Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°209
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11 décembre 2008
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Sommaire | ||||||||||
- En campagne pour un parti anticapitaliste, un parti des travailleurs |
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En
campagne pour un parti anticapitaliste,
un parti des travailleurs
Le 1er congrès
dans le processus de construction du nouveau parti anticapitaliste approche.
C'est une étape décisive pour permettre à tous celles et
ceux qui veulent prendre leur place dans cette bataille pour un nouveau parti
représentant le monde du travail de se retrouver ensemble, de militer
à égalité autour du même programme, d'agir, discuter,
décider collectivement de leur intervention dans les luttes, et des étapes
suivantes. Ce processus ne fait que commencer, tant il est vrai que ce parti
n'est pas une fin en soi, mais un instrument pour l'émancipation des
travailleurs par eux-mêmes, qui se transformera sous les effets mêmes
des progrès de la lutte des classes.
La préparation de ce congrès, c'est une campagne pour l'affirmation
d'une force anticapitaliste pour la transformation révolutionnaire de
la société, qui apporte des réponses politiques face à
la bourgeoisie, à sa faillite, à la récession. Travailleurs,
jeunes, peuples de tous les pays, tous nous payons les frais des prétendus
plans de relance qui ne visent qu'à détourner l'argent de la collectivité
vers les multinationales de la finance et de l'industrie, alors que les progrès
du travail ont abouti à une production de richesses sans précédent.
Contre ces injustices, la vague de révolte de la jeunesse grecque aux
côtés des luttes des travailleurs montre le chemin de l'avenir,
le refus de se résigner, parce qu'il n'y a pas une fatalité des
lois économiques. La responsabilité des maîtres du monde,
leur incapacité à mener une politique qui correspond aux intérêts
de toute la société sont évidentes, comme leur seul souci
de préserver leur richesse, leur domination, leur pouvoir. La contestation
s'approfondit, l'idée qu'il n'y a pas d'issue à cette crise sans
fin si on ne s'attaque pas aux intérêts des classes dominantes
capitalistes gagne de plus en plus de terrain.
Nous voulons uvrer à aider cette révolte grandissante à
s'organiser, unir ses forces, être en mesure d'agir pour la convergence
des luttes, seule capable de changer le rapport de force et d'imposer des mesures
d'urgence pour faire face au recul social.
Nous voulons un parti qui soit un facteur d'unité pour dépasser
les clivages, construire des fronts de lutte en faisant vivre dans les mobilisations
la démocratie pour que les salariés et les jeunes prennent leurs
affaires en main, discutent et décident ensemble. C'est cette démocratie
qui donne la force et la légitimité de contester le pouvoir des
patrons et des institutions, pour aller demain vers une autre forme de pouvoir,
celui des travailleurs.
Pour construire la riposte nécessaire, nous voulons permettre aux militants
de la gauche institutionnelle et des syndicats qui en ont assez de la politique
de leurs directions, de se regrouper, en s'engageant ensemble dans les mobilisations.
Beaucoup discutent avec nous de la crise de leurs organisations, écurés
par les luttes de pouvoir et l'absence de perspective pour changer la société,
et ils s'ouvrent à la discussion sur notre programme, la rupture avec
le capitalisme et les institutions, ce qu'elle signifie concrètement,
qu'est-ce que veut dire contester la propriété privée des
moyens de production et les Etats qui la défendent, ce que serait le
pouvoir des travailleurs, la conquête de la démocratie par et pour
tous.
Avec les anticapitalistes, les révolutionnaires, nous défendons
la nécessaire unité de nos forces dans un cadre démocratique,
comme avec les militants de Lutte ouvrière, dont la direction n'en finit
plus de tanguer entre son opportunisme des élections municipales et le
sectarisme vis-à-vis du mouvement social et de notre initiative.
Plus largement, l'urgence est de réussir à mobiliser pour que
cette première étape soit un succès, affirmant la perspective
d'un parti anticapitaliste, un parti des travailleurs.
Nous souhaitons que le plus possible de camarades, de proches, qui partagent
ce projet, sur les lieux de travail, dans la jeunesse, dans les quartiers, prennent
leur carte de membres fondateurs, participent aux débats et aux initiatives,
sans élitisme militant. C'est le vrai point d'appui pour permettre un
nouveau développement après cette étape du congrès.
Surtout, c'est ce qui donne au parti en construction son assise démocratique,
s'appuyant sur la réalité militante de milliers de camarades,
salarié-e-s, chômeurs-es, jeunes, retraité-e-s, sur les
lieux de travail, au pied des cité ou dans les quartiers, dans tel ou
tel association ou syndicat. Le contenu réel de notre programme, la perspective
d'une transformation démocratique et révolutionnaire pour le socialisme,
c'est cette réalité humaine, sociale, militante.
Frank
Coleman
Mouvement ouvrier, socialisme et écosocialisme
La nouvelle conférence
de l'ONU sur les changements climatiques qui s'est ouverte à Poznan ne
fera sans doute, comme les précédentes, que confirmer la gravité
de la crise écologique, tout en révélant l'impuissance
des dirigeants des principales grandes puissances à y faire face dans
le cadre de la mondialisation capitaliste et de la crise économique qui
s'amplifie.
La crise écologique a pris une telle ampleur ces dernières décennies
qu'elle est devenue une question centrale pour tous ceux qui se battent pour
une transformation révolutionnaire de la société. La nécessité
de prendre en compte dans notre critique du capitalisme les conséquences
de cette crise, conduit certains militants à proposer une intégration
de l'écologie politique au programme socialiste en créant un nouveau
courant baptisé "écosocialiste" et qui s'est défini
dans un "manifeste écosocialiste international" en 2001. (1)
Dans un article "Qu'est-ce que l'écosocialisme?" (2)
Michael Lowy développe le contenu de ce nouveau courant : " Il
s'agit d'un courant de pensée et d'action écologique qui fait
siens les acquis fondamentaux du marxisme - tout en le débarrassant de
ses scories productivistes. Pour les écosocialistes la logique du marché
et du profit - de même que celle de l'autoritarisme bureaucratique de
feu le " socialisme réel " - sont incompatibles avec les exigences
de sauvegarde de l'environnement naturel. Tout en critiquant l'idéologie
des courants dominants du mouvement ouvrier, ils savent que les travailleurs
et leurs organisations sont une force essentielle pour toute transformation
radicale du système, et pour l'établissement d'une nouvelle société,
socialiste et écologique. "
La grande majorité des courants se réclamant de l'écologie
politique ne font pas ce lien entre crise écologique et capitalisme et
n'ont d'autres perspectives que de s'en remettre aux lois du marché en
s'alignant sur un "capitalisme vert" dont les classes dirigeantes
et leurs gouvernements se font maintenant les champions. Au contraire, le courant
écosocialiste, en voulant combiner écologie et socialisme, nous
interroge sur la place que notre programme pour une société socialiste
donne à la question écologique.
Si l'ampleur de la crise écologique rend nécessaire d'intégrer
cette question à notre programme, est-ce pour autant qu'il s'agirait
de mettre sur le même plan écologie et socialisme ? N'est-ce
pas au final créer une confusion ?
A-t-on besoin d'inventer un nouveau nom pour se démarquer de l'impasse
des régimes et des partis sociaux-démocrates ou staliniens qui,
tout en se réclamant du socialisme, n'en avaient que le nom et se situaient
sur le même terrain productiviste que les défenseurs du capitalisme ?
L'enjeu de la bataille politique et d'idées n'est-il pas, plus simplement,
de redonner tout son contenu de contestation globale du système aux idées
socialistes en y intégrant la question écologique comme un élément
de cette contestation. Le programme socialiste se redéfinit bien alors
comme une réponse globale à la crise du capitalisme y compris
la crise écologique qui implique une transformation révolutionnaire
de la société.
C'est de cette question que ce texte voudrait discuter.
La
crise écologique conséquence ultime de la contradiction fondamentale
du capitalisme
L'un des arguments du courant écosocialiste, auquel on ne peut que souscrire,
est la nécessité de lier la crise écologique au capitalisme
et à ses contradictions, et donc de n'envisager de résoudre cette
crise que dans le cadre de la perspective du socialisme. " (
)
nous avons besoin de bâtir un socialisme capable de résoudre les
crises que le capital a créées " (Manifeste écosocialiste
international, 2001).
En effet, sous ses différents aspects, la crise écologique est
la conséquence des mécanismes même de l'économie
capitaliste.
Le productivisme ravageur est inhérent au mode de production capitaliste
qui ne repose que sur la recherche du profit, dans le cadre d'un marché
international soumis aux lois de la concurrence. Dans ce cadre, la production
n'est pas, et ne peut pas être, tournée vers la satisfaction des
besoins sociaux réels
Elle ne vise qu'à produire, avec la
meilleure rentabilité possible, des marchandises qui doivent être
vendues pour réaliser une plus-value. Elle ne s'intéresse donc
qu'aux besoins solvables, quitte à créer de faux besoins en imposant
des modes de vie dont l'automobile individuelle est devenue un des symboles.
Dans un tel cadre, toute la société est traversée par une
série de contradictions : le productivisme aiguillonné par la
course au profit et la concurrence engendrent en permanence accumulation de
richesses et pauvreté, gaspillage et pénurie, progrès techniques,
gain de productivité et désastre écologique, pollution,
bouleversement du climat.
La crise écologique est le produit du fonctionnement du capitalisme et,
pour les mêmes raisons, le capitalisme est aussi totalement incapable
d'y faire face. Cette incapacité trouve son origine dans les mécanismes
fondamentaux du mode de production capitaliste.
Comme le rappelle le manifeste écosocialiste international : " (
)
le système capitaliste ne peut réguler, et encore moins surmonter,
les crises qu'il a engendrées. Il ne peut résoudre la crise écologique
parce qu'il devrait poser des limites à l'accumulation. (
) "
Mais la question se pose de quelle accumulation parlent les auteurs du texte
? Et c'est là qu'il y a confusion car la suite du texte introduit une
ambigüité qui se retrouve dans tout le raisonnement des écosocialistes.
"[Le système capitaliste] (
) devrait abandonner la logique
de l'empire et imposer en conséquence d'inacceptables limites à
la croissance et au " mode de vie " soutenus par cet empire. "
Il est important de préciser les choses. Qu'est-ce qui caractérise
le mode de production capitaliste et qui le rend incapable de faire face à
la crise écologique ? Le fait qu'il ne vise qu'une accumulation
sans fin de capital, ou une accumulation de biens matériels, base d'un
mode de vie à l'américaine ? Les deux ne sont pas obligatoirement
liés.
Mettre sur le même plan accumulation du capital, croissance et " mode
de vie " des pays développés introduit une confusion
car c'est une concession au courant de l'écologie politique dont la critique
du capitalisme sur une condamnation " éthique " de
la société de consommation. Si on lie la crise écologique
au capitalisme comme le proposent les tenants de l'écosocialisme, alors
il faut aller jusqu'au bout de l'analyse de ses contradictions, et de ses conséquences.
L'incapacité du capitalisme à intégrer la question écologique
est la conséquence de sa contradiction fondamentale décrite dès
l'origine par Marx : la contradiction entre une production qui est sociale
et une appropriation qui reste privée. Cette production sociale permet,
sur la base des progrès techniques des différentes révolutions
industrielles, de produire à un niveau encore jamais atteint par l'humanité
mais l'appropriation privée capitaliste fait que cette production doit
être vendue pour réaliser un profit, pour atteindre le seul véritable
but du capitalisme : l'accumulation du capital.
C'est cette course à l'accumulation du capital qui engendre le productivisme
ravageur, dont le but n'est pas tant de " produire pour produire "
mais bien de produire pour réaliser une plus-value.
Bien évidemment le capital ne peut imposer des limites à sa propre
accumulation mais par contre, il peut très bien limiter la croissance
de la production de biens matériels, voire même s'en prendre au
" mode de vie " des classes populaires voire même
des classes moyennes des pays industrialisés, comme actuellement, du
fait de la crise.
Si le productivisme inhérent au capitalisme semble conduire à
une généralisation du mode de vie des pays industrialisés
à toute la planète, ce n'est en réalité ni son but,
ni même la réalité de son développement. Car son
but étant l'accumulation du capital, tout est sacrifié à
ce but, les peuples, l'environnement
les capitalistes concurrents. Et
le capitalisme entraîne tout autant le développement de ce mode
de vie aberrant que l'aggravation de la misère pour le plus grand nombre
jusqu'à la crise. À travers la lutte des classes, la concurrence,
le capitalisme, c'est la lutte acharnée d'une minorité pour l'appropriation
sociale des richesses produites, quel qu'en soit le prix payé par les
populations ou l'environnement, et même si cette lutte sape les conditions
même de l'accumulation, en précipitant le moment où elle
se heurtera aux limites du marché.
Car cette accumulation infinie du capital, justement
parce qu'elle engendre tout autant le productivisme que la misère pour
les populations, se heurte en permanence aux limites des marchés où
elle doit se réaliser. Comme l'expliquent François Chesnais et
Claude Serfati citant Le Capital de Marx dans leur article paru dans " Capital
contre nature " (3), " C'est
dans sa soif d'appropriation de la plus value, dans les mécanismes qu'il
emploie pour tenter de la satisfaire et dans les impasses auxquelles tant ce
besoin que les moyens employés pour l'atteindre le conduisent que gisent
les contradictions qui font que "la véritable barrière de
la production capitaliste, c'est le capital lui-même" ".
C'est dans le cadre de cette analyse des contradictions internes du capitalisme
qu'il nous faut intégrer les causes et les conséquences de la
crise écologique pour ne pas en rester à une simple condamnation
de la société de consommation.
La
mondialisation, une fuite en avant dans l'accumulation du Capital qui a globalisé
la crise écologique
Avec la mondialisation, et la mise en place d'un marché mondial sans
barrière, sans contrainte, le capitalisme a atteint ses limites historiques.
Même si l'inflation de la sphère financière semblait avoir
repoussé à l'infini les limites du marché, la contradiction
est bien toujours réelle, et se traduit par le développement de
la crise économique.
Le capitalisme a ainsi généralisé ses contradictions à
l'échelle de toute la planète, entraînant une crise globalisée
dont la crise écologique est une des conséquences.
Pour le courant écosocialiste, la crise écologique actuelle traduirait
une nouvelle contradiction entre le capitalisme, son productivisme et les limites
"naturelles" de la Terre. Une contradiction finalement entre le capitalisme
et l'Humanité, la Terre, contradiction que Marx aurait ignorée.
Pour illustrer le caractère inéluctable de cette crise, l'exemple
est souvent pris que si le mode de vie américain était généralisé
à l'échelle de toute la planète, les réserves de
pétroles seraient épuisées en quelques jours. C'est un
argument qui peut servir pour dénoncer les gaspillages et les aberrations
du capitalisme mondialisé et critiquer le "modèle" au
nom duquel ses apologistes en font la défense, mais cela reste une vue
de l'esprit, sans réalité.
Car ce n'est pas cela la réalité du développement
capitaliste.
Plus qu'une nouvelle contradiction, l'accentuation actuelle de la crise écologique
est la conséquence de la fuite en avant du capitalisme pour surmonter
sa contradiction fondamentale
" La crise écologique a ses origines dans les fondements
et les principes de fonctionnement du capitalisme, doublés des conséquences
de l'organisation politique et économique des États bureaucratiques,
Chine comprise. Aujourd'hui elle se développe de façon accélérée
sous l'effet de la recherche par le capital de "solutions" à
ses contradictions profondes (taux et masse de la plus-value, taux de profit,
suraccumulation endémique, etc.) dans une fuite en avant débridée
rendue possible par la libéralisation, la déréglementation
et la mondialisation " (4)
C'est cette fuite en avant qui pousse le capital à tout transformer en
marchandises, des gènes au "droit de polluer", pour trouver
de nouvelles sphères d'investissement et ainsi s'accaparer tout ce qui
peut être source de profits. Et d'ailleurs dans ce cadre, l'écologie,
elle-même, peut devenir un marché. Les dirigeants politiques et
la classe capitaliste sont en train d'essayer d'intégrer la question
écologique à leur discours, mais d'un point de vue malthusien.
Ils ne voient dans les solutions "écologiques" que de nouvelles
perspectives d'accumulation
en vendant plus cher, et donc à ceux
qui pourront payer, des marchandises estampillées "vertes",
"écologiques", "développement durable".
Le capitalisme n'a jamais connu de développement harmonieux. Il n'est
pas mû par " une dynamique de "croissance" infinie
induite pas l'expansion capitaliste ". Même dans ses périodes
d'expansion, le capitalisme s'est développé en accentuant les
inégalités. Le développement capitaliste dans les pays
émergents passe par le développement explosif de certaines productions
qui ne répondent pas à de réels besoins sociaux mais plutôt
à de potentiels marchés solvables et dans le même temps
ce développement ravageur entraîne la ruine de pans entiers de
l'économie de ces pays, contribuant à aggraver les inégalités
sociales et la misère. La mondialisation, c'est la généralisation
du rapport d'exploitation capitaliste et certainement pas la perspective d'une
généralisation du mode de vie des pays industrialisés à
toute la population.
Le seul régulateur que le capitalisme connaisse, se sont les crises.
Contrairement à ce que les économistes libéraux clamaient,
non seulement la mondialisation n'a en rien résolu les contradictions
du capitalisme mais elle n'a conduit qu'à une récession mondialisée,
c'est-à-dire une juxtaposition de crises à travers lesquelles
s'opère une destruction du capital, des moyens de productions, des marchandises.
Il n'y a pas une contradiction fondamentale, extérieure au capitalisme,
qui en limiterait le développement du fait des limites naturelles de
la planète. Car le capitalisme n'est pas capable de soutenir un développement
illimité de la production, ni de la croissance, il est toujours rattrapé
par ses contradictions internes qui ne peuvent qu'éclater en de multiples
crises, crise économique, sociale, politique, écologique. Les
capitalistes ont toujours tenté de trouver des solutions à ces
contradictions pour poursuivre l'accumulation du capital mais ils n'ont jamais
réussi qu'à les aggraver.
C'est d'ailleurs pour cela et c'est surement un point
de désaccord avec les courants écologiques même se réclamant
du socialisme, que le capitalisme, quels que soient les désastres écologiques
qu'il engendre, n'est pas lui-même menacé dans sa reproduction.
" La ou les crises écologiques, crises planétaires
mais aux effets inégaux, sont le produit du capitalisme, mais elles ne
sont pas des facteurs centraux de crise pour le capitalisme "
(5)
Lier crise écologique et perspective du socialisme passe non par théoriser
une nouvelle contradiction " écologique ", extérieure
au capitalisme, mais bien plutôt par comprendre la crise écologique
comme une des conséquences des contradictions fondamentales du capitalisme
qui ont pris une ampleur sans précédent du fait de la mondialisation.
L'écosocialisme,
une " nouvelle interprétation du socialisme "
?
" L'écosocialisme conserve les objectifs émancipateurs
du socialisme première version et rejette les buts atténués,
réformistes, de la social-démocratie et les structures productivistes
du socialisme bureaucratique " (Manifeste écosocialiste
international, 2001)
L'un des arguments du courant écosocialiste, pour justifier son choix
d'inventer un nouveau nom, est le fait que la question écologique est
longtemps restée totalement ignorée des régimes du "socialisme
réel" ou des partis staliniens ou sociaux-démocrates gagnés
à une conception productiviste de l'économie.
Le "socialisme réel" ne serait qu'une mauvaise interprétation
du socialisme qui aurait ignoré la question écologique. Mais il
ne s'agit pas d'une mauvaise interprétation du socialisme, ces régimes
ont été la conséquence de l'échec de la vague révolutionnaire
des années 20, et de la pression de la contre révolution qui a
entraîné la mise en place d'une bureaucratie en rupture totale
avec le projet révolutionnaire. Le socialisme, le marxisme, vidés
de tout contenu émancipateur, n'ont servi dans ces régimes que
de "religion d'Etat" pour justifier des dictatures contre les peuples,
exercées par une caste bureaucratique qui ne rêvait que d'un retour
au capitalisme.
Le productivisme qui conduisait le PCF et la CGT à mener des campagnes
au nom du "produisons français", ou à défendre
le choix de l'énergie nucléaire, n'a rien à voir avec le
marxisme
C'est la conséquence de leur adaptation, leur intégration
à la société capitaliste et, sur le fond, leur renoncement
à la perspective d'une révolution sociale.
Nous n'avons pas à nous sentir comptables de l'expérience désastreuse,
entre autre en matière d'écologie, des régimes ou des partis
qui s'étaient proclamés socialistes mais qui ne l'étaient
en rien. Nous ne sommes pas comptables non plus des errements théoriques
des staliniens ou des théoriciens de la social-démocratie
nous n'avons pas à rompre avec leur " interprétation du socialisme
", car ce sont eux qui rompu avec la perspective socialiste
Si, à cause de ses défaites du mouvement ouvrier et révolutionnaire,
des trahisons, tous les mots qui servent à nous définir sont marqués
par l'histoire, il nous faut en comprendre et en expliquer les causes. Mais
il ne s'agit pas de changer "d'interprétation du socialisme"
en ignorant le contexte de la lutte des classes dans lequel staliniens et sociaux
démocrates ont imposé leur mainmise sur le mouvement ouvrier et
vidé de tout contenu le marxisme révolutionnaire.
Les camarades de l'écosocialisme ne font pas que
dénoncer les errements du "socialisme réel", ils prennent
aussi leur distance avec ce qu'ils appellent "le socialisme première
version" dont on se demande bien ce qu'il peut recouvrir. Et on ne
peut que constater qu'ils cèdent aux arguments polémiques des
courants écologistes hostiles au mouvement ouvrier et révolutionnaire,
qui en faisant l'amalgame avec mauvaise foi, entre Marx, Engels, le parti communiste,
l'URSS, accusent le marxisme d'être foncièrement productiviste
Sans leur donner entièrement raison, Michael Lowy reprend quand même
en partie leur argument dans l'article déjà cité :
" (
) on trouve souvent chez Marx et Engels (et encore plus
dans le marxisme ultérieur) une tendance à faire du "développement
des forces productives" le principal vecteur du progrès, et une
posture peu critique envers la civilisation industrielle, notamment dans son
rapport destructeur à l'environnement ". Et il poursuit
en appelant les marxistes à une " rupture radicale avec
l'idéologie du progrès linéaire et avec le paradigme technologique
et économique de la civilisation industrielle moderne "
(6). Parler d'une " idéologie du progrès
linéaire " du marxisme, c'est confondre Marx avec la vision
stalinienne ou maoïste qui ne sont pas des erreurs de compréhension
mais correspondent à la défense des intérêts de couches
sociales privilégiées, castes bureaucratiques alliées à
la bourgeoisie ou à la petite bourgeoise nationale contre les travailleurs
et les paysans pauvres.
Actualiser le programme socialiste, c'est justement le débarrasser de
toutes les caricatures que les courants se réclamant de lui ont pu faire,
consciemment ou pas, pour pouvoir se réapproprier toute la radicalité
de la critique de fond du mode de production capitaliste.
Le marxisme n'est pas un dogme dont il faudrait faire l'exégèse
pour aboutir finalement à plusieurs interprétations possibles,
une plutôt productiviste et une plutôt pas
.
Le socialisme scientifique de Marx repose sur l'intégration des données
de la science à la gestion de l'ensemble de la vie sociale. Marx s'est
appuyé sur les données des sciences de son temps, non pas au nom
d'une croyance aveugle dans un progrès des sciences devant permettre
de maîtriser la Nature, mais au sens d'une compréhension des mécanismes
qui régissent la vie sous ses multiples facettes pour la mettre au service
du combat pour la satisfaction de l'ensemble des besoins humains. Les données
de l'écologie en tant que science, loin d'être contradictoires
avec ce socialisme scientifique, s'y intègrent parfaitement. Et ces nouvelles
données scientifiques modernes ne font que renforcer, préciser,
les contradictions du capitalisme décrites par Marx.
Même si à leur époque la crise écologique était
loin d'avoir atteint le point de non retour actuel, même si, tout simplement,
l'écologie en tant que science n'en était pas encore à
pouvoir décrire l'ensemble des interactions jouant à l'échelle
de la planète, et encore moins les impacts des activités humaines,
c'est dans la description que Marx et Engels ont pu faire du capitalisme qu'a
été posé sur le plan théorique le fait que le capitalisme
est irréconciliable avec une prise en compte des cycles naturels. C'est
cette critique qu'il faut nous réapproprier, qu'il faut actualiser en
la confrontant au développement pris par le capitalisme dans sa fuite
en avant pour surmonter ses contradictions internes.
La
confusion entre écologie et écologie politique
Refonder, réviser le marxisme le programme socialiste au nom de l'écologie
ne fait en réalité qu'atténuer la radicalité de
sa critique car l'utilisation du terme écosocialiste vise sur le terrain
politique à proposer " une stratégie d'alliance entre
les "rouges" et les "verts" -non au sens politicien étroit
des partis sociaux-démocrates et des partis verts, mais au sens large,
c'est-à-dire entre le mouvement ouvrier et le mouvement écologique-
et de solidarité avec les opprimés et exploités du Sud.
"(7)
Mais cela ne fait que rajouter à la confusion. Car parler de deux courants,
le mouvement ouvrier et socialiste et le courant de l'écologie politique,
en les mettant sur le même plan, revient surtout à faire des concessions
à ce dernier.
Le courant écosocialiste, en voulant introduire "à part égale"
l'apport des courants écologiques, quitte le terrain de la lutte des
classes pour une vision "éthique" du socialisme. Le socialisme
est pour nous l'aboutissement de la lutte des classes poussées à
son terme, issue inéluctable, justement, parce que le capitalisme est
incapable de surmonter les contradictions internes qui le travaillent.
Le socialisme ne peut reposer que sur le développement des sciences et
des techniques sous le contrôle démocratique de la population,
pour permettre une réelle planification à l'échelle internationale,
et vu la situation actuelle, une telle planification n'est possible que sur
la base d'un gigantesque essor des forces productives. Il ne s'agit pas là
des "scories productivistes" du marxisme, et il faut se poser
la question de la nature d'un tel essor. Car il s'agira d'être capable
de réorganiser tout l'appareil productif sur la base d'autres critères,
choisis consciemment, démocratiquement, que les critères économiques
productivistes actuels, qui sont ceux d'une économie marchande reposant
sur la recherche du profit, de la rentabilité économique.
Et pour cela, le socialisme devra libérer la science et la technique
des carcans que lui impose la société capitaliste, qui en orientent
pour une large part les objectifs de recherche et les applications. Mais il
n'y aura pas de socialisme possible sans une formidable impulsion donnée
par les progrès de la connaissance humaine.
Et puis surtout le terme écosocialiste introduit une confusion entre
l'écologie, comprise comme une science, qui est pour nous indispensable
pour comprendre les enjeux de la période actuelle, et l'écologie
politique qui est un courant qui a ses orientations, sa stratégie et
qui ne se situe pas sur le même terrain social que nous. C'est d'ailleurs
toute l'ambigüité des courants de l'écologie politique qui
utilise le nom d'une science, "l'écologie", pour désigner
leur courant politique.
L'écologie, " la plus humaine des sciences de la Nature "
pour reprendre l'expression de JP Deléage, est avant tout une approche
scientifique de la complexité des interactions entre les différentes
composantes du monde vivant, de notre planète et en y incluant les activités
humaines qui y pèsent d'un poids de plus en plus grand. Se dire "écologiste"
aujourd'hui semble être devenu une évidence pour tous, d'ailleurs
tous les gouvernements le sont devenus, tellement les données de cette
jeune science s'imposent à tous, malheureusement avant tout par le constat
des ravages occasionnés par la mondialisation capitaliste et ses conséquences.
Intégrer
l'écologie à la question sociale
La crise écologique ne pourra que s'aggraver si la société
reste gouvernée par la folie aveugle des lois du marché, reste
dominée par l'égoïsme de classe des parasites de la finance.
Elle ne peut pas être résolue dans le cadre du capitalisme. Car
pour la résoudre, la société humaine devra se donner les
moyens d'organiser consciemment, démocratiquement, l'ensemble de l'économie
mondiale, pour satisfaire les besoins réels des populations tout en tenant
compte des ressources de la planète.
Prendre en compte les données de l'écologie implique d'introduire
la raison, la conscience dans le domaine où les économistes, défenseurs
des lois du marché, théorisent son absence : l'économie
!
C'est pour cela que la question écologique est pleinement partie intégrante
du combat pour la transformation révolutionnaire de la société,
parce qu'y répondre implique une remise en cause de toute la logique
économique actuelle, c'est-à-dire le socialisme.
Oui, la question écologique n'est pas un supplément d'âme,
elle est au cur des conditions de travail et de vie des salariés.
Notre combat est une lutte pour créer les conditions qui permettront
l'amélioration des conditions de vie de la population, ce qui implique
tout autant l'accès aux biens matériels indispensables pour vivre,
que la préservation et l'amélioration de l'environnement dans
lequel nous vivons. Ce double objectif est d'autant plus indissociable qu'il
s'agit, pour l'atteindre, de s'en prendre aux mêmes responsables :
les classes dirigeantes qui contrôlent l'économie mondiale, comme
les États qui sont à leur service.
C'est dans la remise en cause du pouvoir de ces classes dominantes que le combat
contre la crise sociale et le combat contre la crise écologique se rejoignent
en une lutte commune pour l'expropriation des multinationales pour se donner
les moyens de mettre en place un développement maîtrisé
reposant sur une planification démocratique, c'est-à-dire une
économie réellement socialiste.
C'est pour cela aussi que, face à la crise écologique, il ne s'agit
pas, comme le défendent plus ou moins tous les courants se revendiquant
de l'écologie politique, de produire moins mais bien de produire mieux
sur la base d'un essor des sciences et des techniques. Et c'est bien cela le
socialisme, créer les conditions pour une planification démocratique
et consciente de l'économie qui seule peut permettre d'intégrer
réellement toutes les données de la science, dont celles de l'écologie
scientifique.
Les camarades se revendiquant de l'écosocialisme posent à juste
titre l'urgence de la question écologique et la nécessité
de l'intégrer dans notre programme socialiste. Mais finalement ils ne
vont pas jusqu'au bout du problème qu'ils ont posé. Rajouter un
préfixe " éco " non seulement ne suffit pas
mais est, en réalité, porteur de beaucoup de confusion politique,
parce que plus qu'une actualisation du programme socialiste, il est un compromis
avec d'autres courants politiques.
Mais le problème posé est réel et mérite un débat
d'idées car il s'agit de dépasser le simple fait de rajouter,
comme une pièce rapportée, une contribution écologiste
à notre programme. Redonner toute sa radicalité à la critique
du mode de production capitaliste implique d'y intégrer les causes de
la crise écologique comme conséquence des contradictions internes
du capitalisme mondialisé et d'y intégrer aussi nos réponses
à cette crise, qui passent par la remise en cause de la propriété
privée des grands moyens de production et par leur réappropriation
collective pour permettre une réelle planification démocratique
de l'économie.
Intégrer la question écologique au socialisme réactualise
la critique que Marx a pu faire du capitalisme dans ce qu'elle a de plus fondamental,
philosophique : la critique de l'aliénation et de la perversion
qu'il a généré dans les rapports entre l'Homme et la Nature.
En ce sens, le socialisme est écologique parce qu'il crée les
possibilités d'une société humaine pleinement consciente
de faire partie intégrante de la Nature.
Bruno B.
(1)
" Manifeste écosocialiste international ", consultable sur
le site : http://www.europe-solidaire.org
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(2) Michael LOWY, " Qu'est-ce que l'écosocialisme ? " publié
dans " Ecologie et socialisme ", Syllepse, Paris, 2005. aussi consultable
sur le site : http://www.europe-solidaire.org
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(3) François CHESNAIS, Claude SERFATI, chapitre " Ecologie et reproduction
sociale " dans " Capital contre nature ", sous la direction de
J-M HARRIBEY et M LOWY, Actuel Marx Confrontations, Paris, 2003 - retour
(4) F. Chesnais, C. Serfati, op. cit. - retour
(5) F. Chesnais, C. Serfati, op. cit. - retour
(6) M. Lowy, op. cit. - retour
(7) M. Lowy, op. cit. - retour