Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°210
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24 décembre 2008
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" Joyeux
Noël dans la rue ! ", c'est avec ce slogan que la jeunesse
grecque défie le gouvernement de Karamanlis qui espère que les
vacances de Noël fassent retomber le mouvement de révolte qui enflamme
le pays depuis plus de deux semaines.
Mais face à la mobilisation massive des jeunes qui progressivement s'organise,
se coordonne, avec plus de 700 lycées et collèges et une centaine
d'universités occupées à la veille des vacances et des
manifestations quotidiennes, il est pour l'instant incapable de contenir la
révolte, de ramener "l'ordre public" malgré une
répression très dure.
Le meurtre d'un adolescent de 15 ans, froidement abattu par la police le 6 décembre
à Athènes, a mis le feu aux poudres, catalysant l'indignation
et la colère d'une génération que le système capitaliste,
aujourd'hui en crise, prive de toute perspective d'avenir. La "génération
à 600 euros", celle des boulots mal payés et du chômage
de masse, se dresse contre l'ordre policier, la marchandisation de l'Education,
les restrictions budgétaires, les privatisations, la dégradation
générale du niveau de vie, orchestrés par un gouvernement
discrédité par les scandales et la corruption et qui s'attache
à sauver les privilèges de la bourgeoisie sur le dos des classes
populaires. Sans illusion sur le parlementarisme et l'alternance, elle n'attend
rien de la gauche libérale grecque qui n'a d'autre réponse à
la révolte que d'appeler à de nouvelles élections avec
les mêmes objectifs que l'équipe au pouvoir : ramener la paix
sociale.
Dans son refus de se résigner, de se soumettre à la logique de
la rentabilité et du profit, la jeunesse grecque rencontre le soutien
et la solidarité des travailleurs et de la population et ouvre la voie
d'un mouvement de contestation sociale et politique global. C'est ce qu'on a
pu mesurer avec la participation massive des travailleurs, tous secteurs confondus,
à la journée de grève du 10 décembre.
" Des cadeaux pour les banques, mais des balles contre la jeunesse :
l'heure est venue de prendre nos affaires en main ! ". Prendre
nos affaires en main, refuser de payer la facture de la crise économique,
contester la domination de la finance, oser s'attaquer au fondement même
de la crise qu'est la propriété capitaliste et financière,
pour imposer notre propre plan de sauvetage, là est l'enjeu d'une mobilisation
générale du monde du travail et de la jeunesse.
Dans cette perspective, l'intervention de la jeune génération
est un facteur décisif.
Partout en Europe, le mouvement de politisation d'une large fraction de la jeunesse,
scolarisée comme salariée et précaire, qui s'est nourrie
de toutes les expériences de luttes de ces dernières années,
s'approfondi. Le désaveu flagrant de la propagande libérale par
la faillite du système lui-même accélère les maturations
politiques.
De nombreux jeunes travailleurs, intellectuels aussi, sont amenés à
chercher des réponses dans lesquelles leur révolte puisse trouver
sa mesure, à transformer leurs aspirations en perspectives pour leur
avenir, l'avenir de la société, et entraînent avec eux la
génération de leurs aînés menacés de perdre
leur emploi, leur statut, leur logement...
Sarkozy, comme l'ensemble des dirigeants en Europe, prend peur. Il craint une
contagion de la révolte de la jeunesse grecque à la jeunesse française
traversée par les mêmes évolutions, porteuse d'une même
colère. C'est ce qui explique son recul et l'annonce par Darcos du report
puis d'une " reprise à zéro " de sa
réforme face à la mobilisation montante des lycéens au
côté des enseignants et des parents et le risque que les mécontentements
convergent dans la lutte. C'est un aveu de faiblesse du pouvoir qui craint plus
la rue qu'il ne veut le montrer. Mais la manuvre n'a dupé personne.
La veille des vacances, la mobilisation s'est au contraire amplifiée.
Déstabilisé, Sarkozy a des difficultés à faire passer
la suite de ses réformes comme celle sur le travail du dimanche. Une
brèche est ouverte. La possibilité de stopper l'offensive du gouvernement
et du patronat, de renverser le rapport de force, est d'actualité, encouragé
par cette première victoire. Les lycéens montrent la voie. La
lutte n'est pas finie. La reprise de la mobilisation annoncée dès
le 8 janvier dessine une nouvelle séquence de lutte commune avec les
enseignants et les parents contre la casse de l'Education, la suppression des
milliers de poste de prof et des RASED. Dans ce contexte, la journée
de grève intersyndicale et interprofessionnelle du 29, première
échéance de lutte face à la crise, première occasion
pour le monde du travail de répondre aux plans de sauvetage des banques,
au chômage technique, aux licenciements en chaîne, prend une autre
tournure, pose la question de la convergence des luttes. La jeunesse mobilisée
est un des vecteurs de cette convergence, comme l'est la mobilisation des enseignants
du primaire et des parents d'élèves pour la défense de
l'école, comme doit le devenir la lutte contre les licenciements, le
chômage et la précarité ou celle pour les salaires.
La mobilisation de la jeunesse comme toutes celles qui ont eu lieu ces dernières
semaines contribuent à créer les conditions d'un mouvement d'ensemble,
d'une grève générale politique. Les rendez-vous fixés
pour le début de 2009 et en particulier la journée du 29 à
laquelle appellent toutes les organisations syndicales, sont autant d'étapes
vers cette grève générale nécessaire pour changer
le rapport de force. Autant d'étapes pour que les travailleurs et la
jeunesse reprennent confiance en eux, retrouvent le chemin de l'organisation,
de l'action politique collective en toute indépendance des partis institutionnels.
C'est la seule réponse progressiste et démocratique à la
crise dans laquelle les classes capitalistes plongent le monde.
La semaine dernière, Sarkozy, lucide face à la crise politique
qui se développe, s'inquiétait : " Il ne faudrait
pas qu'on ait un mai 68 européen en plein Noël ! ".
Mais c'est bien plus qu'un nouveau mai 68 qui est en germe, c'est le renouveau
des luttes de classe en rupture avec un système capitaliste en faillite,
la renaissance d'un mouvement ouvrier révolutionnaire. Le basculement
que connaît le monde avec la crise mondiale et globale les rend plus que
jamais nécessaires mais aussi et surtout possible et urgente.
La jeunesse est un facteur essentiel de cette renaissance. Elle a, une nouvelle
fois, répondu présente. L'enjeu de l'année qui s'annonce
sera de l'aider à prendre sa place dans la construction de l'instrument
nécessaire à ses luttes comme à celles de l'ensemble du
monde du travail, un parti anticapitaliste, un parti des travailleurs qui, par
delà les frontières, portent la perspective de l'émancipation
de tous les opprimés. Dans cette bataille, la préparation du congrès
de fondation du NPA sera une date important, un moment pour unir les forces
qui veulent agir dans ce sens.
La fin de l'année 2008 nous donne bien des raisons d'espérer.
Alors, bonne fin d'année à toutes et tous et, par avance, tous
nos vux pour que 2009 voit fructifier les germes semés
Clarisse
Fango