficile
de peser sur la politique de la direction. Un alignement encore plus affirmé
de la CGT changera la donne, pèsera sur tout le champ syndical, risque
d'isoler et de rendre plus difficile le combat des militants radicaux, qu'ils
soient à la CGT, dans une autre confédération, à
SUD ou à la FSU. Va-t-on voir la fin de l'axe CGT-SUD-FSU qui s'est mis
en place, sous l'impulsion des militants radicaux, dans les luttes de ces dernières
années, pour aller vers une unité, sinon structurelle, du moins
politique de la CFDT et de la CGT dans l'accompagnement des nouvelles réformes
en cours ?
Ce recentrage de la CGT sur la politique gouvernementale n'ira pas sans que
se produisent des remous très importants à la base, des ruptures.
Ce qui s'est passé dans la CFDT, lors de son recentrage, peut se produire,
avec une ampleur bien plus large, dans les rangs de la CGT et offrir aux militants
radicaux de nouvelles perspectives de regroupement d'un pôle radical intersyndical.
Les remous et la grogne qui existent dans la CGT, après l'abandon par
celle-ci de tout mouvement sérieux pour les salaires, appellent une politique,
une perspective, une réponse organisée qui ne peut se situer sur
le seul terrain syndical.
Il ne saurait être question, à moins d'être bien naïf
ou d'accorder du crédit aux protestations démocratiques de la
direction de la CGT ou de la CFDT, d'attendre un quelconque renouveau de la
démocratie du texte en préparation.
Faudrait-il voir en positif le fait que cette réforme va entraîner
un regroupement des organisations syndicales et faire apparaître un pôle
syndical majoritaire ? Ce serait ne pas voir l'objectif réel de regrouper
les deux plus grandes confédérations derrière la politique
d'accompagnement des réformes. En quoi l'exemple des pays du nord de
l'Europe où prédominent un ou deux syndicats hégémoniques,
monopolisant les moyens de l'État, serait-il un gage de combativité
et de sérieuse défense des intérêts ouvriers ? Faudrait-t-il,
sous prétexte d'unifier les rangs syndicaux, de lutter contre l'éparpillement,
au nom du principe ''une seule classe, un seul syndicat '' justifier en quoi
que ce soit la position de la CGT, sous le prétexte de respecter les
suffrages des salariés ? Faudrait-il accepter que ne soient reconnues
comme représentatives, avec les moyens de vivre -qui sont un acquis des
luttes ouvrières- que les seules organisations majoritaires sur le plan
électoral ?
On ne peut ignorer que cette nouvelle loi vise à renforcer les appareils
dominants, à faire taire, ou priver de moyens, des organisations aujourd'hui
minoritaires, comme les syndicats SUD, dans lesquels de nombreux salariés
se reconnaissent. L'unité de la classe ouvrière pour défendre
ses intérêts est à l'opposé d'une unité syndicale
pour s'adapter, capituler et négocier les réformes.
Proposer une réunification en une seule organisation -fût-elle
démocratique, avec droit de tendance- serait purement incantatoire. Peut-être,
lors d'une remontée des luttes, cette unité organique pourrait-elle
devenir un objectif pour les salariés et militants, face à un
afflux important de nouveaux travailleurs vers l'organisation. Mais le problème
ne se pose pas aujourd'hui en ces termes.
L'existence d'une organisation comme SUD, quelles que puissent être ses
faiblesses, est un acquis des luttes des années passées, de l'action
de militants radicaux qui ont su rompre avec la dérive des directions
syndicales, comme celle de la CFDT. Ce dont témoigne à l'évidence
le rôle de cette organisation lors des dernières grèves
à la SNCF, même si elle n'est pas en capacité aujourd'hui
d'offrir des perspectives générales.
Défendre le pluralisme syndical, le droit de voter pour des représentants
du personnel de notre choix, revient à défendre les libertés
ouvrières, face à une offensive patronale qui vise à mettre
encore plus les Confédérations à la botte des patrons et
qui va rendre bien plus difficile, pour les militants radicaux, d'influencer
la politique des directions.
La question n'est pas tant l'éparpillement syndical que l'absence de
démocratie, la domination d'appareils défendant leurs propres
intérêts.
La lutte pour l'unité dans les mobilisations passe par le regroupement,
dans toutes les organisations, petites et grandes, de fortes minorités
combatives autour d'une politique correspondant aux intérêts généraux
des travailleurs, autour de revendications unifiantes telles que celles du plan
d'urgence sociale et démocratique avancé par les révolutionnaires.
Répondre à cette nécessité impérieuse est
une des tâches essentielle des militants du monde du travail.
Gérard
Barthelemy