Débatmilitant
Lettre publiée par des militants de la LCR
n°199
10 juillet 2008

Sommaire :
Relever le défi de notre époque
Nouvelle période, nouveau parti, ou la continuité des luttes de classes…
Nouveau parti, nouveau programme, nouvelle stratégie ?


Relever le défi de notre époque

 

L'appel lancé par le congrès de la LCR et son porte-parole Olivier Besancenot rencontre une large sympathie, suscite de riches débats et cela parce que cette initiative répond à un besoin, à une nécessité partagés et compris par bien des travailleurs, des jeunes, des militants.
Cet appel a déjà pris un autre contenu, il s'est transformé pour devenir un appel émergeant des comités eux-mêmes, de ceux qui prennent en main le processus, jeunes sans passé politique, travailleurs du rang, anciens militants ou proches du PC ou du PS, militants de syndicats ou d'associations, militants de la LCR, militants d'extrême gauche… (1)
La rencontre nationale des comités pour un nouveau parti anticapitaliste qui s'est tenue les 28 et 29 juin à Saint Denis en témoigne : un mouvement pour un nouveau parti des travailleurs est en en route.
Il exprime la volonté et la nécessité d'unir tous celles et ceux qui entendent mettre en échec l'offensive politique et sociale de Sarkozy et de la droite au nom des groupes financiers, des milliardaires qui dominent la société et l'entraînent dans une crise permanente pour sauvegarder leurs privilèges exorbitants, scandaleux.
Mener cette lutte de défense des intérêts des classes travailleuses nécessite une rupture avec la politique de la gauche institutionnelle, du PS qui, d'abdications en capitulations, est devenu un parti du capitalisme libéral. Elle suppose aussi une indépendance, une rupture avec le système, l'économie de marché, et sa logique, la recherche de la rentabilité financière pour le compte d'une minorité, une aristocratie financière qui parasite le travail et conduit à la ruine de la société.
Ce système aujourd'hui mondialisé, globalisé connaît une crise qui n'épargne personne. Après la crise du crédit aux USA, la crise bancaire, puis la hausse spéculative scandaleuse des prix du pétrole et des matières premières dont les produits alimentaires de base, laminent le niveau de vie des classes populaires et provoquent une crise alimentaire et la famine pour les plus démunis.
Il entraîne le monde dans une " guerre sans limite " pour perpétuer la domination des USA à l'ombre de laquelle les patrons et financiers français que représentent Sarkozy entendent faire fructifier leurs propres capitaux. Ce n'est pas la démocratie et la liberté que défendent les armées impérialistes en Afghanistan ou en Irak mais bien le pouvoir des multinationales.
Défendre le droit au bien-être, à un revenu et un emploi, la démocratie, le droit de contrôler et de décider, la paix fondée sur la coopération des peuples passent par la remise en cause de ce pouvoir de l'aristocratie financière.
Nous voulons une République démocratique, socialiste libérée du pouvoir d'une minorité contre la majorité pour qu'ensemble les travailleurs se donnent les moyens de prendre en main leur propre destin, celui de la collectivité.
Nous voulons une autre Europe, une Europe des travailleurs et des peuples, une Europe de la paix.
Nous voulons changer le monde. Le capitalisme libéral et impérialiste met en jeu l'avenir même de la planète. La crise écologique, les menaces du changement climatique sont une réalité à laquelle on ne peut répondre dans le cadre de la concurrence mondialisée, du productivisme exacerbé, du militarisme, de la course à la puissance pour dominer.
Nous voulons un autre monde fondé sur la satisfaction des besoins humains, sur la coopération des peuples.
C'est cet espoir et ce combat qui nous réunissent.
Le mouvement qu'ensemble nous avons initié s'amplifie. Il rentre dans une nouvelle étape d'élargissement, d'approfondissement, de structuration, de discussion et d'élaboration politiques, programmatiques, en vue de son congrès de fondation. Cette étape comptera pour l'avenir. Pour être en mesure de répondre aux besoins des mobilisations et des luttes, nous avons besoin d'une base politique, théorique solide, s'appuyant sur la continuité du marxisme militant, du marxisme révolutionnaire que le trotskisme, par delà ses faiblesses et ses divisions, a représenté et permis. Notre courant, qui milite depuis ses origines dans la perspective de la fondation d'un nouveau parti anticapitaliste et révolutionnaire (2), aura à coeur d'intervenir dans cette discussion pour contribuer à la réappropriation collective de ces idées, à leur donner un contenu pratique, politique moderne, répondant aux besoins des luttes d'émancipation du XXIième siècle. C'est dans le cadre de cette discussion que nous publions dans ce numéro de Débat militant deux articles écrits pour un numéro spécial consacré au NPA de la revue Critique communiste dont nous ne saurions trop encourager la lecture.
Alors que la crise mondialisée du capitalisme s'approfondit, que les maîtres du monde réunis au Japon affichent leur impuissance face aux drames de l'Humanité, aux menaces que la domination de leur classe fait peser sur la planète, il n'y a pas de perspective plus enthousiasmante, plus riche, plus humaine que de s'engager, sans réserve, dans ce mouvement pour la construction de ce parti de l'émancipation des travailleurs, des exploités par eux-mêmes.

Yvan Lemaitre

1) voir l'appel de la coordination des 28 et 29 juin : http://www.lcr-rouge.org/spip.php?article1978. Retour au texte
2) pour ceux qui seraient intéressés par l'histoire de notre courant, Démocratie révolutionnaire, nous les renvoyons à un article bien documenté de Wiképédia :aller sur le site http://fr.wikipedia.org et chercher " Démocratie révolutionnaire
". retour au texte

Nouvelle période, nouveau parti
ou la continuité des luttes de classes…

 

L'offensive déclenchée par Sarkozy, la droite et l'establishment politique contre Mai 68 à l'occasion de son quarantième anniversaire a souligné le contenu du défi que nous voulons relever en engageant la bataille pour un nouveau parti anticapitaliste. Face à cette offensive idéologique, l'enjeu est de construire une force qui formule, sur tous les terrains, une politique qui conteste pied à pied la politique et le pouvoir des classes dominantes.
L'impuissance de la gauche, y compris des antilibéraux, leur incapacité à s'opposer à l'offensive des classes dominantes, renvoient à l'échec du réformisme, démonstration qu'à l'heure de la mondialisation libérale et impérialiste il ne peut y avoir de réponse que globale. La défense des intérêts quotidiens des travailleurs, de la population suppose de ne pas craindre de contester radicalement tant la légitimité de cette offensive, ses objectifs, que sa mise en œuvre pratique, de s'attaquer au pouvoir des classes dominantes, à leur Etat. Radicalement, c'est-à-dire en remettant en cause ce qui est à l'origine même de la crise mondialisée que connaît la planète, ses racines, la propriété privée capitaliste, financière, l'économie de marché, la concurrence pour le profit.
Il s'agit de réaffirmer la légitimité de la contestation du pouvoir des classes dominantes dans la perspective d'une transformation révolutionnaire de la société, de redonner tout son sens à la lutte de classe, de reformuler le rôle historique des exploités, la lutte pour le socialisme.
Cette perspective politique ne repose pas sur un simple choix volontariste mais bien sur la compréhension des traits essentiels de la nouvelle période, des contradictions à l'œuvre qui bouleversent les données même de notre activité. Au cœur donc de notre projet, il y a la discussion, le travail collectif pour saisir ces contradictions pour élaborer une stratégie, un programme.
Cela nous impose un retour en arrière sur les causes des échecs passés pour discuter de ce qui, aujourd'hui, redonne une crédibilité au programme socialiste ou communiste, en un mot répondre à la question : changer le monde, est-ce possible ?
Cela nous oblige à penser notre projet au regard de l'évolution historique, tant celle du capitalisme que du mouvement ouvrier. En quoi sommes nous confrontés à une nouvelle période ? Qu'est-ce qui la différencie des périodes antérieures ? Qu'est-ce qui aujourd'hui peut nous laisser raisonnablement penser que notre combat n'est pas condamné à n'être qu'une utopie, mais est bien, réellement et concrètement, la voie pour changer le monde à travers les luttes et résistances quotidiennes dans la perspective globale de la lutte pour le socialisme ?

Yvan Lemaitre

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Nouveau parti, nouveau programme,
nouvelle stratégie ?

 

Que souhaite la LCR ? A l'évidence, la juxtaposition des formules est pour le moins tâtonnante : " parti révolutionnaire large ", " parti anticapitaliste et révolutionnaire ", " nouveau parti anticapitaliste ", " parti de la gauche radicale ", " parti de la gauche qui ne lâche rien "… Cette hésitation dans les discussions reflète sans doute une perception voire des préoccupations différentes. Mais la juxtaposition des formules n'est pas seule en cause. C'est la définition même de notre projet qui mérite une discussion plus approfondie.

Chacune des formules, prise séparément, n'est de toute façon guère satisfaisante. A bien des égards, l'anticapitalisme reste un projet vague : il faut s'attaquer à la propriété privée, mais cette radicalité ne définit pas forcément les voies et les moyens d'y parvenir, entre réforme et révolution. A l'inverse, on peut vouloir construire un " parti large " et prétendre malgré tout qu'il est possible d'extraire du passé quelques enseignements, voire d'envisager pour l'avenir quelques fondamentaux qui permettent de donner un contenu à des formules aussi vagues que celle de la " rupture ", quelques hypothèses stratégiques sur les possibilités de renverser le capitalisme et les institutions de la classe dominante.
Cette hésitation entre plusieurs définitions ne tient pas seulement à l'usage des formules ou à leur juxtaposition. Au cœur de notre démarche et de la période elle-même, nous avons la difficulté de concilier des impératifs contradictoires. Révolutionnaires sans horizon révolutionnaire immédiat - cela fait quand même quelques décennies ! - nous avons peut-être l'opportunité de jeter enfin un pont entre nos conceptions particulières et un milieu plus large que celui de l'extrême gauche. Mais de quelle façon ?
A l'évidence, le programme comme le parti lui-même ne surgiront pas dans les mois qui viennent habillés de pied en cap, tout ficelés. Ce sera un processus constituant et de longue haleine, dont les développements futurs ne sont pas écrits d'avance. Mais cette évidence ne nous dispense pas d'indiquer dans quelle direction nous souhaitons aller. Tout simplement parce que nous n'avons pas l'illusion de croire qu'un parti se construit uniquement en marchant, et que sa dynamique serait suffisante pour apporter au fur et à mesure les clarifications nécessaires.
L'impulsion initiale, les débats que nous saurons initier autour de nous et dans nos propres rangs seront d'une importance décisive. C'est ce que nous voulons faire ici sans attendre, de façon transparente et démocratique.

Jean-François Cabral

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