Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°200
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24 juillet 2008
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Les
trusts du pétrole rançonnent les peuples,
les travailleurs et pillent la planète
Après s'être envolé de records en records, doublant en un
an, passant de 66 dollars en juin 2007 à 139 en juin 2008, et avoir atteint
147 dollars à la mi-juillet, le prix du baril de pétrole connaît
depuis plus d'une semaine une chute de plus de 20 dollars. Cette chute, marque-t-elle
la fin de la longue période de hausse qui de l'automne 2003 au printemps
2008 a vu le prix du baril multiplié par cinq ? Il est bien plus probable
qu'il s'agisse d'une nouvelle poussée de fièvre spéculative.
Il a suffit de quelques annonces sur les stocks de pétrole aux Etats-Unis,
sur une remontée des cours de la Bourse pour qu'avec l'effet amplificateur
de la spéculation, des masses de capitaux se déplacent des cours
de pétrole vers ceux de la Bourse, faisant chuter les uns et grimper
l'autre. Cette poussée de fièvre entraîne déjà
une hausse du dollar face à l'euro avec en conséquence un probable
ralentissement de l'activité économique. Mais quelle qu'en soit
l'issue, elle est avant tout le signe de l'aggravation de la frénésie
spéculative qui s'est emparée de l'économie mondiale, aggravation
dont tout laisse à penser qu'elle prépare une récession
mondiale.
Ces
hausses du prix du baril, en se rajoutant à la hausse généralisée
des prix et notamment celle des loyers et des denrées alimentaires, ont
des conséquences bien concrètes, dramatiques pour toute la population
provoquant un véritable recul des conditions de vie. Nombre de salariés
ne peuvent pas plus se passer de la voiture pour aller travailler que de chauffage
l'hiver ou de nourriture. Toutes ces hausses de prix posent comme une urgence
sociale vitale la question des salaires.
Elles touchent aussi d'autres secteurs et déstabilisent toute l'économie,
provoquant des mouvements de colères chez les marins pêcheurs,
les agriculteurs, les routiers, etc. à travers toute l'Europe qui ont
rencontré une large sympathie dans la population.
Face
à cette situation de crise, les mesures annoncées par le gouvernement
sont tout autant dérisoires qu'hypocrites quand on sait les rentrées
considérables que les taxes sur le prix du carburant et donc sa hausse
lui assurent. Les taxes, TVA et TIPP, qui constituent un véritable racket,
représentaient 60% du prix du super sans plomb 95 à la pompe en
avril 2008 et 49 % du prix du gazole. Elles constituent des impôts indirects
qui sont particulièrement injustes car elles sont les mêmes des
plus hauts revenus aux plus bas sur lesquelles elles pèsent beaucoup
plus.
L'Etat et le gouvernement font mine de s'inquiéter des conséquences
de l'envolée du prix du baril mais, en réalité, ils laissent
faire, parce qu'ils sont impuissants face aux vrais responsables, tant des hausses
des prix qui saignent les milieux populaires, que des conséquences pour
l'environnement de l'utilisation des énergies fossiles, à savoir
les grandes multinationales pétrolières qui contrôlent toute
la production et la distribution du pétrole et qui imposent leur loi
à tous.
Une
hausse scandaleuse, avant tout la conséquence de la folie spéculative
La
soudaineté et la brutalité des hausses, comme de la baisse récente,
du prix du baril, montrent avant tout leur caractère spéculatif.
Mais cette spéculation est organiquement liée à la logique
même du système fondée sur la propriété privée
et le marché.
L'envolée des prix du pétrole comme celle des denrées alimentaires,
des métaux, de l'immobilier sont avant tout la conséquence d'une
économie où la recherche du profit le plus immédiat aboutit
à toutes les spéculations auxquelles se livrent les groupes financiers
en tout genre, sans se soucier des conséquences pour les populations,
pour l'environnement ni même pour le fonctionnement même du système.
C'est cette spéculation sans frein, qui voit de gigantesques masses de capitaux s'investir puis se désinvestir en un clin d'il, d'un bout à l'autre de la planète sans autre raison que les profits attendus, qui déstabilise toute l'économie mondiale et l'entraîne dans la catastrophe.
C'est ainsi que ces dernières années toute une série de bulles spéculatives se sont succédé, enflant d'une façon démesurée avant d'éclater, ruinant les populations et laissant des régions, des pays, en ruines. Ainsi, après l'effondrement de la bulle spéculative des nouvelles technologies en 2000, la reprise américaine s'est faite sur une envolée sans précédent des crédits entraînant une nouvelle bulle dans l'immobilier qui a abouti à son tour à la crise des subprimes de 2007. Face à la crise financière et à la récession que cela a provoqué aux Etats-Unis et qui risquent d'entraîner toute l'économie mondiale, les financiers toujours à l'affût de nouveaux profits juteux à faire, ont dirigé leurs immenses masses de capitaux sur les matières premières alimentaires et maintenant sur le pétrole.
Ce sont ces mouvements de capitaux qui sont responsables de la montée vertigineuse des prix du baril de ces derniers mois, comme de ceux des matières premières agricoles, en accentuant de façon artificielle le déséquilibre entre l'offre et la demande. Pour quelques pourcentages de profit en plus, les groupes financiers spéculent sur des richesses aussi vitales pour la vie de millions de femmes et d'hommes, que les produits agricoles, le pétrole.
Car si ces hausses sont une véritable catastrophe pour la grande majorité de la population, si elles menacent la stabilité de l'économie mondiale, pour les compagnies pétrolières, elles sont un véritable pactole, une rente qu'elles voudraient sans fin... Total continue à afficher des bénéfices énormes, 13,2 milliards d'euros en 2007, 3,25 milliards pour le seul premier trimestre 2008. Les cinq plus grandes compagnies pétrolières mondiales, Exxon Mobil, Chevron, BP, Shell et Total ont dégagé pour la seule année 2005 un bénéfice de 100 milliards de dollars et distribué, ces trois dernières années, plus de 150 milliards de dollars à leurs actionnaires, sous la forme de dividendes et de rachat d'actions.
Mais aussi folle soit-elle, la spéculation n'est pas déconnectée de l'économie réelle. Les spéculateurs en bourse profitent en les aggravant des instabilités générées par la production capitaliste elle-même. La spéculation ne parasite pas l'économie capitaliste, car c'est bien tout le fonctionnement du capitalisme qui a, par nature, un caractère de plus en plus spéculatif.
Pour les multinationales qui ont la main mise sur des pans entiers de l'économie, il ne s'agit pas de produire pour répondre aux besoins de la société mais pour faire du profit sur des marchés de plus en plus instables car devenus le cadre d'une concurrence mondialisée. C'est la propriété privée capitaliste des moyens de production qui donne à ces multinationales ce pouvoir exorbitant de mettre toute la production de richesses vitales à l'Humanité au service de leurs seuls intérêts. Toute la production est organisée de façon moderne, planifiée à l'échelle de la planète mais sur la base de la propriété privée capitaliste dans le cadre d'une concurrence exacerbée à l'échelle du monde. Aussi moderne et mondialisée soit-elle, la production est dirigée par des multinationales qui lui imposent le cadre étroit de leurs seuls intérêts, qui ne connaissent que la seule logique du marché et ne savent que spéculer sur les profits futurs qu'elles espèrent réaliser. Le développement du caractère spéculatif du capitalisme est la conséquence de l'exacerbation de cette contradiction fondamentale entre une production mondialisée et la propriété privée qui l'enferme dans le cadre de la course au profit et de la concurrence.
La
propriété capitaliste sur laquelle repose cette mainmise des multinationales
est une entrave à tout réel développement. Elle empêche
que la production soit mise au service de l'ensemble de la société
tant pour satisfaire les besoins des Hommes que pour sortir de la crise écologique.
Ce caractère parasitaire se révèle aujourd'hui dans la
profonde crise qui touche l'ensemble de l'économie capitaliste, reflet
de son incapacité à répondre aux besoins réels de
la société, et qui la fait plonger dans la spirale de la spéculation
dont la folie boursière est l'aboutissement inévitable.
Un
déséquilibre entre l'offre et la demande, entretenu par les compagnies
pétrolières
En
ce qui concerne la hausse des prix du baril, il ne manque pas d'experts pour
nous expliquer que ce serait quasi naturel
Nous arriverions à la
fin des réserves de pétrole et cela au moment où sa consommation
ne cesse d'augmenter du fait de l'essor des pays émergents comme la Chine,
l'Inde ou le Brésil. Même s'il est évident que les réserves
de pétrole ne sont pas infinies et que de toute façon l'augmentation
de sa consommation pose un problème car elle accentue le réchauffement
climatique, la hausse actuelle n'est pas la conséquence d'une pénurie
" naturelle ".
Un des dirigeants de Total pose le véritable problème en déclarant
: " Il n'y a pas de problème de réserves mais un problème
de capacités de production qui sous-tend le prix élevé
de pétrole ".
En effet, la tendance à la hausse des prix est la conséquence du choix des grandes compagnies pétrolières qui limitent volontairement les capacités de production en refusant de faire les investissements nécessaires pour exploiter de nouveaux gisements, tant que les prix du pétrole n'ont pas atteint des niveaux suffisants pour leur garantir des profits juteux. Les grandes compagnies pétrolières préfèrent augmenter la masse de leurs profits en augmentant le prix du baril plutôt que de procéder aux investissements lourds qui seraient nécessaire pour faire face à l'augmentation de la demande. C'est leur position de monopole qui leur permet d'imposer leur volonté aux Etats, y compris ceux de l'OPEP.
Parce qu'elles ne poursuivent d'autres buts que la recherche du profit, les multinationales du pétrole sont capables, comme elles l'ont fait pendant des années, de pousser à une augmentation complètement anarchique et irresponsable de la consommation de carburant en développant, entre autre, le transport routier automobile avec toutes les conséquences catastrophiques pour l'environnement. Mais les mêmes, et finalement dans le même but, sont capables comme aujourd'hui d'organiser la pénurie du pétrole pour provoquer une flambée spéculative sur les prix, entraînant une véritable catastrophe sociale pour les populations. Cela n'est en rien contradictoire puisque dans les deux cas, elles poursuivent le même but en en faisant payer le prix aux populations comme à la planète.
Pas
d'issue à la crise écologique dans le cadre du marché
Pour
faire accepter ces hausses de prix, certains, jusque dans le gouvernement, avancent
hypocritement des arguments écologiques : ce serait l'annonce d'un tournant
dans l'utilisation des énergies fossiles, réponse à la
crise écologique que plus personne ne peut nier.
Ces arguments de circonstances sont repris par certains écologistes défenseurs
du capitalisme. Au nom de la nécessité de réduire les émissions
de CO2, il faudrait se réjouir de ces hausses qui seraient comme une
écotaxe tombée du
marché et qui devrait entraîner
une réduction " naturelle " de la consommation des énergies
fossiles. Certains écologistes pensent qu'il serait possible de mettre
en place une " régulation écologique " de l'économie
capitaliste en intervenant par des écotaxes se voulant dissuasives ou
au contraire incitatives, sans remettre en cause l'économie marchande.
Outre que cela revient le plus souvent à faire peser sur les plus pauvres le coût de ces mesures, c'est surtout une façon de rendre la population responsable de la crise écologique en dédouanant ceux qui dirigent réellement l'économie et qui l'ont entraîné vers la catastrophe écologique actuelle. Résoudre la crise écologique ne se fera pas en changeant des comportements individuels mais par une profonde remise en cause du mode même de fonctionnement de l'économie capitaliste, ce qui implique de s'en prendre à ceux qui la dirigent en fonction de leurs unique intérêt, et donc au fondement de ce pouvoir, la propriété capitaliste.
Les
lois du marché qui ne connaissent que la course aux profits à
court terme, la concurrence et donc l'égoïsme de classe, l'égoïsme
des spéculateurs dont la devise sera toujours " après moi,
le déluge " sont totalement incompatibles, antinomiques avec une
vision écologique qui implique de prendre en compte les rythmes des grands
cycles naturels et donc de prévoir, de planifier démocratiquement,
de mettre en avant la solidarité à l'échelle du monde,
comme la solidarité entre les générations.
La
crise écologique ne peut pas être résolue par des mécanismes
automatiques, régulateurs s'inscrivant dans les lois du marché
car, pour la résoudre, il s'agit tout au contraire de rompre avec ces
lois aveugles pour se donner les moyens d'organiser consciemment, démocratiquement,
l'ensemble de l'économie mondiale, pour satisfaire les besoins réels
de la société en tenant compte des ressources, par définition
limitées, de la planète.
Introduire la conscience dans l'économie, rompre avec les lois du marché, implique d'en finir avec la propriété capitaliste qui permet à une minorité de parasites de piller la planète tout en rackettant les populations. Il n'y a pas de sortie possible de la crise écologique si la société reste gouvernée par la folie aveugle des lois du marché, reste dominée par l'égoïsme de classe des parasites de la finance.
La
question écologique est une question sociale
C'est pour cela que la question écologique est pleinement partie intégrante du combat anticapitaliste, parce qu'elle implique une remise en cause de toute la logique économique actuelle. Elle ne peut pas être dissociée de la question sociale, à moins d'en arriver à l'absurdité d'opposer les conditions de vie des Hommes et le sort de la planète et de l'environnement. La lutte pour la transformation révolutionnaire de la société est une lutte pour créer les conditions qui permettront l'amélioration des conditions de vie de la population, ce qui implique tout autant l'accès aux biens matériels indispensables pour vivre, que la préservation et l'amélioration de l'environnement même dans lequel nous vivons.
Ce double objectif est d'autant plus indissociable, qu'il s'agit pour l'atteindre de s'en prendre aux mêmes responsables, les multinationales qui contrôlent l'économie mondiale et les Etats à leur service.
Faute d'inscrire le combat écologique dans une critique de fond de l'économie capitaliste et donc dans la perspective d'une réorganisation complète de la société, certains écologistes ne voient d'issue que dans la décroissance. Il s'agirait de réduire la consommation individuelle et donc la production pour limiter l'impact des activités humaines sur l'environnement. Outre qu'il est aberrant face au développement des inégalités et à l'appauvrissement absolu d'une partie de la population de prôner la décroissance comme une solution, ceux qui la défendent sont finalement incapables d'imaginer un autre horizon que celui imposé par le mode de production capitaliste avec son productivisme ravageur. Comme si c'était le seul mode d'organisation sociale possible sur la base du niveau de développement technique atteint par l'Humanité.
Face
à la crise écologique, il ne s'agit pas de produire moins dans
l'absolu mais de produire mieux c'est-à-dire de produire avec d'autres
critères que les critères économiques actuels qui sont
ceux d'une économie marchande à savoir la recherche du profit,
la recherche de la rentabilité économique la plus immédiate
au détriment des salariés, des consommateurs et de l'environnement.
Produire mieux, cela implique de réorganiser tout l'appareil productif
sur la base de critères nouveaux, choisis consciemment, démocratiquement.
Des critères nouveaux qui pourraient donner la priorité à
la réduction à l'échelle de l'ensemble de la société
des dépenses énergétiques, et donc par exemple à
la réduction des transports de marchandises en privilégiant les
productions locales, en privilégiant le développement des transports
collectifs publics non polluants à la voiture individuelle. Cela pourrait
vouloir dire aussi avoir comme critère économique non pas la rentabilité
mais l'amélioration des conditions de travail, ne serait-ce qu'en répartissant
le travail entre tous, en en réduisant le temps comme l'intensité
Toutes ces possibilités et bien d'autres qui n'ont rien d'originales
sont impossibles à mettre en place dans un monde dominé par les
intérêts de quelques groupes financiers qui implique une rentabilité
purement comptable.
Poser
la question écologique de façon radicale lui donne son contenu
révolutionnaire, anticapitaliste et en fait une question centrale au
cur du nécessaire renversement du capitalisme.
Face à la hausse des prix des carburants, l'urgence est de s'en prendre
au pouvoir des trusts qui utilisent leur position de monopole pour spéculer
sur le dos des populations comme de l'environnement. C'est dans cette remise
en cause du pouvoir des trusts que le combat contre la crise sociale et le combat
contre la crise écologique se rejoignent en une lutte commune pour l'expropriation
des multinationales et la prise de contrôle démocratique par la
population de l'organisation de la production. Car, pour résoudre cette
double crise, il faut en finir avec le mode de production capitaliste pour se
donner les moyens de mettre en place un développement maîtrisé
reposant sur une production organisée consciemment en fonction des besoins
et des ressources, sur la base de décisions prises démocratiquement
et en toute connaissance de cause, c'est-à-dire une économie réellement
socialiste.
Charles
Meno