Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°213
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4 février 2009
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Le congrès du NPA, au moment où tout peut basculer
Vendredi 6 février, et pour trois jours,
va s'ouvrir le congrès fondateur du NPA.
Une semaine après la journée de grèves et de manifestations
du 29 janvier, au cours de laquelle deux millions et demi de manifestants, dans
les rues de plus de 200 villes, ont crié leur colère et leur révolte
contre les responsables de la situation économique et la politique du
gouvernement à leur botte, et affirmé haut et fort leur refus
de payer " leur crise ".
Par cette journée de manifestations, le monde du travail a inauguré
à sa façon le Forum économique mondial de Davos qui commençait
le lendemain et où les grands de ce monde ont pris l'habitude de se retrouver,
une fois par an, pour parler affaires et s'auto-congratuler sur leur puissance
et leur richesse. Mais cette année, d'après la presse, "
présidents, ministres et patrons ont eu du mal à cacher leur
désarroi [
] face à une crise qui menace la mondialisation
tant célébrée année après année dans
la station de sports d'hiver suisse ". Il parait même que "
l'ambiance du rendez-vous de l'élite mondiale de la politique et des
affaires a été cette année plus sobre, avec des soirées
moins fastueuses et des buffets revus à l'économie "
D'une part, les masses de salariés, de jeunes, de retraités, dans
la rue, exprimant leur opposition à la politique de Sarkozy et du patronat
; d'autre part, à l'abri des hôtels de luxe de Davos, protégés
par une nuée de flics et de militaires, une poignée de "
décideurs " économiques et politiques impuissants face à
une situation qui leur échappe
Une image en raccourci de la crise
sociale et politique qui se développe, conséquence de la crise
financière et économique qui s'aggrave jour après jour.
Une image du contexte politique et social dans lequel vont se dérouler
les débats de notre congrès, et qui en définit clairement
les enjeux.
"
Aux riches de payer leur crise ! "
Le nombre de manifestants, la diversité des secteurs représentés,
avec de nombreux salariés d'entreprises privées, la colère
qui se manifestait dans les slogans, les pancartes et banderoles, sont le signe
que l'idée qu'il n'y a pas d'autre solution que d'imposer par la lutte
nos propres revendications, fait son chemin dans la conscience de bien des travailleurs
L'idée aussi de la nécessité de la convergence des luttes,
d'un grand " tous ensemble ". Aux appels du gouvernement à
se " serrer les coudes ", les travailleurs répondent en exigeant
des salaires décents, le maintien des emplois dans le public comme dans
le privé, la fin de la casse des services publics
Cette évolution des consciences vient de connaître un saut qualitatif,
un basculement qui pose les premiers jalons d'un changement du rapport de force.
Un nouveau sentiment collectif est né. Dans la grève et dans la
rue, des centaines de milliers de femmes, d'hommes, de jeunes, se sont retrouvés
pour partager leur colère et leur révolte. Ils ont, ensemble,
franchi un nouveau pas pour conquérir leur indépendance politique.
Le mouvement de décembre des lycéens et des enseignants, soutenus
par les parents d'élèves, préparait cette étape.
Et c'est bien parce que les confédérations syndicales avaient
pris acte de cette radicalisation qu'elles avaient alors décidé
d'appeler en commun à la journée de grève et de manifestations
du 29 janvier.
Une journée dont se sont emparés militants et salariés
pour en faire un immense mouvement de protestation. Et bien que le slogan "
la crise c'est eux, la solution c'est nous tous " des banderoles
de tête ne soit pas sans ambiguïté - il est bien évident
que le gouvernement et le patronat n'ont pas d'autre " solution "
à la crise que " nous tous ", aggraver nos conditions d'exploitation
en " gardant le cap des réformes ", comme l'a dit Fillon
-, pour l'immense majorité des manifestants, le sens profond ne faisait
aucun doute : aux riches de payer leur crise !
Le PS a profité de l'occasion pour tenir une des promesses d'Aubry lors
de sa campagne pour la direction du PS : retourner dans les manifs. Tant mieux.
Mais le " plan de relance " que le PS oppose à celui de Sarkozy,
et qui n'est qu'une autre façon de faire la même politique, ne
trompe personne, comme en témoignent les réactions narquoises
de bien des manifestants à l'égard des dirigeants du PS présents
dans les manifs.
Le succès de la journée du 29, la force du ras-le-bol social qu'elle
exprime, montre à quel point les conditions seraient réunies pour
faire reculer le gouvernement, le contraindre à remballer ses réformes.
Mais les directions des confédérations syndicales, fidèles
à leur politique de " dialogue social " et de " syndicalisme
de proposition " ne l'entendent pas de cette oreille : on nous explique
qu'il faut que Sarkozy " entende " les " demandes de
la population ", et qu'il consente, dans les " discussions
à venir ", à les " prendre en compte ".
L'intersyndicale, qui s'est réunie lundi 2 pour envisager la suite, a
décidé, comme on pouvait s'y attendre, " d'agir dans la
durée "
C'est-à-dire d'attendre le discours de
Sarkozy jeudi, puis de se réunir à nouveau pour envisager l'éventualité
d'une nouvelle journée d'action qui, au mieux, aurait lieu début
mars. Comme le dit Maryse Dumas, de la CGT, " on veut bien faire comprendre
au gouvernement que la balle est dans son camp ". On ne saurait mieux
définir la politique des confédérations : laisser, en permanence,
l'initiative au gouvernement
Quelle dérobade !
Les enseignants-chercheurs des universités, rejoints par endroits par
les étudiants, en ont décidé autrement. Ils ont manifesté,
lundi 2, et appellent à la grève reconductible et à des
manifestations contre les attaques de Pécresse.
Le mouvement qui a manifesté sa force dans la rue en France le 29 est
loin d'être isolé. En Espagne, en Angleterre, en Russie, des travailleurs
manifestent contre la politique des gouvernements face à la crise. La
Guadeloupe est paralysée pour une grève générale
pour le " pouvoir d'achat " depuis une quinzaine de jours
Tout est en train de basculer et l'enjeu des batailles politiques est de donner
au mouvement conscience de sa force, de la légitimité de ses exigences.
Il est l'occasion, face aux politiques des classes dominantes, de formuler ensemble
une autre perspective, de mobiliser les moyens de la mettre en uvre.
Davos,
ou le capitalisme dans l'impasse
Et c'est une des craintes qui s'est fortement exprimée à Davos.
Evoquant la journée de grève du 29 en France, Kofi Annan commente
: " Il y a de la peur, il y a de la colère "
La
peur des patrons et de leurs amis face à la colère des exploités.
La ministre des finances, Lagarde, juge que " La situation actuelle
comporte deux risques majeurs : des troubles sociaux et le protectionnisme
". Pour faire face aux troubles sociaux, elle préconise : "
Nous devrons indiquer trois ou quatre sujets sur lesquels nous agirons et
pas seulement sur lesquels nous serons d'accord "
, ajoutant,
avec le mépris social qui la caractérise, qu'il faudrait que ces
mesures soient " vendables en termes politiques " aux " opinions
publiques "
Une anticipation, certainement, du " plan
de relance en 1000 points " que Fillon a essayé de vendre lundi
à Lyon.
Du point de vue des solutions concrètes à la crise, les participants
au Forum n'ont finalement pu que constater, une fois de plus, leur impuissance
face à la situation dont ils sont responsables. C'est le système
capitaliste dans son ensemble qui est remis en cause, y compris dans l'esprit
de ses propres défenseurs.
Ce que confirme l'intervention de Tony Blair qui se sent obligé d'affirmer
que " le système financier a failli, mais pas le concept de la
libre-entreprise "
Et plus encore celle du président de
la banque HSBC qui a prévenu que " Les principales victimes (d'un
abandon du capitalisme) seraient les marchés émergents, les pays
pauvres qui dépendent de l'investissement étranger "
Que le patron d'une des plus grosses banques mondiales en vienne à envisager
" un abandon du capitalisme " et se sente tenu d'en contester
la validité donne la mesure de la façon dont le grand patronat
envisage la gravité de la crise et des ses implications, et de la frousse
qu'il en a.
Denis Kessler, patron de la société d'assurances SCOR et dirigeant
du MEDEF, écrit dans les Echos du 26 janvier : " Il n'y aura
pas de rebond, de sursaut ou même de frein à la crise en 2009.
Cette crise n'est pas conjoncturelle, il ne s'agit pas d'une des fluctuations
issues du cycle des affaires classique. Nous vivons une crise historique, au
sens fort du terme. Nous sommes à un nud de l'histoire, qui voit
s'achever la longue phase commencée après la Seconde Guerre mondiale
et dont l'issue sera une nouvelle phase, profondément différente,
qui marquera la première moitié du XXIe siècle. C'est la
première crise globale, tous les secteurs, tous les pays, tous les continents
sont concernés. C'est la conséquence de l'intégration réalisée
depuis vingt ans de tous les pays dans l'Economie Monde, de l'élargissement
et de l'interconnexion de tous les marchés des produits, des services,
des capitaux. "
Voilà qui résume d'une façon claire la situation, du point
de vue du capitalisme : il n'y aura pas de rémission à la crise,
la purge ira jusqu'au bout sans que quiconque puisse s'y opposer
Sous
entendu, il n'y a pas d'autre solution, pour nous capitalistes, que d'attendre
que ça passe, en essayant de sauver ses meubles
Mais la crise, c'est le chômage qui monte de façon vertigineuse,
nourrissant la contestation sociale. Une estimation récente du BIT (Bureau
international du travail) et de l'OCDE évalue qu'il y aura entre 20 et
25 millions de chômeurs de plus dans le monde d'ici à 2010, avec
un record de 210 millions de personnes fin 2009. Et selon les chiffres "
officiels " du gouvernement, le nombre d'inscrits à l'ANPE aurait
augmenté de plus de 200 000 en 2008, dont plus de 45 000 en décembre.
Alors, ajoute Kessler, " la situation n'en est pas moins pleine de dangers
pour le capitalisme lui-même,
il faut éviter que la crise
ne dégénère, car cela pourrait se traduire, hélas,
par la montée de tensions et de conflits, de toute nature... Comme souvent
dans ce genre de situation, l'Histoire hésite actuellement entre la voie
salutaire de la coopération et la voie suicidaire de la confrontation
"
Un parti pour
la lutte de classe, jusqu'au bout
Bien au-delà du symbole, la coïncidence de la journée du
29 et de forum de Davos, constitue un " état des lieux "
social, économique, politique de la situation, la réalité
de deux mondes fondamentalement opposés, dans un contexte de crise qui
accentue les contradictions, les met au grand jour.
En patron conscient de ses intérêts, Kessler pose parfaitement
l'alternative politique qui est ouverte : ou la " coopération
", le dialogue social, autrement dit la collaboration de classe, l'assujettissement
de nos intérêts de salariés à ceux du patronat ;
ou la " confrontation ", l'affrontement de classe, seule solution
pour imposer un véritable plan d'urgence sociale, pour leur faire payer
leur crise.
C'est à cette seconde alternative qu'il s'agit de donner un contenu politique
et organisationnel concret, et c'est un des enjeux de notre congrès :
construire un parti qui soit en même temps l'expression et l'instrument
de la montée sociale qui est en train de se construire et qui, avec des
hauts et des bas, progresse indiscutablement.
Un parti pour préparer l'affrontement social auquel la situation sociale
et politique conduit inexorablement, tout simplement parce que la question du
pouvoir se pose de façon inexorable. La question de qui décide,
d'une minorité de parasites impuissants et sujets au " désarroi
", ou de l'immense majorité de la population, celle qui produit
toutes les richesses.
Dans ce contexte, le congrès de fondation du NPA prend toute sa signification
dans la perspective d'un renouveau démocratique et révolutionnaire
du mouvement ouvrier.
Eric
Lemel